Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at |http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl
'-M
»),
\
r
1
SOCIÉTÉ DÉPARTEMENTALE
D'ARCHÉOLOGIE & de STATISTIQUE
©E L<A 'D'ROtME
TOME TRENTIÈME
VALENCE. — IMPRIMERIE JULES CE AS ET FILS
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ ^É'Pq4%TE^EV^Tq4LE )
D'ARCHÉOLOGIE
ET
DE STATISTIQUE
DE LA DROME
Colligite ne pereanl.
TOME TRENTIÈME
"Uai LEU^CE
AU SECRÉTARIAT DE LA SOCIÉTÉ, RUE FARNERFE, ;
M.DCCC.XCVl
Notes listorlpes
VIGNOBLES DE SAINT-PÉRAY
I
Les travaux de M. de Saporta, relatifs aux tufs quater-
naires de la Provence, ont prouvé l'existence de la vigne
sur le sol du midi de la France, bien des siècles avant
l'apparition de l'homme. La culture de la vigne a seule
pour berceau l'Orient.
Les peuplades préhistoriques de la Gaule n'ont pas
connu le vin. Dès l'époque robenhausienne, nos aïeux fa-
briquèrent des boissons alcooliques avec des graines de
framboise ou de mûre. La viticulture, créée d'abord en
Egypte et en Asie, ne tarda pas à se propager en Grèce,
d'où elle fut introduite graduellement dans l'Occident.
Lors des conquêtes de Jules (xsar, la Gaule Narbonnaise
possédait de nombreux vignobles. La culture de la vigne
aurait été enseignée dans notre patrie par les Phocéens
qui fondèrent Marseille (600 av. J.-C).
6 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Durant la domination romaine, les vins de la Gaule
étaient recherchés en Italie. Pline cite parmi les meilleurs
ceux de Vienne (Isère), d'Auvergne et du territoire de Sens.
L'empereur Domitien fit arracher les vignes des Gaules,
à la suite d'une mauvaise récolte de blé et de vendanges
exceptionnellement belles (92 ap. J.-C). Cette proscription
non justifiée dura près de deux siècles. Cest à l'empereur
Probus que l'on est redevable de la grande extension des
plantations de vigne ; il révoqua l'édit du frère de Titus
(281 ap. J.-C).
Avant le XVP siècle, il est matériellement impossible
de recueillir des données certaines sur les vignobles qui
ont pu être constitués dans une localité déterminée. Nous
pourrons citer quelques textes anciens relatifs à St-Péray
et surtout à ses environs.
Le i3 juillet 928, Rostaing donna une vigne au monas-
tère de Cluny : « in pago Valentinensi, in villa que dicitur
Ur ; est autem vinea cum olca et mansione, sicut fuit Ar-
fredi ; terminât autem a cercio vinea Geraldi et Gausberti,
et ex alia parte via publica ; de alia parte rivo currente
Merd(alia) (i). » Ce ruisseau est probablement le Merda-
rie, affluent du Mialan, torrent arrosant St-Péray.
Le bref d'obédience des chanoines de Viviers, sans doute
du X* siècle, renferme la phrase : « Galbertus tenet eccle-
siam sitam in Cornatico cum vinea et campo (2). » Corna-
ticum, c'est Cornas.
Arricius et son épouse Emma (943), Robert et sa
femme Théoburgis, peu de temps après, firent des dons de
(1) Cartulaire de Cluny, t. !•', pp. 345-6.
{2) Collection Michaud et Poujoulaty t. XVIII, p. 239. — A. Mazon, Voyage
autour de Crussol; p. 24g.
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES 7
biens immobiliers, à Tabbaye deSt-ChafFre du Monastier.
Ces biens sont situés dans la viguerie de Soyons « in vica-
ria Subdiotiense » ou « Soionense ». Malheureusement ils
ne sont pas détaillés. La seule mention intéressante qu'on
relève dans l'un des actes est celle de la pilla Arits, sise
au-dessous du château de Crussol (i).
Le 3o juin 966 ou 962, Geilin, comte du Valentinois,
et son épouse Gotbeline, donnèrent à la même abbaye la
villa « quae dicitur Cornatis » ou de Cornas, consistant
en « colonica una, et est macheria vetusta, terra culta et
inculta (2). »
Nous lisons à la date du i®' août 968 ou 969, la dona-
tion consentie par Samuel et sa femme Adalgude de la
Pilla Girana^ située à St-Péray près du quartier des Pu-
tiers : « hoc est mansiones cum curtis, hortis, exaevis, et
pinea et pecia de campo et sylvis et caeteris adjacen-
tibus (3). »
Durant les dernières années du X® siècle, une femme
nommée Burgada « quaedam femina nomine Burgada »,
abandonna une vigne dépendant de la aptcaria Soionensin^
et faisant partie de la « villa Silvinis (4). »
Au mois d'octobre ggS ou 1000, Léotard coiicéda une
partie de la villa de Cornas « unum clausum IIII mansos
valentem de sua hereditate, et in alio loco peciam de pi-
nea (b). » A une époque inconnue, ce même Léotard fit
présent à son frère, moine de St-Chaffre, de « vineam
(i) Ulysse Chevalier, Cartulaire de Vabhaye de St^Chaffre du Monastier,
pp. II 1-2.
(2) Ibid., p. 112.
(3) Ibid., p. 112. — Mazon, Op, /., p. 352.
(4) Chevalier, Op. /., p. 113.
(5) Ibid,, p. 113.
8 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
unam in eadem villa Cornatis, valentetn unum man-
sum (i). »
A une date incertaine, peut-être le 26 mars 886 (?),
David et sa fille Poncia avaient donné des « mansos, hor-
tos, vineas, campos cum aliis adjacentiis ad possessionem
pertinentibus », sises dans la même ville de Cornas (2).
La vigne est cultivée à Cornas depuis mille ans au
moins. Cette constatation serait plus intéressante encore,
si au IX® et au X® siècle, on avait eu l'excellente habitude
d'indiquer les confronts. Nous pourrions actuellement
nous assurer si les vignes citées étaient isolées ou bien si
une notable portion du territoire de Cornas était destinée
à une exploitation de cette nature. La vigne des bords du
Merdaric, à St-Péray, était confrontée par deux autres
vignes, par une route et par ce ruisseau. Son emplacement
est occupé de nos jours par le faubourg Coupler, à ce que
nous pensons.
Malgré d'activés investigations, nous n'avons pas pu re-
cueillir un seul fait pour une période de plus de quatre
cents ans. Le 23 septembre 1415, les chanoines de St-
Apollinaire de Valence vendirent, moyennant «xliiii*** flo-
renos, xii grossis pro uno floreno in dicta summa compu-
tatis », une vigne dépendant de la succession de l'ancien
chanoine Arnaud de Macello (Dumazel), et qui leur avait
été léguée par ce dernier. Cette vigne était « sitam in man-
damento Cornasii, loco dicto in Clausomedio, confronta-
tam a parte orientis juxta iter publicum quo itur de dicto
loco Cornasii apud Sanctum Petrum Ay et a parte venti
juxta vineam Johannis Vincenciî et a parte occidentis cum
(i) Ibid., p. 114.
(2) Ibid,^ p. 114.
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES g
ptneaGontti de Rivo et a parte bone ]uxxaiPtneam Arnaudi
de C.alma (i). »
Les minutes des anciens notaires de Crussol, de St-
Péray, de Durtaii et de Cornas ayant été détruites, les re-
cherches relatives au présent mémoire sont fort difficiles.
Les documents rédigés au moyen âge, au sujet de Saint-
Péray et de ses environs, sont très peu nombreux. Nous
avons trouvé parmi eux diverses mentions assez vagues.
Un acte de iSgr stipule une censé de 7 deniers obole et
nous révèle qu'à Soyons les acquéreurs de biens immobi-
liers étaient tenus, selon la coutume locale, d'acquitter une
censé double de la censé annuelle (2). Les quelques con-
trats de vente de cette époque que nous avons lus ne con-
cernent que des terres labourables. L'un d'eux, daté du
12 janvier [872, est relatif à Taccensement, consenti par le
chapitre de Valence en faveur des frères Thomas et André
Vani (?) habitant les Granges « loci GrangiarUm » et reçu
par M** André Champel (Champelli)^ d'une terre et d'une
île contigue, voisines d'une tour aujourd'hui disparue, la
tour des Galbert, « sitas juxta turrim doux Galbers(3). »
Le notaire Guillaume de Bellegarde [de ^elagarda) dressa
un nouvel acte de reconnaissance, le 29 septembre 1376.
Il déclare que cette terre « confrontatur ab oriente cum flu-
mine Roddani {sic)^ de longo ad longum, ab occidente cum
itinere publico quo itur de loco Grangiarum apud Turno-
nem, a borea cum rivo de Milans (4), et insula heredum
(i) Minutes de M* Jean de Sala^ notaire à Valence, f* 138. (Archives dé-
partementales de la Drame, E, 2467).
(2) Comptes du chapitre de St- Apollinaire aux Archives de la Drame,
passtm «
(3) Archives de la Drame, E, 2553, Minutes de M* Félix Bourjac, notaire à
Valence, f» loi.
(4) Le Mialan.
lO SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Pétri Gayoti, brasseria Roddani média. » La censé exigée
est d' « unius quarte fru menti ad mensuram Crusseoli (i).»
En i3qi, nous rencontrons de même la vente de la moitié
d'une terre, située dans le ressort du mandement de Crus-
sol, au lieu dit « in piano sive oe serre prope capellaniam
Sancti Apollinaris de Ruppis » et confrontée par le che-
min dénommé « à la Beoror « allant de St-Péray au
Rhône (2). Les textes du XIV® siècle, concernant les cen-
sés perçues des propriétaires des immeubles non bâtis du
mandement de Crussol, ne nous montrent que des rede-
vances en argent ou en blé.
L'acte de vente de 1416 est relatif à une vigne, située
entre Cornas et St-Péray, environnée d'autres plantations.
On peut admettre que le quartier dénommé « in Clauso-
medio » était couvert, du moins en partie de vignobles.
II
Nous avons retrouvé la taxe du vin faite à Valence de
1496 à 1549, période qui correspond au développement
des vignobles dans la région. Pour les années antérieures
à 1496, nous n'avons pu rencontrer aucune évaluation.
Le prix varie, pour le barrai, de 3 gros 12 deniers à 20
gros, selon les années et suivant l'abondance des récol-
tes (3).
Antérieurement au commencement du XVP siècle, une
(i) Jbid., f» loi.
(2) Inventaire des archives du chapitre de St- Apollinaire, f* 1216. — Le
mot Ruppis est pour Ripis.
(3) Comptes du même chapitre^ années 1496-15 12 et 1 539-1 551, f" 5 et
384. Taxa valoris vini.
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES I I
seule expression fut en usage aux environs de Valence « vi-
num ». Vers j 52o, les termes vin blanc^ vin clairet^ vin noir
ef rott^e apparaissent dans quelques actes. Jusqu'en 1649,
le seul vin taxé officiellement est le vinum^ c'est-à-dire le
vin rouge. Le vin blanc et le vin clairet étaient alors des
vins de luxe.
Le « vin blanc » n'a pas besoin d'être défini. Le « vin
clairet » ou « vin cleiret » était un vin intermédiaire entre
le vin blanc et le vin rouge : « médium inter album et
ruffum (;) ». Sa couleur peut être comparée à celle que
revêtent les vins rouges d'un certain âge. tels que le Tavel
et le Châteauneuf-du-Pape, la couleur « pelure d'oignon ».
Les raisins blancs et les raisins noirs entraient à peu près
par égales parts dans sa fabrication. Quant au « vin noir
et rouge », c'est le vin que nous appelons de nos jours
<i vin rouge ». On ne dit plus actuellement du « vin noir ».
L'adjectif « noir » est resté spécial au raisin. Sauf des cas
exceptionnels, comme lorsqu'il s'agit des chasselas roses
ou de la clairette rose, tout raisin qui n'est pas blanc est
appelé raisin noir, qu'il soit réellement noir, ou simple-
ment d'un rouge foncé.
Pendant un certain temps, on a admis que « le secret de
faire du vin blanc mousseux » avait été découvert par dom
Pérignon, procureur de l'abbaye de Hautevilliers, de 1668
à 1715. Avant les recherches de ce religieux, « on ne savait
faire que du vin paille ou gris {2). » M. Alfred Caraven-
Cachin a démontré, en s'appuyant sur l'édition de iSgi
de V Agriculture et la Maison Rustique^ que dès cette
(1) Nomenclator omnium rerum propria nomina, p. 107.
(3) Congrès archéologique de France, XXVIII* session. Séances générales
tenues à Reims, à LaigUj à Dives et à Bordeaux ^ en 1861, p. 233.
12 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
époque, les vins d'Ay « étaient clairets^ fauvelets^ quasi
tous blancs » et que ceux « de Longuimaux et du Tonne-
rois, appelés vins blancs bourru\^ étaient blancs ». Tout
en constatant que le nom de Dom Pérignon était fort
connu, au point de le faire considérer comme étant le nom
d'un coteau de la Champagne par l'un des commentateurs
de Boileau en 1735, ce savant a prouvé que Tinvention
du vin blanc est antérieure à Tannée i5qi (i). La décou-
verte du vin blanc mousseux pourrait bien être le fait de
Dom Pérignon. Le Nomenclator^ omnium rerum propria
nomina^ etc., imprimé à Anvers en 1667, cite plusieurs
espèces de vins, notamment le vinum Heluolum ou vin
clairet^ le vin moscatel, le vinum rubeum^ etc. Cet ou-
vrage est très complet. Puisque l'auteur ne comprend pas
dans la table qu^il a dressée, table où Ton compte pour le
mot vinum 58 lignes, le vin blanc, c'est que l'usage de ce
vin était inconnu ou très peu répandu. Comme tant d'au-
tres ouvrages, le Nomenclator d'Adrien Junius cesse d'être
exact lorsqu'il s'agit du midi de la France.
Dans cette région, l'usage de faire du vin blanc remonte
au moins au XIII* siècle. La plus ancienne mention, que
nous en ayons rencontrée, est de Tannée ï3oo. Dans un
acte d'échange de cette année-là relatif au prieuré de St-
Robert (Isère), on lit : et Et ordinat quod dicti prior et
conventus Sancti Roberti prœsentes et posteri dent et
solvant annuatim conventui monachorum Cartusiae unam
summatam vini albi^ boni et nitidi. » (2).
A Montélimar, centre très actif de production de vin
(i) Bulletin de la Commission des antiquités de la ville de Castres et du
département du Tam^ t. III, 3"' année (1880), pp. 53-6.
(3) Cartulaire de St- Robert ^ p. 17.
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES l3
blanc avant l'apparition du phylloxéra, le terme générique
vinum est employé sans adjectif jusqu'au XV* siècle, ce qui
prouve évidemment que l'on ne connaissait qu'une sorte
de vin, le vin rouge. Le 6 juillet 1392, le gouverneur du
Dauphiné reçut un cadeau de 6 saumées de vin (i). Le 27
janvier 1437, le conseil de ville de Montélimar offrit à
Charles VII huit tonneaux «devin rouge, blanc ou clairet».
En 1433, le légat d'Avignon, allant assister au concile de
Bâle, avait accepté de même six tonneaux a de vin blanc
ou clairet (2) ». On donna à Louis XI, dauphin (1447),
quatre tonneaux « de vin clairet et blanc ». Dans les dé-
penses de cette année figurent, en outre, 9 florins, prix
de cinq saumées de « vin blanc (3) ». La faveur dont jouis-
saient déjà le vin blanc et le vin clairet est manifeste. Vers
la même époque, c'est-à-dire durant le deuxième quart du
XV* siècle, les Valentinois commencèrent à faire du vin
blanc et du vin clairet, sans beaucoup de succès. Ces deux
espèces de vin étaient considérées comme étant des vins
fins. Le compte du chapitre de St-ApoUinaire des années
i529-ib3o renferme l'indication d'un « vinum album et
claretum (4) ». Nous lisons dans le compte dressé par
Barthélémy Darmeys de l'administration des biens de
l'abbé Odon de Jante (i628-i533): « vinum claretum;
vinum clarum(h) ; vinum tam rubeum (6) quam claretum ;
(i) De Coston, Histoire de Montélimar, t. 1", pp. 395-6.
(2) Ibid, t. I", pp. 504-5. Il semble que c*est seulement au milieu du XV*
siècle que le vin blanc a commencé à êlre utilisé dans la cuisine. (H. de
PiSANÇON, La Cuisine au moyen âge).
(3) De Coston, Histoire de Montélimar, t. II, p. 13.
(4) Archives de la Drame, compte 34.
(5) Le vinum clarum et le vinum claretum sont cités isolément. Ces deux
expressions sont synonymes et désignent le vin clairet.
(6) On trouve aussi Tadjectif ruffum.
14 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
vinum nigrum ; in reponendo vasa plena vini clareti in
crota ecclesia (i); in vinando predictum vinum clare-
tum (2) »- Les autres comptes de la fin du XV® siècle
et du XVI« siècle, relatifs à ce Chapitre, ne ne nous mon-
trent que le mot isolé vinum. De conformité à Tédit royal
donné à Blois, le juge mage de Valence taxa les vins de la
manière suivante :
I® Vin blanc, 9 deniers tournois le pot, soit du crû de
Valence ou autres lieux ;
2** Vin clairet, 8 deniers le pot ;
3^ Vin noir et rouge, 6 deniers le pot .
Il est évident que les minutes de M* de Sapet (1527-
i53o), notaire à St-Péray,. ne contenant pas la moindre
trace de la fabrication du vin blanc ou du vin clairet, les
vins de chacune de ces deux natures n'étaient faits en ce
lieu que dans des cas exceptionnels, ou si Ton veut assez
rarement. La rareté des textes rend d'ailleurs une appré-
ciation exacte très difficile.
III
Nous avons déjà vu que,, sous Charles VIII et sous
Louis XII, Valence et la région jouirent d'une très grande
prospérité (3). Des symptômes analogues de bien-être ont
été constatés en divers lieux de la France. A cette époque
précisément, on s'occupa de l'agriculture avec une activité
inconnue jusque-là. Des bois furent défrichés, des terrains
(i) Cave spéciale destinée au vin clairet.
(2) Archives de la Drame, compte 38.
(3) R. Vallentin, Du taux de VinUrêt à Valence sous Charles VIII et
sous Louis X// (1483-15 15), passint.
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES 1 5
incultes furent remis en valeur. Dans la vallée du Rhône,
on s^adonna à la création de vignobles.
Dès lors, les testaments des propriétaires aisés renfer-
ment une disposition spéciale attribuant aux prêtres
chargés des funérailles ou célébrant des messes pour le
repos de l'âme d'une personne, une rétribution supplé-
mentaire en vin. St-Péray était dévasté par la peste en
i528. Le notaire de Sapet reçut le 28 septembre de cette
année-là le testament de Pierre Biousse : « morbo pestis
vigente in loco Sancti Pétri Ay Item voluit et ordina-
vit idem testator, durantibus dictis triginta diebus, offeri
panes de tribus denariis et unum dimydium vini de hen-
nis (i) ». A Châteaubourg, le testament de Pierre Rouze
(18 février 1629, n. st.), nous révèle un usage analogue:
« unum dimidium vini (2) ».
Les environs de la montagne de Crussol étaient com-
posés uniquement de terres cultivables {terrae\ et surtout
de prés, de bois inemora) et de serres, avec le sens vul-
gaire attribué à cette dernière expression. Les quartiers
étaient appelés « dou mas de Jaquet », de Comberol-
land (3) », « dou lac », « de Maladeria Crusseolii », « de
Puteriis î>, « en Maldoir », etc. Les vignobles avaient été
de préférence constitués aux Brémondières, à Coupler,
aux coteaux d'Ongrie et au quartier de Saveyre où coule
le ruisseau de ce nom : « de quadam terra sita in man-
(i) F<> 343 {Archives de la Drame)» Le vinum de hennis ou de benna est
le moût, ou jus de raisin n^ayant pas encore fermenté. Le baron de Coston
n'a pas su expliquer ce terme (Op, l., t. !«' p. 388). Le moût qui était fait
dans les bennes, accidentellement ou volontairement, était recueilli à .part
autrefois ; il formait un vin de premier choix. — L'expression dymidium est
synonyme de demi-pinte.
(3) F- 357.
(3) F* 370.
i6 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
damento Crusseoli, loco dicto en las Bermundeyras, con-
frontata ab oriente cum terra (0 ^^ terra magistri
Johannis Vergomas (2), ab occasu cutn ptnea Johannete (3)
a vento cum rivo de Seveyrano (4) ; de quadam vtnea
sita in mandamento Crusseoli, loco dicto en Coppier, con-
frontata ab oriente cum vineis Johannis Balme et Jacobi
Pereti, ab occasu cum vinea (5), a borea cum vtnea
Aymarij Trolherii (6) ; domo, orto et vivea simul
contiguis sitis in mandamento Crusseoli, confrontatis ab
oriente cum itinere tendente de Sancto Petro Ay apud
Guilherand, ab occasu cum violo domini Richardi, a borea
cum orto Anthonii Fornerii, a vento cum prato et vinea
dicti Jacobi Richardi emptoris (7) ; duas fessoyra-
tas pinee^ sitas in mandamento Crusseoli, territorio ap-
pellato en la Couste d'Ongrie (8)... ». Cette dernière vigne
avait pour confronts des vignes de tous côtés. Une vigne
sise au quartier de Saveyre était dans les mêmes condi-
tions : « de quadam vinea sita in Saveyrano prout confron-
tatur ab oriente cum vinea nobilis Bermundi Galberti,
domini de RocoUis, ab occidente cum vinea Jacobi Sor-
berii, a borea et a vento cum vinea dicti de Manso (9) ».
Nous n'avons rencontré jusqu'à présent que le vin de
(i) Blanc à Toriginal.
(2) Jean Vergomas, dont la famille a laissé, comme celle de Pierre Biousse,
son nom à un quartier de St-Péray, était notaire.
(3) Le nom de famille de cette femme n'e&t pas indiqué, selon un usage
fréquent.
(4) Ruisseau de Saveyre, f° 372.
(5) Blanc à Toriginal.
(6) Fo 379.
(7) f° 439-
(8) F- 471.
(9) Ibid.y f 435-
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES I7
benne ou moût. Le vin récolté à St-Péray était sans doute
déjà capiteux et généreux, témoin les quatre lignes insé-
rées en f53r par le clerc du notaire de Sapet, à la fin du
registre terminé cette année-là :
Vive toutz estatz.
Vive la plume et les plumets (i),
Et tous ceux qui d^argent sont netz.
Vive la bazoche, sans mal ni reproche.
Dans une « recognoissance » du 12 septembre [66r, on
invoque trois actes de 1544, de 1647 ^^ ^^ r63o. Il s'agit
d'une « pansion annuelle, perpétuelle et fonsière de trois
« barals ving clairet, mesure de Crussol, bon, pur, franc,
« net, marchant et recevable de celui qui se reculira en la
« dite vigne, payable tous les ans, à la broche ou ray de
a la tine (2) ». L'acte de i63o est analysé; ceux de 1644
et de 1 547 sont simplement énoncés. On ne peut donc pas
certifier que la redevance fixée en 1644 et en 1647 ^^^ ^^^
exigible en vin clairet.
Nous constatons en 1 527-1630 la présence de plusieurs
vignes à Coupier, écrit tantôt Coupier, tantôt Coppier, et
à Ongrie. C'était là les deux principaux centres de culture.
Aux Brémondières et le long du chemin de St-Péray à
Guilherand, quelques parcelles de terre avaient été com-
plantées de la même façon. A cette époque, la ville de
St-Péray était entourée de remparts sur la rive gauche du
Merdaric, remparts dont les restes se voient dans la mai-
son Grippa. Ce n'est que bien plus tard que de vastes
constructions furent élevées sur la rive droite de ce tor-
(i) Dans le sens vulgaire d'ivresse passagère.
(2) Minutes de M* Fombarlet, notaire à St-Péray, f* 154. (^Etude de M*
Julhîet). L'expression « au ray de la tine » signifie a à fleur de cuve ».
2« SÉRIE. XXX^ Volume. - 1896. 2
r
i8 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
rent et formèrent le faubourg appelé aujourd'hui faubourg
Coupier.
Sur la rive gauche du Merdaric et sur celle du Mialan,
de nombreux jardins et quelques prairies entouraient les
remparts de St-Péray durant la première moitié du sei-
zième siècle : a quamdam pedam orti (i), sitam prope lo-
cum Sancti Pétri Ay, confrontatam ab oriente et a borea
cum prato dicti emptoris et ab occidenie cum alia peda
orti dicti venditoris, a vento cum ortis Johannis Giro-
donni » ; de quadam venditione cujusdam pede orti,
factaper Anthonium loci Sancti Petray, diocesis Valenti-
nensis, Anthonio Pererii, loci et diocesis predictorum,
prout sita est in mandamento Crusseoli rétro menia loci
Sancti Pétri Ay, confrontaia ab oriente cum orto dicti
Royeti, ab occasu cum orto Laurentii Roure, a borea cum
prato Jacobi Biousse et a vento cum meniis ejusdem loci,
itinere medio (2)... ». Ces détails ne sont pas superflus;
ils nous donnent une idée Juste de la topographie de St-
Péray à ce moment-là. Pour être exact, nous citerons en-
core deux vignes isolées. Tune aux abords du ruisseau de
Saveyre et Tautre « in loco dicto en Bonaura (3) ».
De leur côté, les habitants de Toulaud avaient planté un
nombre considérable de vignes sur le territoire de leur
commune, principalement au quartier « de Valeyra (4) ».
On appelle vulgairement /?/a«/îer une terre transformée
récemment en vigne. Ce nom de lieu est devenu un nom
(i) Peda = pée, ou pièce de terrain.
(aj Minutes de M* de Sapet, f'* 377 et 428. C'est dans cet acte que l'on
lit pour la première fois la forme contractée, Sanctus Petray, qui devait de-
venir Saint' Péray.
(3) Ibid., f* 417.
(4) Ibid,
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES jg
propre, le plus ordinairement sous la forme Du Plantier
ou Duplantier^ nom porté avec honneur en Dauphiné par
Tun des descendants de Thistorien bien connu Guy Allard.
Aux environs de St-Péray, le nom propre Duplantier
n'existequ'à Toulaud. Or, précisément des personnes de ce
nom vivaient dans ce village à l'époque de la Renaissance.
Antoine et Jean Duplantier, dit Dumoulin « de Planterio
alias de Molino », plaidaient en i53o contre les consuls de
Toulaud pour refus de paiement de certaines tailles (r) ».
IV
C'est surtout à partir du règne si libéral de Henri IV,
que la culture de la vigne, arrêtée dans son essor par les
funestes guerres de religion, fut reprise avec activité à St-
Péray et dans les territoires voisins. Les efforts des viti-
culteurs furent dirigés de préférence vers la production du
vin blanc ou du vin clairet. En i655, le fermier du do-
maine de la Beylesse avait « dans sa cave dix muits de
vin clairet (2) ». A cette époque, le nombre des vignes
était considérable. Un testateur légua en 1662 : « aux
poures de Notre-Seigneur Jésus-Christ, six cartes bled
mescle, froment et seigle, mezure de Valence, qui leur sera
distribué en pain le Jour de son enterrement, avec trois
baraulx de vin cleret avec le potage et légumes accous-
tumé (3) ». Un propriétaire vendit au même moment « la
quantité de deux muis vin blanc, à douse barals le muy et
(i) Ibid., f* 414.
(3) Minutes de M* Etienne Queyrel, f' 227. (Etude de W Girard).
(3) Minutes de M* Fombarlet,
^
20 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
vingt-un barals vin cieret, le tout mesure du présent lieu
de Crussol », au prix de 90 livres, en comptant « à vingt-
quatre livres le muy tant blanc que cleret (1) ». En i655,
la ferme d'un vignoble fut consentie moyennant « six ba-
rals vin blanc {2) ». Nous avons relevé dans un contrat de
mariage (1662) la donation faite par un père à sa fille de
« la somme de quatre cens livres tournois, une robe val-
leur de douze livres, trois brebis, l'une menant et l'autre
portant agniau, vallant neuf livres, une charge de vin de
quatre barals, vallant six livres tournois (3) ». La nature
de ce vin n'est pas spécifiée. Le prix de 6 livres par tiers
de muid donne pour valeur du muid 18 livres. L'acte suit
celui où le muid du vin blanc et le muid du vin clairet
sont évalués à 24 livres. Il est possible que le vin estimé
18 livres le muid soit du vin rouge.
Nous pouvons, à titre de renseignement rétrospectif,
indiquer que les tonneaux étaient le plus ordinairement de
la contenance d'un muid, ou douze barraux, de six bar-
raux, de quatre barraux et de deux barraux.
Les principaux vignobles se trouvaient à Ongrie, à
Coupler « terroir de Couppier », à la Crouzette, aux Pé-
rouzes, à Comberolland, où un fonds était assujetti à « une
pension de quarante pocts de vin », à Tourtousse, à
Boyon « terroir de Boyon », à Saveyre « Saveyran », à la
Beleysse « Beylesse », aux Queyrons, à Biousse, etc.
Dans un rapport, dressé le 29 mars i663, deux experts
constatèrent qu'une portion d'une vigne située aux Quey-
rons était ^i fort maigre et en pauvre estât » et « que ce
(i) Ibid,
(2) Ibid,
(3) Ihid,
^
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES 2 I
quy est de la dicte vigne en meilheur estât ne porteroit
pas de vin tant à part de maistreque culteur(i) ». Ils ajou-
tèrent, au sujet d'une vigne sise à Boyon, « le pied et la
sime (2) sont en assez bon estât et le millieu est fort mai-
gre et en pauvre estât (3) ». Les confronts de ces fonds
étaient d'autres vignes de tous les côtés. Il ne s'agit donc
pas d'une tentative téméraire due à l'impéritie d'un pro-
priétaire. De nos jours, la vigne réussit convenablement
dans ces deux quartiers. Toutefois, on ne peut guère aflSr-
mer que ces experts se sont trouvés en présence de la
maladie analogue au phylloxéra et dont la tradition a
conservé un souvenir lointain, remontant à deux siècles
approximativement, dit-on. M. Lacroix a pensé que le
phylloxéra avait dû être inconnu au moyen âge et dans les
temps modernes, car « la dîme du vin se payant au clergé
et la taille au roi, on n'aurait pas manqué de réclamer
une décharge pour une maladie aussi grave ». Or, les do-
cuments que l'on possède sont muets à cet égard. D'autre
part, la Bible et les auteurs anciens signalent seulement,
parmi les ennemis de la vigne, la sauterelle, la chenille,
le bruchus ou jeune sauterelle sans ailes et la rouille (4).
Pour prouver l'extension de la culture de la vigne sous
Louis XIV, nous pouvons invoquer un acte de 166 1, où
les principales dispositions d'un acte de i63o sont trans-
crites. Une vigne sise aux Peyrouzes avait pour confronts
en i63o des terres et d'un seul côté une « jeune vigne ».
A la date de 1661, cette même vigne est entourée de trois
(i) Ibid,j f» 154.
(2) Cime.
(3) Minutes de M* Fombarlet, f^* 421-2.
(4) Le Phylloxéra devant Vhistoire. {Bulletin de la Société d'' Archéologie de
la Drame, 1877, PP* ^44"^)*
22 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
côtés par des vignes appartenant à quatre propriétaires
différents (i).
D'après une tradition constante, les Chasselas de Fon-
tainebleau auraient été importés de St-Péray et de Tou-
laud par un gouverneur du Languedoc, dès la fin du XVP
siècle (2).
Le curé Laurent Rey raconte qu'en 1625, « il y eut
dans la vigne de la cure quatre muids et trois barraux de
vin bon et bien peilloux, qui fera ouvrir les yeux au bon
biberon » (3). Le vin « bien peilloux » devait être une
sorte de vin paillet, c'est-à-dire d'un rouge très clair et
analogue au vin clairet.
Grâce aux efforts des viticulteurs, les vins de Saint-
Péray acquirent au XVIII® siècle une certaine vogue.
Le curé Dode écrivait en 1762 que le territoire de cette
commune produisait : « du vin blanc qui a de la réputa-
tion et qui est souvent très bon surtout lorsqu'il est bien
choisi; du vin rouge communément assez mauvais, parce
qu'on ne luy destine que les mauvais endroits » (4). Nous
pouvons compléter ces renseignements en démontrant que
le vin blanc de Saint- Péray était exporté en Dauphiné,
dès le règne de Louis XVI.
Jacques-Philippe de Robert de Latour, chanoine de
(i) Minutes de M* Fombarlet, f«« 154-5.
(2) R. Saint-Prix, Notice sur les Saint-Péray Mousseux et autres vins de
la côte du Rhône, p. i.
(3) Mazon, Op, /., pp. 300 et 201.
(4) Ibid.^ p. 315.
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES 23
St-Barnard, mourut en 1781 près d'Auch (Gers). Son
héritier fit procédera la vente de son mobilier les 19 et
20 juillet 1782. Nous relevons dans le procès-verbal les
indications suivantes :
« Douze bouteilles vin blanc de St-Pérais . . 7 livres,
4 sols.
« Douze idem . 7 livres.
« Douze idem . 7 livres, 2 sols.
« Vingt-quatre idem . 14 livres, 6 sols.
« Vingt-quatre idem . 14 livres, 10 sols » (i).
Le Père Junilhon, cordelier, acheta vingt-quatre de ces
bouteilles. Le chanoine avait aussi dans ses caves du vin
de Cornas :
« Douze bouteilles vin de Cornas, . 7 livres, 10 sols.
« Douze idem . . 7 livres, 7 sols.
ce Douze idem . . 7 livres, r i sols.
« Dix idem . . 6 livres.
(c Sept idem . . 4 livres » (2).
Le vin qui atteignit le prix le plus élevé fut celui de
Lédenon (Gard) : 8 livres 8 sols, les douze bouteilles. Le
vin blanc ordinaire et le vin « blanc de rosette » se ven-
dirent relativement très cher (3).
Dans la crainte que Ton négligeât la culture du blé, cir-
constance qui aurait pu amener une famine, l'autorité fit
arracher au siècle dernier, en Dauphiné et dans le Lan-
guedoc, une certaine quantité de vignobles. Cette mesure
ne fut pas appliquée à St-Péray, ni aux environs.
(i) Archives de la Drôme, E, 1587, n" 162-166. — Inventaire sommaire,
p. 23'ï.
(2) Ibid., n" 179-183.
(3) Ibid.j n"* 184-196. — Le vin blanc de rosette était peut-être fait avec
des clairettes roses. Le vin blanc de Lédenon était célèbre.
24 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Le vin blanc, fait avec les raisins récoltés à St-Péray,
mousse naturellement. On commença à le champagniser
vers 1790. Les travaux de divers auteurs : Ovide de Val-
gorge, Saint-Prix, Mazon et Blanchard, renferment à cet
égard de précieuses indications, auxquelles on pourra se
reporter (1). Par une bizarrerie extraordinaire, le nom
de St-Péray signifie « St-Pierre de Teau ». Sous la Révo-
lution, ce nom fut transformé en « Péray- Vin-Blanc »
(1794).
Nous sommes heureux de constater que, grâce à l'ini-
tiative de M. René Saint-Prix (2), dont on admire les
magnifiques vignobles, les principaux du pays, les vignes
de St-Péray, détruites par le phylloxéra ont été recons-
tituées avec succès. Les quatre premiers crus sont ceux
du Coteau-Gaillard, des Blaches, du Thioulais et d'On-
grie. Les débouchés les plus importants du vin mousseux
de St-Péray, vin très robuste et rival heureux du Cham-
pagne, sont l'Allemagne, la Belgique et la Hollande.
VI
L'une des parties du territoire de Saint-Péray, produi-
sant des vins d'une qualité supérieure, est appelé quartier
de Hongrie. On a voulu expliquer d'une manière bizarre
l'étymologie du nom de ce lieu-^dit. Cette dénomination
serait relativement récente, Elle rappelerait l'initiative
(i) IXe Valgorgï, Souvenirs de VArdèche, t. I**", cbap. III, pp 137. et s.
— Saint-Prix, Op, /., pp. 1-4. — xMazon, Op, l , pp. 233 et s. — Blan-
chard, Crussol, Saint-Péray et les environs.
(i) Quelques considérations sur les vignes américaines présentées aux vi-
gnerons du canton de Saint-Péray^ Tournon^ Parnin. 1887, in-8*, 32 pp.
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES 2b
d'un propriétaire qui aurait fait planter en ce lieu, vers la
fin du siècle dernier, des ceps, originaires de Tokay
(Hongrie). Que l'on ait essayé d'acclimater des pieds de
Tokay, cela n'a rien d'impossible. Une tentative de ce
genre paraît, cependant, à priori, devoir être infructueuse,
car le vin de ce nom est un vin de liqueur. Or, les vins
de cette nature ne sauraient être produits avec succès par
les terrains de la vallée du Rhône.
D'une part, l'orthographe primitive de l'appellation de
ce quartier était Ongrie sans H ; d'autre part, ce nom
est fort ancien. Au moyen âge, la forme latine était On-
gria.
Durant l'année 1629, Alexandre Veyret, notaire à St-
Péray, dressa un acte où il est fait mention du nom du
meunier d'Ongrie, Jacques Jaquet. Le 27 novembre sui-
vant, l'acquéreur, Pierre Valete, se fit mettre en posses-
sion du jardin et de la maison qu'il avait acquis. Cette
fois, les conventions furent rédigées par de Sapet, notaire
au même lieu. Nous y lisons : « Facta per Johannem
Jaqueti, probo viro Petro Valete loci Sancti Pétri Ay,
diocesis Valentinensis ; quequidem domus et ortus sita
sunt infra locum Sancti Pétri Ay (1), confrontata ab
oriente cum domo et orto Jacobi Jaqueti, monerii d^On-
gria^ ab occidente cum domo et orto Margarite, relicte
condam Bartholomei Jaqueti, a borea cum orto Andrée
Aleyreti, a vento cum carreria publica dicti loci » (2).
Le i3 janvier i53o (n. st.), le même Pierre Valete se
rendit acquéreur de « duas fessoyratas vinee sitas in man-
(i) A l'intérieur du bourg de Saint-Péray.
(2) Minutes de M- de Sapet, fo 458. « Pro Peiro Vaille. loci SancH Pétri
Ay, diocesis Valentinensis investimentum , »
26 SOCIÉTÉ d'archéologie KT DE STATISTIQUE.
damento Grusseoli, territorio appellato (sic) en la couste
(VOngrie » (i).
Au XVIP siècle, nous voyons Jean Chirouse, dit Cla-
renson , « habitant du mas d^^Ongrie, mandement de
Crussol, parroisse de Sainct-Péray », souscrire le 3 mai
1661, une reconnaissance de censé en faveur de François
de Montmeyran (2).
L'année suivante (i i septembre 1662), on vend une
vigne sise « au mandement de Crussol, terroir d'On-
grie » (3).
Ces citations seraient multipliées aisément. Elles dé-
montrent que le nom de Hongrie pour Ongrie n'a rien
de commun avec le vin de Tokay.
Le dictionnaire de Du Cange, au mot ungere^ renferme
les lignes suivantes :
« Ungere coria^ illa macerare, subigere. Charta S. Lu-
« dovici, anno 1229, in Chartul. Barbel., pag. Goô :
« Poterunt et tant uti dictis molendinis ad recipiendum
ce quoscumque de foris^ venientes ad tnolendum tannum^
« ad fullandum et parendum pannos^ ad unguendum
« coria^ ad molendum ferramenta ». Ainsi, à la date de
«
1229, l'expression « ungere coria »' était en usage. On
doit la traduire par « préparer les cuirs », c'est-à-dire
« les mettre dans la fosse au tan », qui est l'une des pre-
mières opérations qu'on leur fasse subir.
Au quartier d'Hongrie se trouve précisément un très
ancien moulin. Il a été dans l'origine utilisé principale-
(i) Ibid.f p. 471. « Emptio probi viri Pétri Valete loci Sancti Pétri Ay,
Valenlinensis diocesis. »
(2) Minutes de M* Fombarlet, f* 102. « Recognoissance de cerise pour
noble François de Montmeyran. »
(3) Ibid,, f 356.
NOTES HISTORIQUES SUR LES VIGNOBLES 27
ment pour tanner les cuirs et accessoirement sans doute
pour fouler les draps, comme les moulins visés par le
texte de 1229. Les vieilles minutes notariales mention-
nent des habitants de St-Péray exerçant jadis la profession
de « curatié » ou faisant le commerce de « marchand dra-
pier drapant » (i).
Ongria^ d'où, en français Ongrie^ est un dérivé direct
du verbe ungere. De même, les termes uncia^ unctto,
ungere^ unda, unguentum et undecim ont formé respecti-
vement les mots onccy onction^ oindre^ onde^ onguent et
on^e (2).
(i) Minutes de M* Etienne Queyrel, f^ 380 (1656).
(2) Le St-Péray mousseux a été chanté par Désaugiers (ânet Reboul,
Mœurs de VArdèche au XIX* siècle^ Valence, 1849. — ^* ^^^on, Op, /.,
p. 334.
Roger VALLENTIN.
28 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
MÉMOIRES
'POU'R SE'RVJJi c^ LHISIOmE
DES
COMTÉS DE VALENTINOIS
ET DE DIOIS
Suite. —Voir les 85% 86*, 88», 89% 90*, 94*, 95% 96% 100% 101% ioa%
105*, 106% 107', 108% 109% 110% 111% 112% 113% 114*
et 1 1 5* livr.)
Depuis le traité d'Avignon de 1 358 qui mit un terme aux
longues et funestes querelles des évêques et des comtes, seize
années devaient encore s'écouler avant la mort d'Aymar VI.
Mais comme la seconde phase de la vie de ce prince fut diffé-
rente de la première ! Tout jusqu'alors lui avait réussi ; il
allait maintenant reconnaître que la fortune ne sourit plus
aux vieillards. La peste et les routiers furent des fléaux qui
menacèrent toujours et désolèrent parfois ses Etats. Des
emprunts onéreux le livrèrent à d'impitoyables créanciers.
En butte aux tracasseries des agents du roi, poursuivi par
ses ennemis qui lui firent subir de longs mois de captivité, il
se laissa aisément persuader par la diplomatie pontificale et,
pour trouver un peu d'argent et de tranquillité, se rendit vas-
sal de la cour romaine, aliénant ainsi les derniers restes de
Pîndépendance féodale que lui avaient transmise ses ancêtres.
Au mois d'avril iSSg, Aymar VI était à Montpellier auprès
de Jean, comte de Poitiers, gouverneur du Languedoc. Il fut
un des conseillers de ce jeune prince, l'accompagna dans
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 29
plusieurs voyages^ le seconda dans quelques-unes de ses en-
treprises, notamment dans la guerre contre le comte de
Foix (c). Cette même année, il eut des différends avec Toffi-
cial de Valence et en appela d'une sentence de ce juge ec-
clésiastique au vicaire impérial dans le royaume d^Arles et
de Vienne. Sur certaines plaintes de Gaucher Brunel et
des autres fermiers du péage d'Etoile, Tofficial avait cité le
comte à sa barre : celui-ci, ayant dédaigné de comparaître,
s'était vu frappé d'excommunication. Berton André, procu-
reur d'Aymar, fut chargé de soumettre le cas au vicaire im-
périal qui ajourna les parties devant lui au 17 juillet, à Châ-
teauneuf-du-Rhône (2). Ce haut dignitaire de l'Empire se
nommait alors Gaucher Adhémar, seigneur de Monteil et de
la Garde : c'était un trop petit seigneur pour pouvoir, au be-
soin, faire respecter ses ordres ; aussi ce titre n'était-il guère
pris au sérieux. Quoi qu'il en soit, il mourut l'année suivante
et sa mort souleva une question juridique assez épineuse.
Par un testament en date de i36o, il fit héritier universel
Hugues Adhémar, son neveu, fils de Lambert, qui avait
exercé les fonctions importantes de sénéchal de Beaucaire.
Aymar VI prétendit que les châteaux et les terres laissés par
le défunt devaient lui revenir par retour de fief^ ayant tou-
jours été reconnus par Gaucher et ses ancêtres comme fiefs
rendables. On sait, en effet, que d'après l'antique législation
féodale le fief rendable était celui que le seigneur supérieur
avait concédé à la condition qu'il lui ferait retour dans le cas
où le feudataire viendrait à mourir sans enfant. Mais, il faut
le reconnaître, le comte était peu fondé dans sa demande, la
législation invoquée se trouvant depuis longtemps tombée en
désuétude. Dans les actes d'hommage, la mention de fief
rendable ne donnait plus qu'un droit au seigneur supérieur,
(i) Vaissette, Hist, gén. de Languedoc^ t. IX, p. 696, 677. L'année
précédente, Jean, comte de Poitiers, lui avait donné rendez-vous à Mâcon,
pour le 16 janvier.
(2) Archives de risère, B, 3582,
3o SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
celui de faire arborer sa bannière sur la plus haute tour du
château de son vassal, à chaque mutation de seigneur et de
vassal. Hugues Adhémar ayant refusé d'obtempérer aux
ordres du comte, celui-ci voulut se saisir des fiefs qu'il
croyait devoir lui appartenir. Hugues y forma opposition et
se pourvut devant le tribunal du pape (i).
Au mois d'avril i36o leurs difficultés étaient-elles déjà
écartées ? nous l'ignorons; ce qui est certain c*est que le 1 5 de
ce mois Aymar et Hugues, étant à Sauzet, « annoncèrent à
« tous les vassaux de la Valdaine que pour leur plus grande
« commodité ils avaient transporté dans leur fief de Savasse
« (in loco nostro Savassie) la cour supérieure de laquelle de-
« valent ressortir à l'avenir » les villages ou fiefs qui suivent :
Ancone, Montboucher, Saint-Gervais, Roynac, La Laupie,
Cléon, Pont-de-Barret, Le Puy-Saint-Martin, Rochebaudin,
Truinas, Félines, Comps, Dieulefit, Le Poët-Célard, Châ-
teauneuf-de-Mazenc, La Touche, Rochefort, Portes, Tau-
lignan, Alençon, Béconne, Montjoux, Audifred, Roche-St-
Secret, Blacons, Condorcet, Le Pègue, Valaurie, Roussas,
La Garde, Teyssières, La Bâtie-Rolland, Espeluche, Manas,
Poët-Laval, Souspierre, Orcinas (2).
Après le traité de Brétigny (i359), nos contrées se virent
exposées plus que jamais aux ravages des routiers. En 1 36o,
des bandes d'aventuriers, naguère au service de l'Angleterre,
occupèrent le Pont-Saint-Esprit (3), et l'on annonçait encore
du côté du Lyonnais une autre invasion. Comme si tous les
fléaux, à la fois, se fussent donné rendez-vous dans la vallée
du Rhône, la peste y fit alors une nouvelle apparition, et ses
victimes, paraît-il, furent presque aussi nombreuses qu'en
1348, l'année terrible. Le départ des routiers du Pont-Saint-
Esprit fut acheté à prix d'argent. Mais les dangers que le pays
(i) De Coston. Hist. de Montélimar, t. I«". p. 257-9.
{2) Cartulaire de Montélimar, p. 287.
(3) Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 719. — Molinier, Arnoul d'An-
drehenif p. 91-2.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 3 l
avait courus appelaient des mesures de prudence ; à l'effort
isolé il devenait urgent de substituer TefFort collectif. De
toutes parts, on bâtissait de nouvelles murailles, on réparait
les anciennes : cela ne suffisait pas ; il fallait réunir des trou-
pes pour repousser les bandes qui pillaient les campagnes.
Les communautés du Languedoc avaient donné Pexemple.
Urbain V provoqua la formation d'une ligue entre les sei-
gneurs du Midi. Dans les premiers jours d'octobre i363, une
conférence eut lieu à Avignon. On décida de convoquer les
nobles et les prélats de la Provence, du Dauphiné, du Comtat
et de la Savoie à une assemblée dont le lieu de réunion fut
fixé à Montélimar et la date au 5 novembre (i). Aymar VI y
fut personnellement convoqué par une lettre pontificale datée
du 22 octobre (2). Deux assemblées se tinrent, en effet, à
Montélimar, le 5 et le 20 novembre. On convint de faire un
traité d'alliance. Quelques jours après, le traité fut signé en-
tre le gouverneur du Dauphiné, Raoul de Loupy, le sénéchal
de Provence, Foulque d'Agoult, le comte de Valentinois et
l'évêque de Valence, représenté par Guillaume Artaud, sei-
gneur d*Aix (3). Une nouvelle réunion de seigneurs et de
prélats se tint encore à Avignon, le 19 janvier ; le gouver-
neur de Dauphiné y assistait. Les alliés obtinrent que le
comte de Savoie se joignît à eux ; il donna son adhésion le
23 janvier 1364. Dans une lettre du 7 mars 1364, le pape
rappelle l'alliance faite entre le comte de Savoie, celui de
Valentinois, le sénéchal de Provence, le gouverneur du Dau-
(i) Prou (Msiurice), Etude sur les relations politiques du pape Urbain V
avec les rois de France Jean II et Charles V. Paris, 1887, in-8*, p. 32.
(2) Bulletin d*hist. eccL de Valence, t. XI (1891), p. 245.... « Cum
autem hujusmodi negocium, pro tuo comitatu, te contingat, nosque
geramus in votis quod tua circumspecta nobilitas intersit coUoquio
prelibato, te requirimus et rogamus attente quatenus, dicta die, ad pre-
fatum colloquium personaliter conVenire, vel saltem idoneos nuncios»
cum sufficienti mandate, ad hoc, dicta die, destinare procures... »
(3) Bulletin d'hist. et d'arch, de Vaucluse, 2* année, p. 96.
32 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
phiné et le recteur du Comtât (i). Il demande que les subsi-
des promis soient payés et qu'on réunisse au plus tôt une
armée, attendu qu'il vient d'apprendre qu'une invasion est
imminente. Le point difficile était bien celui qu'indiquait le
pontife. Les alliés ne se pressèrent pas d'acquitter les contri-
butions. L'argent manqua, plus encore que les hommes, et
le pape, ayant en vain exhorté les compagnies qui ravageaient
le Languedoc et menaçaient la Provence, à se dissoudre ou à
tourner leurs armes contre les infidèles, n'eut d'autre res-
source que de les excommunier et de défendre aux popu-
lations de leur fournir des vivres.
Rien ne témoignait mieux de l'affaiblissement de l'autorité
impériale dans nos pays que la pensée qui avait présidé à
cette ligue. Aux yeux de tous, le gouverneur du Dauphiné
était le seul qui pût prendre en main, d'une manière efficace,
les intérêts de la province. L'influence française s'accentuait,
et ce n'étaient pas des vicaires impériaux, comme Aymar de
Poitiers et Gaucher Adhémar, qui pouvaient relever le prestige
de l'empire. Charles IV de Luxembourg, qui, dès les débuts
de son règne, tournait tous les efforts d'une diplomatie habile
à conserver intacts les droits de la couronne d'Allemagne,
résolut de raviver au-delà des Alpes l'idée impériale. L'évê-
que de Valence lui avait écrit pour implorer son secours.
Il voulut, au moins, qu'on ne pût l'accuser d'abandonner
son royaume d'Arles et de Vienne, et il annonça son inten-
tion de venir le visiter. Au printemps de l'année 1365, met-
tant à exécution ce projet, il se dirigea vers le Dauphiné par
l'Alsace, Bâle et Genève. Le gouverneur, Raoul de Loupy,
vint à sa rencontre à Chambéry où il le trouva le 12 mai.
Grenoble, Saint-Marcellin, Romans et Valence lui firent de
solennelles réceptions. Le jour de la Pentecôte, i" juin,
l'empereur était à Avignon. De là il se rendit à Arles où il
fut couronné, le 4, dans l'église Saint-Trophime, par l'arche-
(i) Prou, p. 35.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOXS. 33
vêque Guillaume de La Garde. A son retour il traversa de
nouveau le Valentinois et les terres du Dauphin (i). Raoul de
Loupy voulut profiter de la circonstance pour obtenir, en
faveur de son maître, la délégation impériale dans le royaume
d'Arles, dont on venait d*affirmer l'existence avec tant d'éclat,
mais l'empereur refusa d'accéder à ce désir (2). Treize ans en-
core devaient s'écouler avant que le dauphin reçût le titre de
vicaire impérial dans ce royaume. Pendant son séjour à Avi-
gnon, Charles IV entretint le pape d'un projet pour délivrer
nos contrées du fléau des grandes compagnies; il s'offrit de
leur donner libre passage à travers l'empire, de les défrayer
même durant leur marche, si elles voulaient se rendre en
Hongrie pour y combattre les Turcs.
Cependant les Etats du comte de Valentinois n'avaient pas
eu beaucoup à souffrir jusqu'à présent des terribles bandes
qui infestaient surtout le Languedoc. Les 3o,ooo aventuriers
que du Guesclin conduisit en Espagne, pour en délivrer la
France, descendirent par la vallée du Rhône et ravagèrent de
préférence les environs d'Avignon. Aymar VI avait d*autres
sujets d*inquiétude. Il soutenait alors devant le parlement de
Paris un procès dont nous allons bientôt parler; les agents
de la couronne, tantôt pour un motif, tantôt pour un autre,
lui faisaient une guerre continuelle ; ses créanciers le tradui-
(i) Pour tous les détails de ce voyage, voir Le Mystère des Trois
DomSf p. cxx et suiv.; — Fournier, p. 469-77; — Prou, p. 5o-i.
(2) Dans un mémoire précisant les choses qu'il convenait de de-
mander à l'empereur pour le dauphin, nous trouvons les articles sui-
vants : « .... Item jurisdictionem, superioritatem, feudum et majus do-
minium comitatuum Valent, et Dien., tam in castris et villis et ceteris
que tenet episcopus Val. et Dyensis quam in hiis que tenet d. Aymarus
de Pictavia, comes Valent, et Dyensis. Item feudum, superioritatem et
majus dominium strattarum publicarum et pedagiorum mandamenti et
territorii castri de Stella, Valent, dyocesis, et aliorum quoruncunque
itinerum publicorum et pedagiorum, a loco de Romanis usque ad Cas-
trum Novum de Raco.... » Chevalier, Choix de documents liist. inédits,
p. 161-2.
2« Série. XXX« Volume. — 1896. 3
34 SOCIÉTÉ D^ ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
saient devant les juges royaux et opéraient contre lui des sai-
sies. Il avait aliéné des terres, vendu les émoluments de ses
péages (i), mais il régnait un tel désordre dans ses finances
qu'il ne put jamais éteindre ses dettes (2). Vers la fin de Tan-
née i366 (3), il se rendit à la cour, où le roi Pavait mandé.
Ce voyage ne devait certes pas Tenrichir ; il en profita, du
moins, pour obtenir de Charles V qu'on cessât pour un
temps de le molester. Le roi fit rédiger par sa chancellerie la
lettre suivante :
« Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, au séné-
« chai de Beaucaire et de Nymes et à tous nos autres justi-
ce ciers ou à leurs lieux tenant, salut. Savoir vous faisons, que
« nostre amé et féal cousin et conseiller le comte de Valenti-
« nois nous a au jour duy fait hommage de ce qu'il tient de
(i) Le 8 oct. 1360, il donna, en récompense de services, la seigneurie
de Marches à Bertrand de Taulignan, dont les descendants devaient la
conserver jusqu'en i53o. — Le 12 juin i363, étant à Romans, il vendit
à Reynier Coppe, bourgeois de cette ville, et à ses successeurs « emo-
lumenta... medietatis sue pedagiorum Pisanciani et de Charmagnaco,
Valent, diocesis, per terram et per aquam... hinc ad festum Nativitatis
b. Johannis Baptiste proxime venturum, et ab eodem festo in unum
annum..., pretio... trecentorum et quinquaginta florenorum auri, parvi
et legalis ponderis Dalphinatus... » Archives de l'Isère, B, 3582.
(2) C'est ainsi que, vers l'année i36o, ayant acheté, au prix de 11 00
florins, de François de Beaumont, seigneur de Pélafol, et de Polie de
Chabrillan, son épouse, tous les droits que cette dame pouvait pré-
tendre sur les biens laissés par Aynard de Chabrillan, son père, à Au-
tichamp, Chabrillan, Eurre, Saillans, Crest et Roche-sur-Grane, il ne
put jamais se libérer et, en 1399, François de Beaumont se voyaitobligé
de poursuivre son héritier en revendication de cette môme somme.
Hist. généai. de la maison de Beaumont^ t. II, p. 76.
(3) Le i3 juin i366, à Romans, il donna à Jean de Bovenco, juris-
consulte de Romans, une pension annuelle de 5o florins, assise sur les
revenus de la châtellenie de Clérieu. — Le 23 septembre i366, à
Etoile, nobles Jean d'Hostun, coseigneur dud. lieu d'Hostun, et Fran-
çois d'Hostun, habitant de Chatuzanges, lui firent hommage pour des
biens sis à Pisançon, dont ils avaient hérité de Robert d'Hostun. Ar-
chives de l'Isère, B, 2632.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 3 b
« nous, à quoy nous l'avons reçeu, sauf nostre droit et Tau-
« truy. Si vous mandons et a chascun de vous, comme à luy
« appartiendra, que nostre ait cousin, pour cause du dit hom-
« mage à nous non faict, vous ne molestiés ne travailliés en
« aucune manière, mais se aucuns de ses biens estoient pour
« ce pris, saisis ou arrestés, si le délivrés ou faites mettre à
« plain au délivré sans aucun delay. Donné à Rouen, le II®
« jour de novembre Tan de grâce mil ccc soixante six et de
« nostre règne le tiers. Par le roy. Gontier (i).
De Rouen, le comte de Valentinois suivit la cour à Paris,
où il sollicita encore et obtint du roi une nouvelle lettre qui
nous révèle le triste état de ses finances et les ennuis que lui
donnaient ses créanciers. Voici ce curieux document :
« Charles... au sénéchal de Beaucaire, au prevost de Paris,
a au bailli du Vivarais...
« Savoir vous faisons que comme pour certaines et grans
« besoignes touchant nous et nostre royaumfe, nous avons
a mandé pour venir par devers nous nostre amé et féal cou-
« sin et conseiller le comte de Valentinois et de Dyois, lequel-
a a nostre mandement et sous nostre sauf-conduit especial y
a est venu, nous de nostre autorité royale et certaine science
« et grâce especial li avons ottroié et ottroions, par ces pre-
« sentes, que toutes ses causes et querelles meues et à mou-
voir, en demandant et en défendant, et aussy ses debtes
« biens et possessions soient mises et tenues en estât du jour
« de la Toussaint darnier passé qu'il vint devers nous jus-
« ques a un an après ensuigant. Si vous mandons et a chas-
« cun de vous que toutes ses dites causes et querelles meues
« et a mouvoir et aussi toutes ses debtes, biens et possessions
« vous tenez et faites tenir en estât led. temps durant, et
a entre deux ne faites ou souffrez rien estre fait, attempté,
« innové es dites causes . et querelles, ne contre luy ou ses
« pleiges ou autre pour luy obligé comment que dit, mais
(i) Archives de l'Isère, B, 3582.
36 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
a se riens avoit esté ou estoit pris, saisi, ou arresté du sien
« ou autrement fait au contraire depuis le temps dessus dit,
« faites li rendre et délivrer et remettre au premier estât et
« deu. Et comme Jaque des Essars et Jehan de Lille, eulx
« disant avoir cause de feu Symor de Lille, ou comme por-
« teurs de certaines lettres obligatoires sur ce faites, sous
« umbre de ce qu'ils se dient bourgeois de Paris et du privi-
« lège ottroié a nos bourgeois de Paris, et plusieurs autres
« créanciers de nostre dit cousin, luy estant à Paris, Paient
a faient adjourner par devant vous prevot et votre lieutenant,
« ou aucun de vous, et mis en procès devant vous et fait ar-
« rester et saisir ses chevaux et ses biens, si comme il dit,
a laquelle chose est en son grand grief, préjudice et dammage,
« et au grand contempt de nous et de nostre dit mandement
a et sauf conduit, dont fortement nous desplest, s'il est ainsi,
« Nous voulons et vous mandons... que dud. estât... vous
« fasiez et laissiez user et jouir paisiblement nostre dit cou-
« sin.... Donné à Paris, le XIII' jour de décembre, l'an de
« grâce mil ccc soixante six, et de nostre règne le tiers, (i) »
Nous ne sommes pas renseigné sur le temps qu* Aymar de-
meura à la cour, ni sur la nature des services qu'il fut appelé
à rendre au monarque. En i368, il était de retour dans ses
Etats. Urbain V qui était alors en Italie, lui écrivit le 8 août
1368, de Montefiascone, pour le prier de porter secours à
Philippe de Cabassole, recteur du Comtat; les grandes com-
pagnies étaient entrées en Provence et menaçaient les terres
de l'Eglise (2). Louis d'Anjou, frère du roi, qui rêvait de
substituer en Provence son autorité à celle de la reine Jeanne,
avait fait appel à du Guesclin, et des bandes de Bretons, d'An-
glais et de Gascons, auxquelles s'étaient joints quelques con-
tingents dauphinois, parcouraient le pays. Mais il n'est pas
probable que le comte de Valentinois ait été alors en mesure
(i) Archives de Tlsère, B, 3582.
(2) Prou, p. 169.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. Sy
de seconder efficacement les efforts du gouverneur du Venais-
sin. C'est Tannée où il eut sur les bras la plus grosse affaire.
Il est utile d'entrer ici dans quelques explications.
La cession définitive du Dauphiné à la France avait vive-
ment contrarié le comte dé Savoie, dont les visées ambi-
tieuses se portaient naturellement sur nos pays. Entre le Dau-
phiné et la Savoie, on peut dire que la guerre n'avait ja-
mais cessé. En i353, elle fut acharnée. Le roi, assez occupé
avec les Anglais, voulut mettre un terme k cet état de choses
et un traité, péniblement élaboré, finit par être conclu à
Paris le 5 janvier i^55. Amédée VI, comte de Savoie, cédait
au dauphin toutes les terres qu'il possédait en Dauphiné
entre Tlsère, le Rhône et le Guiers ; le dauphin, d'autre part,
relâchait au comte de Savoie, avec plusieurs autres terres et
châteaux, la possession de la baronnie de Faucigny, enclavée
dans les Etats du comte (i). Aymar VI, alors gouverneur du
Dauphiné, reçut la mission, le ii février, de délier les habi-
tants du Faucigny du serment de fidélité qu'ils devaient au
dauphin. Mais les choses n'allèrent pas au gré des parties
contractantes, et les Fucignerands, que des intérêts de plu-
sieurs genres rattachaient au Dauphiné, refusèrent obstiné-
ment de passer sous le joug de la Savoie. Amédée, craignant
de perdre le bénéfice de ce traité et soupçonnant le comte de
Genevois d'intelligence avec le duc de Bourgogne et les sei-
gneurs du Jura pour l'empêcher d'accomplir ses desseins, se
hâta de lever une armée et d'entrer dans la baronnie, où il
eut bientôt raison de la résistance des populations. L'expédi-
tion avait commencé au mois de mars ; elle fut terminée au
mois de juin. Le i®^ juillet Aymar de Poitiers déléguait deux
chevaliers pour faire livrer au comte diverses places, notam-
- — — — — ■ — '
(i) Lavorel, Cluses et Le Faucigny. Annecy, 1888, in-8», p. 52-8. —
L'histoire de la conquête du Faucigny par le Comte- Vert a été étudiée
par M. Léon Ménabréa, d'après les comptes d'Aymon de Challant et de
Nicod François, trésoriers des guerres du comte de Savoie. Mémoires
de la Société royale académique de Savoie, 1848.
38 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
ment Châtillon et Salenche. On ne tarda pas à s'apercevoir
que la France perdait beaucoup à cet échange (i) et qu'elle
avait été jouée par la diplomatie savoisienne. A tort ou à rai-
son, Aymar de Poitiers fut accusé, non seulement de négli-
gence, mais de trahison (2). Le comte de Genevois s'adressa
à Tempereur pour se faire restituer certains fiefs d'empire
que la France avait cédés comme les autres (3). Hugues de
Châlon réclamait Châtillon et Salenche qui étaient entrés
dans sa famille par le mariage de son aïeul avec Béatrix de
Viennois, fille d'Humbert I®"" (4). Mais réflexions et réclama-
tions arrivaient trop tard.
Cependant la cour négocia longtemps avec Hugues de Châ-
lon au sujet de ses prétentions. Nous voyons dans les comp-
tes de Raoul de Loupy que ce gouverneur faisait en i362
un voyage à Villeneuve-lès-Avignon pour cette affaire (5). La
cour intenta un procès au comte de Valentinois devant le
parlement de Paris, qui le jugeant coupable le condamna
« par arrest à payer mille marcs d'argent au roy Charles et
« à luy restituer certains chasteaux et lieux qu'il avoit livrez
(i) « Es dictz eschanges, monseigneur le dauphin et messeigneurs ses
successeurs se trouvèrent grandement grevés, car ce qui fut baillé audit
conte vasloit chascun an xxv mille florins d'or, sauf le plus, et ce qui
fut baillé du costé de Savoie ne valoit pour lors, chascun an, que mil
V cens florins, et aujourd'huy vault moins. Et aultres lésions y a qui
seroit trop long a reciter, que l'on pourra mettre en avant quand be-
soing sera. » Mathieu Thomassin, Registre delphinalj cité par Ménabréa.
(2) « Messire Aymé, comte de Savoie, appelé le Conte- Vert, voyant
qu'on luy avoit baillé fort et puissant adversaire et que pour le temps
advenir luy ne ses successeurs ne pouvoient espérer résister à la France^
se proposa d'y pourveoir, et profitant des grandes tribulations du
royaulme, procura par divers moyens, promesses et corruptions de
tirer à luy plusieurs gens et officiers par l'entremise desquels furent
faits les eschanges et permutations qui s'ensuyvent. » (Ibid.).
(3) Mémoires et documents publiés par la Soc. d*hist, et d'arçh, de
Genève, t. XVIII (1872), p. 257,
(4) ANSELME, t. VIII, p. 422.
(5) Chevalier, Compte de Raoul de Loupy, p. 26-7.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. Sg
a au comte de Savoie pendant sa lieutenance. De quoy néan-
a moins le roy lui octroya absolution, par lettres du mois
« d'août mille trois cent soixante huit, moyennant la somme
« de quinze mille florins d'or, lesquels il paya à Sa Ma-
« jesté (i). »
Mais cette forte amende ne le délivra pas de ses peines.
Hugues de Châlon, qui, paraît-il, n'avait rien pu obtenir de
la cour de France, tourna tout son ressentiment contre
Aymar de Poitiers, le regardant comme responsable de la
perte et des dommages essuyés par sa famille. Il résolut de
se faire rendre justice et d'arracher au comte de Valentinois
quelques compensations. Un mercredi, 8 novembre i368,
Aymar VI revenait de Grenoble, où il s'était occupé des affai-
res du dauphin et des mesures à prendre pour la défense de
la province menacée par les compagnies. Après avoir dîné
à Moirans, il se mit en route pour gagner Saint-Marcellin
avant la nuit. La plupart de ses gens avaient pris les devants.
Il cheminait lentement sur sa mule, ayant auprès de lui
Louis de Poitiers, seigneur de Chalencon, Eynier du Puy,
Artaud de Mornans, Guillaume Cornillon, Gonet Lager,
maître Guillaume Rivière, chanoine de Gap, et quelques fa-
miliers. Un peu avant d'atteindre Tullins, près du pont sur
la Fure et de l'endroit où passe la route de Beaucroissant, nos
paisibles voyageurs se virent tout à coup attaqués par des
gens armés, qui sortirent des taillis en criant : à mort ! à
mort ! Enveloppés de toutes parts, ils sont bientôt hors d*état
(i) DucHESNE, p. 56 et Preuves, p. 55 : « Item aliae litterae ejusdem
Caroli régis et dalphini Viennensis, quibus cum Âdemarus cornes Va-
lent, et Dien. per arrestum condemnatus extiterit in mille marcis ar-
genti ipsi régi solvendis, necnon ad restituendum castra et loca per
ipsum tempore quo locumtenens dicti régis erat in predicto Dalphinatu^
comiti Sabaudiae obligata et tradita, una cum exitibus et proventibus,
idem rex consideratione serviciorum quae Ludovicus ipsîus quondam
Âdemari pater, et ipse eidem impenderant, illum ab his omnibus
absolvit, mediante summa xv millium florenorum auri, quam idem
comes solvit, anno m*, ccc*. Lxviir, mense augusti. »
40 SQCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
de se défendre, et Guillaume Cornillon, écuyer du comte,
qui tentait de dégager son maître, est grièvement blessé.
Quant au comte, il est renversé de sa monture. Ces hommes,
instruments de la vengeance de Hugues de Châlon, avaient à
leur tête Jean, seigneur de Corgeron, et Raynaud Dandelo.
Ayant remis le comte sur sa mule, ils remmenèrent prison-
nier au château de Cressieu, dans le diocèse de Besançon, où
il demeura captif plus de cinq mois, endurant de grandes pri-
vations, des menaces et des outrages. Les conditions qu'on
mit à sa délivrance furent dures. On le contraignit d'abord à
souscrire un billet de 12,000 francs en faveur de Jean de
Corgeron et de Raynaud Dandelo. Amené à Bourg-en-Bresse,
il dut encore souscrire un autre billet de 4,000 fr. en faveur
des mêmes. Ce n'est pas tout. Avant de recouvrer la liberté,
il fit compter 5, 000 fr. à Hugues de Châlon et 5,000 à Cor-
geron et à Dandelo. Il donna pour garants de ses promesses
Marguerite de Poitiers sa sœur, François de Beaumont, sei-
gneur de Pélafol, Aymar de Monteil, Louis de Poitiers,
Geoffroy de Bressieu, Geofifroy de Clermont, Hugues Adhé-
mar, seigneur de Monteil et de la Garde, Aynar de la Tour,
seigneur de Vinay, Giraud Adhémar, seigneur de Grignan,
et Briand, seigneur de Beaucaire. De plus Louis de Poitiers,
François de Beaumont et Lambert, fils aîné de Hugues Adhé-
mar se constituèrent otages ; pour permettre qu'on les relâ-
chât, le comte versa encore une somme de 5, 000 fr. A l'occa-
sion de ces faits, Aymar déclara plus tard avoir subi une
perte totale de plus de 5o,ooo francs (i).
A peine remis en liberté, le comte de Valentinois, se sou-
venant qu'il était vassal de la cour romaine, s'adressa au pape
pour se plaindre de l'attentat dont il avait été victime et se
faire relever des serments qu'il avait prêtés sous l'empire de
la crainte. Urbain V délégua Pierre de Chinac, cardinal-
prêtre du titre de Saint-Laurent, pour étudier et juger cette
(1) Chevalier, Choix de documents.,,^ p. 177-81.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 4I
cause, et nul doute que celui-ci ne donnât satisfaction au
comte. Le roi s'occupa aussi de cette délicate affaire et réus-
sit à obtenir d'Aymar et du seigneur d'Arlay l'oubli et le
pardon réciproque de leurs torts. Nous n'avons pu retrouver
que l'ébauche du traité de paix que le monarque imposa ou
fit accepter aux deux ennemis ; la pièce malheureusement ne
porte aucune date (i).
Pendant l'été de iSjo, le duc d'Anjou, ayant entrepris une
expédition en Gascogne contre les Anglais, Aymar VI lui en-
voya le contingent de ses troupes. Y alla-t-il lui-même ? Une
lettre de ce prince, datée de Nîmes, le 28 juin, nous porterait
à le croire, car elle dit qu'il s'était mis en armes et achevait
ses préparatifs de départ (2). Quoi qu'il en soit, le comte de
Valentinois ne manifestait plus, depuis quelque temps, un
aussi grand zèle pour les intérêts de la France. Son procès
avec la cour et la lourde amende qu'il avait payée, l'avaient
singulièrement refroidi ; les officiers royaux continuaient à
(i) Archives de l'Isère, B, 3270. Karolus, Dei gratia cum deba-
tum..., querela nuper diu orta fuerit inter... Âymarum... et dilectum
n. Hugonem de Cabilone, dominum de Arlaco... super traditionem
nuper factam carissimo fratri nostro comiti Sabaudie castrorum Castil-
lionis et Salenchie, sitorum in terra Fucignaci... factam, inquam, ut
dicitur, per gentes seu commissarios a d. comité specialiter deputatos,
et quia traditionem dicebat et asserebat d. d. de Arlaco esse factam in
grande dampnum et prejudicium ipsius et suorum heredum et succès-
sorum, quia dicta castra seu loca ad ipsum et antecessores suos perti-
nent et pertinere debent pleno jure, ut dicebat, ob quam etiam tradi-
tionem et gravamen et gravamina inde subsequuta, d. d. de Arlaco
dictum comitem cepit seu capi mandavit per Johannem de Corgerone
et Raynaudum Dandelo, milites, eorumque complices, indeque amicis
comitis intervenientibus, dicti cornes et dominus de Arlaco pro se et
suis complicibus... ad bonam pacem... devenerunt et sibi invicem
omnem rancorem et injuriam remiserunt puro corde, prout hec omnia
et singula^ pro parte d. comitis fuerunt nobis exposita, et nuper pro
parte ipsius supplicatum quatenus pacem et concordiam inter dictas
partes... ratam et gratam habere dignaremur. . .
(2) Hist. du Languedoc, t. IX, p. 817.
42 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
le tourmenter, et le duc d'Anjou, lieutenant du roi en Dau-
phiné, jugea prudent de leur écrire pour faire cesser ces tra-
casseries (i). Charles IV, attentif à saisir les occasions de
combattre Tinfluence française dans la vallée du Rhône, ne
manqua pas d'encourager le comte dans cette voie nouvelle.
Il lui donna, dans le même temps, un témoignage de haute
bienveillance. Par une bulle du 4 juillet iSjS, il révoqua les
privilèges qu'il avait accordés aux habitants de Romans dans
tout ce qu'ils pouvaient avoir de contraire aux intérêts du
comte de Valentinois (2). Il en résultat que celui-ci, cessant
d'orienter sa politique du côté de la France, chercha ailleurs
une alliance et un appui. Le pape lui sembla un protecteur
assez riche pour lui aider à payer ses dettes, assez puissant
pour le défendre. On sait que Grégoire XI, alors régnant,
était son beau-frère.
Aymar VI se rendit donc à Avignon. Le 9 février iBjS, il
y fit son testament, par lequel il instituait pour héritier uni-
versel Louis de Poitiers, son cousin germain, fils d'Aymar de
Poitiers seigneur de Veynes et de Guiotte d'Uzès. Elips de
Beaufort, son épouse, devait avoir la jouissance de ses sei-
gneuries, sa vie durant, mais à la charge d'assurer à Louis un
honnête entretien. Il substituait à Louis de Poitiers Edouard
de Beaujeu, son neveu, écartant ainsi de son héritage les Poi-
tiers-Saint- Vallier : cette clause, comme nous allons le voir,
devait devenir la source de procès et d'inimitiés dans sa fa-
mille. A l'exemple de ses ancêtres, Aymar faisait de nom-
breux legs aux églises et aux monastères de ses Etats, ce qui
n'était pas pour alléger les charges laissées à ses successeurs (3).
(i) Hist. du Languedoc, t. IX, p. 817.
(2) Archives de l'Isère, B, 2982. — Chevalier, Choix de documents,
p. i83.
(3) Dans une des clauses de ce testament, on voit qu'Aymar VI avait
quelques remords de l'injustice commise par lui et par son père à
regard d'Arnaud de Rochefort et de Luquette, son épouse, qu'il avait
dépouillés du fief de Rochefort appartenant à leur famille depuis plus
LES COMTÉS DE VALENTINOïS ET DE DIOIS, 43
Il demandait à être enseveli aux Cordeliers de Crest, dans le
tombeau de ses ancêtres. Il désigna enfin pour ses exécuteurs
testamentaires le pape, les cardinaux d'Albano, d'Àigrefeuille,
de Limoges, de Comminges et de Nîmes, le vicomte de Tu-
rennes et Jean de Chalaire, prieur de Charaix, au diocèse de
Viviers (i).
Depuis qu'elle était fixée sur les rives du Rhône, la cour
pontificale cherchait à s'y créer une situation forte et res-
pectée. Avignon et le Comtat Venaissin étaient sans doute de
beaux domaines, mais elle rêvait encore d'autres agrandisse-
ments. N'avait-elle pas entamées diverses négociations avec le
dauphin Humbert II pour recueillir l'héritage de ce prince (2).
L'humeur inconstante et maladive d'Humbert habilement
cultivée par la diplomatie française, ruina de ce côté toutes
ses espérances. Grégoire XI pensa être plus heureux avec
le comte de Valentinois, son beau-frère, devenu depuis quel-
que temps son hôte, car Aymar, entraîné sans doute par ses
goûts pour le plaisir et le faste, était venu habiter Avignon,
dans le palais du pape. Grégoire voulut d'abord faire du
comte un vassal de l'Eglise romaine pour toutes ses terres. Il
ne trouva pas de résistance de la part du comte, qui comme
nous Tavons vu était en quête de protecteurs et surtout
d'un bailleur de fonds. Il lui promit 3o,ooo florins d'or, et
de trois siècles. « Item, cum per certain compositionem olim factam
inter nos ex una parte et dominam Luquetam, relictam domini Ar-
naudi de Ruppeforti^ seu d. d. Ârnaudum aut nos ambos, dare et sol-
vere debemus pro collocatione filie dictorum conjugum quingentos flo-
renos auri, volumus et ordinamus quod dicti quingenti floreni auri, de
bonis nostris, eidem fille, vîdelicet ultimo nate ex matrimonio dictorum
conjugum, et pro ipsa in matrimonio collocanda realiter exsolvantur.
Item, volumus et ordinamus quod pro animabus dictorum Ârnaudî et
Luquete quondam conjugum, dentur et solventur conventui fratrum
minorum de Romanis trecenti floreni semel tantum. »
(i) Archives de l'Isère, B, 3582. Il n'existe qu'une partie de ce testa-
ment. — DUCHESNE, p. 56.
(2) FOURNIER, p. 437.
44 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
ayant désigné des cardinaux pour discuter les conditions du
traité qui allait faire passer les comtés de Valentinoîs et de
Diois sous lu suzeraineté pontificale, on fut bientôt d'accord.
Le 23 mars 1374, à Villeneuve-lès-Avignon, le pape, voulant
donner à l'exécution du traité toute la solennité possible, tint
un consistoire, où le comte fut admis. On y lut les condi-
tions acceptées de part et d'autre. Nous en donnerons ici le
résumé.
Le comte reconnaît tenir en fief de la cour romaine tous
ses châteaux et toutes ses terres dans l'Empire, et en fournit
le dénombrement (i). Il conserve toute juridiction sur ses
(i) Le dénombrement fourni par le comte offre un réel intérêt pour
la géographie politique de nos pays au XIV» siècle. Nous le donnerons
ici en latin poiir conserver la véritable orthographe des noms :
Hec sunt loca et castra que dominus comes Valentinensis et Diensis
inlendit recognoscere in feudum et tenere a dom. papa et romana
ecclesia sacrosancta, cum suis castellaniis et juribus universis, ut latius
infra dicetur. Primo castrum Ruppis fortis in Valentinensi. Item, cas-
trum Charpey. Item, castrum Castri dupli. Item, castrum Montis Mey-
rani. Item, castrum Vpiani. Item, castrum Vache. Item, castrum Val-
lisnavigii. Item, castrum Criste. Item, castrum Gigorcii. Item, castrum
Banii in Montibus. Item, castrum Aygleduni. Item, castrum Quinti.
Item, castrum Ponteysii. Item, castrum Grane. Item, Caprilhianum.
Item, castrum Marsane. Item, castrum Sauzeti, partem videlicet que
non fuit alias recognita domino nostro. Item, medietatem castri Sa-
vassie. Item, castrum et fortalicium Castri novi Dalmaceni cum medie-
tate ville seu burgi dicti loci. Item, castrum Auripli. Item, castrum
Saonis. Item, castrum sancti Medardi. Item, castrum Audifredi sive
duodecima pars medietatis d. castri Audifredi, que duodecima pars
dicte medietatis dicti castri tenetur a d. Dalphino Viennensi, excepto
etiam his que sunt ultra riperiam d que etiam tenentur a d. d. dal-
phino. Item, quarta pars vel quasi castri de Comps. Item, castrum
Ruppis sancti Secreti. Et est sciendum quod domum et fortalicium ac
pedagium Lene et territorium circumcirca, per jactum duarum balista-
rum unius pedis, ac stratam publicam transeuntem per dictum manda-
mentum Savassie non intendit includere infra presentem contractum
sed retinere cum mero et mixto imperio et omnimoda jurisdictione.
Loca infrascripta que tenentur a d. d. comité in feudum, intendit
LES COMTÉS DE VALBNTINOIS ET DE DIOIS. 4b
domaines et les appels. Il garde le droit de punir tous les
délits, y compris celui du port d'armes prohibées, ainsi que
celui de fabrication de fausse monnaie ou d'altération des
,recognoscere se tenere in feudum idem d. cornes a d. d. papa, ecclesia
romana ac ejus successoribus. Primo castrum Belliregardi in Valenti-
nensi, videlicet tertiam et quartam partem. Item, castrum Barberie
cum territorio Finceyarum. Item, castrum de Marchiis. Item, castrum
de Barcelhona. Item, castrum Balme Cornilhane. Item, castrum Or-
chii. Item, castrum Ruppette Cornialis. Item, mandamentum et terri-
torium Bastide Baini in Dyesio. Item, castrum Chaylarii prope Ayglu-
dunum. Item, territorium Vacheriarum. Item, territorium et tenemen-
tum Sancti Albani prope Dyam. Item, castrum de Barre in Dyesio,
Item, castrum de Veteri Cheyneto. Item, castrum Espenelli. Item,
castrum Castri Arnaudi. Item, castrum Albenasseti. Item, territorium
et mandamentum de Moteta. Item, castrum Alticampi. Item, c. Ruppîs
prope Granam. Item, c. Podii Grossi. Item. c. Ancone. Item c. Laupie.
Item, castrum Montis Boscherii. Item, castrum Ruppis fortis in Val-
dania. Item, castrum Podii Gironis. Item, castrum Toschie. Item, ter-
ritorium de Boneysaco. Item, territorium de Serris. Item, castrum Rup-
pis Baudini. Item, castrum Manassii. Item, castrum Soperie. Item,
castrum Pogeti Vallis. Item, castrum Delfecis. Item, castrum Fellina-
rum. Item, castrum Pontis Barreti. Item, castrum de Chariavol. Item,
castrum Roynaci. Item, castrum Pogeti Celarii. Item, castrum Mor-
nancii. Item, très partes vel circa castri de Comps. Item, castrum Ala-
moni. Item, castrum Blacosii. Item, medietatem castri Opigii.
Item, loca infrascripta que non fuerunt verificata per dominos com-
missarios que tenentur a d. d. comité in feudum. Primo, castrum
Monteysonis in Valent. Item, territorium et mandamentum Aque Bone.
Item, castrum Condorcezii. Item non fuerunt visitata castra Secussia-
rum novarum et antiquarum que tenentur a d. d. comité in retro-
feudum.
Infrascripta loca que tenentur a d. d. comité in retrofeudum, intendit
recognoscere ut precedentia de aliis. Primo, castrum Sancti Gervasii in
Valdania. Item, castrum Clivi in Andran. Item, castrum Podii Sancti
Martini. Item, castrum Bastide Rolandi. Item, castrum Espeluchie.
Item circa quartam partem castri Pigri. Item, castrum de Portis.
Qua quidem cedula sic perlecta, prefatus d. comes paratum se obtulit
realiter cum efPectu se recogniturum predicta castra... a prefato d. n.
papa.
46 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
monnaies (i). Comme par le passé, il pourra battre mon-
naie (2), lever des péages par eau et par terre, anoblir, légi-
timer les bâtards, etc. Si le pape soutient une guerre dans le
Comtat, il devra mettre sur pied, pour lui venir en aide, cent
hommes d'armes à cheval et 400 fantassins. A son tour, le
pape doit au comte aide et protection. Dans ses différends avec
l'Eglise de Valence, il est convenu que le pape s'engage à
contraindre, par la voie des censures, Tévêque de Valence
à accepter Tarbitrage de la cour romaine, si toutefois le comte
réclame cet arbitrage. En échange de l'hommage du comte,
le pape lui fait don de sa portion de Montélimar et d'une
somme de 3o,ooo florins d'or. Enfin, Tévêque de Valence,
par ses fondés de pouvoirs, ayant fait entendre quelques ré-
clamations au sujets de certains fiefs, mentionnés au dénom-
brement et pour lesquels les Poitiers lui devaient hommage,
on décida qu'une compensation serait accordée au prélat.
Après la lecture de ces conventions, Aymar VI s'approcha
du trône pontifical, la tête découverte, sans manteau, sans
ceinture et sans épée ; il se mit à genoux et les mains jointes
dans celles du pontife, fit Thommage lige et le serment de
fidélité, prononçant la formule d'usage (3).
(i) ... sive sint commissa in portatione armorum prohibitorum vel
alias in fabricando falsam vel adulterinam monetam, aut veram etiam
tingendo vel radendo, vel alias qualitercumque monetam falsificando,
vel falsiâcata scienter utendo ipsius d. comitis vel alterius cujuscunque,
excepta moneta d. n. pape, sive sint sic agentes monetarum vel non,
et contra alios delinquentes etiam in fluminibus. . .
(2) ... Et etiam, de expresso consensu d. n. pape, retinuit sibi jus
cudendi monetam quamcunque, auream vel argenteam, ubi et prout
erat d. d. comes in possessione eam cudendi seu cudi faciendi tem-
pore presentis contractus, jus levandi et exigendi pedagia et theolonia
sive in terris, sive in aquis...
(3) Voici la formule du serment : « Ego Ademarius de Pictavia,
comes Val. et Dien., juro ad sancta Dei evangelia quod ab hora in
antea usque ad ultimum diem vite mee, ero fidelis, sicut débet esse
vassalus domino suo, vobis Gregorio pape XI* et successoribus vestris
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 47
Le pape donna ensuite au comte sa portion de la terre
de Montélimar, se réservant Thommage lige de ce fiet et un
cens annuel d'un marc d'or fin, payable le jour de la lête de
saint Pierre et de saint Paul. Le comte devait prendre à sa
charge une pension de cent livres due au monastère de Cruas,
que payaient ab antiquo les anciens possesseurs du fief. Le
pape donna au comte Tinvestiture, par la tradition d'un an-
neau ; le comte fit aussitôt hommage pour Montélimar.
Ces actes eurent pour témoins Pierre, archevêque de Bour-
ges, camérier du pape, François des Ursins, notaire aposto-
lique, Jean, archevêque d'Auch, Simon archevêque de Mi-
lan, Guy, évêque de Poitiers, Bermond, évêque de Pampe-
lune, Pierre, abbé d'Aniane, Géraud Gaspard, doyen de Va-
lencç et de Die, etc. (i)...
Ajoutons enfin, pour ne rien omettre, que par un acte daté
du même jour, Grégoire XI donna au comte de Valentinois
le droit de toucher sur le trésor apostolique la somme conve-
nue de 3o,ooo florins d'or; il lui fit encore la remise d'une
autre somme de 8,000 florins que lui avait autrefois prêtée
Clément VI (2).
Aymar VI ne survécut pas longtemps à cet acte, par lequel
il renonçait à cette indépendance féodale dont ses ancêtres
s'étaient montrés si jaloux. En se plaçant sous la suzeraineté
du pape, il avait poursuivi un triple but, apporter remède à
canonice intrantibus , contra omnem hominem , et quod nunquam
scienter ero in consilio vel in facto quod vitam admittatis vel aliquod
membrum, vel recipiatis in persona lesionem aliquam vel injuriam,
vel quod admictatis aliquem honorem quem nunc habetis vel in anthea
possidebitis, et si scivero vel audivero quod aliquis velit aliquid isto-
rum contra vos facere, pro posse meo, ut non fiât impedimentum pres-
tabo, et si impedimentum prestare nequivero, quam cito potero, vobis
nunciabo et contra eum, prout potero, vobis auxilium meum pres-
tabo. »
(i) Archives de Tlsère, B, 8249, f« 364-70.
(2) Archives de l'Isère, B, 3583. et 3249, f- 376. y
48 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
une situation financière désespérée, combattre les visées de
la France, et frustrer les Poitiers-Saint- Vallier d'un héritage
auquel les appelaient d'anciennes substitutions. Il vécut en-
core assez pour voir commencer un procès qui fut une des
principales causes de la ruine définitive de sa famille et qui
eut en somme pour résultat d'établir sur le Valentinois la
domination française.
Il avait épousé, comme nous l'avons dit (i), Alix ou Elips
Rogier de Beaufort, nièce de Clément VI et sœur de Grégoire
XI. Il n'en eut pas d'enfant. Le 20 décembre 1344, cette dame
fit don à son mari de 20,000 livres au cas où elle mourrait
sans enfant, et lui, par acte du 28 novem. i353 lui donna la
terre de Châteauneuf-de-Mazenc, pouren jouir sa vie durant;
il se rendit avec elle à Châteauneuf et l'en mit en possession
le 29 octobre i355 (2). Par acte du 4 nov. i353, Aymar « lui
donna encore à vie les seigneuries de Tournon, Privas, Bo-
logne et Durfort (3), et par son testament lui laissa la jouis-
sance de toutes ses terres, à la charge d'entretenir honnête-
ment l'état de son cousin Louis, son héritier, avec lequel elle
transigea après la mort de son mari et se contenta des terres
en deçà du Rhône, avec les places fortes de Savasse, de Lène
et de Châteauneuf-de-Mazenc, lui abandonnant la jouissance
de tout le reste. » La bonne intelligence ne dura pas entre
eux, et nous verrons Alix de Beaufort se liguer avec les en-
nemis du comte et lui susciter toutes sortes d'ennuis. Elle
testa le 23 juin 1403, et vécut encore jusqu'en 1405 ou
1406 (4).
(i) Voir plus haut, p. 327.
(2) Archives de l'Isère, B, 2634, f* iio.
(3) Pendant son séjour à VilIeneuve-lès-Avignon, au mois de février
1363, le roi Jean-le-Bon confirma cette donation {Hist. de Languedoc^
t. IX, p. 751).
(4] Anselme, t. II, p. ig5.
(A continuer.) Jules CHEVALIER.
•*
V
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 49
ESCALIN
'Pâtre, nAwhassadeur et Général des Galères de France
RECUEIL DE DOCUMENTS
CONCERNANT SA VIE
(Suite. — Voir la 115* livr.)
De stercore erigens pauperem
ut collocet eum cum principibus.
Voici que Brantôme s'écrie : « Mais quel honneur, s'il vous
plaist, le cappitaine Poulain mena il ceste armée, luy qui ne
s'estoit veu, n'avoit pas longtemps que simple soldat et cappi-
taine Poulain ! Ce fut que le Grand Seigneur, au despartir,
commanda à Barberousse d'obéyr du tout en tout au cappi-
taine Poulain, et se gouverner par son conseil à faire la guerre
aux ennemis du roy selon son vouloir: en quoy il s'en sceut
très bien faire accroyre ; car Barberousse n'osa jamais atta-
quer ny faire mal à aucuns chrestiens, bien que ce fust sa
vraye proye, par où il passa, et mesme à toutes les terres du
Pape, comme au port d'Hostie et aultres qui trembloient de
peur, et Rome et tout, et tous les cardinaux encore qui y es-
toient, car le Pape n'y estoit pas ; mais le cappitaine Poulain
leur manda qu'ils n'eussent point de peur, et qu'on ne leur
feroit aucun mal, ny à pas un chrestien qui fust amy et con-
fédéré du roy. » Voici les termes de cette lettre qui fut en-
voyée par Poulin au légat Rodolphe : « L'armée marine en-
voyée par Solyman pour la deffence de la France, sous la
conduite de Barberousse, a charge de m'obéyr de telle sorte
qu'elle ne nuyra à nulz qu'à nos ennemis. »
2» Série. XXX' Volume. - 1896 4
5o SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Nice était le dernier asile du duc de Savoie dont les Etats
étaient occupés par les Français. Ceux-ci avaient des intelli-
gences dans la place, ils en firent le siège. Robertson dit que
Barberousse avait amené iio galères de Constantinople et
que la flotte française était sous le commandement du comte
d'Enghien, celui-là même qui, Tannée suivante (1544), rem-
porta la victoire à Cérisolles. Cette entreprise échoua, dit
Pithon-Curt^ « soit par les mauvais avis qu'on avait reçus de
la place, soit par Timpatience de Barberousse qui delà s'en
fut ravager les côtes de T Italie méridionale. » Brantôme dit :
« J'ay veu plusieurs vieux cappitaines qui ont veu tout le mis-
tère (i) de ce voyage de Provence et du siège de Nice, mais
c'estoit chose estrange a veoir comme ce cappitaine Poulin
se faisoit obéyr et respecter parmy ces gens, plus certes que
ne faisoient de plus grandz que luy qui estoient là. Je luy ay
veu descourir une fois de ce voyage et négociation, mais il
faisoit beau Ten ouyr parler et la peyne qu'il y eut! »
La flotte turque passa Thiver dans le port de Toulon. Nos-
tradamus (2) dit « que le roy y avoit despeché à Tholon le
prince d'Enghien avec ses galères pour recevoir la flotte tur-
que et s'y joindre. Le prince d'Enghien tira sa route vers
Marseille et de la devers le roy. « François !«' gardait là cette
flotte et l'entretenait comme une menace suspendue sur l'Eu-
rope. La ville de Toulon supportait cette charge avec peine,
aussi ses représentants prirent la délibération suivante : « Sai-
chent tous l'an 1543 et le 14"® jour de novembre, congregé le
conseil de la ville et cité de ThoUon dans le couvent des
frères Jacoppans et au réfectoire d'icelluy... entendu la pro-
position... contenant en efifet que yer à l'armée de magni-
fique seigneur de Poullin, baron de La Garde, embayssa-
teur pour le roy nostre seigneur, messieurs les consuls luy
(i) Ce mot mistère doit se rapporter à quelques particularités de-
meurées inconnues.
(2) Histoire de Provence,
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 5l
allèrent fere la révérence et luy faisant démonstration des"
grandes afifoheles en quoy le dit lieu de Tholon est a présent
tant pour le gaste des oliviers qui sont journellement mangés
par les estrangiers, que en plusieurs autres fassons, comme
audit sieur ambaissateur est notohere... »
Il s'agissait d'obtenir du roi certaines immunités en com-
pensation de la charge occasionnée parla présence de la flotte
turque. Le baron de La Garde accompagna la députation
toulonnaise à la cour. Elle eut satisfaction du roi.
Le P. Anselme et Pithon-Curt disent que le roi, par ses
•
lettres du 9 mars i543, avait nommé Escalin lieutenant-géné-
ral de son armée de mer du Levant, sous la conduite du comte
d'Enghien. Une des copies de Chorier porte que, dès le 21
mai 1 542, le capitaine Poulain aurait été revêtu de cette di-
gnité. La lettre de Corfou attribue à Poulain le commande-
ment effectif. Dans la suite ce commandement lui ayant été
donné sous la préséance du maréchal d'Annebault, ne de-
vrait-on pas induire de là que dans la première, comme dans
la seconde circonstance, on n'avait pas voulu revêtir Escalin
de la dignité de général des galères parce que sa naissance
obscure s'y opposait ? Le P. Anselme, sur la foi d'un mémoire
que lui avait remis le marquis de Créquy [devenu général
des galères en 1667], dit que cette charge était alors occupée
parle comte d'Enghien, ce prince du sang, vainqueur l'année
1544 à Cérisolles, à cette bataille dont les Français retirèrent
cependant peu d'avantages.
Les premières lettres accréditant le capitaine Poulain au-
près de Soliman lui donnent le titre de procureur général et
spécial (i I mars 1541). Néanmoins celles du 21 mai 1542, qui
rétablissent lieutenant général des mers du Levant, reconnais-
sent qu'il est ambassadeur devers le Grand Seigneur. Le cor-
respondant de Corfou le considère comme ayant effective-
ment cette qualité.
Avant d'être envoyé à Constantinople le capitaine Poulain
s'était montré vaillant capitaine de gens de pied, il se révèle
52 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
ensuite comnae habile négociateur et enfin, nommé lieutenant
général de l'armée de mer du Levant, il déploie de tels ta-
lents que les historiens le considèrent comme le plus habile
homme de mer de son temps. S'il n'eut été grandement ap-
précié sous ce rappon par François I*"^ ce roi ne Peut pas fait
passer d'une mer dans Tautre pour combattre les Anglais.
Les copies de Chorier nous fournissent d'autres lettres du
22 janvier 1544 qui établissent le capitaine Poulain sg^ et
baron de La Garde, chef et superintendant de l'armée de mer
qui doit passer de Levant en Ponant. Ces lettres lui donnent
tout pouvoir mais en réservant encore la prééminence à
l'amiral maréchal d'Annebaut. Dans ces lettres on le qualifie
de conseiller et chambellan ordinaire du roi. C'est sous ceg
mêmes titres et sous celui de capitaine général de l'armée de
mer du Levant qu'Escalin, le 1*^ avril 1544, ordonnance di-
verses sommes pour être payées à des commandants de navire
pour le service du roi par le trésorier de la marine du Levant
à Marseille.
Castelnau reproduit in extenso les lettres du 23 avril 1 544,
mentionnés par le P. Anselme et par Pithon-Curt, qui élè-
vent le baron de la Garde à la dignité de général des Galères.
Castelnau fait auparavant les réflexions suivantes: « Il fut le
premier français pourveu en chef du généralat des galères de
France, qu'il rendit l'un des premiers offices du royaume par
l'autorité que luy donna le roy François I", par ses lettres en
forme de commission, lesquelles j'ay estimées d'autant plus
nécessaires que l'on y verra l'établissement de la charge de
général des Galères, dont ses successeurs doivent la gran-
deur et l'importance au mérite de ce grand chef de la marine,
et à l'espérance que le roy eut de ses services. « Fran-
çois I", etc. Scavoir faisons que pour la singulière et entière
confiance que nous avons de la personne de nostre amé et féal
Antoine Escalin dit le Poulin, chevalier, nostre conseiller et
chambellan ordinaire, de ses sens, expérience, au fait de la
marine, de la guerre et des armes... icelluy, avons... estably...
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 53
chef et capitaine général de nostre dite armée de mer du Le-
vant, luy donnant plein pouvoir, puissance, autorité, d'ordon-
ner délibérer et disposer de nos dites galères et vaisseaux, gens
de guerre de cap et de rame, artillerie et équipage qui sont des-
sus, et les exploiter à rencontre dudit empereur et autres, etc.
toutes et quantes fois nostre service le requerra, etc. Luy
avons donné et donnons pouvoir puissance et autorité d'or-
donner du payement des gens de guerre, ensemble des autres
frais qu'il conviendra faire, etc., et les payements être passez
et allouez en la despances des comptes de nos trésoriers... en-
semble la somme de cinq cens livres tournois par mois, que
nous avons ordonnée audit Poulin pour son estât et entrete-
nement en ladite charge... En tesmoin de ce avons sigrié les
présentes de nostre main et à icelles fait mettre nostre scel.
Donné à Batteville le 23 avril 1544, Françoys. Parle roy, le
sieur d'Annebaut, mareschal et admirai de France, présent. »
Quelques jours plus tard le baron de La Garde, qui devait
ce nouveau titre au comte de Grignan depuis le mois de
juillet 1543, partait de nouveau pour Constantinople et cette
fois en ambassade solennelle. Le trajet se fit par mer et en
grande pompe.
Le récit s'en trouve en un manuscrit de la Bibliothèque
de Carpentras, écrit en italien, par Jérôme Mamand, prêtre
d'Amibes. Celui-ci rapporte que depuis plusieurs années il
était tourmenté du désir de voir Constantinople aussi se
garda-t-il de manquer une si belle occasion. Il sollicita et
obtint de rempfir les fonctions de chapelain. Sa relation est
offerte à la reine de France ; elle est ornée de dessins à la
plume représentant les villes, châteaux, ports, etc., où les
galères s'arrêtèrent à l'aller comme au retour.
Le départ eu lieu le 2 3 mai 1544, ^^ retour en France au
mois de sept, suivant. Le baron de La Garde devait être proba-
blement chargé de porter les remerciements du Roi au Sultan.
L'auteur dit qu'Antoine Daimar dit Scalin, autrement
Polin, baron de La Garde, était envoyé par S. M. François le»^
54 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
en qualité d'ambassadeur vers le G. S. Soliman. Il avait avec
lui deux galères, Tune appelée la Réale, Tautre St-Pierre. Le
seigneur Léon Strozzi, grand prieur de Capoue, l'accompa-
gnait avec trois galères. Beaucoup de capitaines et de gentils-
hommes formaient le cortège d'Escalin : On y voyait Gaspart
de Castellane, seigneur d'Entrecasteaulx, à présent comte de
Grignan. Le P. protonotaire de la Garde, parent de l'ambas-
sadeur, etc.
D'après le P. Anselme, au mois d'octobre de la même an-
née le baron de La Garde se dirigea sur Arques, en Norman-
die, auprès du roi pour rendre compte de sa mission. Pithon-
Curt ajoute que cela se voit par un compte de l'épargne du
9 décembre. A cette époque les appointements d'Escalin lui
furent payés ainsi qu'une somme de deux mille livres restant
dues sur celle de six mille provenant d'un don que le roi lui
avait fait le 6 mars 1544. Le roi rendit une ordonnance, le
2 décembre, pour que ce reliquat fût payé sur les fonds en
caisse du trésorier général Jehan Laguette, tandis que le don
avait été en principe assigné sur la vente et composition de
l'office de greffier de Vienne. Il veut que Poulain soit entiè-
rement satisfait du don fait le 6 mars (i).
Robertson en son histoire de Charles-Quint remarque,
qu'en 1 544, Soliman était le seul allié de François I*"»", mais
que cette alliance avait rendu le roi si odieux à la Chrétienté,
qu'il aima mieux l'abandonner que d'être plus longtemps l'ob-
jet de l'exécration publique. Dès l'entrée de l'hiver il renvoya
Barberousse. Celui-ci en retournant à Constantinople rava-
gea les côtes de la Toscane et de Naples. Plus tard, néan-
moins, il y eut de nouveaux accords avec le G. S. puisque
nous retrouverons le baron de La Garde avec le fameux cor-
saire Dragut.
Est-ce à cette période de la vie d'Escalin qu'il faut placer
le portrait que trace de lui M. Rochas dans sa Biographie
(i) Bibliothèque nationale. Pièces originales, au mot Escalin.
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 55
du Dauphinél » A force de travail et de persévérance, il était
parvenu à se dépouiller de la rudesse du soldat et à acquérir
des talents qui le mettaient au-dessus de la plupart des gen-
tilshommes de Parmée... Le capitaine Poulin, comme on le
nommait dans le camps, se présenta à Fontainebleau ; une
belle figure, une taille avantageuse, une tenue élégante, des
manières simples et polies, en firent aussitôt Phomme à la
mode ; toutes les dames se le disputèrent. »
Ce dernier trait surtout fait honneur à l'imagination du
biographe, il paraît cependant peu en rapport avec la dignité
de Phistoire et encore moins avec le récit et la peinture de
Brantôme. Dans une vie aussi occupée et aussi mouvementée
que celle du baron de La Garde, il devait rester peu de place
à la galanterie, même à une époque où les mœurs de la cour
étaient dissolues. Incontestablement il eut sa part des fai-
blesses humaines, puisqu'il eut un fils naturel, mais si ces
faiblesses eussent pris une place notable dans sa vie, Bran-
tôme nous Paurait révélé. D'après Pithon-Curt, ce fils, Jean-
Baptiste Escalin des Aimars, serait né à Rouen en i339,
époque où le capitaine Poulain ne s'était pas encore produit
à la cour, sa fortune politique ne datant que de l'année 1541.
L. de Pérussis, on l'a vu, dit « que les premiers essais
d'Escalin furent aux guerres de Piémont où le poussait le
sage seigneur de Grignan. » Ce passage démontre que le
baron de Grignan était Pun des protecteurs d'Escalin, et
que la protection de ce seigneur lui valut de franchir les
dififérents degrés de la hiérarchie militaire pour atteindre le
rang de capitaine.
Les bons offices qu'Escalin rendit à son protecteur, le baron
de Grignan, portèrent ce seigneur à lui faire, dès le 23 juillet
I «543, la donation viagère de la terre et seigneurie de La Garde
Adhémar. Le 26 décembre i545, (année comptée à la Nati-
vité), par un nouvel acte public, passé à Montélimar par
devant M® Cayrèse, notaire en cette ville, cette donation de-
vint définitive. On doit la connaissance de ce second acte à
56 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
feu M. le baron de Coston. Il en a publié la partie essen-
tielle dans le Bulletin de la Société d* Archéologie delaDrôme
(année 1887, p. ii3). « Haut et puissant seigneur, messire
Loys Adhémar du Monteil, seigneur et baron de Greinhan et
de La Garde Adhémar, chevalier de Tordre, conseiller,
chambellan, gentilhomme ordinaire de la chambre du roy
Dauphin et son lieutenant général es pays et comté de Prou-
vence, pour les grands affection, dilection, amytié et bonne
voullonié que a heu par le passé, comme de présent a dit
avoir et porté à noble seigneur Anthoyne Descalin, seigneur
de Pierrelapte, gentilhomme de la chambre dudit seigneur
roy Dauphin, capitaine de ses gallères et son lieutenant
général en son armée de mer, et ses grands vertus, honnestetes,
curialités, plaisirs et agréables services que par efifaict il a
remonstré aud. seigneur en plusieurs gros afFeres desquels il
a heu charge, où c'est très bien pourté et vertueusement...,
auroit passé et fait donation par contrault reçu M^ Bernard,
n* à Marseille, aud. noble seigneur d'Escalin, irrévocable et
sa vie tant seulement durant et non oultre, de la seigneurie
de La Garde Adhémar... Et que dès lad. donation en ça
comme a dict mond. seigneur de Greinhan, aye dud. Escalin,
receu aultres plusieurs bons et agréables services, qui luy
ont esté faicts, comme journellement ne luy cesse fere, comme
a dict, et espère mondict seigneur de Greinhan luy seront
faicts par led. s' Escalin pour l'advenir, desquels, ou partie
d'iceulx, vouldroit mondict seigneur de Greinhan luy fere
récompense, espérant en estre mieulx servi et recepvoir plu-
sieurs bons et agréables à luy services ; pour ce est-il que
ce jourd'huy, vingt et sixiesme jour du mois de décembre
année mil cinq cens quarante cinq, prise à la Nativité N. S...
Estant en personne estably, en présence... lequel seigneur de
Greinhan par les agréables... services à luy faicts par ledit
seigneur d'Escalin, et que par l'advenir espère led. seigneur
luy estre faicts... luy donne perpétuellement par titre d'irré-
vocable donation... ladicte place, lieu, chasteau, seigneurie,
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. Sj
juridiction haute, moyenne, basse, mixte, impère, fruicts,
revenus, libertés, usatics, droit, actions et mandement de
La Garde Adhémar, censés, directes, vintains, fours, moulins,
granges, garenne, levis, terres cultes et non cultes, hermes
en quelque qualité que ce soit, pour du tout... en jouir à ses
propres et usatics voulontés à ses vie et mort, et à luy suc-
cesseurs... aussi est réservé que led. Escalin, et à luy succes-
seurs à ladite place seront tenus de porter le surnom et les
armes dudit seigneur donateur, par raison de lad. place et
lieu de La Garde. Faict et récité... audit Monteil Adhémar
en la maison et chambre neufve de la grand salle de noble
seigneur Imbert de Pracomtal, seigneur d'Ancone... et moy
Jehan Cayrèse, not® royal daulphinal. »
Cette donation fut complétée par un acte de mise en pos-
session, dressé par le même notaire le 25 janvier i545 au lieu
même de La Garde, ^( ors le pourtal. » On remit les clefs des
portes du bourg et du château à M' Loys Rival, procureur
d'Antoine Escalin, et les représentants de la communauté
s'engagèrent, au nom des habitants, à payer audit Escalin,
à l'avenir, les droits et redevances dont ils étaient débiteurs
envers les anciens seigoeurs.
Pithon-Curt rapporte que cette donation attira à Escalin
un procès contre les Adhémar de Grignan, mais qu'il le
gagna. Probablement ce procès venait de ce que la seigneurie
de La Garde était substituée, ce qui aurait fait obstacle à la
donation faite par Louis Adhémar de Monteil.
M. de Coston estime qu'Escalin était le fils naturel du ba-
ron de Grignan. Son opinion et ses conclusions ne découlent
pas nécessairement et naturellement de l'acte dont il donne
l'extrait. Aussi M. Lacroix, (au tome viii, page 263 de son
Arrondissement de Montélimar), fait-il observer que M. de
Coston remarque lui-même « que si les termes d'affection et
d'amitié ne sont pas épargnés il ne vont pas au-delà. »
M. Lacroix en conclut « qu'il fallait que leurs liens ne fussent
pas bien réels, ou que le baron de Grignan eut de graves rai-
58 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
sons pour les cacher, à une époque où il ne pouvait plus
espérer d'enfants, et où le capitaine Poulin, déjà ambassadeur,
avait acquis une brillante position. »
Sur l'origine du célèbre capitaine pourquoi ne pas s'en
tenir au récit de Brantôme, son ami et son familier? Castel-
nau ne dit-il pas ? « Voilà un témoignage bien appuyé puis-
qu'il (Brantôme) cite le baron de La Garde lui-même ! »
Remarquons en outre que Louis de Pérussis, aussi con-
temporain et ami du baron de La Garde, n'a pas écrit un seul
mot qui puisse laisser soupçonner une parenté charnelle en-
tre le baron de La Garde et le comte de Grignan. Il parle
avec éloge de ces deux personnages et lorsqu'il rapporte la
mort d'Escalin il dit que ses premiers essais furent aux guer-
res de Piémont où le poussait le sage seigneur de Grignan et
qu'il était parti de bas.
M. de Coston termine son article par une remarque qui
manque d'exactitude : « Escalin, dit-il, prit le nom d'Adhé-
mar porté par tous ses descendants qui abandonnèrent celui
de des Aimars. » Jean-Baptiste Escalin, le fils naturel du ba-
ron de La Garde, signe toujours dans les actes du notaire de
La Garde « Jean-Baptiste Escalin des Aimars ». De plus, cette
désignation dans les actes émanés de l'autorité royale et dans
les actes publics, accompagne toujours le nom d'Escalin.
(Voir aux archives de l'Isère les lettres patentes données en
1646 par Louis XIII, portant érection en titre de marquisat
delà baronnie de La Garde).
M. de Coston a été mieux inspiré en faisant remarquer
cf qu'Adhémar et Aimar sont deux noms identiques et souvent
confondus ou deux formes d'un même nom. » Il en donne
des exemples probants. Antoine Escalin, ainsi que ses des-
cendants, en se tenant à la forme, des Aimars, voulaient-ils
montrer qu'ils succédaient aux Adhémars? Etait-ce en imi-
tation de l'usage italien, à une époque où les rapports poli-
tiques étaient nombreux entre les deux nations ? Des Aimars
équivaudrait alors à : de la famille, de la race des Adhémars
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS., 69
OU Aimars. Le nom des Aimars se rencontre dans plusieurs
actes des registres paroissiaux de Pierrelatte jusque vers la
fin du XVIII® siècle. C'était un nom très répandu dans le
pays.
Ce dut être à la suite de la première donation, c'est-à-dire
celle de i54^, qu'Escalin ajouta à son nom patronymique
celui de des Aimars et qu'il mit dans ses armoiries Técusson
des Adhémars. Dès 1 544, les quittances signées par le baron
de La Garde, qui se voient à la Bibliothèque nationale, sont
formulées au nom d'Escalin-Desesmars et revêtues de son
sceau, portant, au quartier dextre du chef, l'écusson des Adhé-
mars qui est d'or à 3 bandes d'azur.
Castelnau rapporte que la fortune ayant rendu le capitaine
Poulain capable des premiers titres de son temps il acheta la
baronnie de La Garde, et parce qu'elle appartenait à la maison
des Aymards ou Adhémars il écartela ses armes, au i®*" et
au 4"« de celles des Adhémars jadis seigneurs de Monteil-
Aimard et depuis comte de Grignan, qui sont d'or à 3 ban-
des d'azur, et mit au 2« et au 3* celles d'Escalin qui sont de
gueules à trois croix vuidées, boutonnées de 1 2 pièces d'or.
Les actes de donation rapportés ci-dessus vont à rencontre
de l'assertion de Castelnau, à moins cependant que la dona-
tion n'ait été qu'une manière de transmission employée pour
éviter des droits plus considérables.
Or, voici ce qu'on trouve dans l'inventaire des registres de
la Chambre des Comptes de Dauphiné (Archives de Tlsère:
Valentinois, verbo La Garde). Louis Adhémar, dit baron de
Grignan et de La Garde, avait déclaré tenir cette dernière
terre en fief du Roy Dauphin et en titre de baronnie, ensuite
il est dit qu'Anthoine Descalins des Aymars, baron de La
Garde, chevalier de Tordre du Roy, doit 2,000 livres pour les
demy lods de la donation de la terre de La Garde faite par le
baron de Grignan. Le commissaire avait estimé les lods à la
somme de quatre mille livres mais, attendu que « c'étoit do-
nation et non vente^ il n'étoit dû au Roy que les demy-lods
6o • SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
montant à deux mille livres ». C'était en iSSj et en iSSg, il
est ensuite rapporté que le roy Henri lia fait don des 2,000
livres, montant de cette finance.
A la suite, sur le même registre, suivent d'autres recon-
naissances opérées par les successeurs d'Antoine Escalin. On
arrive enfin à l'érection de la baronnie de La Garde en titre
de marquisat. Cette concession faite par Louis XIII, roi de
France, en 1646, fut enregistrée Tannée suivante. Elle porte:
a Louis par la grâce de Dieu... après avoir mis en considéra-
tion l'ancienneté de la maison de notre amé et féal Louis Es-
callin des Aymards, baron de La Garde, (il était petit-fils d'An-
toine et fils de Jeanne Adhémar de Monteil de Grignan), ci-
devant capitaine d'une de nos galères, qui l'a mis au rang
d'une des plus illustres de ce royaume. Notamment Antoine
Escalin des Aymards, chevalier de nos ordres, ayeul dudit
Louis, lequel aurait rendu des services recommandables à
cet Etat en diverses occasions importantes, tant en la charge
de général des Galères de France et celle d'admiral des mers
du Levant, qu'il a exercées pendant plus de quarante années,
sous les Roys d'heureuse mémoire François I", Henri II
François et Charles ses frères, que Dieu absolve, qu'en com-
mandements qu'il a eu dans leurs armées de terre et de mer
en qualité de lieutenant-général en icelles, ayant remporté
plusieurs victoires et négocié plusieurs importantes affaires
avec divers grands princes et potentats; qui ont eu le bon
succès que l'on s'en pouvait promettre, ce qui aurait obligé
les rois nos prédécesseurs d'ériger en titre de marquisat la
terre et seigneurie de Bréganson et honorer de plus en
plus cette famille en la personne du sieur Louis Descalin,
baron de La Garde et rendre témoignage de l'estime que nous
faisons de sa vertu et de ses fidèles et agréables services qu'il
nous a rendus en nos armées de terre et de mer, comme aussi
ceux de Louis Descalin, son père, capitaine d'une compagnie
de chevaux-légers en l'armée commandée par le connétable
de Lesdiguières, en l'année 1625 et de François Escalin,
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 6l
son frère aîné, tué en combattant sur les galères Nous
avons voulu accroître sa maison et baronnie de La Garde du
nom titre et dignité de marquisat Déclarons au surplus
que nous n'avons entendu et n'entendons que par le déceds
dudit sieur marquis ni de ses successeurs, à faute d'hoirs
mâles, nés de loyal mariage, ledit marquisat et ses dépen-
dances soient sujets à réunion à nous et à notre couronne,
ainsi que les autres terres baillées par nous, ou nos prédé-
cesseurs roys, en appanage, comme il est porté par l'ordon-
nance du roy Charles IX, du mois de juillet i56o, de la-
quelle ordonnance nous avons excepté et réservé de notre
grâce, autorité que dessus ledit marquisat de La Garde. A la
charge aussi que faute d'hoirs mâles en ligne directe ladite
érection de ladite terre et marquisat demeurera estainte et
supprimée »
Vient ensuite la requête à la Chambre des Comptes et la
procédure habituelle pour Tenregistrement desdites lettres
patentes. Pour cela il fut procédé à une enquête. Au nombre
des témoins produits on remarque messire Claude Serre,
doyen de l'église collégiale de St-Sauveur de Grignan, âgé
d'environ soixante ans (i).
Dans l'espace de temps écoulé entre les deux donations
faites par le seigneur de Grignan, Escalin avait acquis la
seigneurie de Pierrelatte en vertu d'un édit de François I**",
en date du mois d'août 1543. C'était avec pacte de rachat.
Les lettres patentes lui en furent expédiées la même année,
ainsi qu'on le voit aux archives de l'Isère (folio 1673). Entre
les mains d'Escalin et de son fils cette seigneurie subit di-
verses vicissitudes. En 1548, Claude Reynaud, bourgeois de
(i) Ce Claude Serre devait être le fils d'Esplandian Serre, ami de Jean-
Baptiste Escalin des Aimars, et de Marguerite Brohard. Claude Serre
avait été marié avant d'entrer dans les ordres. Un de ses descendants
est Jules de Serre de Monteil, époux de Marie Eymard de Saint-Paul-
Trois-Châteaux. Voir Généalogie des Du Gros.
02 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Lyon, la fit saisir et inquanter (i) sur le capitaine Poulain
comme étant son débiteur, c'était, il faut le remarquer, du-
rant l'incarcération que subit le baron de La Garde au sujet
de l'affaire de Mérindol. Après sa sortie de prison, on le re-
trouve en possession de cette seigneurie. En iSgS elle fut de
nouveau vendue à Jean-Baptiste Escalin, au prix de 3.549 es-
cus. Neuf ans plus tard, en 1602, les habitants se rachetèrent
pour la même somme.
Dans les protocoles de G® Monnier, notaire à Pierrelatte,
se trouve, en i564, un acte par lequel Escalin, baron de La
Garde, seigneur de Pierrelatte, enjoint aux consuls delà com-
munauté de « faire dilligence pour avoir un prebstre à dire
messe audit lieu de Pierrelatte, suyvant la volonté et ordon-
nance du Roy, à enjoinct aus consulz ensemble à Joachim
de Lacroix escuyer... de ne troubler ne molester ne souffrir
estre faict aulcune injure au prebstre qui dira la messe audit
lieu sur paynede s'en prendre à eulx mêmes comme rebelles»;
suit la défense de laisser prêcher aucun ministre de la Reli-
gion prétendue réformée. Cet acte fut fait au château de La
Garde. On y voit que Thomas Adhémar percevait les émolu-
ments du prieuré de Pierrelatte. Ce doit être ce même Tho-
mas Adhémar qui était prieur de N.-D. des Nimphes, au val-
lon de Magne, près La Garde-Adhémar.
François I«»", qui avait une grande confiance dans les talents
du capitaine Poulain le fit venir de Piémont pour s'embarquer
à Marseille et de là passer avec ses galères dans l'Océan, afin
d'aller combattre l'Angleterre. C'était après le traité de
Crépy. Comme il s'agissait dans ce moment de réduire à
l'obéissance les Vaudois révoltés, Poulain reçut l'ordre de
mettre des bandes à la disposition du Président d'Oppède,
qui à sa qualité de magistrat, joignait celle de lieutenant de
roi en Provence, c'est-à-dire remplaçait le gouverneur de
cette province alors absent et commandait en sa place. Cette
(i) Vendre à Tencan, aux enchères, subhaster.
<
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 63
répression, dont nous parlerons bientôt, ayant été opérée, en
peu de jours, le baron de La Garde se mit en mesure de mon-
ter sur ses galères. Il était investi de la charge de capitaine
général de Tarmée de mer de Levant. Castelnau relate les
lettres de cette nomination données à Belleville, le 23 avril
i544, signées François et par le roy Annebaut (i) Le cabinet
de Chorier et de Guy Allard contient une copie des lettres
données à Fontainebleau, le 22 janvier 1544, par lesquelles
le roi François I^r choisit le baron de La Garde pour faire
passer ses galères de la Méditerranée dans l'Océan, lui don-
nant pleine et entière autorité mais sous le commandement
supérieur du maréchal d'Annebaut, amiral de France. C'est
ce qui a porté Pithon-Curt à dire que le baron de La Garde
commanda l'armée navale en 1545.
Cette campagne sur mer est ainsi rapportée par de Thou :
« Le roi ayant équipé une flotte en donna le commandement
à l'amiral d'Annebaut... Il était arrivé à Honfleur vingt-cinq
galères commandées par le capitaine Poulain de La Garde.
Le roi les avait fait venir de Provence et leur avait fait passer
le détroit de Gibraltar. Elles étaient plus capables de donner
de l'étonnement que de servir avec utilité sur l'Océan, où leur
construction plate ne pouvait résister aux tempêtes et aux
vents qui agitent cette mer. La flotte du roi était de trois
cents navires qui portaient huit mille soldats... Annebaut
était au centre monté sur l'amiral, avec trente navires de front.
Le baron de La Garde prit les devants avec ses galères pour
inquiéter l'ennemi. Les Français prirent d'abord l'île de
Wigth qui est vis-à-vis Posthmouth, ville considérable d'An-
gleterre. C'était à la hauteur de cette ville qu'était la flotte
anglaise qui ne pensait qu'à se défendre et à empêcher la des-
cente. Après quelques légères attaques, les français descen-
dirent dans l'île par ordre de l'amiral... ayant à leur tête
(i) Il n*est peut-être pas hors de propos de rappeler que le commen-
cement de l'année n'était pas encore fixé au i*' janvier.
64 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Strozzi, de Tais, Tristan de Monneins et le capitaine Pou-
lain (1545). »
Castelneau, d^accord avec Nostradamus, fait observer, au
sujet du passage des 25 galères par le détroit de Gibraltar,
que c'était « une adventure qui n'avoit este veue que Fan
1512. » Ils disent que le baron «se distingua surtout le
1 5 août 1545, en attaquant la flotte anglaise, qu'il mit en
fuite, après avoir par son habileté, fait regagner à ses vais-
seaux l'avantage du vent, et cela à la vue de l'amiral d'Anne-
baut qui ne Tavait pu rejoindre avec le reste de Tarmée. »
Voici le récit de Castelnau sur ce fait d'armes : « Le vent
s'étant changé par mestre et tramontane, qui sont les vents
du nord, il fit perdre aux ennemis l'avantage qu'ils en espé-
raient, par l'adresse qu'il eut, en voguant aussitôt à grand
force (probablement de rames) sous côte de Flandres, pour
regagner la teste du costé des Anglais, qu'il cannona si fu-
rieusement qu'il les mit en fuite, à la vue de l'amiral d'Anne-
bault qui ne l'avoit pu joindre avec le reste de l'armée, et
qu'on eut besoin, en cette rencontre (du i5 août), pour le
salut de nos galères, de la dernière expérience et de la der-
nière valeur, en la personne de ce grand capitaine. »
D'après ces historiens la descente dans Tîle de Wigth au-
rait eu lieu le 18 juillet. Nostradamus fait au sujet de la prise
de cette île le récit suivant: « Le chevalier d'Aups de Blaccaz
capitaine des galères normandes, fut assomé d'un coup de
vouge qui lui fit sauteries cervelles, gentilhomme qui ne fut
pas moins regretté, que les barons de La Garde et de Meo-
Ihon haultement louez: personnages illustres et généreux
que le soleil de Provence avoit veu naître, dignes de vivre en
cette histoire ! »
Dans les archives de la Gironde existent plusieurs mande-
ments envoyés au parlement de Bordeaux, par le roi, pour
mettre les condamnés aux galères à la disposition du baron
de La Garde.
François l^^ mourut à Compiègne le 3i mars 1547. Dès le
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 65
I" avril, rapporte de Thou, « les ambassadeurs d'Angleterre
vinrent complimenter le roi Henri II de son avènement au
trône. Ils lui demandèrent s41 voulait ratifier le traité fait à
Londres, peu avant la mort du feu roi, par Antoine Escalin
d'Adhémar dit le capitaine Poulain. Il leur fut répondu que
non, attendu qu'il contenait plusieurs articles peu conformes
à l'équité, et très contraires aux intérêts de la France, et que
le feu roi ne l'avait jamais voulu ratifier. » La politique du
feu roi avait-elle réellement changé? n'était-ce pas plutôt
celle du nouveau roi qui trouvait plus commode, de rejeter
son refus sur le défunt et sur son négociateur? Ce dernier
avait montré, auprès de Soliman, assez de dextérité, pour
croire qu'elle ne lui avait pas fait défaut à Londres auprès des
Anglais. De Thou n'était-il pas bien aise aussi de charger le
baron de La Garde, qui s'est toujours conduit en ferme catho-
lique. Cet historien penchait vers les protestants, mais il avait
la précaution de s'en défendre fortement afin que ses œuvres
ne fussent pas censurées par la cour* de Rome. Henri II,
devait être prévenu de son côté contre le baron de La Garde
qu'il ne tarda pas à faire emprisonner, sur les accusations
portées par ses ennemis, au sujet de Mérindol et de Cabrières.
Comte D'ALLARD.
fA continuer J.
2' Série. XXX* Volume. — 1896.
b6 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
ESSAI
DE
BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE
(Suite. — Voiries 102*, 103*. 104", 105*, io6% 107% io8*,
I09*, iiô% 111% 113% 114* et ii5«livr.)
K. — Les rues de Romans, — Articles anonymes de
M. le D' Chevalier publiés dans VImpartial de Romans
des 17, 24, 3i mai; 7, 14, 21, 28 juin, 5, 12, 19, 26
juillet; 2, 9, 16, 23, 3o août; 6, i3, 20, 27 septembre;
4 et il octobre i883. Ce dernier article porte : à suivre;
mais il n'y en a pas eu d'autre après.
C'est l'histoire anecdotique de chacune des rues de la
ville. Ces intéressants articles ont été fort recherchas, et
le stock de réserve en a été rapidement épuisé. L'auteur
avait, croyons-nous, l'intention d'en donner une édition
nouvelle, qui eût été tirée en brochure. Ce projet mal-
heureusement n'a pas été réalisé.
On trouve, dans VImpartial de Romans du i r octobre
i883, un éloge de cette publication. Voir aussi, dans le
numéro du i®*" octobre 1891, le compte-rendu d'une
séance extraordinaire du conseil municipal (du 29 sept.)
ayant pour objet le changement de nom de quelques rues
et les motifs allégués pour en imposer de nouveaux.
Li. — Le mas de la Bouverie,
Articles anonymes de M. le D** Chevalier dans VImpar-
tial de ^^omans des 9, 16 et 23 janvier 1890.
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMAINASE. 67
M. — Tromenades à travers les rues de Romans.
Dans la T(omanaise^ des rg décembre 1861 et 2 janvier
1862. (Articles signés A. C).
M. le D' Chevalier attribue ces articles à un M. Amou-
reux et n'en signale qu'un seul, au numéro du i®"^ juin
186 î dudit journal. Nous ne le connaissons pas.
N. — Petit cours de Géographie. — Etude sur la ville
de Romans, — Articles signés Ego dans le Journal de
Romans des 6, i3, 20, 27 mars et 3 avril 1870. — Répli-
que à une assertion erronée de l'auteur, par M. Villard,
dans le n® du 3 avril. La polémique continue dans celui
du 10, et ce travail, du reste fort superficiel, se termine-là.
O. -^ La Savasse. Son parcours. Le quartier de la
Presle et la vallée de Germançon,
Dans la T(omanaise du 1*'' juin 1861. (Art. signé : V***,
avocat agréé au tribunal de com. de Romans. (Villard).
P. — Le Val de la Prêle.
Art. anonymes publiés dans le Petit ^omanais des....
On jugera de la valeur historique et littéraire de cette
élucubration par le spécimen suivant :
(c A la fénestrale lueur des châssis huilés, dans la pres-
qu'ombre, que démêlez-vous ? Des formes humaines qui,
rembronesquement éclairées, »
C'est par ce début magistral que s'ouvre le second ar-
ticle. Nous ne connaissons pas les autres, ni non plus
le nom de Fauteur, qui, par un excès de modestie, n'a
pas signé.
220. — Institutions municipales de la ville de Romans,
par le />" Ulysse Chevalier, — Valence, imprimerie de
Chenevier et Chavet. mdccclxxiii. In-8**.de 23 p.
(Extrait du bulletin de la Société Archéologique de la '
Drôme^ t. VII, pp. 145-67).
Q. — Les maires de ^^omans.
68 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique
Articles anonymes publiés par M. le D"" Bonnet dans le
journal P Indépendant de la ^rôme (son organe), n°* des
4, i f, i8 mars, i", 8, i5 avril, i3 mai, 17 juin, 8 juillet,
2, 9 sept., 4 nov., 2, 3o déc. 1892 ; 20, 27 janv., 3, lo, 17,
24 février, 24 mars, 7 avril, 23 juin, 14 juillet, 22 sept, et
10 nov. 1893 ; en tout, 27 art. numérotés Cil manque le 8').
C'est ranalyse des délibérations consulaires depuis 1692.
Ce travail n'a pas été terminé ; il s'arrête à la délibération
de l'assemblée du 25 mars 1736, où Joseph Bernon fut
élu 2* consul.
Le premier qui ait porté le titre de maire perpétuel est
Jean Chaléat, d'abord seul (1692- 1708), puis conjointe-
ment avec Jean Duportroux, jusqu'à sa mort. Né à Ro-
mans en avril 1659, ^^'^^ Chaléat est mort dans l'exercice
de ses fonctions, le 12 février 17 12. Les i3 premiers
numéros lui sont consacrés.
Jean Duportroux, maire depuis 1708, associe son fils
François à son titre et à son administration à la mort de
>
Jean Chaléat. Il mourut lui-même le 28 juin 1722. Fran-
çois était né le 9 novembre 1680. Etc.
221. — Les abbayes laïques et les présents de la ville
de T^omans sous les consuls^ par le D^ Ulysse Chevalier.
— Valence, impr. Jules Céas et fils. r882. In-8®de 24 pp.
Titre complet à la couverture seulement ; n'a qu'un
faux-titre à l'intérieur. (Extrait du bulletin de la Société
ArchéoL de la Drôme^ t. XV, pp. 27-60).
Deux sujets absolument distincts. Ils occupent chacun
à peu près la moitié de la brochure.
R. — Confréries joyeuses en Dauphiné. — U Abbaye
de Bongouvert de Romans. — (Art. de M. le D"" Chevalier
dans le Dauphiné du 21 avril 1867, n** 167).
S. — L'ancienne confrérie de St- Vincent à Romans.
Article signé C. P., dans la Semaine religieuse de Va-
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 69
lence du :i8janv. 1893(1. IV, pp. 5 (-4). — La suite au pro-
chain numéro^ annoncée à la fin de Tart., n'a point paru,
le manuscrit ayant été égaré aux bureaux de la rédaction.
(Cf. Journal de Romans du 3o janv. 1870, ci-dessus, J.)
T. — Le vœu de Ste-Geneviève à Romans.
Articles signés C. P., dans la Semaine religieuse de
Valence des 7, 14 et 21 janvier 1893 (t. IV, pp. 12-16,
3o-2, 47-8). Cf. ibidem^ p. 4, et un art. dans la Chronique
du t. II, p. 41, reproduit par le journal V Univers du 26
janvier 1891.
U. — Un projet de statue au dauphin Humbert II (à
ériger à Romans).
Lettre datée du Laris, 25 sept. 1868, et signée Pierre
DucHEMiN, agent-voyer (pseudonyme de M. le D"" Cheva-
lier), publiée dans le Dauphiné du 4 oct. 1868. (Cf. n® 8).
V. — Les Dauphins et la ville de Romans.
(Art. signé : Pierre Duchemin, agent-voyer^ dans le
Dauphiné du 25 octobre 1868).
Note critique sur cet art., signée : X., de r Académie
Delphinale., dans le n® du i*'^ nov. Réplique de Pierre Du-
chemin, datée du Laris, 2 nov. — Continuation de la polé-
mique dans le Journal de Vienne : Réplique à M. Pierre
Duchemin (même signature que ci-dessus), no du i5 nov.
1868.
X. — Éphémérides romanaises.
Articles de M. le D' (chevalier dans tous les n*** du Jour-
nal de Romans., qui a duré du 14 nov. 1869 au 3i juillet
1870. A noter, dan« le n® du 8 janvier : Arrestation du
baron des Adrets^ le 10 janvier iS6S^ dans la rue Jac-
quemart^ à Romans.
222. — Recherches historiques sur la taille en Dau-
phiné. Ouvrage utile aux officiers de communauté^ à tous
les propriétaires dHmmeubles et surtout de ceux situés
70 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
dans le territoire de la ville de Romans. — A Grenoble,
chez Joseph Allier, imprimeur-libraire, place St-André,
1783. — In-8° de 76 pp., signé et daté ainsi :
Délibéré à Romans, ce 8 novembre 1882. Dochier.
Se divise en cinq paragraphes, dont les sous-titres sont
reproduits en titre-courant au haut des pages: c** De la
Taille en général ; 2° de la taille concernant la ville de
Romans en particulier (pp. i2-36); S'^des facultés mobi-
liaires ; 4® des cas de droit ; 5° des forains ; 6^ des faux-
bourgs (de Romans, pp. 57-75). — (Cf. Maignien, Dic-
tionnaire des Anonymes Dauphinois^ n*'2i45; Rochas,
Biogr. du ^auphiné^ V° Dochier^ bibliographie, n*» VI).
Cette brochure est complétée par la suivante, qui est
d'un intérêt plus général, mais où Romans occupe une
place importante :
223. — Recherches sur T impôt foncier en ^auphiné,
pour servir à la confection du cadastre général^ par M,
Dochier^ ancien maire de Romans et ancien membre de
V arrondissement de Valence. — Valence, chez Marc-
Aurel, imprimeur-libraire, mdcccxvii. — In-8® de 40 pp.
Epigraphe : Extremum hune mihi concède laborem.
On y trouve (p. 10) une lettre de Louis XIII aux con-
suls de Romans à l'occasion de l'arrivée dans cette ville,
en août 1634, du conseiller d'Etat Talon, venu pour faire
exécuter l'arrêt de 1634 sur la taille.
224. — Aperçus nouveaux sur le Romanais. Etudes
d'^histoire et d'^ archéologie sur Romans et ses environs^
par un ancien auxiliaire de la commission de topogra-
phie des Gaules. — Romans, imp. typ. et lith. A. Buisson.
— Un cahier, seul paru (inachevé), de 16 pp. in- 12.
Articles publiés par M. Delort, professeur au collège de
Romans, dans le Jacquemart (au feuilleton), à partir du
numéro du 26 mai 1892, où ce travail est présenté au lec-
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 7I
teur par la rédaction avec force éloges. « On trouvera
dans les Aperçus [nouveaux sur le ^omanais qui intéres-
seront, nous aimons à le croire, tous les curieux de notre
histoire locale, toutes les qualités qui décèlent le véritable
archéologue, la patience d'investigation unie à l'érudition
la plus sûre. M. Delort, en effet, est le modèle du parfait
archéologue. » Etc.
L'auteur croit voir les Romains sur le coteau de St-
Romain et un temple à Jupiter ou à Mercure dans des
ruines qu'on y aurait trouvées. « Il est notoire, en effet,
que des vestiges de ce temple ont été trouvés dans l'en-
clos de l'hospice de Romans. » N'étaient-ce pas plutôt les
fondations de l'église St-Romain ?
«W^^^W^^<M»^<WWMMM»^<MM»<M^WMVWM»
II. — CHAPITRE DE SAINT-BARNARD
§. l®' — HISTOIRE
225. — Cartulaire de V abbaye de Saint-Barnard de
Romans. Nouvelle édition^ disposée dans Vordre chrono-
logique, avec appendice^ par M, Vabbé Ulysse Chevalier.
— Montbéliard, Paul Hoffman. — In-40.
Cette publication est annoncée comme étant sous presse
dans la liste des œuvres du savant auteur, publiée par lui-
même {Curriculumvitœ, n® 104). Quelques cahiers ont
été tirés. Nous faisons des vœux très ardents pour son
prompt achèvement. C'était Pun des plus chers désirs du
regretté M. Giraud. Il en avait confié l'exécution à son
digne disciple, et il est mort avec le regret de ne l'avoir
point vue terminer. — (Cf. ci-devant n° 2).
226. — Essai I historique \ sur \ le Monastère et le
Chapitre \ Saint-Barnard \ delà \ ville de Romans^ \ par
72 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
M. Dochier^ \ ancien maire de cette ville, — Valence, de
ricnpr. de Marc-Aurel. m.dccc.xvii. — In-8° de iv-83 pp.
Dédicace à M. le comte du Bouchage, préfet du dépar-
tement de la Drôme, datée de Romans, 22 avril 18 17,
portant en tête le protocole de l'auteur: Jean-Baptiste
DocHiER, ancien maire de la ville de Romans^ membre
correspondant de la Société des Sciences et des Arts de
Grenoble. Ce sont les annales abrégées du chapitre de St-
Barnard jusqu'à la fin du XIIP siècle, c'est-à-dire son
histoire pendant la première moitié de son existence.
L'auteur se proposait d'en donner la suite et annonce le
sommaire de son futur travail à la fin de cette première
partie (p. 64) ; mais il n'a pas eu le temps de le composer.
La notice proprement dite est suivie d'une longue note
sur la famille du Puy, de Peyrins (pp. 05-77), puis d'une
petite dissertation où l'auteur réfute l'opinion de l'abbé
Martin, qui place Romans sur les ruines de Solonium.
(Cf., n^ 2o5).
Y. — Les Statuts de Véglise St-Barnard de Romans.
Articles de M. le D'^ Chevalier, dans le 'BuL de la Soc.
oArchéùl. de laDrôme^ t. xiv, pp. 278-309* 337-74 (1880).
Z. — Requête présentée par les Sacristain et Chanoines
de Véglise de St-Barnard de Romans à M. Desdiguières^
pour que les clefs de la ville leur fussent remises en P ab-
sence du gouverneur.
[Petite Revue des Bibliophiles Dauphinois^ t. P% p. 1 72).
AA — Les Chanoines de St-^arnard de Romans en
Vivarais. Dans Quelques notes sur P histoire des Eglises
du Vivarais, d'^après les anciens Cartulaires et d^autres
documents^ par A. Ma^on. — (Privas, Imprimerie Cen-
trale, 1891. 2 vol. in- 12), t. 1*% pp. 165-207.
Les églises possédées en Vivarais par l'abbaye de St-
Barnard étaient les suivantes : St-Félicien et Vaudevant,
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. ji
son annexe, Satillieu, St-Romain d'Ay, Vernosc, St-
Victor, avec la chapelle de Naves, sur St- Victor, Ste-
Marie de Palharès, Nozières, Lemps, Lafare, Villevo-
cance et Silhac.
§.2. — LITURGIE.
Les documents liturgiques sont du plus grand intérêt
pour Thistoire religieuse d'une contrée ; on peut y ob-
server une fouie de particularités concernant les coutumes
et les usages, la littérature, le chant, etc. Ceux de l'église
St-Barnard en particulier sont on ne peut plus précieux
à ces différents points de vue. A l'intérêt historique et lit-
téraire qu'ils présentent se joint l'extrême rareté des exem-
plaires, ce qui fait de chacun d'eux une pièce bibliogra-
phique de première valeur. On nous permettra, pour ce
motif, de nous étendre plus longuement sur leur descrip-
tion et sur l'analyse de leur contenu, pour ceux du moins
de ces rarissimes volumes qui nous ont passé par les
mains.
Quoiqu'il n'entre pas dans notre dessein de mentionner
les manuscrits, nous ferons ici une exception pour le sui-
vant, qui, faisant partie de la Bibliothèque nationale, de-
vient par là même un article bibliographique à décrire. Il
lui a été donné par feu M.Giraud,en même temps qu'un
certain nombre d'autres ouvrages, tous très rares, concer-
nant Romans ou le Dauphiné. Cette donation a été l'objet
d'un compte-rendu de M. Léopold Delisle, dont nous fe-
rons mention en son lieu. Nous extrayons de cette bro-
chure la description suivante de ce précieux volume, qui
est l'une des pièces les plus intéressantes du département
des manuscrits.
227. — Bréviaire de Véglise de St-Barnard de Romans.
— Volume sur parchemin, écrit en 148 1, de 423 feuillets
74 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
cotés A-H et I-ccccxx, plus un f. xvii bis. Manquent les
feuillets i, 2, 7, 8, 263 et 264. Les feuillets 17 et 17 bis
ont été refaits ; ce dernier est mutilé, ainsi que le f. B. —
Ecriture sur deux colonnes, mesurant 0,196". sur 0,1 1 3.
{bibliothèque nation.^ Mss. y nouveau fonds latin, n® 323).
Ce volume comprend :
I** (fol. B), un calendrier, dont le premier feuillet, con-
sacré aux mois de janvier et de février, a disparu à peu
près complètement. Il est précédé (fol. A, verso) d'un
avertissement sur la manière de trouver les jours de la
nouvelle lune.
2** (fol. i), le psautier, dont les deux premiers feuillets
ont été arrachés.
3® (fol. 92, V®), le propre du temps : Sequitur officium
adventûs Domini...
4? (fol. 265), le propre des Saints : Incipit sancturiale^
seu ordo officii de sanctisper circulum anni observandutn.
5® (fol. 395), le commun : Incipit commune sanctorum^
A la fin de cette partie, le copiste a mis (fol. 416, v®)
cette inscription : Cest breviere fut acommencé Van de
grâce mille III I^ LXXXI^ et le premier jour d^ avril, par
Estienne de l'Isle, et fut fine ledit breviere le XX* jour
de septembre et Van dessus dit,
A la suite (fol. 417) a été ajouté l'office de la Visita-
tion (1).
Le texte de ce bréviaire diffère sensiblement de celui du
bréviaire imprimé, et il offre peu d'intérêt au point de vue
historique (2).
(i) Bibliothèque nationale^ Donation de M. Paul-Emile Giraud, p i8 .
(2) Ul. Chevalier, Le Mystère des Trois DomSt p. lzzxviii.
(A continuer.) Cyprien PERROSSIER.
'.^
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. jb
LE TRAMWAY DE LA GALAURE
(Suite. — Voiries 109*, iio% iii% iia*, 113% 114* et ii5*livr.)
X. — Treigneuz (8« station) et St-Martin-d'Août.
En quittant Châleauneuf, la vallée devient monotone avec
ses amas de sables au nord, et la teinte uniforme de la verdure
des coteaux de la rive sud.
La station de Treigneux dessert une paroisse de 200 à 250
habitants, établis les uns sur Châteauneuf, les autres sur Hau-
terives. Il n'y a là ni monuments, ni curiosité d'aucune espèce.
Cependant le nom rappelle un gallo-romain possesseur d'une
villa ou grosse exploitation rurale, dont les ruines elles-mêmes
ont disparu. Ce personnage, inconnu d'ailleurs, s'appelait Ter-
nius. Un savant du XVII® siècle avait constaté déjà que le suf-
fixe, acum ou anum, ajouté au radical d'un nom terminé en tus^
indiquait un domaine, predium, et que Terniacum équivalait à
domaine Ternien ou de Ternius, Jovinziacum à domaine Jovin-
zien ou de Jovinsius^ Arthemoniacum à domaine Arthémonien
ou (ÏArthemonius^\Clariacum à domaine Clarien ou de Cla-
rius, etc. M. d'Arbois de Jubainville a prouvé naguère la vérité
de cette opinion.
Une invasion barbare détruisit par la suite les bâtiments agri-
coles de ce riche colon, dont il ne resta plus que le nom du
pays pour aflSrmer son existence.
Au moyen âge, la famille de Bathernay possédait, on ne sait
à quel titre, une portion des dîmes de Trenay (Treigneux),
j6 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
puisque Girard, Tun de ses membres, donna 60 sols sur elles
au chapitre de St-Maurice de Vienne, au XII® siècle (i).
Au siècle suivant (i 193), Berilon ou Berlion d*Hauterives ven-
dait les dîmes de Trinneu (Treigneux) à l'église et à l'archevê-
que devienne, Burnon de Voiron, pour la somme de 100 sols.
Ajoutons que Tersanne et Treigneux relevaient encore, avant
la Révolution, du chapitre de Vienne et qu'en 1752, celui-ci
abandonna la dîme de ces deux paroisses à leurs curés respec-
tifs pour leur servir de portion congrue, c'est-à-dire de trai-
tement.
Selon la tradition, le corps de S. Antoine, transporté d'Orient
en Dauphiné, aurait séjourné à Treigneux où s'élevait en son
honneur une église fort simple, remplacée de nos jours par une
autre plus architecturale.
On prétend que la peste de 1 348 épargna seulement trois
familles à Treigneux et un livre de redevances féodales du sei-
gneur d'Hauterives, en 1474, n'en signale que six, 136 ans plus
tard. Quelle histoire peuvent avoir ces honnêtes et laborieux
cultivateurs ? Celle des peuples heureux qui n'en ont point.
St-Martin-d'Août.
Gravissons le coteau de la rive gauche de la Galaure, en face
de Treigneux, et nous arriverons, après avoir traversé des bois
taillis et des combes, sur un plateau qui domine la vallée de la
Vermeille, affluent de la Galaure, et présente une église et tout
auprès quelques maisons éparses : c'est St-Martin-d'Août, au-
trefois dans le mandement de Châteauneuf-de-Galaure.
Le site en est agréablement placé, sur le versant méridional
d'une verte colline ; mais la vue n'embrasse guère au midi et
au couchant que des sables à la teinte uniforme ; seule, une
échappée sur St-Avit laisse voir un horizon plus vaste et des
teintes plus variées, sur Claveyson.
(i) Description analytique du Cartulaire de St-Maurice, par M. le chanoine
U. Chevalier.
TS^
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 77
A en juger par la tradition, le pays aurait été habité, comme
le Douévas de St-Barthélemy-de-Vals, par l'homme préhisto-
rique, et il y existe un quartier appelé aussi Roche-Danse ; quant
au dolmen ou pierre droite, indice d'un tombeau ou d'un lieu
de réunion, il a été renversé et brisé par le temps ou par la
main des hommes.
Outre cela, on y signale un ossuaire ou amas d'ossements
humains qui rappellerait une bataille, un ancien cimetière ou
un lieu de campement. On peut aussi avec ces os expliquer le
nom actuel du pays, écrit, tour à tour :
St-Martin-d'Haut,
St-Martin-d'Ost,
St-Martin-d'Aoust, Aouste et Août,
St-Martin-d'Os (de Osso).
St-Martin-d'Haut, ou le Haut, équivaudrait au Montmartin de
la Révolution et aurait un sens logique ; mais comment expli-
quer alors la forme de Osso en latin et celle de St-Martin-d'U,
en langage vulgaire de la Valloire >
St-Martin-d'Ost ou du Camp ne parait pas plus admissible,
que St-Martin fondé par un empereur romain portant le nom
ou le titre d'Auguste.
Reste donc St-Martin de l'Os, ou de l'ossuaire ; ce qui devait
être une chose rare en ces temps reculés. Or, la renommée de
St-Martin de Tours fut telle un moment que la plupart des églises
et des villages prirent son nom. Ainsi, l'ancienne église d'Hau-
terives s'appelait St-Martin-en-Serin, c'est-à-dire du pays de
Serre, celles d'Onay, de Montmiral, de Geyssans, de Peyrins,
de Chanos-Curson lui étaient dédiées. Il y avait aussi à Albon,
St-Martin dit du Rosier, et il serait facile de citer dans le dépar-
tement de nombreux exemples de l'adoption de ce patronage.
Malgré la haute antiquité de la commune, son histoire ne
nous est pas connue. Au point de vue féodal, elle dépendait des
seigneurs de Châteauneuf-de-Galaure et un arrêt du Parlement
de Grenoble de 1771 obligea les habitants à passer une nouvelle
reconnaissance de ses droits féodaux à Laurent de Montchenu.
78 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Nous ignorons les droits que ce seigneur exigeait à St-Martin ;
mais à Châteauneuf ses vassaux Taimaient au point que sa per-
sonne et ses biens, à la Révolution, furent absolument respec-
tés. On assure qu'ayant été dénoncé à Paris où il se trouvait
en 1793, il parut devant le tribunal révolutionnaire sous la dé-
nonciation d'agitateur et se borna à répondre : « Citoyens, com-
ment voulez-vous que j'agite les autres, je peux à peine m'agiter
moi-même. » Il était alors perclus de rhumatismes. Mais ce qui
le sauva surtout, ce fut une députation des habitants de Châ-
teauneuf le représentant comme le bienfaiteur de la contrée.
Il n'est pas vraisemblable que le seigneur bienfaisant ici de-
vînt à quelques pas de là un despote, et l'acte judiciaire de 1771
ne dut intervenir que pour le maintien d'anciens droits.
Selon le Dictionnaire topographique de la Drôme^ M. Ballydé
Bourchenu aurait acquis la seigneurie vers 1775 et l'aurait pos-
sédée à la Révolution. A ce moment-là fît-il abandon de ses
droits à ses vassaux de St-Martin comme à ceux de Châtillon-
St-Jean > On l'ignore.
Au point de vue religieux, la cure de St-Martin dépendait, à
l'origine, du prieuré de St-Donat qui y levait la dîme ; plus
tard, le chapitre de St-Barnard de Romans lui succéda et dut
abandonner la dîme aux curés de la paroisse.
Parmi ces prêtres, on cite M. de Bardonnenche qui légua
300 livres aux pauvres et 100 pour réparations à l'église, M.
Telmon, de Briançon, un des bienfaiteurs de l'hôpital de Ro-
mans, et M. Jamon du Péchard, prédicateur renommé, qui l'un
et l'autre n'oublièrent pas les malheureux.
St-Martin, renommé pour ses blés et ses tomes ou fromages
de chèvre, est une commune de 47 1 habitants ; sa contenance
imposable accuse 742 hectares, dont 208 en bois, 424 en terres
labourables, 82 en pâturages, etc., d'un revenu de 17,808 fr. et
pour ses 93 maisons un revenu de i ,205 fr. Elle a payé en 1 873 :
A l'Etat 2,061 fr. ;
Au département .... 944 fr. 19c.;
A son budget 329 fr. 47 c. ;
Non-valeurs 81 fr. 81 c.
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 79
Il existe aux archives de la Drôme un rôle de tailles incom-
plet pour 1 740 dont le total s'élève à i , 1 2 1 livres 1 3 sols, savoir :
753 livres 1$ sols pour la taille royale, 127 livres 12 sols pour le
logement des troupes, 2 pour les 4 quittances, 37 pour l'abon-
nement des boissons, plus le droit de recette à raison de 4 de-
niers par livre pour le logement des troupes et d'un sol pour le
reste, 9 livres au châtelain pour ses vacations, 6 au grefiSer,
6 aux péréquateurs (répartiteurs), 3 au consul, 3 pour le loyer
de la mairie, 8 pour le papier marqué, 1 3 pour la vérification du
rôle, 40 aux deux garde-bois, 3 pour le cierge pascal, 8 pour
les planches sur la Galaure, 15 pour le luminaire de l'église,
7 pour le sceau du rôle, etc.
La distance de la mairie à St-Vallier, son chef- lieu de can-
ton, est de 18,220 mètres et à Valence, de 48,853 mètres N.-E.
Son territoire récèle de nombreux fossiles, comme celui de
Tersanne et les géologues y feront d'utiles découvertes. Déjà
M. Gustave Sayn, de Monlvendre, y a reconnu un gisement
fossilifère à la base des marnes d'eau douce et signalé l'analo-
gie de cette faune avec celle du miocène supérieur du bassin du
Rhône et de Montvendrc en particulier (i).
Il reste à étudier les fossiles du quartier de Diders et proba-
blement d'autres quartiers moins connus.
St-Martin-d'Août possède une gentilhommière sans carac-
tère, appelée Château-Burlet, sur laquelle on manque de ren-
seignements. On sait seulement qu'au XVII« siècle elle appar-
tenait aux Bonloux de la Salette, dont Chorier et Guy-Allard
disent fort peu de chose.
En 163s, Félise de Châtel et ses enfants Balthazar, Jean,
Gaspard, Françoise, Lucrèce et Henriette de Bontoux, nés de
son mariage avec feu noble Annibal de Bontoux, sieur de La
Salette et seigneur de la maison-forte de Château-Burlet sur
St-Martin-d'Août, ayant réclamé l'exemption des tailles durent
produire leurs titres devant l'intendant Talon qui les admit.
(i) Bulletin de la Société d* Archéologie de la Drôme»
8o SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Il en résulte que la famille de Châtel était noble, dès 1550,
dans la châtellenie d*Anjou ; que Balthasar de Bontoiiz et An-
nibal, son frère, avaient été maintenus nobles et exempts de
tailles par TElection de Gap, avec défense aux consuls de Mon-
téglin de les imposer ; qu'Annibal, époux de Félise de Chatel,
descendait de Barthélémy de Bontoux et de Françoise de Ras-
chas et par lui de Jean de Bontoux vivant en 1590 (i).
Après les Bontoux, nous n*avons pas rencontré les noms des
possesseurs de Château-Burlet, aujourd'hui simple maison de
cultivateurs, sauf celui du seigneur de Barat sur Hauterives.
Ily avait là une chapelle où fut bénit, en 1683, le 19 octobre,
le mariage de noble Antoine de Chastelard, seigneur de Vaux
sur Miribel, avec Anne-Marie de TAube, fille du baron de Cor-
celles en Maçonnais, et en 1684, Claude- Anne de l'Aube était
marraine à St-Martin (3).
C'est tout ce que nous avons pu recueillir sur ce ^château
dont le nom ne vient certainement pas de brûlé et dont les sou-
terrains n'allaient pas jusqu'à la Galaure, comme le veut la
tradition.
Château-Burlet aurait appartenu aux du Palais, de Clérieux
ou de Romans avant les Bontoux, et en l'an IV, M. Berne de
Levaux le possédait.
XI. — Tersanne.
Profitons de notre excursion à St-Martin pour visiter Ter-
sanne, commune créée en 1878, détachée d'Hauterives dont
elle était une section ; c'était une paroisse dédiée à S. Romain,
sous la dépendance du chapitre de St-Maurice de Vienne.
Ces détails prouvent que son histoire est intimement liée à
celle d'Hauterives.
Remarquons toutefois une particularité expliquant la condi-
(i) Archives de la Drôme G. 320.
(2) Ancien état-civil de St-Marlin.
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 8l
tion des paroisses d'un mandement. Chacune avait ses consuls
et sa comptabilité, et comme l'état civil était entre les mains du
curé, les sections jouissaient d'une indépendance véritable.
Tersanne n'a de remarquable que ses fossiles des Ponçons.
Pour y arriver, il suffit de suivre le chemin d'Hauterives à Char-
mes et une fois à la Vermeille ou combe de la Vermeille, de
suivre à l'est les diverses tranchées d'où sort la rivière. C'est là
le véritable point connu des géologues et où l'on a découvert de
grandes quantités de fossiles.
Non loin de là, au quartier de Lama, l'abbaye de Bonnevaux
avait quelques possessions foncières venues des premiers sei-
gneurs d'Hauterives qui avaient pris l'habit cistercien dans cette
maison.
Quant au nom latin de Tercina, Tersana, Tarsana^ de Tarcina
en patois, M. de Coston le fait dériver de Tersana ou redevance
du tiers du produit des terres données à bail. Le vulgaire traduit
ce mot par terre saine, à cause de sa position sur des collines
élevées où l'air est constamment pur.
De retour à la station de Treigneux, nous reprenons le train
qui traverse une vallée riante entre deux collines évasées cou-
vertes de fermes, de terres cultivées et de bois.
Sur la rive gauche, à mi-coteau, on aperçoit d'assez loin une
touffe de pins et de hêtres derrière laquelle se dissimule le châ-
teau ou ancienne maison-forte de Barat, aujourd'hui Baral.
Il appartenait, au moyen âge, à la famille de Thivolley dont
l'origine n'est pas connue, mais que l'on croit d'Hauterives.
Placés au-dessous des maîtres de la seigneurie du lieu, ils
n'y jouèrent jamais de rôle important. L'un d'eux combattit à
Crécy et un autre à Verneuil en 1424, Louis II fut capitaine au
régiment du Perche et Louis III, page de la grande écurie du
roi en 1725.
Il serait facile, avec les notes recueillies çà et là, de donner
la généalogie des Thivolley depuis le XIII® siècle jusqu'au der-
nier membre de la famille, mais qu'importe au voyageur de
savoir les prénoms de Rostaing, père d'Hugonet, de Lambert,
2« SÉRIE. XXX* Volume. - 1896. 6
82 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
fils d'Hugonet et ainsi de suite > 11 préfère quelque bonne tra-
dition un peu dramatique pour s'intéresser à un monument.
Grâce à un manuscrit, il est possible de lui donner ici cette
satisfaction. Cest Louis 111, né le lo septembre ijiS, qui en
fut le héros. Il était fils de Louis II et d'Anne de Flotte de Belle-
garde de La Freydière, et sa sœur, Louise de Thivolley, avait
épousé André de Borel, seigneur d'Hauterives.
Après ses études, le jeune Thivolley fut reçu page de la
grande écurie du roi. Là, sa belle prestance, ses réparties, sa
bonne conduite le firent aimer de ses chefs et de ses égaux ;
mais au bout de trois ans sa mère le rappela. M. de Thivolley
père était toujours malade et M. d'Hauterives par ses visites
trop fréquentes donnait des inquiétudes à cette femme pers-
picace. André de Borel, beau-frère du seigneur de Barat, en
guerre ouverte avec ses vassaux, détestait les idées nouvelles et
les philosophes et ne songeait qu'à faire revivre les plus an-
ciennes rigueurs féodales.
Comme M. de Chastelard avait épousé la cause des habitants
d'Hauterives, il était devenu l'ennemi du seigneur de Barat et
de M. de Borel.
Or, le jeune page aimait Blanche de Chastelard, et à peine
de retour au pays, se trouva avec elle à un baptême de modestes
cultivateurs. Ce fut une grande colère au château de Barat, en
apprenant cette nouvelle et depuis ce jour-là ni le père, ni l'on-
cle ne le regardèrent plus que de mauvais œil.
Louis demanda à sa mère les causes de l'accueil glacial des
deux vieillards et celle-ci lui exposa ses craintes au sujet de la
succession paternelle et lui révéla toutes ses angoisses de ce
côté. Le jeune homme, dès ce moment, se montra de plus en
plus réservé et respectueux et cessa tous rapports avec les
Chastelard.
Or, il advint que le seigneur d'Hauterives, au mariage de son
garde-chasse, fit inviter à la noce tous les habitants des quatre
paroisses dans son château où un repas plantureux leur fut
servi.
4
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 83
Ni Blanche de Chastelard, ni le jeune Thivolley n'y parurent;
ce qui leur fut imputé à crime. Cependant le vieux Thivolley
s'adoucit, pardonna à son fils et consentit même à son mariage
avec Blanche de Chastelard. Mais le messager qui devait porter
ce consentement à Foniager sur Ponsas, où la jeune fille était
malade, y joignit une fausse promesse de mariage de Louis de
Thivolley avec Silvie de Borel. A la lecture de cette promesse,
Blanche pâlit et sa santé depuis ce jour-là alla toujours en dé-
clinant. Instruit des progrès du mal, le fiancé part pour Fon-
tager et n'y arrive que pour recevoir le dernier soupir de sa
chère malade.
Un autre malheur attendait au retour l'infortuné gentilhomme.
Son père, qui venait de mourir, avait par un testament du 5
juin 1745 donné sa terre et seigneurie de Barat à noble Pierre
de Borel, fils d'André, et laissé à son fils une pension viagère
de 5oo livres, « à cause de sa démence et. de son état d'im-
bécillité. »
Un procès s'engagea à ce sujet devant le Parlement de Gre-
noble et le 12 novembre 1751, Anne de Flotte prit fait et cause
pour son fils.
MM. Choin de Montgay et de Longpra plaidèrent pour les
demandeurs, et le 4 mai 1752, l'avocat général Aubert de La
Bâtie conclut à l'annulation du testament et la cour adopta ses
conclusions le 12 mai.
Malgré cette victoire, Louis de Thivolley demeura triste et
sombre le reste de ses jours et mourut vieux garçon vers 1789.
Anne de Flotte, sa mère, par testament du 29 juin 1768, l'avait
institué son héritier universel avec substitution en faveur de
François de Chastelard, maréchal des camps et armées du roi.
Mais il laissa ses biens à M. de Berne de Levaux, d'une famille
de Châteauneuf-de-Galaure, anoblie pour ses services mili-
taires.
Claude de Berne ayant deux fils émigrés vit ses biens séques-
trés en Tan II ; ils comprenaient le domaine de Levaux sur
Moras et Lens-Lestang, estimé 22,595 livres, celui des Plantées
84 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
à Moras, estimé 12,595 livres, celui de La Buissière, estimé
40,673 livres, celui de Barat, estimé 15,506 livres, celui de
Château-Burlet à Montmartin, estimé 15,510 livres, etc. Ces
biens ne furent pas vendus.
Nous remarquerons, parmi leurs successeurs à Barat, M. Ben-
jamin Baboin qui pendant longtemps a été la providence des
pauvres, et MM. Robert, agronomes distingués.
De Barat, aujourd'hui Baral, nous revenons à Hauterives par
S t- Martin où une église en ruines a longtemps servi au culte
paroissial.
C'était celle d'un ancien prieuré dépendant de celui de Serre
et de St-Pierre de Vienne.
En i568, une enquête officielle du vibailli de St-Marcellin
nous apprend que le service religieux se continuait à St-Martin,
Treigneux, St-Germain et Tersanne, bien que les églises en
eussent été ruinées. Elle ajoute que les cures avaient été épar-
gnées et que l'archevêque de Vienne, décimateur, avait été in-
vité à réparer les voûtes des sanctuaires (chœurs), demeurées
entières (i).
De ces voûtes, celle de St-Martin existe encore ; mais à Trei-
gneux, St-Germain et Tersanne des églises neuves ont remplacé
les anciennes.
Une inscription conservée à St-Martin, du XII* siècle envi-
ron, mentionne le don par Hugues de Bellegarde aux clercs de
cette église et au chapelain du château d'Hauterives, d'une
vigne appelée La Ronde, qui a laissé son nom au quartier de
Rondet.
Ces explications données, nous arrivons au village d'Hau-
terives.
(i) Bulletin de la Société d* Archéologie, XIX, p. 3x6.
A. Lacroix.
(A continuer)
rvWvaKuWvatfVWVWVW<tfft<»VWWWVWVWVWMOwW»UtWVWVWVWaUBW
REMARQUES SUR URSOU
(SAnrr-YALLIER)
entre Tegna (Tain) et Figlinis (Andancette)
Dans la Notice historique sur Saint- Vallier (i) que
vient de faire paraître notre collègue M. E. Fayard, l'au-
teur, qui reproduit beaucoup de documents, la plupart
publiés pour la première fois, en 1867, dans V Histoire
de Saint' Rallier (2), s'occupe, au début de son intéressant
travail, de l'origine gallo-romaine de cette ville. Il cite
notamment l'abbé Chalieu (3) qui, avec de Valois, a cru *
retrouver Ursoli dans le Péage-de-Roussillon,
J'ai déjà réfuté cette erreur, d'après d'Anville (4). Ajou-
tons que les géographes modernes, traitant cet objet, ont
également admis que Saint- Vallier-sur-Rhône occupe
l'emplacement (TUrsoli,
En effet, si l'on compare V Itinéraire (VAntonin^ avec la
Tabula Peutingeriana (5) (aux passages relatifs à la voie
romaine de Luc à Vienne), on constate facilement que la
station romaine (X'Ursoli était réellement située entre
(1) E. Fayard, Notice hist. sur Sl-VaUier, i vol. A. Picard, édit. Paris,
1895.
(2) Albert Caise, Histoire deSt-Vallier, i vol. Dumolin, édit. Paris, 1867,
(3) Chalieu, Mémoires sur les Antiquités de la Drame,
(4) d'Anville, Notice sur Vancienne Gaule, i vol. J760, au mot Vrsoli
(f* 724).
(5) Nie. Bebo;er, Histoire des grands chemins de l'Empire romain^ a vol.
I736(T. II, ^43).
86 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Tegna (Tain) et Figlinis (Andancette) et non entre le
Péage-de-Roussillon et Vienne.
ITINÉRAIRE d'aNTONIN TABULA PEUTINGERIANA
Lucum . . M. P. XXVI Luco
Deam Vocontiorum XII
Augustam XXIII
Valentiam XXII
URSOLIM XXII
Viennam XXVI
AdDeamBocontiorum XII
Augustum .... XIII
Valentia XXII
TEGNA XIII
FIGLINIS XVI
Vigenna XVII
Cette première observation faite, on remarquera que,
dans ^Itinéraire d'*Antonin, la distance entre Valentiam
et Ursolim est marquée XXII milles; or, le mille romain
répondant à 1472 ". 5o de nos mesures, cela donne exac-
tement, pour 22 milles, trente deux kilomètres 395 mè-
tres, juste la distance de Valence à St-Vallier-sur-Rhône,
lieu parfaitement choisi d'ailleurs pour rétablissement
d'un poste militaire.
On sait, en effet, que les stations fondées par les Ro-
mains, au milieu des peuples nouvellement soumis, se
trouvaient, autant que possible, à la rencontre de deux
vallées et placées, de préférence, sur les hauteurs, de ma-
nière à faciliter la surveillance du pays.
Le site d'Ursoli remplissait donc avantageusement ces
conditions stratégiques, au confluent du Rhône et de la
Galaure (^Galaber).
Sur le faîte des montagnes de Mont- Rebut, 366" d'ahi-
tude, et de Vais, 293", dominant Ursoli et commandant
le débouché de la vallée de Galaure, les Romains durent
construire des observatoires [Castri\ tandis que la ville
[le Forum) se prolongeait sur la berge du Rhône, où s'é-
lève actuellement Saint-Vallier.
REMARQUES SUR URSOLI (sAINT-VALLIER). 87
Enfin, comme Chorier(r) en a conservé le souvenir, l'o-
pinion de d'Anville se change en certitude si Ton s'en
tient à la découverte faite, en 1620, à Saint- Vallier, d'une
colonne milliaire portant cette inscription.
T. CLAVDIVS
CiESAR
GERMANICVS
PONT. MAXIMVS
IMPERATOR
XXV
Ces XXV milles représentent la distance d'Ursoli à
Vienne, marquée XXVI dans l'Itinéraire d'Antonin, soit
près de trente-neuf kilomètres, et il n'y en a guère davan-
tage de Saint- Vallier à Vienne, en tenant compte des si-
nuosités de la route.
J'ajouterai encore, pour préciser l'antique origine de St-
Vallier, qu'on y découvrit, à différentes époques, des dé-
bris d'architecture, des tuiles et des médailles romaines (2).
Pour terminer, il nous paraît enfin démontré, malgré les
doutes élevés, à cet égard, par M. l'abbé Caillet (3), que
le Saint qui a donné son nom de Saint- Vallier, à Ursoli^
ne saurait être que l'évêque de Viviers (Valère de Viviers
ou Valier d'Orsoles) « mort vers 5 10 en un lieu appelé
Orsoles (Ursoli) » (4).
Albert CAISE
Membre de la Société des gens de Lettres.
LoMvectennes (S.-et-O.) 30 décembre 1895.
(i) Nie. Chorier, Histoire du Dauphiné, 1661. Livre IV, f* 333.
(3) Une inscription romaine découverte à St- Vallier est encastrée près de
la petite porte donnant accès dans Téglise du côté Est {Histoire de St- Val-
lier, p. 3 13).
(3) Caillet, Etudes archéologiques sur Andance, 63 à 69.
(4) Châ8T£lmn, Martyrologe universel, 1709, £•• 39 et 1178.
'|'t't'tl't't' H '' H '' l ' t ' l ' l ' j ^' H '' l ^' j |? t ' l ?' t 't' l t' l ' t ' t t' t
LES GUERIN DE TENCIN
Parmi les familles illustres de Romans, celle des Guerin oc-
cupe un rang distingué dans l'histoire de la ville.
Diaprés M. le docteur U. Chevalier, elle commença par un
colporteur, venu des Hautes- Alpes, appelé Pierre qui, en 1520,
s'établit à Romans comme orfèvre et changeur et devint en-
suite maître de la Monnaie. Il laissa, entre autres enfants,
Antoine, docteur ès-lois, juge royal de la ville, après Antoine
Garagnol, son beau-père. M. Roman lui attribué un mémoire
sur les ligues, qu*il a publié dans ce Bulletin^ en 1877, sous le
titre de La Guerre des paysans en Dauphiné (i^jg-2t^8o).
Son fils, Henri-Antoine, seigneur de Forges, lui succéda en
qualité de juge royal et mourut le 26 janvier 1622. C'est à lui
que se rapporte une délibération consulaire du 25 mars 1603.
D'après l'exposé fait au Conseil paf Ricol, avocat, feu maître
Antoine Guerin, son père, aurait été anobli par Henri lïl (i).
Ses lettres de confirmation d'anoblissement vérifiées au Parle-
ment de Grenoble l'obligeaient à indemniser les communautés
où il avait des biens.
La ville de Romans « désirant recognoistre et grattiflSer en
tout ce qu'elle pourra le s"" juge, ayant bonne considération de
ses mérites, continuation des bons offices par lesquels il l'oblige
journellement, et ne voulant oblyer la mémoire de ceulx de feu
son père..., a libéralement accordé aud. s*" juge en pur don et
luy quicte ce à quoy il pourroit estre tenu quant à présent pour
l'indemnité de laquelle il seroit chargé par ses lettres de confir-
mation d'anoblissement... »
François, avocat et ensuite conseiller au Parlement, nous
paraît être l'auteur des Très humbles remontrances au roy, pu-
bliées vers i63o, en faveur du tiers état, véritable plaidoyer où
la raison seule se fait entendre. Comme il acheta la terre de
Tencin, ses descendants en prirent le nom. Parmi eux figure
Antoine, conseiller au Parlement de Grenoble et président en
celui de Chambéry. Il fut père du cardinal de Tencin, arche-
vêque de Lyon et de Madame de Tencin, auteur de plusieurs
romans.
Cette famille, dit M. Chevalier, s'est éteinte à Paris le 1 1 avril
1886 avec Laurent- Joseph, fondateur et président des Sociétés
des Sauveteurs de France.
(i) M. Chevalier les date d*octobre 1581, dans son Armoriai historique
de Romans*
SÉANCE. 89
SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1895
PRESIDENCE DE M. DE GALLIER
M. le Président donne lecture des circulaires ministé-
rielles concernant le Congrès des Sociétés savantes à la
Sorbonne en 1896.
Sur la présentation de M. le chanoine Jules Chevalier et
de M, Victor Colomb, M. Jules Céas, fils, imprimeur du
^ulletin^ à Valence, est proclamé membre titulaire de la
Société.
Différentes communications sont suivies d'intéressantes
discussions.
Ensuite, les membres présents se rendent dans une salle
voisine où se trouve un buste exécuté par M. Biny, de
Valence, élève du département à l'Ecole des Beaux-Arts
de Paris. L'œuvre du jeune artiste les satisfait par sa res-
semblance et révèle chez lui une grande aptitude pour la
sculpture.
Heureuse d'encourager ses débuts, la Société le sera
bien plus encore de constater ses succès futurs.
A. Lacroix.
.■■■»•
go SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
CHRONIQUE
Cette livraison commence la 30* année du Bulletin, et témoi-
gne ainsi de la constante fidélité de tous les membres de la
Société à une œuvre de patriotisme et d'érudition. Ce concours
dévoué a déjà produit les plus heureux résultats en élucidant
une foule de points d'histoire locale, et comme il en reste en-
core un grand nombre dans la poussière des archives, il nous
fait espérer de nouvelles recherches et de nouvelles études.
— M. le Secrétaire, vivement touché des témoignages de
sympathie qu'il a reçus, pendant une maladie récente, des mem-
bres de la Société et d'autres personnes, les prie d'agréer ses
remercîments et l'expression de sa reconnaissance.
— Une lettre de M. le chanoine Perrossier signale dans le
Royannais une inscription romaine que nous croyons inédite,
l'historien de la localité ne la donnant pas ; grâce à son dévoue-
ment, à sa bienveillance et à son habileté, nous en espérons un
estampage pour la lecture et les explications ultérieures.
— De son côté, M. Roger Vallentin nous apprend que, « en
1890, les travaux de la culture ont fait mettre au jour à Tain
(Drôme), sur le coteau de l'Hermitage, une urne renfermant
près de 500 pièces saucées ou de petits bronzes des divers em-
pereurs romains qui se sont succédé de Probus à Dioclétien.
Les quelques exemplaires, qui lui ont été montrés ces jours-ci
par M. Lafabrègue, sont recouverts en général d'une belle
patine. »
— Les journaux ont parlé récemment de nouvelles décou-
vertes archéologiques à St-Paul-Trois-Châteaux ; nous man-
quons de renseignements à ce sujet.
CHRONIQUE. 91
— Le 1 2 octobre, à Valence, a eu lieu Tinauguration de la
statue de M. Jean-Pierre Bachasson, comte de Montalivet, né
près de Sarreguemines (Moselle) le 5 juillet 1766. Cette statue
en bronze est Tœuvre d'Adolphe Crault. Elle mesure 3^02 de
haut et pèse environ 18,000 kilogr.
La cérémonie a été imposante et digne de l'ancien maire de
Valence en Tan III et en 1801, du préfet de la Manche et de
Seine-et-Oise en 1804, du directeur général des ponts et chaus-
sées en 1806, du ministre de Tintérieur en 1809, ^^ ^u pair de
France en 181 7.
C'est grâce à son ascendant que le maire de Valence put
sauver de la mort M. de Labareyre, et c'est grâce à sa prudence
que la ville, berceau de sa famille, fut préservée de la famine et
ensuite des inondations du Rhône.
M. de Montalivet mourut dans la Nièvre le 22 janvier 1823,
et les honneurs rendus à sa mémoire témoignent assez élo-
quemment de Thonnêteté de sa carrière, de sa capacité, de son
esprit conciliant et supérieur, et de la reconnaissance due à ses
bienfaits et à son mérite.
OUVRAGES REÇUS
DU MINISTÈRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE
Journal des Savants de juillet-août, septembre et octobre
1895.
-Romama, octobre 1895.
Bibliographie des travaux scientifiques , publiés par les Sociétés
savantes de la France y par G. Deniker, i'* livraison.
Musée Guimet (Annales du), — Voyage dans le Laos (tome I*').
Paris, Leroux, 1895. Un vol. in-8*.
Bulletin historique et philologique. Année 1 894, n°* 3 et 4.
Bulletin Archéologique du Comité des travaux historiques et
scientifiques. 1894, 2® livraison.
Bulletin du Comité des travaux historiques : Section des
sciences économiques et sociales. -— Congrès des Sociétés sa-
vantes de 1895.
q2 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
ÉCHANGES
Revue épigraphique du midi de la France^ par M. AUmer, an-
née 1895.
Revue de la Drôme, 1895, publiée à Valence.
Le Dauphiné, 1895, publié à Grenoble.
Revue des langues romanes, publiée à Montpellier, 1895.
Mémoires de la Société royale des Antiquaires du Nord, nou-
velle série, 1893.
(Les Bulletins et Mémoires des Sociétés savantes en relations
avec la Société de la Drôme seront indiqués dans une prochaine
livraison.)
DONS DES AUTEURS
' Capucin et gouverneur de Languedoc, par le P. Apollinaire
de Valence (Dupont). — Extraitde la Revue du Midi, Nîmes, Im-
primerie générale, 1895, in-80, 63 p. — C'est une étude soignée
sur Henri de Joyeuse, en religion le P. Ange, associé pendant
sept ans à son frère, cardinal- archevêque de Toulouse, dans le
gouvernement du Haut-Languedoc et ensuite capucin.
— Notice sur la paroisse de Rochessauve^ par A. Benoît d*En-
trevaux. Privas, Imprimerie Centrale, 1895, in-8*, 32 p. — Notre
savant collègue poursuit avec ardeur ses études sur TArdèche.
Rochessauve est enfermé dans une échancrure du Coiron, ou-
verte à l'Est sur la vallée de Chomérac. L'auteur en fait revivre
avec art le passé, sans oublier le présent.
— César Borgia, duc de Valentinois et documents inédits sur
son séjour en France, par Anatole de Gallier, avec le concours
de William Poidebard. Paris, Alph. Picard, 1895, in-S*», '7^ P-
— Les lecteurs du bulletin se souviennent de ce remarquable
travail où l'érudition marche de pair avec la forme littéraire.
— Ville de Valence, Comité Emile Augier-Montalivet. Dis-
cours prononcé le 12 octobre i8g^, par M. Casimir Genest, pré-
sident du Comité, à l'inauguration du monument Montalivet:
CHRONIQUE. 93
Valence, Granger et Legrand, 1895 ; br. in-8*, 16 p — L*ora-
teur esquisse rapidement la biographie de M. Montalivet et
justifie la présence de sa statue à Valence où sa famille habita
longtemps, où il se maria et où, comme administrateur, il ren-
dit d'importants services.
— Département des Hautes^ Alpes, Archives, Session d'août
iSg^ Rapport de M. r Archiviste départemental. — Ses travaux
assidus y sont rappelés et attestent son dévouement au service
qui lui est confié.
— Le Trésor d'argenterie de Bosco reale^ par M. Héron de
Villefosse. — Une découverte du plus haut intérêt ayant été
faite près de Pompéi, des marchands en proposèrent l'achat au
Musée du Louvre. Le prix étant trop élevé et l'acquisition im-
possible, M. le baron Edmond de Rothschild intervint géné-
reusement, paya les objets offerts et les donna au Musée. La
brochure annoncée les décrit tous avec la compétence incontes-
tée d'un maître en archéologie. C'est un in-4° de 16 pages,
s. 1. n. d.
— Ernest Maindron : L'Ancienne Académie des Sciences. Les
Académiciens, 1606-1793. Paris, Tignol, 1895 ; br. in-8* de
90 p. — La liste publiée ici comprend quatre dauphinois : Fon-
taine (Alexis), La Paye (Jean-Elie Leriget de), né à Vienne le
15 avril 1661, mort le 20 avril 17 18 ; Tallard (Camille d'Hostun,
marquis de La Baume, maréchal, duc de), né en 1652, décédé
en 1728; Vaucanson (Jacques de), né.à Grenoble le 24 février
1700, décédé à Paris le 21 novembre 1782.
L'auteur fait naître Alexis Fontaine à Bourg- Argental en 1 705
et le fait décéder à Cuiseaux le 21 août 1771, le donne comme
remplaçant de Camus en 1733, de La Condamine en 1739 et
de Pitot en 1742. Nous croyons avoir prouvé dans ce Bulle-
tin (i) qu'il fut baptisé à Claveyson le 16 août 1704.
— Rochemaure, par A. Mazon. Privas, Imprimerie Centrale,
1895 ; broch. in-8**, 32 p.
(i) 1895, 11^* livraison, page 3o5.
94 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
— Du même auteur : Notice sur St-Martin-de-Valamas, An-
nonay, J. Boyer, 1896; un vol. in- 12, 92 p. — Excellentes
monographies par un savant qui est aussi un écrivain distingué.
— Du même auteur : Notice sur Pierre Marcha, l'auteur des
Commentaires du Soldat du Vivarais. Privas, Imprimerie Cen-
trale, 1895 ; br. in-8®, 79 p. — M. Mazon connaît la biographie
des hommes illustres de TArdèche aussi bien que l'histoire de
ses communes. Chercheur infatigable, il a déjà décrit les pays
volcaniques, les environs de Valgorge, de Privas, du Bourg-
Sl-Andéol, de Crussol, le mont Pilât, etc., publié l'histoire des
Gamon, de Soulavie, etc., et continue avec succès ses études
sur la région.
— Hiatus et lacune. Vestiges de la période de transition dans
la grotte du mas d*Azil^ par Ed. Piette. Beaugency. LafFray,
1895 ; br. in-8°, 44 p.
— A. Sagnier, membre de TAcadémie de Vaucluse et autres
Sociétés savantes : Etude sur le monnayage autonome des Ca~
vares. (Extrait des Mémoires de l'Académie de Vaucluse), Avi-
gnon, F. Seguin, 1894: br. in-8°, 19 p. — L'auteur, après des
recherches consciencieuses, attribue à la confédération des
Cavares les monnaies anépigraphes du cheval au galop et du
bouquetin.
— Les Défauts de la comtesse de Grignan, mémoire lu à l'Aca-
démie de Marseille par Mgr A. Ricard, prélat de la maison de
S. S., directeur de l'Académie. Marseille, Barthelet, 1895 î ^'*-
in-8**, 58 p. — M™* de Grignan a eu de nombreux détracteurs
et quelques défenseurs seulement. M. Reynaud, archiviste,
ayant découvert une plaquette de 18 pages, imprimée à Mar-
seille en 1705, un mois et demi après la mort de la comtesse,
vient à propos grossir la petite phalange de ces derniers en leur
fournissant des armes nouvelles et des renseignements précieux.
Ainsi il nous présente la plus belle femme de France toujours
modeste, charitable, pieuse, s'occupant de ses enfants et du
personnel de sa maison. « Son crime, dit l'auteur, a été le dédain
CHRONIQUE. 95
de Tôpinion et des opinions de son temps, et son erreur, d'avoir
rêvé avec trop de passion et poursuivi avec trop de ténacité la
grandeur d'un nom, celui de son mari ».
Le travail de M. Reynaud ne peut manquer d'intéresser les
voisins du château de Grignan, les admirateurs de M™® de Sévi-
gné et les amis de l'histoire locale. Il est accompagné de pièces
annexes curieuses et se trouve à Lyon chez Vitte (i), et à Paris
chez A. Picard (2), libraires.
— Notice inédite sur le livre de raison du muet de Laincel, d'après
les manuscrits de Peiresc, publiée par Ph. Tamizey de Larro-
que. Digne, Chaspoul et V®Barbaroux, 1895 ; br. in-S^, 23 p. —
Antoine de Laincel, seigneur de St-Martin-de-Renacas, né à
Romolles en 1525, s'est rendu célèbre par sa manière de tenir
ses comptes où les objets achetés sont indiqués par leur image
très ressemblante, tracée à la plume et suivie du prix de chacun.
— Clair Tisseur. Notice nécrologique ^ par A. Vachez. (Extrait
de la Revue du Lyonnais), Lyon, 1895 ; broch. in-8°, 9 p. —
L'auteur de Joseph Pagnon, des Vieilleries lyonnaises, des Let-
tres de Valère coUigées par Nizier de Puitspelu, etc., etc., est
décédé à Nyons le 30 septembre 1895, à 68 ans. « Ce qu'il fut,
on peut l'exprimer en quelques mots : Architecte habile, écri-
vain plein de goût et d'humour, philologue d'une érudition pro-
fonde, poète d'un haut vol et par dessus tout homme d'esprit ».
— Du prétendu atelier carolingien de Venasque, par Roger
Vallentin. (Extrait du Bulletin de Numismatique). Paris, R. Ser-
rure, 1895 ; broch. in-8°, 8 p.
— Du même auteur : L* Atelier temporaire de Briançon. (Ex-
trait de V Annuaire de la Société de Numismatique^ 1894). Paris,
1894, br. de 14p., grand in-8**.
— De la détermination des monnaies du dauphin Louis Z*"^ ( 1 4 1 o-
141 5). Extrait du même Annuaire pour 1895.
(i) Place Bellecour, 3.
(2) Rue Bonaparte, 82.
96 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
— TIJDS CHRIFT van het Nederlandsch Genootschap voor
munt en Penninc-Kunde, De la circulation des florins d'Utrccht
en Dauphiné, à Avignon et dans le Comtat Amsterdam, G.
Theod. Bom en Zoon, 1895 ; br. in-S**, 8 p.
— Du même auteur : La Monnaie de Jovinzieu ou St~Donat
(894-1025 >). Valence, J. Céas, 1895 ; br. in-80, 24 p.
Les lecteurs du Bulletin connaissent ce dernier travail, et
l'érudition qu'il y montre révèle suflSsamment le mérite de tou-
tes les autres publications de l'auteur.
La dernière brochure, tirée sur papier de couleur bleue et sur
papier blanc avec des encres de couleur, prouve que l'impri-
merie de M. J. Céas sait rivaliser avec Paris pour les tirages de
fantaisie, comme pour les tirages ordinaires.
— La Semaine religieuse de Valence, année 1895.
— La Semaine religieuse de l'Ardèche, même année.
— Le Bulletin d'histoire ecclésiastique et d* archéologie reli-
gieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers conti-
nue la publication, de savantes recherches, sous l'habile direc-
tion de M. le chanoine U. Chevalier.
A. Lacroix.
* t?f"nr <fxi> £zi|{t >
LES ARTISTES ÏALENTINOIS
L'EPOQUE DE LA RENAISSANCE
La chute de l'empire de Constantinople (i453) eut pour
conséquence immédiate la renaissance des lettres et des
beaux-arts dans l'Occident. Nous nous bornerons à rap-
peler ce fait si connu. Nous consignerons immédiatement,
sans commentaires, les notes que nous avons transcrites
au sujet des artistes qui fleurirent à Valence durant la se-
conde moitié du XV* siècle et pendant la première moitié
du siècle suivant. Sous le titre générique d'artistes, nous
comprendrons seulement les peintres et deux orfèvres.
Nous insistons spécialement sur cette circonstance, cons-
tatée dans d'autres villes, que le culte des arts fut hérédi-
taire dans trois familles au moins, les familles Robin,
Fournier et Faverges. A cause de leur clarté, nous ne tra-
duirons pas en français les textes invoqués.
2* SÉRIE. XXX* Volume,
gS SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
LES PEINTRES
i" Etienne Bochon
Le 28 mai 1468 « mestre Dimanche sendic a apointa ho
Estève lo guienier (r) que per son destorby (2) et hossy per
so que el avia teynl los linsols per los abis dos moros, per
lo commant dos sendics ly ay paya i fl. vi gr. » (3). Ces
dépenses étaient relatives à l'arrivée de Bonne de Savoie,
qui allait devenir la femme de Galéas-Marie Sforza, duc
de Milan. Le peintre Etienne s'appelait de son vrai nom
Etienne Bochon. Les peintures qu'il exécuta peu après en
l'honneur de la venue de Tévêque de Valence (r468), lui
furent payées 3 florins, 8 gros « plus paha a Estève Bo-
chon, guraner et peyntre, per sa pena et per las peytures
et autres habis, et tout hobrage que el a fet per los dis
personages, que en acorda ho los sendics a Tostal de la
villa, m fl. VIII gr. » (4).
2° Famille Robin
i" Guillaume Robin florissait à Valence au même mo-
ment. Il peignit « los abilhamens per far les istorias »
lors de l'entrée de Tévêque Gérard de Crussol. Son salaire
s'éleva à i florin 6 gros « per las penturas et coronas » (5).
C'est le seul document mentionnant cet artiste.
Pierre Robin, parent très probablement de Guillaume,
est cité à deux reprises.
(i) Fabricant de gaines.
(2) Dérangement.
(3) U. Chevalier, Le Mystère des Trois Doms, joué à Romans en MDÏX,
p. 839.
(4) Ibid.t p. 840.
(5) Ibid., p. 841.
LES ARTISTES VALENTINOIS. QQ
La délibération du 14 octobre 1498 décida que Poncet
Colombet ferait une farce ou moralité et qu'il la jouerait
avec Guillaume de Gênas, François de Beauchastel et
Pierre Robin. Une phrase vague est relative aux peintures
qui pourraient être faites : « Hoc adjecto quod, si opere-
tur in pictura aliqua pro hystoriis, quod sibi dabuntur
pro qualibet die intégra très grossi » (t).
Le texte suivant démontre que Pierre Robin était réelle-
ment « peinctre ».
Les documents relatifs au passage de François l^^ et de
sa femme ( 1 5 1 6) signalent « mestre Thierrion le peynctre »
qui reçut 1 5 livres 1 2 sols, « Peyrenon le peinctre » à qui
on paya 1 1 livres 10 sols, « mestre Fa verges le peinctre»
qui réclama 2 livres i5 sols, et « Benoyt le peinctre >> à
qui Ton donna seulement 1 1 sols 8 deniers. Le trésorier
« livra » 5 sols à « Benoyt le chaussetier, qui ala quérir
les peinctres au Crest ». Enfin « Pierre Robin et mestre
Peyrenon peinctres » restituèrent la somme de 2 livres,
10 sols, 4 deniers a pour coleurs qu'ilz avyont heu de
ceulx que Ton avoyt achapté pour la venue du roy » (2).
3*» Le compte dressé par le trésorier du chapitre de St-
Apollinaire, pour la période du 28 juin 1628 au 3o mai
1629, relate un paiement fait par les héritiers du peintre
Laurent Robin « ab heredibus quondam Laurencii Ro-
bini pictoris (3).
Trois membres au moins de la famille Robin, Guil-
laume, Pierre et Laurent, se seraient livrés à la peinture.
(i) Chevalier, Op, L, p. 85o. — Marius Villard. Annales Valenti-
noiseSt pp. 45-6. — Ulysse Chevalier, Documents relatifs aux représenta-
tions théâtrales en Dauphiné de 1484 à i$j$ {Bulletin de V histoire ecclés.y
t. V, p. 42).
(2) Ibid.^ pp. 866-7.
(3) Compte n" 22,
100 SOCIETE D ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
M. Maignien cite un Jean Benoît, peintre à Grenoble
en 1589, originaire de Romans et Denis Benoît, peintre
vitrier à Grenoble en 1692 (1). Le peintre Benoît, cité en
même temps que Robin, était peut-être aussi originaire
de Romans. Nous n'avons trouvé aucun renseignement
relatif aux « mestres » Thierrion et Peyrenon. Nous
allons mentionner, au contraire, Faverges dans le para-
graphe consacré à sa famille.
3** Famille Fournier
I® L'un des témoins d'un acte daté du 3o mars 1419
était Robin Fournier, peintre à Valence, « magistro Ro-
bino Fornerii, pictore, habitatore Valencie » (2).
2^ Le peintre Pierre Fournier habitait, en i5oi, la rue
de la Chaîne : « Item a Petro Fornerii, pictore, et Johanne
Bernardi, pro eorum domubus sitis in carreria statere,
sive de cathena xiir s. » (3).
A la date de i532, nous rencontrons la mention de feu
Pierre Fournier (4). Trois ans auparavant, l'indication de
son décès est aussi relatée (1529) : « Petro Fornerii, alias
Robini, pictore Valencie » (5). Il est certain que Pierre
Fournier avait un surnom, Robin. Cependant nous esti-
mons que les deux familles de peintres Robin et Fournier
étaient distinctes.
Quelques lignes plus bas, nous lisons : feu « magistro
Laurencio , pictore » (6). Le nom propre du « meistre »
(i) Les Artistes Grenoblois^ p. 37.
(2) Fonds de St-Apollinairey Valence, n" 321.
(3) Ibidem, compte 9, f* i.
(4) Ibidem, compte y 4, 1531-32.
(5) Ibidem, compte 26, 1529-30.
(6) Ibidem,
S
LES ARTISTES VALENTINOIS. 10 1
est laissé en blanc. Le compte de r 5 28-9 signalant les hé-
ritiers d\un peintre dénommé Laurent Robin, nous pen-
sons qu'il s'agit de la même personne.
Le nom et le prénom Robin étaient autrefois très ré-
pandus à Valence : « Et primo computat solvisse majori
correario ecclesie Valencie, pro pensione orti Robineti^
quem tenent heredes Simonis Collini, canonici Valencie,
viginti sollidos (sic) viennenses, valent, xii s. vu d. w(i).
4** , DIT SiBEUD
Cet artiste, dont le nom est resté en blanc, était peintre-
verrier à Valence. Il a restauré quelques-unes des verriè-
res de St-ApoUinaire: «Item solvit die ultinia aprilis 1640,
Claudine, relicte magistri , alias Sibaudi, quondam
pictoris et vererii Valencie, pro reparatione victriarum
existentium rétro majus altare, tempore quo Reverendus
Dominus episcopus celebravit suam primam missam in
ecclesia cathedrali Valencie. m florenos xi grossos » (2).
ç"* Pierre Tristan
Il n'est cité qu'une fois: « Die xV aprilis (i552), pro
solutione Pétri Tristan, pictoris, pro pictura litterarum
capse Sanctorum Martyrum. . . iiii fl. viii gr. » (3).
Le chapitre de St- Apollinah'e possédait diverses châsses
de martyrs. Nous verrons plus loin qu'il s'agit de la châsse
de S. Félix, S. Fortunat et S. Achillée.
6** Famille Faverges
i*^ En 1494, la ville de Valence paya 3 florins à Jean
Faverges « pour avoir habillé les verrines de la maison de
(i) Ibidem, compte de r^yo.
(3) Ibidem, compte 2^, 1539-40.
(3) Ibidem, compte de i$$i-2. Î9 94.
f02 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
ville, tant pour les replumber que adouber les armes que
le vent avoit fait tomber et mettre des verges de fer » (i).
Jean Faverges était encore en vie à la date de 1 607 :
« Item a magistro Johanne Faverges, pictore, pro pen-
sione medietatis vinee (2) ».
« Mestre Faverges le peinctre », cité plus haut en 16 [6,
est probablement Jean Faverges.
2® Pierre Faverges était verrier ou vitrier : « Item plus
computat solvisse, die xiii' novembris i536, magistro
Petro Faverges, vitrerio, produabusvictriis, positis rétro
organa et capsam xi millia virginum, de mandato capituli
regestrato f lxxxxi, constat quictancia, videlicet. vi fl. (3) ».
Il tenait en outre une boutique, où l'on pouvait acheter
de la toile (1548): « Item computat solvisse Domino
Chionis, tam pro certa tela empta a Petro Faverges, pro
servitio majorum altarum, quam pro certis aliis expensis
contentis in quadam parcella et quictancia, xxii fl. vi gr. (4)» .
Il effectua de nombreuses réparations aux verrières de
St- Apollinaire, durant l'année i65i : « Dieix» septembris,
pro duabus libris stagni, emptis et applicatis réparation!
victriarum ecclesie per magistrum Faverges ab Enymondo
Bodoyn, apparet quictancia, videlicet. . x grossos (5) ».
« Die un» decembris, pro solutione magistri Pétri de
Faverges (pro) reparatione victriarum ecclesie, apparet
parcella cum quictancia, videlicet. . xii florenos (6)».
3* Guillaume Faverges est désigné avec la qualité de
pictor {ib28).
(1) ViLLARD, Op. /., p. 45.
(2) Fonds de St- Apollinaire y compte lOy 1507-8.
(3) Fonds de St- Apollinaire, compte 4^^ ' 535-6* L'organiste était, à cette
époque, Maître Gilles, « magister Giles, organiste ».
(4) Ibidem, compte de JS48-9t f" 45.
(5) Ibidem^ compte de / 557-2, f» 89.
(6) Ibidem^ f* 91.
LES ARTISTES VALENTINÔIS. 103
« Et primo solvit idem dominas Bartholomeus Darmeys,
Guillelmo Faverges, pictori Valencie, pro quatuor mag-'
nis armis et tresdecim parvis dicti domini Odonis de
Jania, die xxv'mensis novembris, anno domini miilesimo
v<>xxvni** I flor. x gr. » (i).
Nous supposons que le peintre Faverges, mentionné le
17 septembre i553, est Guillaume : « Die xvii* septembris
pro solutione Magistri Faverges et relogerio (sic) pro re-
paratione et pictura capsarum sanctorum Cornelii et
Cypriani et Apollinaris^ apparet mandato et quiictancia,
videlicet viii fl. ir gr. » (2).
Le compte de l'année suivante ([554) renferme acci-
dentellement rindicaiion de « magistro Guillelmo Faver-
ges, pictore » (3).
Quelques lignes plus loin, nous lisons : « Die ultima
decembris, pro novem ulnis et tribus tertiis (sic) telle ro-
sette, emptis. pro ecclesia ab uxore magistri Faverges,
precio vm grossorum, qualibet ulna, quam habuit sacris-
tanonus, sic videlicet vi fl. iiii gr. » (4).
Cette fois, il est très probablement question de Pierre
Faverges, qui avait déjà vendu de la toile au chapitre du-
rant Tannée 1548, ainsi que nous l'avons déjà vu.
L'aune de Paris était en usage à Valence (5). Elle se
subdivisait en demi, tiers, quart, sixième, huitième, dou-
(i) Ibidem, compte y 8- Les funérailles d'Odon de Jante, chanoine et abbé
de St-Apollinaire, eurent lieu le 26 novembre 1528, d'après divers articles
de ce même compte.
(2) Ibidem^ compte de j$$2''^.
(3) Ibidem^ compte de i$$j-4, fo 118.
(4) Ibidem, f» 1 19.
(5) Delandes-de-Bagneux, Tables des rapports des mesures du système
métrique^ déduites de la grandeur de la terre et des anciennes mesures du
département de la Drame ; table générale.
104 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
zième, quinzième, vingt-quatrième et trente-deuxième (i).
A priori, l'expression trois tiers d'aune (tribus tertiis) est
incorrecte. D'autre part, si l'on multiplie 9 aunes par
8 gros, on obtient 72 gros ou 6 florins. Le trésorier a porté
en dépense 6 florins, 4 gros. Par conséquent, la fraction
d'aune en sus des 9 aunes valait 4 gros, c'est-à-dire qu'elle
était égale à une demi-aune, soit à trois sixièmes au lieu
de trois tiers d'aune.
Nous avons signalé, au sujet de l'inhumation d'Odon
de Jante, l'usage de porter les armes peintes sur toile aux
funérailles des dignitaires ecclésiastiques, tels que l'évê-
que* de Valence, l'abbé du chapitre, etc. Le 22 août i553,
le trésorier duchapitre acquitta le prix des torches brû-
lées et le montant des peintures faites à l'occasion de l'en-
terrement de l'évêque Jacques de Tournon, décédé le f 5
août précédent (2) : a Die xxii augusti i553, pro parcella
fascium et armorum portatorum ad exequias funèbres
Reverendi condam Domini Jacobi de Turnone, sepulti
in ecclesia Carmelitarum Turnonis, taxata per capitulum
videlicet ix ff., vi gr. ))(3).
Le nom du peintre n'est pas spécifié. Rien ne prouve
qu'il était Guillaume Faverges.
En i5b4, nous voyons cités les frères Guillaume et
Louis Faverges : « Magistro Guillelmo et Ludovico Fa-
verges, fratribus » (4). Nous n'avons pas découvert d'autre
renseignement biographique relatif à Louis Faverges.
Nous ignorons totalement s'il s'est adonné à la peinture.
La famille Faverges est essentiellement Valentinoise.
(i) Ibid., table l.
(2) Perrier, Histoire des évéquts de Valence^ p. 73.
(3) Compte de i$S2-'^, f* iio.
(4) Compte de i$$4-$. ^ 127.
LES ARTISTES VALENTINOIS. I05
Elle paraît avoir emprunté son nom au village de Faver-
ges (Isère). A la fin du XVIP siècle et au commencement
du XVIII® siècle, Siméon Fa verge et Georges Faverge,
tous deux nés à Valence, furent sculpteurs à Grenoble (i).
7** Françofs Thévenot
Originaire d'Annonay (Ardèche), il séjourna à Romans
de i5o9 à 1546 au moins. « Sans être un rival de Raphaël,
son contemporain, il eut son heure de célébrité ». Un de
ses serviteurs était le « peyntre » Jean Bruda (2). Les do-
cuments mis au jour par MM. Ulysse Chevalier et Mai-
gnien établissent que François Thévenot a peint divers
tableaux (3).
Quoiqu'il soit étranger à Valence et qu'il n'ait pas ha-
bité cette ville, nous devons rappeler son existence, car les
consuls et le chapitre eurent recours à son talent.
Le 26 mars r526, le consul de Valence, Huet, fut chargé
d'aller « à Romans parler à Maistre François le painctre »,
au sujet de « la représentation du Mystère des saints Félix,
Fortunat et Achillée » (4). Le 2 mars précédent, on avait
décidé que « les consulz scripvent aux painctres pour y
donner ordre » (5).
Neuf ans plus tard, il fut chargé défaire les coins desti-
nés à la frappe des méreaux du chapitre : « iiii libras, x so-
lidos turonenses, quos dictus dominus Castagni solvit,
(i) Maignien, Les Artistes Grenoblois, p. 140.
(2) Chevalier, Op, /., pp. xlvi-l. — D' Chevalier, Notice historique
sur le Mont-Calvaire de Romans.
(3) Chevalier, Ibidem, p. xlvii. — Maignien, Ibidem, p. 346.
(4) Op. /., pp. XLix et 870. — Ollivier, Essais historiques sur la ville
de Valence, avec des additions, par A. Lacroix, pp. 182-3.
(5) Villard, Op. /., p. 56.
io6 SOCIÉTÉ d'archéologie kt de statistique.
nomîne ecclesie, magistro Francisco, pictori Romanis,
pro cugneis monçte ecclesie cudende et reparande, prout
constat quictancia et mandato capituli. vu florenos, vi
grossos » (i).
Telles sont les données qu'il nous a été possible de re-
cueillir sur les artistes Valentinois durant une période
correspondant sensiblement à ce que l'on appelle d'habi-
tude la Renaissance. Nous avons relevé tous les détails
relatifs aux personnes désignées avec la qualité de pictor^
selon l'usage actuellement reçu. Nous ferons toutefois di-
verses réserves au sujet de la valeur exacte de ce terme.
A notre avis, il désignait aussi bien un artiste-peintre ou
si l'on préfère, « celui qui exerce l'art de la peinture w, que
le peintre en bâtiments ou si l'on aime mieux « celui dont
le métier est de mettre en couleur des murailles, des lam-
bris, des plafonds, etc. » (2). Les nombreux auteurs qui
se sont livrés à des recherches sur les artistes d'autrefois
n'ont pas pris garde, le plus ordinairement, à cette dis-
tinction, toute naturelle et dépourvue de subtilité. Une
sage réserve s'impose d'autant plus à cet égard que les
œuvres des véritables peintres de la région, du XV® siècle
et de la première moitié du XVI® siècle, ne sont parvenues
jusqu'à nous que par suite de circonstances exception-
nelles. La presque totalité de leurs travaux ont été détruits
durant les guerres de religion. Nous rappellerons en outre
qu'il existe un mot ayant une analogie extrême au point de
vue de l'écriture avec pictor^ c-Qst pistor. Nous craignons
fort que bon nombre de débutants ou que quelques esprits
superficiels aient pris un ptstor pour un pictor^ c'est-à-
(i) Compte 4^ y 1535-6.
(2) DuPiNEY DE VoREPiERRç, Dictionnaire français ^ w^ peintre»
LES ARTISTES VALENTINOIS. IO7
dire aient travesti un boulanger en un artiste-peintre!
Notre opinion sera aisément justifiée par un exemple. On
lit en toutes lettres dans le compte dressé en 1678 par le
clavaire du chapitre de Valence les lignes suivantes :
« Plus die V» ejusdem mensis ab Enimondo Pellicier,
mercatore Romanis, et per manus Anthonii Charrier,
bolengerii squ pictoris^ summam vi florenorum, viii gros-
sorum et m denariorum turonensium, pro pensione
annua » (i). Evidemment on a écrit pictoris au lieu de
pistoris.
LES ORFEVRES
Nous en signalerons deux seulement, parce que nous
avons constaté qu'ils avaient exécuté des œuvres d'art et
de l'orfèvrerie d'église. Nous passerons sous silence une
foule d'argentiers ou d'orfèvres divers « argentarii seu
aurifabri ».
1* Jean Ferrier
Le chapitre possédait, en 1648, un lingot d'argent,
pesant une once et un denier , dont la provenance
n'est pas indiquée. « Et primo computat récépissé a seipso
thesaurario, pro resta anni preteriti 1648, centum septua-
ginta très fiorenos, duos grossos, et le lingot argenti {sic\
ponderis unius uncie et unius denarii ». L'argentier Fer-
rier fut chargé de tranformer ce lingot en un calice d'ar-
gent (1649) (2).
Le marc usité à Valence à ce moment-là était le marc de
(i) Compte de i$78'9i f* 498.
(3) Comptes de iS49'78i année i$4g, passim.
io8 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Paris. I once, i denier =^M|LZ51+2±LgLZ5i^244gr.
752(l+l)=î^^^^^;^^i^=3i grammes 868 mil. Il est
hors de doute que le calice fait par Ferrîer était simple-
ment argenté.
L'année précédente (1548), le chapitre avait ordonné
que Ton ferait des bourdons d'argent doré pour les chan-
tres. Le nom de l'orfèvre qui les exécuta n'est pas cité,
mais nous croyons que Ferrier avait été choisi dans ce
but : « Nota quod hoc anno 1 648, fuerunt facti bordioni
argenti pro cantoribus in choro, ponderis argenti fini de-
cem marcharum,ad xiiii libras qualibet marcha et (i)
XLii libras, un grossos et aurum valet xxvi libras, x gros-
sos ; incluso vino famuli aurifabri » (2).
En 1 549, il effectua des réparations à une châsse : « Item
solvit magistro Johanni Ferrerii, aurifabro, proaugmento
capse martirum, certas pecias argenti, videlicet réaulx et
berlingues (???), valent viii florenos » (3).
Au mois de septembre i55o, le chapitre avait acheté
approximativement 9 marcs d'argent pour la réfection de
la châsse des martyrs Félix, Fortunat et Achillée. Le cha-
noine Fortunat de Dorne fournit le complément des neuf
marcs : a Die xm* septembris ab egregio domino Fortu-
nato de Dorna, quatuor testonos, très Mediolani et unum
de Sabaudia,quos receperat pro complemento ix marcha-
rum argenti, empti pro capsa sanctorum martirum Fe-
licis , Fortunati et Achillei ; fuerunt advalluati videli-
cet iiifl., X gr. » (4),
(i) Mot illisible.
(2) Compte de / 5*^5-9.
(3) Compte de i$4g'$o f» 58.
(4) Compte de iS$o-Si, f" 63. — Roger Vallentin, De la circulation
des monnaies suisses en Dauphiné au XVl^ siècle^ pp. 17-8.
— I
LES ARTISTES VALENTINOIS. ÏOQ
Le 26 mai suivant (i5bi), on acheta deux marcs d'ar-
gent à Ferrier: ce Die xxvi maii, magistro Ferrerii, pro
capsa sanctorum martirorum (sic), duas marchas argenti,
quas advalluavit xxviii iibras turonenses; de quibus de-
bent detrahi ini floreni pro (1), sic vallet videii-
cet . . . . XLV ti. » (2).
2** Charles Boysson
L'exécution de cette châsse dura un certain temps.
Nous n'avons plus rencontré la moindre mention de l'or-
fèvre Ferrier. C'est Charles Boysson qui fit les « scènes
historiées », pour employer l'expression technique, de
notre châsse (i55i): c Die xri*augusti, magistro Carolo
Boyssonis ab Alemano Danterio, qui fabricavit historias
argenti capse martirum Felicis, Fortunati et Achilei, pro
vino eidem dato, ordinatione dominorum, mandato et
quictancia, videlicet viii fl. vi gr. » (3).
Cette phrase est d'une rédaction bizarre. Le titre de
magister attribué à Charles Boysson nous fait admettre
que c'est effectivement lui qui est l'auteur des scènes his-
toriées décorant la châsse commandée par le chapitre. Il
est regrettable que cette œuvre ait été détruite durant les
guerres de religion. Pierre Tristan avait peint les lettres
des légendes qui l'ornaient (4).
(i) Mot indéchiffrable.
(2) Même compte^ f° 77*
(3) Compte de is^i'2, f* 88.
(4) 11 résulte de notes inédites, obligeamment communiquées par M. Emile
Clément, durant l'impression de ce mémoire, que les dates de i 509-1 546,
admises jusqu'à présent pour la durée du séjour du peintre François Thé-
vertot, mentionné plus haut, à Romans, sont inexactes. Cet artiste habita
cette ville dès 1508. Il fit son testament au même lieu le 14 février 1554.
Roger VALLENTIN.
ivt}jliytiijif/igi9t!g(iv9ivw^V}nvim
UNE LETTRE
DU
CITOYEN FAYOLLE
Au sujet de V Insurrection du Vendredi )i ïKai ly^)
Jean-Raymond Fayolle, né à St-Paul-lès-Romans, le 23
décembre 1746, et décédé à Grenoble le 7* mai 1821, fut d'abord
receveur des contributions à Romans, membre de la municipa-
lité de cette ville, président du Directoire du district en 1 790 et
accusateur près le tribunal de la Drôme, en 1791. Elu député à
la Convention, il vota la détention de Louis XVI et le 12 avril
1793, se prononça pour l'arrestation des suspects. Revenu à la
même assemblée après le 9 thermidor, il entra au conseil des
500 en 1795. Sorti du Corps législatif le 20 mai 1798, il devint
juge au tribunal de Grenoble le ^ décembre 1799. Il avait été
arrêté d'abord comme girondin et, après le 18 fructidor, comme
réactionnaire. Des amis influents le sauvèrent chaque fois. Le
4 juin .1804, il reçut la décoration de la Légion d'honneur.
A Paris, les journées des 31 mai et i*"^ juin 1793
s'étaient passées en préparatifs.
Le 2 juin, le tocsin sonna et le commandant provisoire
de la garde nationale Henriot, qui remplaçait de San-
terre parti pour la Vendée, fit tonner le canon d'alarme
placé sur le Pont-Neuf et qui ne devait être tiré que sur
Tordre formel de la Convention.
Les sections se rassemblèrent alors et marchèrent en
armes contre la Convention qui siégeait aux Tuileries,
011 elle décréta aussitôt d'accusation vingt-deux députés
girondins dénoncés sur la pétition des quarante-huit
sections réunies.
UNE LETTRE DU CITOYEN FAYOLLE. I 1 l
Les diSérentes phases de cet événement mémorable
qui a retenu, dans l'histoire, la dénomination de journée
du 31 mai, sont retracées dans une lettre du citoyen
Fayoile de la Drôme, dont j'ai retrouvé l'original parmi
mes papiers de famille, et que j'ai cru pouvoir repro-
duire dans le Bulletin de notre compagnie, parce qu'il
précise, sur cette insurrection, des détails curieux fournis
par un témoin oculaire.
Voici cette lettre : -
« Paris, 9 juin 1793.
a .Je présume que la suspension du départ du cour-
« rier et ce que vous avez ouï dire des événements du
« 3 1 mai et des i*' et 2" de ce mois vous ont fort alarmé
« sur le sort de la Patrie et sur le mien. Je me porte
« mieux qu'elle et il n'y a malheureusement que trop de
« personnes ici soudoyées par nos ennemis pour la
« perdre. La Convention n'a plus de liberté, les tribunes
« et les autorités constituées de Paris nous la ravissent,
« et plusieurs de nos collègues y coopèrent le mieux
« possible. Le jour le plus dangereux, je ne dis pas
« pour la Patrie, mais pour nous, fut le dimanche 2 juin,
a Environ 80,000 hommes (i) environnèrent le château
a des Tuileries avec du canon, l'on m'a dit qu'il y en
a avait 163 pièces, et du mortier, avec leurs bombes.
« Je vis plusieurs canons, je vis plusieurs soldats sous
a les fenêtres du château qui me dirent avoir, de leurs
« officiers, la consigne de tirer sur ceux qui se mettraient
« aux fenêtres et ils se tenaient dans l'attitude de gens
ce qui vouloient exécuter la consigne. Le commandant
(ï) Ces chiffres sont confirmés par M. Thiers dans son Histoire de la
Révolution, livre xiv. — 31 mai.
ÏI2 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
« de cette troupe (Henriot) déclara, à la Convention,
« que le peuple voulait le décret d'accusation contre vingt-
« deux députés (i) et qu^ils fussent livrés^ sinon que la
(i) Extrait de « quelques notices pour V histoire et le récit de mes périls
depuis le 3i mai ï)j par J.-B. Louvet, Tun des représentants proscrits en
1793; 3 vol. in-ia. — An III, Paris.
I . Gorsas (Antoine-Joseph) (député de Seine-et-Oise), 40 ans, guillotiné
à Paris le 8 oct. 1793. — '7 vendémiaire an II.
a. Birotteau (François) (député des Pyrénées-Orientales), guillotiné à
Bordeaux. — 3 brumaire an II.
3. Brissot (Jacques-Pierre) (Eure-et-Loire), 39 ans, homme de lettres,
né à Chartres, guillotiné à Paris le 30 oct. 1793. — 9 brumaire an II.
4. Vergniaud (Pierre-Victorin) (Gironde), 3$ ans, homme de loi à Limo-
ges, guillotiné à Paris le 3o oct. 1793. — 9 brumaire an II.
5. Gensonné (Amand) (Gironde), 35 ans, homme de loi, né à Bordeaux,
guillotiné à Paris le 30 oct. 1793. — 9 brumaire an II.
6. ï^a/a;f^ (Charles-Eléonor Dufriche) (Orne), 43 ans, cultivateur proprié-
taire, né à Luçon, se poignarda en présence du tribunal.
7. Fauchet (Claude) (Calvados), 40 ans, évoque du Calvados, natif
d'Erne, guillotiné à Paris le 30 oct. 1793.
8. Lasource (Marc-David) (Tarn), 39 ans, guillotiné à Paris le 30 oct. 1793.
9. Lehardy (Pierre) (Morbihan), 36 .ans, médecin, né à Dinan, guillotiné
à Paris le 30 oct. 1793.
10. Chambon (Corrèze), tué à Lubersac, dans les premiers jours de fri-
maire, en défendant sa liberté.
1 1 . Valady (Yzarnn) (Aveyron), guillotiné à Périgueux le 1 5 frimaire.
12. Grangeneuve (Jean-Antoine) (Gironde), guillotiné à Bordeaux le
!•' nivôse.
1 3 . Guadet (Gironde), guillotiné en messidor.
14. Salles (Meurthe), médecin, guillotiné en messidor.
1 5 . barharoux (Bouches-du-Rhône), guillotiné en messidor.
16. Pétion (Jérôme) (Eure-et-Loire), ci-devant maire de Paris, se suicida
près de St-Emilion.
17. BuT^ot (Léonard) (Eure), se suicida près de St-Emilion.
18. Lanjuinais (Ille-et- Vilaine), échappé à la proscription.
19. Hardy (Seine-Inférieure), id.
ao. Doulcet (Calvados), id.
ai. Louvet (Jean-Baptiste) (Loiret), 33 ans, né à Paris, échappé à la pros-
cription.
aa. Lanthénasy qui abdiqua ses fonctions, fut rayé postérieurement de la
terrible liste sur la proposition de Marat. On le remplaça par Ducos (Jean-
François (Gironde), a 8 ans, exécuté le 9 brumaire, Fremont (Ille-et- Vilaine)
qui put s'enfuir, et plusieurs autres.
UNE LETTRE DU CITOYEN FAYOLLE. I (3
« Convention ne sortiroit pas ; et, en effet, étant tous ren-
cc très, nous ne pûmes sortir qu'après le décret d'arres-
a tation de ces mêmes députés. Quelques-uns sont
(( détenus chez eux, d'autres se sont évadés. Parmi ces
« vingt-deux, il y en a qui, à de grandes vertus, joignent
« de grands talents et contre qui on ne peut pas articuler
« même une faute ; aussi les dénonciations faites contre
« eux ne sont-elles étayées sur rien, pas même sur des
a prétextes.
ce Plusieurs départements prennent des mesures pour
« remédier aux maux de la Patrie; plusieurs envoyent
« des forces pour rétablir l'intégrité et la liberté dans la
a Convention, du moins c'est ce qu'on assure. Je pense
« que cela n'occasionnera, dans Paris, aucune guerre
« civile, parce que le plus grand nombre de ses habi-
a tants est las de toutes les horreurs dont il a été le
« témoin et l'instrument ; il est las de l'anarchie et
ce de ses suites ; il désire l'ordre et se réunira à ceux
ce qui viendront pour le rétablir. Ceux qui font tout
<k le mal est une troupe de factieux qui dilapident le
« Trésor public, ou reçoivent de l'argent de l'ennemi
« et qui, par leur audace, répandent la terreur. Plu-
cc sieurs départements sont dans la stupeur par l'effet
« du despotisme qu'y ont exercé les commissaires.
« Mais s'ils ne font rien pour la Patrie, ils ne doivent
« guère espérer de nous qui ne pouvons plus rien faire
« de ce qui pourroit contrarier les projets de nos en-
ce nemis.
ce Dimanche, quelcjues membres de la Convention,
a pour persuader qu'ils n'étoient pour rien dans la vio-
« lence qu'on nous faisoit, affectèrent de se présenter
ce aux portes, pour sortir. Ils furent repoussés ; mais
2*» SÉRIE. XXX* Volume. — 1896. 8
1 14 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
<3c plusieurs, du même parti, en exhibant certaines cartes,
ce sortoient et rentroient à volonté.
« Vous pouvez rendre ma lettre publique, car, dès que
« les portes seront libres, c'est-à-dire qu'on ne déca-
« chétera plus les lettres, pour arrêter celles qui con-
« tiennent les nouvelles du temps, j'enverrai, aux auto-
a rites constituées de notre département, le récit des
« faits, afin qu'elles avisent aux mesures qu'elles doivent
« prendre.
« Hier, encore, on décachetoit les lettres. Douze
« personnes y étoient occupées, dans une des salles, où
ce les vit un de mes collègues qui/ vient de s'en assurer.
ce Je profite de la bonté d'une personne qui retourne
« dans notre département, et qui se charge de mettre
« cette lettre à la poste dans sa route, pour qu'elle vous
« parvienne.
ce J'ai reçu plusieurs lettres de Romans dont les unes
ce auroient été décachetées, les autres non.
ce Quelques députés se sont plaints de ce qu'on a
« soustrait des assignats des paquets qui leur étoient
ce adressés.
« Fayolle. »
D'après cette lettre, écrite seulement le 9 juin 1793,
on doit conclure que les représentants de la nation
étaient encore consignés à cette date, dans les Tuile-
ries, puisque le citoyen Fayolle se plaint de ce que les
portes ne sont pas libres et de ce que, dans une salle ^
dou:[e personnes sont occupées à décacheter les lettres.
Albert CAISE,
Membre de la Société des gens de Lettres,
Louveciennes (S.-et-Oise), 15 janvier 1896.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. IID
MÉMOIRES
'POU^ SEliVm cA UHISTOmE
DES
COMTÉS DE VALENTINOIS
ET DE DIOIS
Suite. —Voir les 85% 86«, 88% 89% ço», 94*, 95% 96% 100% 101% ioa%
io$', 106% 107% io8«, 109% 110% III', 112% 113% 114*
115' et II 6« livr.)
XI.— LOUIS II DE POITIERS, comte de Valentinois
et de Diois, n'avait guère plus de vingt ans quand il fut appelé
à recueillir la lourde et difficile succession de son cousin le
comte Aymar VI. Sans expérience des affaires, d'un naturel
léger, soupçonneux et méchant, d'une dévotion idolâtre et
de mœurs dissolues, il assumait une charge sous laquelle il
ne pouvait que succomber. Aussi, ne nous étonnons point
en voyant son nom clore la liste des comtes de Valentinois
et de Diois, issus de la maison de Poitiers. L'histoire de son
administration peut se diviser en deux phases : dans la pre-
mière, qui s'étend jusqu'en 1391, époque où il entre en né-
gociation avec la France pour la cession de ses Etats, il est
aux prises avec d'inextricables difficultés, que lui suscitent
ses parents les Poitiers-Saint-Vallier et le roi qui convoitent
son héritage ; dans la seconde, criblé de dettes, payé seule-
ment de belles promesses par le roi, il se débat encore contre
ii6 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
les obsessions de ses cousins Louis et Jean de Poitiers, qui
l'abreuvent d'outrages et de chagrin. Ce n'est certes pas un
récit édifiant que celui qui va passer sous les yeux du lec-
teur ; l'histoire vraie est rarement édifiante : cependant du
milieu de ces faits, sur lesquels les plus mauvaises passions,
la jalousie, la mauvaise foi, l'âpre cupidité, la haine ont laissé
une si forte empreinte, se dégage un enseignement qui con-
sole et fortifie. Chaque siècle a eu ses défaillances. Gardons-
nous de dénigrer les temps présents pour exalter un passé
tranquille.
Louis avait épousé Cécile de Beaufort, seconde fille de
Guillaume Rogier, seigneur de Beaufort, et d'Eléonore de
Comminges (i). Cette alliance en avait fait le neveu du pape
Grégoire XI. Ce pontife voulut tout d'abord s'employer à ré-
tablir la bonne harmonie entre le mari de sa nièce, son vas-
sal, et Charles de Poitiers, seigneur de Saint- Vallier, qui se
prétendait lésé par le testament d'Aymar VI. Charles était
le huitième fils d'Aymar V ; le jeune Louis II, fils d'Aymar,
seigneur de Veynes, était son neveu (2). Il réclamait la qua-
trième partie des comtés et de leurs dépendances, fondant
ses prétentions sur trois chefs principaux : 1° sur une substi-
tution établie en sa faveur dans le testament d'Aymar V, son
père ; 2** sur le testament d'Henri de Poitiers, évêque de
Troyes, son frère, qui lui avait transmis tous ses droits sur
les comtés ; 3** sur une transaction intervenue naguère entre
lui et feu le comte Aymar VI, grâce à la médiation du roi
de France, présent à l'acte, par laquelle le dernier comte lui
avait reconnu une pension annuelle de 3oo florins d'or et
donné, en outre, la seigneurie de Mureil. Le comte soute-
nait, au contraire, qu'il ne devait rien au seigneur de Saint-
Vallier, attendu que son cousin Aymar VI, ayant la pleine et
entière possession des comtés, pouvait librement en disposer
(l) ANSELME, t. II, p. 197.
(2) Voir plus haut, p. 3i6.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. ÏÎ7
en sa faveur (i). Le pape les invita l'un et Tautre à venir à
Avignon exposer leurs droits réciproques et terminer leurs
différends. Ils se montrèrent disposés à un accommodement
et, dès le mois de juillet 1374, les conférences commencèrent.
Le 6 août, on arrêta les bases d'un traité qui reçut sa sanc-
tion définitive le 10 du même mois. Voici les articles de ce
traité :
1° Le seigneur de Saint- Vallier renonce à toutes ses pré-
tentions sur les comtés ; mais en échange de ce désistement,
le comte lui reconnaît, à lui et à ses descendants, la posses-
sion de toutes les terres qu'il tient présentement, et lui assure
en outre une rente annuelle de 1,300 florins d'or, assise sur
les châteaux de Pisançon et de Mureil, qu'il lui cède avec
toute juridiction. Il est bien entendu que si ces châteaux ne
rapportent pas i,3oo florins d'or, le comte lui assignera un
(i) Archives de l'Isère, B, 2634, f* 209 : « Anno Domini 1374 et die
X mensis augusti, orta gravis materia inter.. Karolum de Pictavia, do-
minum Sancti Valerii, pro se et successoribus, ex una parte, et...Ludo-
vicum de Pictavia, filium d. Ademari de Pictavia germani d. d. Karoli,
Valentinensem comitem et Diensem, suo nomine et suorum heredum..,
super eo videlicet quod... Karolus... dicebat et asserebat sibi et suis...,
pro parte ejus contingente in dictis comitatibus ac connexis eisdem,
reddi, expediri et realiter deliberari debere quartam partem dictorum
comitatuum et connexorum eisdem, ratione et ex causa substitutionis
dudum facte eidem d. Karolo per... Aymarum, d. Karoli genitorem, ac
pluribus aliis rationibus et causis per ipsum d. Karolum assertis et
assignatis, scilîcet ex causa légitime seu quarte jure nature débite rev.
in Xpo patri Henrico, quondam Trecensi episcopo germanoque d. Karoli
ejusdem, quam jure institutîonis, idem d. Karolus sibi pertinere paten-
ter asserebat^ necnon et ex causa iii« âorenorum auri, valons annui, ei-
dem d. Karolo, cum Castro de Murolio prope Clariacum; sibi d. Karolo
datorum per d. recolende memorie d. Aymarum de Pictavia, Val. et Die.
comitem, ultimo vita functum, in presentia illust. principis d. Karoli,
Francorum régis ac dalphini Vien., prout constat peculiaribus litteris....;
d. d. Ludovico comité in contrarium dicente... se ad predicta nulhate-
nus teneri, specialiter quia ad. d. d. comitem, ultimo vita functum, et
ad ejus voluntatem et dispositionem omnimodam spectabat et pertine-
bat solum et in solidum de predictis comitatibus... disponere... »
Il8 SOCIÉTÉ D^RCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
supplément de revenus sur les terres de Saint-Nazaîre et de
Flandènes en Royans, et encore, au besoin, sur quelque
seigneurie dans le royaume.
20 II est bien stipulé que les 3oo florins assignés au sei-
gneur de Saint- Vallier par feu Aymar VI sont inclus dans les
i,3oo de la présente transaction.
3<> Le seigneur de Saint-Valiier et ses descendants seront
tenus à Thommage lige envers le comte et ses successeurs
pour toutes leurs possessions qui ne relèvent d'aucun autre
seigneur.
4** Toutes les sommes dont feu Aymar VI était ou pouvait
être trouvé redevable envers le seigneur de Saint-Vallier
seront intégralement payées à celui-ci.
5** En cas d'extinction de la branche des Poitiers-Saint-
Vallier, les domaines ci-dessus mentionnés feront retour de
plein droit au comte de Valentinois.
6** Si le présent traité offre des points obscurs, on s'en rap-
portera à l'interprétation qu'en donneront les cardinaux Jean
de Pardiac, évêque de Nîmes, et Pierre Flandrin.
7** Enfin il est stipulé que quand la terre de Clérieu, mo-
mentanément engagée à Edouard de Beaujeu, sera récupérée
par le comte, celui-ci la donnera à Charles de Poitiers et à
ses successeurs, ainsi que le château de Mureil; mais ils
devront rendre au comte toutes les terres qui leur auront été
cédées en garantie des 1,300 florins de rente, dont il est
question au présent acte (i).
(i) Dans une première rédaction de la pièce que nous venons d'ana-
lyser, faite le 6 août (Archives de Tlsère, B, 2634, f» 21 3), il y a certains
détails qui ne figurent pas dans Tacte définitif, un entre autres qui mé-
rite d'être signalé. Pour établir ses droits sur le quart du comté, Charles
de Poitiers rappelle d'anciennes substitutions dans les testaments de
ses ancêtres, et nous apprend que son aïeul Aymar IV était enseveli à
Cruas : « et substitutionibus ipsius d. Ludovici et d. d. Aymari, comitis,
ejus filii, ultimo vita functi, et etiam prefati d. Aymari, avi d. d. Ay-
mari, comitis, progenitoris d. d. Karoli, in loco Crudacis sepulti. » On
LES COMTES DE VALENTINOÏS ET DE DIOIS. I I9
Louis de Poitiers paraît avoir séjourné encore quelque
temps à Avignon. Le 22 janvier iS/S il rendit solennellement
hommage au pape pour toutes les terres que son cousin
Aymar VI avait soumises, l'année précédente, à la juridiction
féodale de la cour romaine (i). Le lendemain, dans la cham-
bre neuve du palais, Elips de Beaufort s'acquitta du, même
devoir pour le château, ville et bourg de Châteaneuf-de-
Mazenc, dont elle gardait la propriété, sa vie durant (2). Quel-
ques jours auparavant, le 18 janvier, elle avait traité avec le
comte, au sujet des droits considérables que son mari lui
avait reconnus (3).
Arrivé dans ses Etats, le nouveau comte reçut les hom-
mages de ses nombreux vassaux. Le 17 avril iSjS, se trou-
vant à Crest, il s'employa à terminer un procès qui durait
depuis longtemps déjà entre Alix de Chabrillan, représentée
par Guigard Berlhon, seigneur d'Ourcheset de Véronne, son
époux, et Aymar Berlhon, son fils, d'une part, et Polie de
Chabrillan, femme de François de Beaumont, seigneur de
Pélafol, et Marguerite, femme d'Aymar d'Urre. Ces dernières
étaient filles d'Aynard de Chabrillan, et tantes d'Alix, fille de
Mathieu de Chabrillan. Elles avaient entre elles des contes-
s'est demandé souvent quel était ce comte Âdémar, à qui on avait élevé
le mausolée d'un rare mérite artistique, qui était autrefois au milieu de
la première travée de la grande nef de l'église de Cruas et qui se voit
aujourd'hui, horriblement mutilé, au bas de la nef latérale du midi. Le
problème historique se trouve ainsi résolu. C'est, à n'en pas douter,
Aymar IV de Poitiers, époux de Polie de Bourgogne, qui mourut en
1329, et sous lequel la maison de Poitiers atteignit l'apogée de sa puis-
sance. Le sarcophage de Cruas ne porte, gravé sur la corniche, que ce
distique :
Hac jacent in fossa Âdemaris comitis ossa
Nobilis et potens virtute sua.
(i) Archives de l'Isère, B, 3249, f» 371.
(2) Archives de l'Tsère, B, 3249, f* 371.
(3) Inventaire des titres de la maison de Poitiers (MS. du château de
Peyrins), n« 298.
I20 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
tations, au sujet du partage de leurs biens et de Théritage
d'Amédée de Chabrillan, frère d'Aynard. Ce document nous
apprend qu'on élevait alors près de la tour de Crest certains
murs de défense (i) Entre autres hommages que reçut alors
le comte de Valentinois, il faut mentionner celui de Charles
de Poitiers, son oncle, pour les châteaux de Saint- Vallier, de
Miribel, de Valclérieu, de Piégros, de Chastel-Arnaud, de
Bologne au royaume, ainsi que pour les domaines qui lui
avaient été remis en garantie de la rente de i,3oo florins dont
il a été question. Cet hommage lige eut lieu à Crest, le 1 3
septembre i375, avec toute la solennité que réclamait son
importance, en présence de Guigard Berlhon, seigneur
d'Ourches et de Véronne, d'Eynier du Puy, seigneur de
Gluiras, et de Dalmace de Vesc, co-seigneur de Dieulefit(2).
Le nom d'Eynier du Puy se retrouve assez fréquemment
dans les documents de cette époque. C'était un des serviteurs
les plus zélés du comte, auprès duquel il avait été placé en
qualité de gouverneur. S'il ne réussit pas à faire un brillant
élève, du moins il n'obligea pas un ingrat, car Louis de
Poitiers, à peine parvenu au pouvoir, voulut lui témoigner
sa reconnaissance et par un acte daté de Crest, le 28 juin iSjS,
ratifié deux ans plus tard, en présence de Dalmas de Flan-
dènes, de Saou, et de Pierre de Roysses, de Piégros, il lui fit
don du fief d'Odefred, près de Dieulefit, et de celui de
Gluiras, près de Vernoux (3).
Le procès avec les Saint-Vallier, qui ne devait pas tarder à
recommencer, n'était pas le seul que le comte eut sur les bras,
en recueillant la succession d'Aymar VI ; il en avait avec
d'autres membres de sa famille, au sujet des dots faites aux
filles de la maison de Poitiers et qu'on négligeait ensuite de
payer, comme nous le verrons plus loin. Mais le procès qui
(i) Archives de l'Isère, B, 2634, f* 117.
(3) Archives de l'Isère, B, 2632.
(3) De Coston, Hist. de Montélimar, t. I*', p. 3o2.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 121
fit alors le plus de bruit et qui se compliqua à*une levée de
boucliers, fut celui que le comte soutint contre Hugues
Adhémar, seigneur de Monteil et de La Garde. ^
On se souvient qu'en l'année i36o, Hugues Adhémar avait
hérité de son oncle Gaucher Adhémar d'un quart de la sei-
gneurie de Montélimar et d'un certain nombre de châteaux,
Ancône, Mont boucher, Saint-Gervais, Roynac, etc., et que
le comte de Valentinois tenta de s'opposer à la prise de pos-
session de ces terres, prétendant qu'elles étaient des fiefs
rendables et qu'elles lui appartenaient par retour de fief , leur
possesseur légitime étant mort sans laisser d'héritier direct (i).
L'affaire avait été portée au tribunal du pape. Ce ne fut que
onze ans plus tard, le 24 février iSji, que les délégués
apostoliques rendirent leur sentence.
Nous n'avons malheureusement pas ce document ; il ne
nous est connu que par une protestation de Hugues
Adhémar qui se considérant lésé dans ses droits en appelle
de nouveau au pape {2). La cession des biens de la cour
romaine à Montélimar (le château de Narbonne et un quart
de la seigneurie de la ville), consentie par Grégoire XI au
profit du comte de Valentinois, n'était pas pour améliorer la
situation. Aymar VI mourut sur ces entrefaites. Louis II se
montra d'autant plus ardent à continuer le procès, qu'il nour-
rissait le projet de réunir en sa main les diverses juridictions
qui s'exerçaient au sein de cette ville, bien persuadé d'être
appuyé dans cette entreprise par la majorité des habitants, à
qui cet état de choses était fort préjudiciable (3). Hugues
(i) Voir plus haut, p. 356.
(2) Inventaire des titres des Poitiers, n» 364.
(3) Profitant du changement de seigneur, les habitants de Montélimar
avaient envoyé des délégués à Avignon, au mois de novembre 1374,
pour que l'exercice des juridictions, seigneuriales qui étaient dans leur
ville, fût unifié ; ils faisaient cette demande au comte Louis II, qui se
trouvait alors à la cour pontificale, et lui faisaient remarquer que le
seigneur de Grignan, un des co-seigneurs, consentait à Tunion : quod
122 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Adhémar ayant manifesté quelque hésitation à lui rendre
hommage, il fit saisir son château d'Ancône, qu'il remit le
2 nov. i374 à Elzéar, vicomte d'Uzès, pour une somme de
5oo florins d'or (i). Au commencement de Tannée suivante,
autres saisies prononcées contre le seigneur de Monteil.
Celui-ci se décida à faire hommage le 3o juin i375 pour le
château de La Garde, la moitié de Savasse, et autres lieux (2).
Comme on vient de le voir, Louis II et Hugues Adhémar
possédaient chacun un quart de la seigneurie de Montélimar.
Les deux autres quarts, qui avaient autrefois appartenu à
Giraud VII Adhémar, seigneur de Rochemaure, puis succes-
sivement à ses ontles Louis, Aymar et Guignes, étaient
passés par le testament de ce dernier (i 3 septembre 1374) aux
mains de Giraud Adhémar, seigneur de Grignan et d'Aps {^).
Cette moitié du fief de Montélimar relevait de la cour
romaine. Louis II, à qui le pape avait cédé ses droits, réclama
l'hommage de Giraud, mais celui-ci jugea qu'il devait, avant
de le prêter, obtenir Tautorisation du souverain pontife. Elle
lui fut accordée le 28 juin 1376, et quelques jours après, le
17 juillet, il reconnut tenir en fief du comte tout ce qu'il pos-
sédait sur le territoire de Montélimar. Le même jour, le sei-
gneur de Grignan demanda au comte de lui venir en aide
contre les seigneurs de La Voulte et de Montfaucon, qui l'a-
vaient menacé de ravager ses domaines (4). Louis d*Anduze,
seigneur de La Voulte, se plaignait de ce que sa femme,
Sibille, sœur de Giraud VII Adhémar, n'avait rien eu de la
succession de son frère.
locus Montilii adhunaretur et accumuletur inter dominoSy quia dominus
meus de Grenhiano in hoc consentie bat. Le comte n'y voyait pas de dif-
ficulté et proposa la chose au seigneur de la Garde, Hugues Adhémar,
qui refusa. (Voir De Coston, Hist, de Montélimar, t. !•', p. 315-6).
(ï) Inventaire des titres des Poitiers, n» 186.
(2) Ibid., n« 189.
(3) De Coston, Hist. de Montélimar, t. !•', p. 3 10.
(4) Ul. Chevalier, Cartulaire de Montélimar, p. 175-8.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 123
Cependant le procès du comte avec Hugues Adhémar sui-
vait son cours avec cette lenteur, ces formalités de toute sorte
qui caractérisent les procès du moyen-âge, dont une généra-
tion ne voyait pas la fin. On fit compromis sur compromis,
enquêtes sur enquêtes; on plaida devant un auditeur de Rote,
puis devant le juge de Nîmes et un certain Pierre Giraud,
délégués par le pape ; des compromis furent successivement
prorogés (i), etc., etc. Le débat paraissait devoir s'éterniser.
On arriva ainsi jusque dans les derniers mois de 1377.
Louis II venait de régler ses différends avec le roi, au sujet
du dénombrement des terres qu'il tenait en fief du dauphin;
ce dénombrement avait été fourni, et Charles V, pour témoi-
gner au comte sa satisfaction, lui avait fait la remise des
1 5,000 florins d'or auxquels avait été condamné Aymar VI^
comme on Ta vu plus haut, pour sa mauvaise gestion des
affaires du Dauphiné, lorsqu'il en fut gouverneur (2). Délivré
de ces embarras, le comte voulut terminer par un coup de
force ses difficultés avec un vassal récalcitrant. Il s'empara du
château que le seigneur de La Garde possédait à Montélimar
et qui était appuyé contre les remparts de la ville, au cou-
chant ; il le fit démolir et employa une partie des matériaux
à compléter les travaux dç défense de son château de Nar-
bonne. Hugues Adhémar, non content de protester contre la
violence, chercha un appui auprès du gouverneur du Dau-
phiné ; il réclama la sauvegarde delphinale, et celui-ci qui ne
cherchait jamais que l'occasion de s'immiscer dans les affaires
des Etats voisins, dans le but d'y implanter l'autorité de son
maître, se hâta d'accueillir cette demande. Le 14 décembre,
le comte se trouvant à Grenoble, en compagnie du seigneur
(i) Inventaire des titres des Poitiers, n* 370-3, 375-6.
(2) Ibid., n" 374. — Le roi, mécontent de l'attitude du comte dans
cette affaire, avait fait saisir sur lui la seigneurie de Clérieu et le péage
de Gap, en revendication de 17,000 fl., dus par Aymar VI. (De Gallier,
Ess, hist, sur Clérieu, p. 102).
124 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
de Saîni-Vallier, le gouverneur lui signifia que Hugues
Adhémar, et Giraud Adhémar, seigneur de Grignan, s'étaient
placés, eux, leurs vassaux et leurs terres, sous la sauvegarde
delphinale (i). Le seigneur de Grignan, se sentant menacé,
avait uni sa cause à celle de son parent ; du reste, la législa-
tion féodale et d'anciens pactes de famille lui faisaient un
devoir de lui porter secours. Le comte ne retira point ses
troupes et se maintint à Montélimar.
Mais les difficultés de la situation allaient se compliquer.
Un événement dont les conséquences ne devaient pas tarder
à se produire, venait d'avoir lieu. Sur la fin de cette même
année 1877, l'empereur Charles IV, avancé en âge et désireux
d'assurer à son fils la couronne impériale, se rendit à Paris
pour renouveler son alliance avec la France et engager le roi
à soutenir les intérêts de la maison de Luxembourg. Plus
qu'aucun de ses prédécesseurs, il s'était montré jaloux de sa
royauté d'Arles et de Vienne ; jusque-là il avait obstinément
refusé d'en déléguer l'exercice à un prince français. Il se
décida maintenant à un sacrifice qui dut extrêmement lui
coûter. Après avoir préalablement conféré au dauphin
Charles, âgé de huit ans, la capacité d'accomplir valablement
les actes civils, il lui octroya un diplôme, daté de Paris le
7 janvier 1378 et scellé d'une bulle d'or, en vertu duquel il le
créa vicaire impérial dans le royaume d'Arles et de Vienne (2).
Ce diplôme, que la France travaillait depuis si longtemps à
obtenir, ne demeura pas lettre morte : c'était une arme dont
la politique française se servit avec une habileté perfide pour
abattre les derniers représentants de la féodalité indépendante
et achever l'œuvre commencée, étendre la souveraineté du
roi jusqu'à la chaîne des Alpes. Dès le 23 janvier, Charles de
(i) Archives de l'Isère, B, 298?, f* io3. — Le comte était allé à Gre-
noble, sur l'invitation du gouverneur, pour la tenue des Etats de la pro-
vince. (U. Chevalier^ Choix de documents, p. 189).
(2) Archives de l'Isère, B, 3oi5, £• 5 et suiv.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 125
Bouville, gouverneur du Dauphiné, reçut le titre de lieute-
nant du vicaire impérial, avec mission d^exercer les nouvelles
prérogatives concédées à son maître (i). Bouville était un
homme habile, entreprenant, dénué de scrupules. Le comte
de Valentinois fut un des premiers contre lequel il tourna
Parme redoutable du vicariat.
Ce fut, peut-être, à Tinstigation du gouverneur que Hugues
Adhémar et Giraud Adhémar sollicitèrent la sauvegarde
impériale. Ce qui est certain, c'est que Bouville s'empressa
de la leur accorder. Giraud l'obtint le 3 avril (2) ; Hugues,
quelques jours plus tôt probablement, car le 7 avril, à Baix,
la sauvegarde accordée à ce dernier était signifiée au comte (3).
Le gouverneur rappelait aux uns et aux autres qu'ils étaient
vassaux de l'empire et leur enjoignait d'avoir à venir devant
lui vider leurs querelles. De plus, il délégua Amédée de la
Motte et Raynaud de Reymond, seigneur de Sigoyer, pour
faire placer, en signe de sauvegarde, sur la porte des châteaux
du seigneur de Grignan, et (sans doute aussi) du seigneur de
La Garde, des panonceaux aux armes de l'empereur et du
dauphin. Le comte fit entendre de nouvelles protestations et
en appela au pape seigneur dominant de Montélimar. La cour
Avignonaise s*émut de l'ingérence du roi dans une affaire qui
intéressait exclusivement les vassaux du saint siège. L'agita-
tion la plus vive se manifestait dans le pays. Le comte dressa
une petite armée et en quelques jours enleva à son vassal,
Hugues Adhémar, les châteaux de Roynac, de Montboucher,
de la Bâtie-Rolland, le village de Saint-Gervais que tenait
en fief du baron de La Garde, Beaudoin, son frère. La
parerie du Puy-Saint-Martin eut le même sort (4). Deux
(i) Archives de l'Isère, B, 3142.
(2) Cartulaire de Montélimar, p. 178-80.
(3) ïnvent. des titres des Poitiers, n* 377.
(4) Archives de l'Isère, B, 2887, £• io3. « Item, et quod prefatus d.
Ludovicus, cornes predictus, non verens imperialem majestatem ofFen-
dere et ipsius imperii fidèles, vassalos et terram ledere et invadere,
/
\
126 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
délégués du gouverneur se hâtèrent de placer les panonceaux
de Tempire sur les châteaux de La Garde et de Clansayes.
A la nouvelle de ces événements, le gouverneur envoya au
secours de ses protégés un commissaire delphinal, Hugues
des Ores, accompagné de Jean d'Acher, sergent d'armes. Il
eut fallu une armée pour calmer Tefifervescence qui régnait à
Montélimar et dans les environs. Aussi quand Hugues des
Ores se présenta devant la ville, le 19 avril, fut-il grossière-
ment insulté, bien qu'il portât sur sa poitrine un petit écus-
son d'argent aux armes du Dàuphiné et de France. « Vous
venez informer contre notre maître, lui fut-il dit ; avant de
sortir de Montélimar nous vous mettrons en état de montrer
à Dieu votre tonsure, et si vous parlez encore nous vous
arrachons un œil » (i). Les désordres continuèrent. Dans les
premiers jours de mai, une petite troupe envahit le village de
Sales, fief du seigneur de Grignan, maltraita et pilla les habi-
tants. Le 12 et le i3, des officiers delphinaux vinrent encore
aux portes de Montélimar, pour informer sur les désordres
et publier les défenses du roi ; ils ne furent pas mieux reçus
que les précédents : ils ne purent même entrer dans la ville
et les paroles échangées entre eux et le gardien de la porte,
sciens et scire debens nemini licere guerram alteri indicere, facere vel
inferre, neque ad arma proficere seu elevare, principis superioris licen-
tia non obtenta, congregatis et simul in unum convocatis quampluri-
bus et in quantitate magna hominibus armorum et peditum, nulla
diffidatione précédente nullaque causa rationabiii suggerente, sed pro-
prio motu, hostili more, invasit terram et territoria d. d. Hugonis,
vassali imperatoris, et feuda que ab imperatore romano tenere dignos-
citur, et occupavit partem Montilii d. d. Hugonis et castrum et forta-
licium quod idem d. Hugo in loco Montilii habebat, vi armorum, vio-
lenter... Item et eodem modo, invasit et occupavit castra et villas de
Ruynaco , castrum Montis Boyquerii , castrum de Raco , bastidam
Rollandi, locum Sancti Gervasii quem Baudonus frater d* d' de Garda
ab eodem d. de Garda tenel in feudum. Item et pareriam Podii Sancti
Martini, que omnia sine causa rationabiii cepit. »
(i) Cartul. de Montélimar, p. 191.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. Ï27
ont une saveur très caractérisée, toute locale ; nous regrettons
toutefois qu'elles ne nous aient pas été conservées dans la
langue vulgaire ; elles auraient pour nous beaucoup plus de
prix(i).
Sur ces entrefaites, Louis II se rendit à Grenoble. Il y était
mandé par le gouverneur, qui lui avait écrit le 17 avril, pour
lui enjoindre de venir en personne faire hommage et fournir
le dénombrement des péages d'Etoile et de Lène, ainsi que
celui des fiefs qu'il tenait de l'empire. Il se présenta devant
le gouverneur, lieutenant du vicaire impérial, le 19 mai. Il
commença par protester qu'il n'entendait rien faife de préju-
diciable à ses droits ; qu'étant nouvellement arrivé au pou-
voir, il ne pouvait tous les connaître. Néanmoins il était dis-
posé, pourle moment, à s'en rapporter aux affirmations qu'on
lui donnait, et à faire hommage (2). Après avoir formulé ces
•
(i) CartuL de Montélimar, p. 180-8.
(2) Archives de l'Isère, B, 3583 : « ... Dicta autem die hodierna, pre-
fatus d. Ludovicus cornes, personaliter constitutus in presentia d. Guber-
natoris. ..jObtulit eidem domino Gubernatori... cedulam scriptam con-
tinentie subsequentis : Hac die presenti, que est dies 19 mensis maii
continuata per vos Gubernatorem ut locum tenentem ill. princ. d. mei
Karoli, dalphini Vien., qui dicitur locum tenens et vicarius generalis
principis serenissimi Karoli quarti, Romanorum imperatoris, Ego, Lu-
dovicus, cornes Val. et Dien., compareo coram vobis et dico me igno-
rare, de presenti, et justam habere causam ignorantie, quia successor
novus in comitatu, an castra, terras seu alia jura tennerint predecesso-
res mei et ego, ut successor, teneam ab ipso meo domino imperatore in
feudum et si teneam, que sint illa. Quare supplico et requiro de hoc
per vos informari seu fieri fidem. Unde, ipsa fide facta, me ofFero no-
mine d. d. mei imperatoris sine mbra homagium et recognitionem et
alia ad que reperiar teneri, cum débita reverentia, facere et adimplere,
in quantum potestas vestra se extendit Et si de presenti dicatis vos
fidem facere non posse, me ultro ofFero quia asseruistis seu asseritur
michi d. Aymarum quondam et immediatum predecessorem meum cer-
tas recognitiones, juramenta et homagium prestitisse d. d. meo Impe-
ratori moderno, similia facere et prestare et alia omnia ad que eidem
teneor, et cum protestatione consueta quod, per présentes, non intendo
prejudicare juri ipsius d. mei Imperatoris nec meo in aliquo. Qua ce-
128 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
réserves, il rendit hommage suivant le cérémonial usité, en
présence de Charles, seigneur de Saint-Vallier, de Falcon de
Montchenu, de Pierre Aynard, seigneur de Gière, et d'Aymar
de Sassenage, seigneur de Saint-André-en-Royans.
C'était au nom du vicariat impérial que le gouverneur pré-
tendait imposer son arbitrage aux co-seigneurs de Monté-
limar. La cour d'Avignon ne voulut pas laisser empiéter sur
ses droits, et le 1 8 juin 1378 le vice-légat enjoignait aux con-
tendants de ne point porter leur cause devant un tribunal
autre que le sien. Le 23, nouvelle lettre du vice-légat, citant
Hugues Adhémar sur le fait des violences dont il avait à se
plaindre (i). Les procédures furent longues. Plusieurs juge-
ments furent rendus qui ne contentèrent point les parties.
Nous n'entrerons pas ici dans plus de détails, ce qui serait
tout à fait fastidieux ; nous dirons seulement que le dernier
jugement rendu par Clément VII, le 10 mars i382, condam-
nait Louis II à rendre au seigneur de La Garde le quart de la
seigneurie de Montélimar, saisi faute d'hommage, ainsi que
les châteaux de Roynac, de Montboucher, de la Bâtie- Rolland,
dont il s'était encore emparé ; mais Hugues Adhémar serait
tenu de lui en faire hommage (2). Quant à Giraud Adhémar,
dula recepta, lecta et publicata ad jussum et instantiam Gubernatoris...,
homagium fecit... Ludovicus. ., stando pedes, more nobilium persona-
rum, junctisque manibus suis inter manus ipsius d. GubQrnatoris et
locumlenentis, orisque osculo interveniente inter ipsos, in signum fide-
litatis et perpetui federis et amoris... Actum Gratianopoli, in hospicio
dalphini... »
(i) Inventaire des titres des Poitiers, n® 38o-i.
(3) Inventaire des titres des Poitiers, n* 568. — De Coston, p. 329.
Hugues Adhémar eut pour successeur son fils Lambert Adhémar, à qui
le comte Louis « accorda, le 24 septembre iSSg, l'investiture des fiefs
dont il venait d'hériter. » « Lambert Adhémar, dit M. de Coston, brouillé
avec ses frères, testa le 14 décembre 1484, en faveur de Guyot Adhé-
mar, baron de Grignan et d'Aps, son parent à un degré très éloigné.
Ses fiefs, grevés de substitutions suivant l'usage, firent cependant retour
à Louis, son frère ; mais le comte profita de l'occasion pour se faire
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 1 29
il avait déjà reconnu la suprématie du comte, auquel il rendit
hommage le 19 mai 1389 pour la moitié de Montélimar,
Espeluche, Condillac, Lachamp, La Tour-de-Verre près
Mirmande, etc. Comme on peut le supposer, ses relations
avec le comte demeurèrent depuis assez tendues. Dans le but
de prévenir de nouveaux conflits, Clément VII, le 23 octobre
i383, lui échangea sa portion de Montélimar contre la terre
de Grillon dans le Comtat (i).
Aux difficultés que nous venons de faire connaître, s'ajou-
taient encore celles que suscitaient au malheureux comte de
Valentinois, toujours à court d'argent, ses innombrables
créanciers. Aymar VI lui avait laissé beaucoup de dettes. Les
dots de plusieurs filles de la maison de Poitiers n'étaient pas
encore complètement payées. De plus, les règlements de suc-
cession des cadets de la famille épuisaient les faibles res-
sources de TEtat, car il fallait pour faire taire certaines
prétentions donner des sommes plus ou moins fortes. Amédée
de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, mort vers Tannée i35o,
avait laissé de Jeanne de Savoie, sa femme, six enfants, dont
deux étaient demeurés seuls survivants : Antonie, épouse
d'Aymar de Seyssel, seigneur d'Aix en Savoie, et Marguerite,
épouse de Geoffroy de Bressieu. Se portant héritières de leur
père, elles réclamaient chacune une moitié de la succession.
De là un procès fort long, fort onéreux. Le 22 avril 1380, le
comte transigea avec Aymar de Seyssel, moyennant une
somme de 14,300 florins d'or (2). L'accord fut conclu à
Vienne (apud passum supra ripant Rodanî)^ en présence de
consentir, vaille que vaille^ suivant une expression vulgaire, par Guyot
Adhémar, le 31 août 1405, une donation de la portion de Montélimar,
qui était censée lui appartenir. Le donataire en jouit jusqu'à sa mort
en 1419. »
(i) Cartulaire de Montélimar ^ p. 199 et 374. — Nous verrons plus
loin que les droits de la cour romaine sur Montélimar passèrent au
dauphin en 1447.
(2) Archives de l'Isère, B, 2634, f* 223. Voir plus haut, p. 294-5.
2« Série XXX* Volume. — 1896. 9
t3o société d'archéologie et de statistique.
Guigard Berlhon, chevalier, de Pierre Blain, licencié ès-lois,
de Guillaume Gornillan, seigneur de Puy-Saint-Martin, de
Jean de Vassieu, d'Etoile, de Jean de Montfaucon et d'An-
toine Portier. Ce ne fut qu'en 1402 et le 28 octobre qu'il
régla définitivement ses différends, au sujet des prétentions
de Marguerite, avec Alix et Béatrix de Bressieu, ses filles,
auxquelles il donna^ après de nombreux acomptes, une
somme de 4,25o florins (i). Une autre Marguerite de Poitiers,
celle-ci fille de Louis 1*^ de Poitiers, avait épousé en i343
Guichard de Beaujeu : le payement de sa dot qui était de
8,000 florins ne put s'effectuer que par une série d'acomptes
échelonnés de i35o à 1356. Son fils, Edouard de Beaujeu ne
manqua pas, à l'avènement de Louis II de Poitiers, de sou-
lever certaines prétentions sur les comtés de Valentinois. Il
fallut le faire taire, c'est-à-dire donner de l'argent ; on traita
le 24 mars 1378, le 2 et le 6 juin i38o, etc., (2). Louis, sei-
gneur de Montfaucon, avait lui aussi épousé une Poitiers ;
la dot de sa femme ne lui fut payée que le 26 janvier
1384 (3).
Au mois d'août i38o, le comte de Valentinois fit partie de
l'armée qui sous le commandement du duc dô Bourgogne
tentait de paralyser les efforts des Anglais. Ceux-ci, ayant à
leur tête le comte de Buckingham, avaient fait une descente
en France et après avoir ravagé les environs d'Arras, de
Péronne, de Laon, s'étaient portés sur Reims et sur Troyes,
d'où ils tournèrent vers Sens, se dirigeant vers la Bretagne à
travers le Gatinais et la Beauce. Tous les hauts barons de
France étaient accourus, désireux de livrer bataille, mais ils
durent contenir leur ardeur, le roi ayant donné l'ordre formel
de ne rien risquer. Louis II de Poitiers était à la solde du
monarque. « Etant à Monichéry, il donna quittance de
(i) Inventaire des titres des Poitiers, n* 208.
(2) Inventaire des titres des Poitiers, n* 34.
(3) Inventaire des titres des Poitiers, n* 24.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. l3l
« 3o francs d'or sur les gages de lui chevalier-banneret, d'un
« autre chevalier-bachelier, et de sept écuyers de sa compa-
« gnie, le 3 septembre i38o, et le même jour, il en donna
« une autre de i65 francs d'or pour le même sujet, la pre-
/t mière scellée aux armes de Poitiers » (i). On sait que
Charles V mourut quelques jours après, le i6 septembre, et
que le nouveau roi Charles VI fut sacré à Reims le 4 novem-
bre suivant. Le comte assista sans doute aux fêtes du sacre.
Quoi qu'il en soit, il était de retour dans ses domaines au
commencement de l'année suivante. Nous le voyons suivre
attentivement la marche de son procès avec les Adhémar et
recevoir divers horiimages. Il dut lui-même, à l'occasion du
changement de règne, prêter hommage au nouveau roi, entre
les mains du gouverneur. Nous avons celui qu'il prêta le
8 juin i38i pour le château de Saint-Nazaire, pour la parerie
de ce lieu et toute sa terre de Royans, pour le château de
Flandènes et pour le droit qu'il avait sur le château et le
mandement d'Hostun, tenus par lui du dauphin à sa volonté
et à son bon plaisir, à l'exception du château de Pisançon (2).
Le 4 novembre de cette même année fut rédigé le contrat de
mariage de Louise de Poitiers, son unique fille, avec
Humbert de Thoire-Villars, sire de Rossillon et Trévoux, fils
de Humbert VII, sire de Thoire-Villars, et de Marie de
Genève (3). Le mariage toutefois n'eut lieu que le i5 novem-
bre 1389. Son gendre devint comte de Genevois en 1394.
Trois localités, offrant un séjour des plus agréables, parais-
sent s'être partagées les préférences du comte : Etoile, Grane
et Crest. Dans cette dernière ville, il avait fait élever de
grandes constructions, destinées à en assurer la défense ; les
remparts avaient été réparés avec soin. Du reste, c'était alors
la préoccupation universelle ; on n'entendait parler que de
(i) Anselme, t. II, p. 196.
(2) Archives de l'Isère, B.
(3) Anselme, t. II, p. 197.
l32 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
bandes de soldats ravageant les provinces. Le Languedoc
avait particulièrement souffert, et des Anglais, car c'est sous
ce nom que les documents les appellent, étaient venus jusque
sur les rives du Rhône s'emparer de Soyons, en i38i (i).
Aussi de toutes parts, avec grande activité, s'appliquait-on à
consolider les vieilles murailles et à en construire de nou-
velles. Crest était, sans contredit, la plus importante des pla-
ces du comté de Valentinois ; c'était encore de toutes la mieux
fortifiée. Par une ordonnance du 8 janvier 1 382, le comte y
établit un atelier monétaire. « Il commit à Pierre Chabert,
son trésorier général, le soin d'y faire battre à Tavenir toute
sorte de monnoyes de toutes les espèces d'or et d'argent dont
il conviendroit avec Philippe Bronchai, maître général des
monnoyes dans son pays (2). » Crest ne fut pas du reste le
seul endroit où l'on battit monnaie aux armes des Poitiers (3).
L'année suivante, i383, le comte de Valentinois fournit des
secours au duc d'Anjou pour lui aider à se rendre maître de
la Provence : mais il ne le suivit pas dans son aventureuse
campagne au-delà des Alpes. Le 29 février 1384, il était à
Upie, où pour se procurer des ressources, en vue de remplir
certaines clauses du testament de son prédécesseur, il arrenta
les revenus du péage d'Etoile à Naudin et Bernard Bona-
(i) Hist. du Languedoc j t. IX, p. 909. — Chorier, t. Il, p. 368.
(2) Chorier, p. 376.
(3) DucHESNE, Preuves, p. 71. — Dans une enquête faite à Romans en
142 1, Jean Rabot, notaire de Crest, dit, entre autres choses, « que lui
estant jeune enfant, il veid à Crest deux monnoyers, l'un nommé Guil-
laume Sestre, l'autre Pierre Bodin, et un étranger demourant à Cha-
brillan, duquel il ne scet le nom, lesquels on disoit communément
forger monnoie pour ledit comte audit lieu de Chabrillan, ou de Upie,
ne scet lequel. Et veid de la monnoie que on disoit qu'ils avoient for-
gée, c'est à scavoir des demy gros, des quarts de gros, et des doubles
et des deniers, qui estoient tous aux armes dud. comte. » — On trou-
vera en appendice à ce travail la série des monnaies connues des comtes
de Valentinois et de Diois.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. l33
gui^^a, frères, bourgeois de Romans, pendant sept mois, à
raison de 200 florins d'or, 5 gros et demi (i).
Depuis la victoire de Roosbeke et le succès de l'expédition
d'Ecosse, les hauts barons de France ne rêvaient plus que
d'aller descendre en Angleterre, persuadés qu'il serait plus
facile de triompher de leurs ennemis chez eux qu'au dehors.
Le 10 mai i386, le gouverneur du Dauphiné faisait expédier
des lettres aux prélats, aux nobles et aux châtelains pour les
convoquer aux états de la province, qui s'ouvriraient à
Romans le 20 mai et qui, cette année, recevraient un éclat
particulier de la présence du duc de Bourgogne (2). La réu-
nion eut lieu, en effet, sous la présidence du duc, oncle du
roi, assisté de Charles de Bouville. Le comte de Valentinois
et son cousin, Charles de Poitiers, y furent présents. Le duc
était venu réclamer des subsides, en vue de la prochaine exécu-
tion du grand projet. Les comtés de Valentinois et de Diois,
formant un Etat indépendant, n'avaient à fournir aucun
subside pécuniaire ; à titre de vassal, Louis II de Poitiers, en
cas d'appel, devait se rendre à l'armée avec un certain contin-
gent de troupes. En vertu de ses privilèges, le Dauphiné
aurait dû être exempt de cette contribution de guerre ; mais,
observe Chorier, « on ne conteste que faiblement avec les
« princes. Le duc emporta ce qu'il désirait, et Tannée sui-r
« vante la noblesse de Dauphiné courut en foule à l'arme-
« ment naval qui se fit à l'Ecluse contre l'Angleterre (3). »
On sait pourquoi et comment échoua ce plan de campagne
qui eût pu donner de magnifiques résultats, car l'Angleterre
se trouvait alors aux prises avec de grandes difficultés. Les
grosses sommes d'argent, les approvisionnements furent gas-
pillés ; les soldats ne furent pas payés de leurs gages et s'en
retournèrent, comme de coutume, en ravageant les campa-
(i) Archives de l'Isère, B, 3583.
(2) U. Chevalier, Choix de doc , p. 200.
(3) Chorier, p. 386.
i34 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
gnes. Quant aux Anglais, profitant de nos désordres, ils firent
des excursions dans le royaume et pénétrèrent si avant que le
Dauphiné se crut un instant menacé. Le 5 mars i388, les
états de la province se réunirent à Vienne « pour aviser,
« traictieret accorder sur le fait de la tuytion et deffense dudit
« pais et par espécial sur ce que comme renommée estoit que
« les Anglais et compaignies estans en aucunes parties du
« royaume, il estoit doubte qu'ils ne passassent le Rosne et
« entrassent en Dauphiné. » On décida qu'on assemblerait
400 lances et 200 arbalétriers. Le comte de Valentinois eut à
fournir, pour sa part, 25 lances et 10 arbalétriers ; Charles de
Poitiers, seigneur de Saint- Valliers, i5 lances et 5 arbalé-
triers; etc. (i). Ces mesures préservèrent momentanément le
Dauphiné de l'invasion des grandes compagnies ; mais bientôt
le Valentinois et le Comtat furent occupés, rançonnés et
pillés par un ennemi redoutable, qui jusqu'ici l'avait protégé
et vaillanlment défendu: nous voulons parler de Raymond
de Turenne, beau-frère du comte de Valentinois.
Raymond de Turenne, surnommé le Fléau de la Provence,
appartenait à cette famille Rogier de Beaufort, qui avait
donné deux papes à Avignon et qui était parvenue, grâce aux
libéralités de la reine Jeanne, à une situation presque souve-
raine. Les plus beaux fiefs de Provence furent un moment en
sa possession. Il était neveu de Clément VI, et frère de Gré-
goire XI. De bonne heure ses talents militaires le désignèrent
comme un habile capitaine. Il défendit le pays contre les
bandes de routiers et alla guerroyer en Italie pour le compte
de Clément VII (2). Vers l'année 1384, Louis I" d'Anjou,
comte de Provence et prétendant au royaume de Naples,
avait décrété la réunion au domaine de tous les fiefs qui en
(i) Archives de Tlsère, B, 3256.
(2) N. Valois, Raymond de Turenne et les papes d* Avignon, dans
Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, t. XXVI, année
1889, p. 215-276.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. l35
avaient été détachés. Cette mesure ruinait, en partie, la fortune
de Raymond. Le comte de Provence étant mort peu après,
Marie de Blois, sa veuve, fut instamment priée par Raymond
de lui restituer les terres dont il avait été dépouillé. Celle-ci
se montra peu disposée à écouter ses demandes. Raymond
s'adressa au pape Clément VII, à qui il avait rendu de signalés
services, mais le pape, désireux de ménager la cour de Pro-
vence, ne fit rien. Le comte de Valentinois, criblé de dettes
et hors d'état de rien entreprendre, ne voulut pas intervenir.
Il ne restait au vicomte de Turenne qu'une seule ressource,
la guerre. Il n'hésita pas à la déclarer au pape et au jeune
comte de Provence. Au pape, il réclamait des sommes consi-
dérables qu'il disait avoir été prêtées par son père à la cour
romaine ; il réclamait encore des bijoux appartenant à Gré-
goire XI, son frère, et enfin le prix de ses propres services.
Le comte de Valentinois et l'évêque de Valence se rangèrent
du parti du pape, et attirèrent ainsi sur eux les armes de l'au-
dacieux seigneur. Elips de Beaufort, sa tante, qui se plaignait
d'avoir été privée de la plupart de ses droits par le comte, fut
heureuse de saisir l'occasion de se venger (i).
En janvier 1 389, Raymond de Turenne franchit le Rhône,
à la tête de 600 hommes d'armes seulement, jmais il vit
accourir à lui tous les partisans des Duras et tous les mécon-
tents. Dans le Valentinois, François de Beaumont, seigneur
de Pélafol, et Humbert son fils, entrèrent aussitôt en campa-
gne. Ils réclamaient le payement d'une dette, contractée envers
eux par Aymar VI, lorsqu'ils lui vendirent leurs droits sur la
terre d'Autichamp ; ils prétendaient encore qu'on devait leur
restituer le château de Rochefort, proche de celui de Pélafol,
comme héritiers légitimes d'Artaud de Rochefort, indîgne-
(i) De Coston, Hist. de Montélimar, t. !•', p. 367-424. Ces pages ont
été tirées à part sous ce titre : Occupation du Valentinois par les troupes
de Raymond de Turenne^ de i38g à i3g4; Lyon, 1878, in-8% 65 p.
r36 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
ment spolié par le feu comte (i). La guerre fit bientôt rage
dans le pays. Elips de Beaufort ayant transmis les droits
qu'elle disait tenir de concessions faites par son mari, sur
Châteauneuf-de-Mazenc, Savasse et le Péage de Lène, au
bâtard Tristan de Beaufort, oncle de Raymond, celui-ci
songea dès lors à se rendre maître de ces diverses places.
(i) Archives de l'Isère, B, 2990, f* 485-9. — Ce document donne quel-
ques détails intéressants sur une guerre qui avait eu lieu précédem-
ment entre le seigneur de Pellafol et le comte Aymar VI. Les troupes
de ce dernier avaient fait le dégât à Fianceys, près de Marches, et à
Barbières. a Item dixit quod castra Pellafoli et Barberie fuerunt capta
per gentes d. Aymarii, tune comitis Val. et Dien., que gentes in dictis
opidis decipàverunt bona infra ipsa castra existentia, et eciam ceperunt
prysiam dictorum castrorum et mandamentorum eorumdem et eciam
de Fianceys per unum annum... et decipàverunt eciam molendina dicti
loci de Fianceys et vendiderunt tegulas, mayerias, ferros et instrumenta
dictorum molendinorum et eciam vendiderunt campanas ecclesie Sancti
Michaelis de Barberia. Que predicta petit d. Pellafoli sibi reparari,
reddi et emendari, una cum utensilibus et garnimentis in dictis castris
tune existentibus, ac litteris et instrumentis que et quos secum depor-
taverunt dicte gentes, aut valorem premissorum, que fuerunt... in sum-
mam duorum millium florenorum auri.. . »
(A continuer.) Jules CHEVALIER.
:M!
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. iSy
ESCALIN
Tâtre, ambassadeur et Général des Galères de France
RECUEIL DE DOCUMENTS
CONCERNANT SA VIE
(SuiTi. — Voir le» 115* et 11 6* livraisons).
•^MMM^MMMM^#^^W^^^MWWMWWW«
De stercore erigens pauperem
ut coUocet eum cum prindpibus.
Castelnau au début de son récit avait dit « que l'histoire
du baron de La Garde lui fournit assez d'occasions de parler
de lui, à cause des grands services qu'il rendit dans les guer-
res de religion, et d'opposer, au reproche d'une action qui
ne peut se soutenir (Mérindol), le mérite de plusieurs autres
actions. Ce fait, dit-il, est un exemple de l'obéissance aveugle
des personnes de sa profession, et principalement de ceux
qui, comme le baron de La Garde, appelé le capitaine Poulain,
se sont élevés par les armes, et qui n'ont formé leurs inclina-
tions que sur les cruelles maximes de la guerre. Ils ne devien-
nent prudents que par expérience, et ils la payent bien sou-
vent de leur réputation qu'ils n'expient que par le nombre
des meilleures actions, parce qu'on les juge au poids de la
balance. » Castelnau avait commencé par rapporter que le
zèle du cavalier et de l'homme de guerre fut trompé par la
passion du président d'Oppède. Le premier, Brantôme, nous
avait dit : « Mais s'étant un peu trop comporté rigoureuse-
1 38 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
ment en Provence contre les hérétiques de Mérîndol et de
Cabrerez, — car il haïssait mortellement ces gens-là, — il
encourut la malle grâce de son roy, dont il en garda la prison
longtemps l'espace de trois ans. Aussi, en partant de là, il
disoit qu'il pensoit passer maistre ez arts, y ayant fait son
cours l'espace de trois ans. Et sans ses bons services, il feust
esté en plus grand'peine. Mais amprès le roy, le sentant très
capable pour le servir en ses mers, le remit général des Gal-
leres. » Les réflexions de Castelnau sur ce sujet sont à peu
près les mêmes, a Le baron de La Garde, qui avoit fait à la
France tant de remarquables services en Levant et en France,
fait trembler toute TEspagne et Tltalie pour son roy, sous les
bandières et galères du Turc, ausquelles ilcommandoit abso-
lument comme aux siennes, pour avoir malversé, et un peu
inconsidérément en Provence contre ceux de Mérindol et de
Cabrières, fut mis en prison et y demeura trois ans entiers. »
Le baron de La Garde ayant eu un rôle important dans la
répression des Vaudois à Mérindol, Cabrières et autres loca-
lités, il est difficile de ne pas entrer dans l'histoire de cet évé-
nement. Plusieurs historiens en ont fait le récit, mais les
modernes ne paraissent pas avoir connu les manuscrits qui
nous en restent et dont plusieurs sont aujourd'hui à la Biblio-
thèque nationale. On y trouve les plaidoyers, les lettres du
roi, et les sentences qui terminèrent les procès faits au Par-
lement de Paris. (Fonds français, vol. i6545 ; nouvelle acqui-
sition, vol. 2462 ; collection Dupuy, vol. 846 et 5o2.) En
voici la note :
Arrest sur deffault donné au Parlement d'Aix contre ceux
de Mérindol du 18 novembre 1540. [C'est le fameux arrêt dit
de Mérindol.]
Lettres patentes du roi François I®' en forme de grâce à
tous les accusez et condamnez de Mérindol et pais circonvoi-
sins, février 1540.
Supplication et confession de foy de ceux de Mérindol,
présentée à la cour de Parlement de Provence, le 8 avril 1541,
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. I Sg
et ordonnance faicte par lad* cour au pied des conclusions
des gens du roy.
Lettres patentes du roy Henry II en faveur de ceux de
Mérindol et de Cabrières en évocation de leur cause au Par-
lement de Paris, 17 mars 1549.
Lettres originales, portant la signature d'Henry II, à Jac-
ques Aubry, des 23 août i55o, i3 novembre i55o et 26 juillet
i55i.
Extrait des registres du Parlement de Paris du 26 août
i55o.
Extrait des interrogatoires et confessions de m« Jehan
Maynier, premier président du Parlement de Provence.
Partie du plaidoyer de m^ Robert faict pour le président
Maynier, baron d'Oppède, pour la défense de son innocence
en la cause de ceux de Cabrières et de Mérindol. Le manus-
crit s'arrête au fait de l'homme arquebuse, et le copiste ajoute
ces mots : « le reste default. »
Plaidoyer fait en la cause de ceux de Cabrières et de Mérin-
dol en Provence, par m* Jacques Aubry, advocat en la cour
de Parlement, playdant pour le roy en ceste cause particu-
lière, en Tabsence et récusation des gens du roi du Parlement
de Paris. Ce plaidoyer ayant été imprimé cent ans plus tard,
en 1645, par les soins d'un descendant de Jacques Aubry,
il faudrait conférer l'imprimé avec les transcriptions manus-
crites.
Registre de ce qui se passa en la plaidoyerie de la cause de
ceulx de Cabrières et de Mérindol en Provence contre le Par-
lement de Provence, ensemble Tarrest intervenu en ladite
cause.
Arrest du Parlement de Paris contre Guillaume Guérin,
advocat du roy au Parlement de Provence, pour plusieurs
infidélitez et trahisons par luy commises en conséquence du
faict de Cabrières et de Mérindol, 20 avril 1554.
La Bibliothèque d'Avignon possède une copie du manus-
crit de Pérussis, sorte de journal demeuré inédit. L'auteur
f^O SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
avait environ 25 ans en i545, alors qu'il fut convoqué avec
d'autres gentilshommes du Comtat pour marcher contre les
Vaudois révoltés. Il était contemporain du baron de La Garde
et lié d'amitié avec lui.
Parmi les imprimés, on trouve à la Bibliothèque nationale
un rarissime opuscule de i556, sans nom d'auteur ni d'im-
primeur. Il contient une profession de foi présentée par les
Vaudois au Parlement de Provence en 1541. On y lit une
violente satire des gens d'église que l'auteur accuse de paillar-
dise. Il met en scène l'évêque d'Aix et une demoiselle pré-
tendue sa maîtresse qu'il fait dialoguer avec le prélat, mais il
se garde bien de citer cet évêque et l'archevêque d'Arles par
leur nom. Il est non moins violent contre le premier prési-
dent d'Oppède, sur le compte duquel il met tous les maux de
cet événement. Il dit que le baron de La Garde inclinait à la
douceur. Il fait un grand éloge de l'avocat général Guérin,
« homme, dit-il, de bien grand savoir et expérience et autant
estimé qu'il est possible. » C'est assez démontrer que Guérin
était partisan secret des Vaudois, bien qu'en remplissant ses
fonctions de commissaire du Parlement, il eût demandé l'exé-
cution des prisonniers. De Thou a parlé de cette répression
au cinquième livre de son Histoire, ainsi que Bouche dans
son Histoire chronologique de Provence (Aix^ iS/ô); Gau-
fridy, dans son Histoire de Provence (imprimée à Aix en
1694) ; Nostradamus, dans son livre imprimé à Lyon en
16 14; de Haitre, qui a écrit l'éloge des Présidents de Pro-
vence (Avignon, 1707); le P. Justin (Boudin), qui a publié à
Carpentras (en 1 786) ; V Histoire des guerres religieuses du
Comtat'Venaissin^ et Cabasse, auteur (Paris, 1826) des Essais
historiques sur le Parlement de Provence, dans lesquels il
rapporte en détail et consciencieusement toute l'affaire de
Mérindol ; il y proclame l'innocence du président d'Oppède,
et il la démontre. Assurément, il n'a pas puisé aux manus-
crits précités dont il aurait usé pour corroborer ses preuves,
car il y aurait trouvé l'arrêt rendu par le Parlement de Paris
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 141
contre Guérin, arrêt dont il regarde le texte comme étant in-
connu, et qu'il a fortuitement rencontré sur une expédition
authentique de cet acte, communiquée par la famille Grimaldi
dont l'un des auteurs était plaignant contre Guérin. Cabasse
fait observer que si les historiens avaient considéré avec plus
de soin Tesprit d'insubordination qui animait les réforma-
teurs atteints par l'arrêt de Mérindol, et les mœurs du siècle,
ils eussent taxé moins sévèrement les mesures dont les Vau-
dois furent l'objet. Il faut considérer aussi que les popula-
tions environnantes applaudirent aux mesures de répression
employées contre des gens perturbateurs de leur repos.
Alexis Muston a publié (Paris, 1862), V Histoire populaire
des Vaudois. Il met dans la bouche des principaux personna-
ges des dialogues qui n'ont rien d'historique et prétend que
Meinier d'Oppède était issu d'une famille juive, qu'il était
pauvre et d'une probité douteuse ; qu'il marchait avec une
troupe d'hommes armés et saisissait les Vaudois dans leurs
champs pour les faire jeter dans les caves de son château qui
leur servaient de prison, et que ses déprédations furent nom-
breuses, surtout en i536. Ces assertions manquent de justi-
fication, la dernière principalement qui se rapporte à i536,
époque où le baron d'Oppède n'était pas encore premier pré-
sident du Parlement de Provence. D'ailleurs, la répression
date du mois d'avril 1 545. Plus avant, à la page 66, on lit : « La
dame de Cental ayant adressé une plainte au roi, cette plainte
fut portée devant le second tribunal du royaume nommé
la Chambre de la Reine. Les promoteurs de ces ravages furent
cités à comparaître devant lui, mais ils refusèrent en se re-
tranchant derrière les arrêts en vertu desquels ils prétendaient
avoir agi... La cause fut portée devant le tribunal suprême
du royaume qu'on appelait la Chambre du Roi et qui fut
plus tard la Gourdes Pairs. C'est ainsi que l'examen de toutes
ces iniquités a été poursuivi par des enquêtes judiciaires qui
les ont mis en lumière, quoique leur enchaînement soit de-
meuré fort obscur pour ceux qui ne les ont pas consultées. »
142 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
Muston a cru de bonne foi que les faits s'étaient passés comme
il les rapporte, mais il ne paraît pas avoir consulté lui-même
les documents originaux qui nous restent. Nous verrons plus
loin ce que fut la Chambre de la Reine, tribunal d'exception,
dont l'existence fut de peu de durée, et auquel on ne peut
attribuer la prérogative d'être le second tribunal du royaume.
Il n'existait pas de Chambre du Roi, La cour suprême était le
Parlement, cour de justice, où, dans certaines occasions, sié-
geaient les Pairs du royaume. Le Parlement fut emporté
dans la tourmente de 1793 et aucune cour de justice n'a
réuni, depuis, la plénitude des attributions dont il était in-
vesti. On ne peut donc dire qu'il a été remplacé par la cour
des Pairs. Le D»^ Gustave Lambert (Toulon, 1870) a donné
une Histoire des guerres de religion en Provence, Son récit
se termine par celte observation : « Les passions de cette épo-
que étaient terribles, mais elles s'alimentaient au foyer des
convictions sérieuses et furent toujours étrangères aux vul-
gaires et honteux calculs de l'égoïsme et de la cupidité. »
La famille de Cental (i), qui possédait des seigneuries im-
portantes à l'entrée du marquisat de Saluces, avait aciquis des
terres dans les vallées du mont Lubéron qui débouchent sur
la Durance. Elle y transporta des colonies d'anciens Vaudois
qui habitaient les vallées des Alpes, — où du reste cette secte
s'est perpétuée. — Les descendants des colons attirés par les
seigneurs de Cental, ayant eu connaissance de ce qui s'était
produit en Allemagne par l'hérésie de Luther, y envoyèrent
des députés, ainsi qu'à Genève. On leur donna des ministres,
et ils ne tardèrent pas à se livrer à des voies de fait, pleines
de violences, contre les catholiques, les églises, les objets du
culte, lés prêtres, les moines, etc.
Dès i5^o, le Parlement de Provence, ému des plaintes des
(i) Centale est un bourg du Piémont entre Coni et Savigliano. (Voir
dans le P. Anselme et dans Pithon-Curt ce qui concerne la maison de
Bouliers, seigneurs de Cental.)
dMfii^a^aH"
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. I^S
populations, commença à rendre contre eux des arrêts qui ne
furent pas exécutés. Pendant dix ans, il y eut des alternatives
d'arrêts, d'amnisties accordées par le roi, et des voies de fait
commises par les révoltés, qui obligèrent le Parlement, sur
les ordres du roi, à rendre Tarrêt du i8 novembre 1540. Il
prescrivait la destruction des villages de Mérindol et autres,
lieux servant de réceptable aux hérétiques et la mise à mort
des principaux révoltés. Cet arrêt, rendu par défaut, fut ap-
prouvé par lettres du roi, mais son exécution retardée par de
nouvelles concessions qui ne servirent qu'à donner un nouvel
élan à l'esprit d'insurrection. Le Parlement inclinait à la clé-
mence et aux voies de la douceur, lesquelles furent tentées
inutilement à diverses reprises. Le roi insistait pour qu'on
sévît contre les révoltés, il en donna Tordre plusieurs fois, et
si impérieusement à la fin, qu'on se mit en mesure de lui
obéir. Même pendant les préparatifs de l'expédition, le pré-
sident d'Oppède espérait encore que les démarches faites au-
près de S. M., par son envoyé, éloigneraient les voies de
rigueur. Il lui fallut enfin assembler le Parlement d'Aix le
12 avril et donner à cette cour de justice communication des
ordres du roi. La cour nomma quatre commissaires chargés
de veiller à Texécution de l'arrêt de 1540 pendant les opéra-
tions militaires et de prendre les résolutions nécessitées par
les circonstances. Au nombre de ces commissaires était Guil-
laume Guérin, avocat général du roi à la cour de Provence,
lequel, après la lecture de la lettre du roi, avait requis la
mise à exécution de l'arrêt reiidu par la cour en novembre
1540. Quant au premier président, le baron d'Oppède, comme
il joignait à cette fonction celle de lieutenant général du gou-
verneur de Provence, il prit le commandement des troupes
qu'il avait rassemblées et de la force armée que le baron de
La Garde avait dû mettre à sa disposition. Il importe de re-
marquer que les commissaires du Parlement avaient seuls
qualité pour représenter le Parlement, leur présence eût été
inutile si le président d'Oppède eût dû remplir cette fonction.
r44 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
Aussi ces commissaires étaient-ils seuls appelés à prononcer
sur le traitement à infliger aux révoltés pris les armes à la
main, et leur action ou ingérence cessa lorsque les forces ar-
mées agirent contre Cabrières, parce que cette localité, com-
prise dans le Comtat-Venaissin, était de fait hors de la juri-
diction du Parlement d'Aix.
L'expédition dura peu de jours. On panit de cette ville le
i5 avril, et le dimanche suivant 20 avril on entra dans Ca-
brières. Le 2 1 , l'expédition était terminée.
Mérindol avait été trouvé vide d'habitants, ceux-ci s'étant
enfuis dans les bois et les cavernes du Luberon. Le 19, on
était devant Cabrières dans lequel on entra le lendemain.
Fut-ce d*assaut ou par capitulation ? Les récits des histo-
riens ne s'accordent pas là-dessus. L'anonyme de i556 pré-
tend que ce fut par capitulation, et que celle-ci fut immédia-
tement violée par d'Oppède. Néanmoins, s'il en eût été ainsi,
Aubry aurait relevé ce fait dans ses chefs d'accusation. Il faut
par conséquent considérer l'assertion de l'anonyme comme
calomnieuse. La prise de Cabrières entraîna les violences,
les meurtres, les brûlements de personnes imputés aux catho-
liques. L'anonyme porte à huit cents le nombre des morts à
cette occasion, et divers historiens à trois mille la totalité de
ceux qui périrent par le fer, le feu, la faim, les mauvais trai-
tements et la misère, soit à la suite de cet assaut, soit posté-
rieurement. Ce chiiFre, ainsi que les ravages faits aux champs
et aux demeures, fut nécessairement enflé par tous ceux qui
voulaient perdre le baron d'Oppède et le baron de La Garde.
Peu d'années après, on le constate par le journal de Pérussis,
ces localités étaient prospères et populeuses, et en pleine ré-
volte. Si elles eussent été anéanties et déprimées complète-
ment, elles n'auraient eu ni la volonté, ni la possibilité de se
mettre de nouveau en insurrection. Il est regrettable que le
plaidoyer de m' Robert, avocat du premier président May-
nier, ne nous soit parvenu qu'en partie. Il s'arrête au fait de
l'homme arquebuse et ne peut nous fournir de renseigne-
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 146
ment sur la prise de Cabrières. La défense préparée par Tavo-
cat du vice-légat eût mis beaucoup de jour sur cette prise si
le Parlement eût consenti à l'entendre.
Avant d'arriver au fait du procès, il ne sera pas sans intérêt
de s'arrêter sur quelques particularités. Le P. Justin rap-
porte que Maynier se mit à la tête d'un corps de noblesse et
de quatre cents pionniers, que le capitaine Poulain était suivi
de six régiments d'infanterie et d'une compagnie de cavalerie.
Aubry prétend que les troupes de Poulain devaient s'embar-
quer pour le Roussillon. Comprend-on qu'un homme de loi,
qui avait demandé un an pour composer son réquisitoire, ait
commis une erreur aussi forte ! Ces troupes, comme nous
J'avons vu, s'embarquèrent pour l'expédition maritime diri-
gée contre l'Angleterre. Six- régiments, comme on pouvait
l'entendre au temps du P. Justin, n'auraient pu prendre place
sur les galères du baron de La Garde. Ils n'auraient servi qu'à
peu de chose dans des actions maritimes où le canon avait la
part la plus importante. Lorsque le baron de La Garde se
rendit à La Rochelle, en iSôg, ses galères portaient seule-
ment 600 soldats corses ou provençaux, et de Thou rapporte
que dans la campagne de i545 contre les Anglais, la flotte
française portait huit mille hommes sur les trois cents navires
dont elle était composée. La Garde avait 25 galères sous son
commandement. Ce nom de régiment, d'après VHistoire de
la milice^ du P. Daniel, commençait à s'introduire, mais la
chose ne correspondait pas à ce qu'elle a été depuis. Fran-
çois I", en 1534, décréta la création de légions qui devaient
être composées de 600 hommes. Cette institution ne dura
guère, car en ib'ij on parlait de bandes. Le roi les réduisit à
trois ou quatre cents hommes de mille à douze cents dont
elles avaient été d'abord composées. C'était à des bandes que
commandait le capitaine Poulain. En les ramenant du Pié-
mont, après des opérations militaires, leur effectif devait se
trouver diminué. Six bandes à 600 hommes chacune for-
maient une troupe plus que suffisante pour réduire à Tobéis-
2« SÉRIE. XXX' Volume. - 1896. 10
146 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
sance des paysans inévitablement mal armés. Aubry, d*ail-
leurs, dans son réquisitoire, donne le chiffre de 1,200. Les
communautés sur lesquelles les vivres furent réquisitionnés
n'auraient pu en trouver ni en fournir pour une troupe plus
nombreuse que celle que le lieutenant de roy traînait à sa
suite. Robert, l'avocat de Maynier, rapporte qu'il avait donné
aux consuls d'Aix « Tordre de lever avec discrétion deux
cents hommes de pied et cent pionniers, que le Juge reçut de
son côté Tordre d'assembler cinquante hommes aussi cogneuz
et levez avec discrétion. » Il demanda 3oou 40 gentilshommes
du ban ou de Tarrière-ban des environs d'Aix. Si Ton consi-
dère le peu de temps qu'on eut pour rassembler cet effectif,
on doit admettre qu'il fut loin d'être mis au complet. Le Par-
lement délibéra le 12 avril, dans Taprès-midi, et on se mit en
marche le i3.
François I" avait pressé l'exécution contre les Vaudois,
aussi Tapprouva-t-il formellement. Son successeur, Henri II,
en montant sur le trône en 1 547, éloigna les conseillers de
son père pour en prendre d'autres.
La nouvelle orientation de la politique donna toute liberté
aux ennemis du président Maynier et du baron de La Garde
pour porter leurs plaintes aux pieds du roy. Ils étaient sou-
tenus par la Dame de Cental qui avait souffert de ces ravages.
Henri II voulait donner satisfaction aux seigneurs de Cental
qui, par leurs possessions, tenaient un peu les clefs du mar-
quisat de Saluces. G. Guérin était devenu l'ennemi irrécon-
ciliable de d'Oppède, parce que ce dernier, interrogé comme
témoin sur certains méfaits de l'avocat général, avait dévoilé
la vérité. L'histoire ne nous apprend pas quels étaient les
ennemis du baron de La Garde ; ils se trouvaient à la cour
auprès du monarque.
Maynier et La Garde passèrent environ trois ans en prison.
Le procès fut fait à tous ceux qui avaient pris part à cette
affaire. Le Parlement en corps, les Etats de la Province, les
commissaires, tout fut mis en cause, avec le président May-
ESCALiN, RECUEIL DE DOCUMENTS. I47
nier et le capitaine Poulain. Henri II institua d'abord un tri-
bunal extraordinaire et exceptionnel dont le siège était à
Melun et auquel il donna le nom de Chambre de la Reyne.
Malgré les précautions prises par la cabale qui avait poussé le
roi à cette création et veillé au choix des membres de cette
Chambre, ceux-ci finirent par se montrer favorables aux ac-
cusés. Leurs ennemis obtinrent alors la dissolution de cette
Chambre avec défense à elle de connaître désormais de ce
procès. Toute la procédure fut transportée au Parlement, ap-
pelé définitivement à connaître de cette cause. C'est ce qui
explique pourquoi dans les actes royaux, ainsi que dans ceux
du Parlement de Paris, il est fait mention de la Chambre de
la Reine, de sa procédure, et des appels faits par le procureur
général.
Les plaidoiries commencèrent le 18 septembre i55i, le
Parlement siégea pendant cinquante audiences jusqu'à la fin
d'octobre. Jacques Aubry , lieutenant civil au Châtelet de
Paris, avait été nommé par le roi pour remplir les fonctions
d'avocat du roi. Il demanda, chose incroyable, un an pour se
préparer ! S'il s'appitoie fort, dans son plaidoyer, sur les Vau-
dois, en énumérant minutieusement les méfaits et les crimes
dont ils furent victimes, il ne réclame aucune réparation pé-
cuniaire en leur faveur, il réquisitionne violemment contre
le Parlement d'Aix, contre ses commissaires et surtout contre
le président Maynier. Il reproche au capitaine Poulain d'avoir
mis ses bandes à la disposition de Maynier en sa qualité de
lieutenant de roi, sans en avoir l'ordre exprès du monarque.
Cette assertion se trouve formellement démentie par le récit
de Robert, avocat du président, affirmant que le roi avait re-
mis des lettres aux Strozzi : Tune adressée à Maynier, l'autre
au baron de La Garde, portant l'ordre à celui-ci d'employer
toutes les forces de son armée maritime à la ruine des Vau-
dois. Ils ajoutèrent verbalement que le roi était irrité du re-
tard mis à l'exécution de ses commandements, et comme le
baron de La Garde exprimait la crainte que son voyage n'en
148 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
fût retardé, les Strozzi répondirent que Texécution ne retar-
derait pas a le partement de ladite armée, car elle n'estoit au
terme d*estre preste. » Aubry consacra sept audiences à son
plaidoyer, celui de Robert en prit neuf. On refusa d'entendre
Tavocat du vice-légat ; celui-ci ne voulant pas, comme repré-
sentant d'un prince souverain, soumettre sa cause à la juri-
diction du Parlement. Il est à regretter qu'on ne possède pas
sa défense, comme on a aussi le regret de ne posséder qu'une
partie de celle de Robert. Les manuscrits s'arrêtent tous au
même point de son plaidoyer et l'un d'eux porte ces mots :
a Le reste, défault. »
Maynier présenta aussi lui-même sa défense en prenant
pour texte le psaume xin® : Judica me Deus et discerne eau-
sam meam de gente non sancta, etc On dit que son discours
fit une grande impression sur les juges. Les manuscrits nous
apprennent ensuite que « le jeudi 29 octobre i55i a esté
plaidée lad. cause et a plaidé Dauquechin pour le baron de
La Garde, appelé vulgairement Poulain, et a dict qu'il pen-
sait avoir deux parties, mais que MM" les gens du roy ne luy
ont aucune chose demandée ne conclud contre luy, et quant
au sieur de Cental il a ajousté à ses injures dont il demande
réparation, outre dict qu'il est follement pris à partie, car il
a (fait) seulement ce qui luy a esté commandé par le roy à
quoy il a (d)eu nécessairement obéir, et pour ce, conclud à
follement inthimez et pris à partie, et subordinement et à
toutes fins a demandé despans, dommages et intérêtz. » Nous
verrons plus loin qu'avant le prononcé de Tarrêt du Parle-
ment, le baron de La Garde avait été absous par le Conseil
du roi. C'est ce qui explique les conclusions de Dauquechin,
disant que sa partie, c'est-à-dire Poulain, est follement inti-
mée, puisque les gens du roi ne lui demandent plus rien.
On s'attendait, après cette grande mise en scène qui avait
tenu tout le monde en suspens, à un arrêt solennel. L'espé-
rance fut vaine et éludée par un appointement, c'est-à-dire
un renvoi au Conseil du roi. Seulement le procureur général
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. I49
Ryans fit ajouter à la fin de l'arrêt ces mots : « et ordonne au
surplus que Guérin fera apparoir des jugements d'absolution
qu'il dict avoir obtenus des cas à luy imposez. » Pour Tin-
telligence de cette injonction, il faut se reporter au plaidoyer
de Rçbert, avocat du baron d'Oppède. Il se plaignit que Gué-
rin fût reçu accusateur contre d'Oppède, bien que lui-même
eût été accusé de plusieurs crimes dont il ne s'était pas purgé
et pour lesquels il était alors détenu en prison ; il articula une
sentence qui avait frappé Guérin. Il en résulta l'injonction
ci-dessus et par suite un procès instruit avec soin. Guérin
présenta des pièces qui semblaient démontrer son innocence.
Mais par la marque du papier, on établit la fausseté de ces
actes. De sorte que le 20 avril i554, Guérin, convaincu de
faux, de malversations, etc., fut condamné à être pendu après
amende honorable publique ; l'arrêt fut exécuté. On a fait
cette réflexion qu'il avait été le seul à payer de sa tête dans
ce procès. Si les faits qui firent perdre la vie à Guérin sont
étrangers à Tarrêt de Mérindol, ils ont néanmoins une rela-
tion directe avec eux, puisque parmi les crimes dont il fut
convaincu, on releva celui des faux destinés à perdre le pré-
sident Maynier.
Le président d'Oppède, avant le jugement de Guérin, avait
été de la part du roi non seulement déchargé de toute accu-
sation, mais renvoyé avec honneur à Aix où il reprit ses
fonctions à la grande satisfaction des Provençaux. Il mourut
en i558 empoisonné, disent quelques historiens, par un mé-
decin protestant.
On a vu que Tavocat du baron de La Garde avait requis, à
follement intimé, attendu que sa partie n'avait fait qu'exécu-
ter les ordres du roi. En effet, le prince avait rendu en son
Conseil un arrêt solennel déclarant l'innocence du baron.
Voici cet arrêt :
« Henry, par la grâce de Dieu, roy de France. A tous ceux
qui ces présentes lettres verront, salut. Comme sur les dénon-
ciations à nous faites de plusieurs fautes et délits prétendus
ibo SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
avoir esté faits et commis par messire Antoine Escalin des
Esmars, seigneur et baron de La Garde, Tun des gentilshom-
mes ordinaires de nostre Chambre, et nostre lieutenant géné-
ral sur la mer de Ponant, en Tabsence de nostre admirai nous
eussions ordonné, le procès extraordinaire luy estre fait par
certains commissaires par nous députez, lesquels y auroient
vaqué soigneusement par quatre années consécutives Tune à
l'autre, avec grande et diligente perquisition desdites préten-
dues fautes et délits, faits par' nos advocat et procureurs en
ceste partie constituez et tellement procédé que ledit procès
auroit este parfait et mis en estât de juger, de quoy advertis,
aurions par plusieurs fois mandé, par nos lettres patentes et
closes, aux juges et commissaires par nous ordonnez pour le
jugement dudit procès en la Chambre de la Reyne, de nostre
palais à Paris, juger iceluy procès définitivement ou par pro-
vision, ainsi qu'ils verroient en la matière estre disposée, ce
qu'ils n'auraient peu faire, d'autant qu'ils estoient empeschez
en d*autres procès aussi à eux par nous commis et aupara-
vant instruits ; et davantage pour ce que leur avions défendu
le jugement de l'exécution de Mérindol, pour raison de la-
quelle avions receu nostre Procureur Général appellant en
plusieurs instances, desquelles avions attribué la cognois-
sance à nostre cour de Parlement de Paris. Et encore depuis
aurions departy lesdits commissaires, par nous ordonnez en
ladite Chambre de la Reyne, et iceux renvoyez respective-
ment en nos parlements (ces commissaires avaient été tirés
des divers parlements du royaume pour constituer la Cham-
bre de la Reine), desquels les avions pour les jugements des-
dits procès, rappelés et distraits. Quoy voyant et réduisant
souvent à la mémoire la longue détention dudit Escalin, ba-
ron de La Garde, en nos prisons, et que pour les empesche-
ments et causes susdites, ne luy pouvions commodément faire
expédition de justice commune, aurions ordonné ledit procès
extraordinaire fait à l'encontre dudit Escalin, baron de La
Garde, charges, informations, interrogatoires, confessions et
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. l5l
dénégations dudit des Esmars, recollemens et confrontations
ensemble tout ce que tant de la part de nostre Procureur que
de la part dudit Escalin, baron de La Garde, a esté produit et
mis audit procès es mains de nôstre amé et féal conseiller en
nostre privé Conseil, et premier Président en nostre cour de
Parlement de Roiien, maistre Pierre Remon, aurions mandé
et commandé voir iceluy procès extraordinaire ; ensemble les
conclusions de nos Advocat et Procureur par nous députez
pour le jugement d'iceluy procès, maistre Jacques Aubry, à
présent lieutenant civil de nostre Prévost de Paris, et Jean
Bardou, nostre Procureur général en nostre grand Conseil,
pour nous en faire le rapport. Sçavoir faisons que nous, estant
en nostre dit Conseil Privé, auquel estoient nos très chers et
très améz cousins le Cardinal de Lorraine et le Cardinal de
Châtillon, le duc de Montmorency, Pair, Connestable et
Grand Maistre de France, nostre très cher et très féal Garde
des sceaux de nostre Chancellerie, nos très chers et féaux cou-
sins Tadmiral de France et mareschal de St-André, et nos
amez et féaux le Président Remon, et général delà Chesnaye,
nos conseillers en nostredit Conseil Privé : Avons de nostre
propre mouvement, certaine science, pleine puissance et au-
thorité royale, évoqué et évoquons à nous, et à nostre per-
sonne, ledit procès extraordinaire fait à rencontre dudit
Escalin, baron de La Garde. Et, au surplus, ouy le rapport
a nous fait en nostredit Conseil Privé en présence des sus-
dits nos cousins et conseillers par nostredit premier Prési-
dent du Parlement de Roiien et veues les conclusions de nos
Advocat et Procureur dessus dits, en faisant sur le tout droit :
Et eu sur ce advis et même délibération avec nosdits cousins
et conseillers : Avons par nostre jugement, et arrest diffinitif,
dit et déclaré, disons et déclarons, ledit Escalin, baron de La
Garde, estre pur et innocent desdits cas, crimes et délits à luy
imposez et contenus audit procès, et d'iceux Ten avons ab-
sous et absolvons. Et partant avons ordonné et ordonnons
qu'il sera eslargy, et iceluy eslargissons partout, purement,
l52 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
simplement et absolument, sans préjudice toutesfois desdîtes
appellations interjettées par nostredit Procureur, pendantes et
indécises en nostredite cour de Parlement à Paris, pour rai-
son de ladite exécution de Mérindol,quantà la civilité seule-
ment, et conséquemment des despans, dommages et intéretz
respectivement prétendus par ledit Escalin , baron de La
Garde, d'une part, et le seigneur et dame de Cental, d'autre,
et l'un à Teqcontre de l'autre et au contraire leurs défenses
respectivement.
« Si donnons en mandement a nos amez et féaux les gens
tenant nostre court de Parlement de Paris, Dauphiné et Pro-
vence, et à tous nos autres juges et officiers, qui de la part du
baron de La Garde seront requis, ce présent nostre arrest
faire enregistrer, pour d'iceluy s'en aider par ledit baron de
La Garde par tout où il appartiendra.
« Donné à Paris, le i3* jour de février, Tan de grâce i55i
et de nostre règne le 5«. Ainsi signé sous le reply Henry et
sur le reply, par le roy, de L'Aubespine. Registrata Parisiis
in Parlamento vicesima quarta die martii anno i55i ante
Pascha^ sic signatum Du Tillet. »
Brantôme prétend qu'Escalin écrivit de Paris, le 8 février
i55o, une lettre de remercîment au duc de Guise pour lui
avoir, avant son élargissement, procuré un commencement
de liberté.
Comte D'ALLARD.
(A continuer J.
L-*- — *- -"•
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. l53
LE TRAMWAY DE LA GALAURE
Suite. — Voiries 109% iio% 111% 112% ii3% 114*, ii5*et ii6*livr.)
Hauterives (station xii).
En présence des ruines qui dominent le village actuel, le
touriste étonné interroge vainement les anciens du pays,
tous à Tenvi lui répondent : c'est le château vieux. Mais il a
donc été jeune ce manoir, il a donc souffert des injures du
temps et des violences humaines ; il a donc abrité des joies
et des infortunes, et de tout cela aucun souvenir n'est resté
dans les livres et dans les traditions locales ! Non, cela n*est
pas possible.
Un auteur a dit avec raison : « On saura Thistoire de Rome
et d'Athènes et Ton ignorera son village ». Voilà pourquoi
une réaction s'opère aujourd'hui en faveur du passé. On veut
connaître les possesseurs des anciens châteaux et les an-
nales du plus modeste fief. N'est-ce pas là une curiosité légi-
time et naturelle ?
A la vérité, les recherches de ce genre ont été longtemps
impossibles ; les ouvrages dauphinois ne figuraient que dans
les grandes bibliothèques ; les archives publiques étaient
empilées pêle-mêle, et nul ne songeait à en soulever la
poussière. Il n'en est plus de même : les papiers et parche-
mins des dépôts publics sont classés et inventoriés en grande
partie, et, avec quelque patience, on arrive souvent à décou-
vrir les faits principaux relatifs à une commune.
Et après, quelle sera l'utilité de ce travail pénible ?
En raisonnant ainsi, on proscrirait l'histoire des peuples
1
ï54 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
anciens et celle de la France elle-même, car les recherches
isolées préparent une œuvre d'^ensemble exacte qui ue sau-
rait exister autrement.
Partant de ce principe, nous abordons encore une fois (1)
rhistoire d*Hauterives, afin de révéler aux voyageurs que le
tramway emporte des souvenirs, des légendes et des faits
véritables.
La Galaure, depuis St-Vallier, où elle se perd dans le
Rhône, jusqu'à Roibon, où elle prend naissance, roule cons-
tamment ses eaux dans une vallée gracieuse, entre deux col-
lines souvent parallèles, sauf au défilé de Vais et plus haut,
comme à La Motte et à Hauterives (rive droite) et à Cla-
veyson (rive gauche), où Tune d'elles se rapproche de la
rivière.
Hauterives, alta npa, situé sur le flanc d'un mamelon de
mollasse s'avançant dans la plaine en forme de promontoire,
coupé au levant par le ruisseau de Dravay et au couchant
par celui de Claray, tire évidemment son nom de cette situa-
tion, et si l'orthographe officielle l'écrit au pluriel, c'est à
cause sans doute des deux collines qui dominent la vallée.
Village et château se trouvaient jadis entourés de rem-
parts dont le lierre tapisse aujourd'hui les créneaux exis-
tants. Deux chemins y conduisaient : celui de Romans à
Beaurepaire, visible dans l'enceinte féodale, et celui de St-
Vallier au Grand-Serre que Guettard fait passer à Albon et
Mantaille, suivre le plateau de Ghâteauneuf-de-Galaure, au
travers des bois, descendre à Hauterives et remonter ensuite
à mi-coteau vers St-Germain, où il existe enoore.
Le premier était une route militaire qui amenait souvent
des soldats de passage dans le pays et, en le suivant même
modifié jusqu'à Romans, on peut se rendre compte des diffi-
cultés de communication aux siècles passés.
Bâti au pied du vieux château, le nouvel Hauterives est
(1) Voir le Bulletin de la Société, 1868, tome III, p. 285 et suiv.
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. l55
desservi par la route départementale n* 6 de Montélimar à
Beaurepaire, par le chemin de grande communication n' 1
de St-Vallier à Roibon et par le tramway de St-Vallier au
Grand-Serre. Un marché hebdomadaire y attire chaque
mardi une assez nombreuse population ; une réduction de la
statue de la Liberté éclairant le monde orne la fontaine de
la place et Ton aime à croire qu'une autre statue, celle du
général de Miribel, y figurera bientôt.
Vu du château vieux, le paysage embrasse au levant le
château de Châtelard, les prairies voisines et les vignes de
St-Germain ; au midi, le château construit au XVI !« siècle
en face de Tancien, sur le bord de la Galaure, le val d'Euillon
et les hauteurs de Tersanne, au midi, le clocher de Tan-
cienne église, des prairies, des champs fertiles dans la plaine
et des bois sur les coteaux.
Si, au contraire, on examine Hauterives des premiers
lacets de la route n^ 6, on a devant soi un site pittoresque :
vieux murs d'enceinte, porte ogivale surmontée d'un pigeon-
nier, maisons blanches à toiture rouge, église neuve de style
gothique, pont et rivière d'ordinaire paisible et parfois me-
naçante.
Une curiosité attend le voyageur à la sortie-ouest du vil-
lage : c'est une construction rappelant en petit les âges pré-
historiques et la période ogivale dans sa brillante évolution.
Tout d'abord apparaît un tombeau avec clochetons, colon-
nes et ornements variés ; viennent ensuite d'autres groupes
dont la destination n'est pas indiquée et qui dans leur en-
semble forment une création originale.
L'architecte et le maçon de l'édifice entier est un facteur
de la poste, M. Cheval, qui, dans ses tournées à Tersanne,
a recueilli toutes les pierres de forme bizarre qu'il a ren-
contrées et les a placées habilement à l'endroit le plus pro-
pice à l'effet attendu.
Il n'est pas permis de passer à Hauterives sans visiter le
travail de patience et de bon goût du facteur, ancien mili-
i56 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
taire, qui n'ayant jamais reçu de leçon d'architecture lais-
sera après lui une œuvre fort curieuse.
Une autre singularité du pays, c'est la montagne de bois
ou carrière de lignites. On y arrive sans peine en suivant le
chemin qui longe le ruisseau de Claray, tout près de l'église
neuve.
Guettard, dans sa Minéralogie du Dawphiné, I, 92-93, ne
parle pas de ces lignites, mais M. Lory signale cet endroit
comme « très propre à montrer la liaison intime qui existe
A entre la moHasse marine, coquillière, les poudingues à
« cailloux empressionnés et les argiles bleues avec co-
« quilles d'eau douce et couches de lignites. » (N* 310).
Les habitants du quartier des Poteries se servaient depuis
longtemps de lignites pour leur chauffage, malgré l'odeur
sulfureuse de ce combustible. M. de La Barge de Certeau
obtint, en 1856, la concession de la carrière, qui a changé
plusieurs fois de propriétaire depuis lors.
De savants géologues, MM. Faisan, Fontannes et Lory
ont visité et décrit ce curieux endroit. Outre le grès tendre,
à ciment calcaire, on y rencontre, dit M. Lory, des sables
incohérents, semblables à la mollasse désagrégée, des nap-
pes caillouteuses, des accumulations de poudingues, des
marnes calcaires ou argileuses, alternant par petites assises
avec les poudingues et les couches sableuses ; enfin une
couche d'argile bleue et une autre de lignite. L'auteur pense
que ces dépôts lacustres ont été formés dans des espaces
délaissés temporairement par la mer, devenus d'abord des
étangs d'eau douce, puis des marais tourbeux ou des forêts,
envahis plus tard de nouveau par la mer et recouverts de
nappes de galets et de sables pareilles à celles qui en for-
maient le fond. Des parties du bassin miocène, isolées de la
mer, ont été occupées par des eaux douces où se sont dépo-
sées les argiles bleues et les lignites. Plus tard, un tasse-
ment du sol a remis encore sous les eaux de la mer ces pla-
ges marécageuses et de nouvelles couches de sables et de
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 167
galets marins ont recouvert les lignites (1). Les ar'giles ser-
vent à la fabrication de la poterie et des tuiles.
Semblables à ceux de la Tour-du-Pin, ces bois fossiles
paraissent appartenir à la famille des conifères et entretien-
nent une chaleur douce et durable.
M. Villot nous apprend (2) qu'il a été trouvé dans les ar-
giles d'Hauterives une mâchoire de cerf, appartenant à
M. Jourdan, professeur à la faculté des sciences de Lyon,
aujourd'hui décédé, et M. Dupuis (André) a cédé à la Société
d'Archéologie de la Drôme une mâchoire de quadrupède, en-
gagée dans un bloc de lignite, dont les dents bien conservées
ont permis à M. Gaudry de reconnaître un sus (porc).
De son côté, M. G. Michaud, en 1855, a signalé dans les
marnes calcaires de nombreuses coquilles terrestres et flu-
viatiles fossiles qu'il répartit en dix genres: testacelles, hé-
lices, clausilies, vertiges, valvées, carichies, lymnées, pla-
norbes, paludines et ciclostomes.
M. Lory, tout en louant ce travail, réclame de nouvelles
études sur ce point macalogique. De la carrière des lignites,
on arrive aisément au château vieux, où il ne reste aucun
vestige un peu saillant de sa splendeur ancienne.
Bâti au X« ou au XP siècle, le manoir féodal comprenait
deux parties principales et deux corps de logis parallèles.
La partie voisine du modeste village où demeuraient les
vassaux était affectée aux magasins d'armes, au four, aux
écuries, aux greniers et à l'habitation des soldats et des gens
de service. On arrivait de là, par de larges escaliers, à la
maison seigneuriale, en laissant la chapelle à droite. Cette
demeure était composée de deux corps de bâtiments séparés
par une cour, et adossée à une grosse tour carrée qui la pro-
tégeait. Dans Tun des bâtiments existait une vaste galerie
en pierre de taille où se tenaient les assemblées générales
(1) Description géologique du D&uphinèy n" 307, 310 et 316.
(î) Bulletin de In Société de Statistique de l'Isère, 1870.
r58 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
de la communauté ; l'autre bâtiment, séparé du premier par
un fossé profond surmonté d'un pont volant, formait la cita-
delle, dernier refuge du seigneur assiégé. Des jardins s'éten-
daient depuis le donjon jusqu'au mur d'enceinte et une fon-
taine aujourd'hui perdue les arrosait.
Une vue des lieux faite en 1610, par ordre de Madeleine de
Claveyson, dame d'Hauterives, nous apprend qu'à cette date
les murs du château-fort étaient encore en bon état, mais
que les planchers et les toits réclamaient de promptes répa-
rations. Quarante ans plus tard, une nouvelle construction
remplaçait le vieux château que la foudre, d'après la tradi-
tion, avait rendu inhabitable.
Aujourd'hui, la main du temps et des hommes a tout bou-
leversé, et il est impossible de se rendre compte des beautés
du manoir détruit. Le nouveau château, dans une situation
des plus agréables en face du village et sur la rive gauche de
la Galaure, n'a jamais été achevé, et tel qu'il est, présente
une habitation des plus confortables.
Quelles sont les vicissitudes et l'histoire des possesseurs
du château vieux ? La tradition n'apprend rien à cet égard ;
mais les annales de la province suppléent largement à ce
silence.
Le premier seigneur connu s'appelait Sibaud ou Siboud
de Clermont, époux d'Adélaïs, fille de Guignes, comte d'Al-
bon et dauphin de Viennois. A cette époque, les seigneurs
prenaient volontiers le nom de leur fief, et voilà pourquoi les
Clermont disparaissent pour faire place aux d'Hauterives.
Amédée, fils de Siboud, se distingua d'abord comme guer-
rier et ensuite se fit un nom dans l'ordre de Gîteaux où il
fut placé au nombre des saints.
On ignore pour quelles raisons il abandonna soudain ses
riches possessions et alla s'enfermer à Bonnevaux, près la
Côte-St-André, avec son fils et 16 chevaliers, ses vassaux,
tandis que leurs épouses prenaient le voile à Laval de
Bressieux.
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 169
La vie d'Amédée, écrite par un religieux de Bonnevaux,
a été publiée par Manrique et d'Hozier et traduite par
Cousin (1).
Ce seigneur, alors appelé Frère Amédée dans une charte
de 1120, donnait à Bonnevaux tout ce qu'il avait confié à
l'abbé Jean avant sa conversion et lui confirmait la posses-
sion d'autres biens, pour la rémission de ses péchés, de ceux
de ses père et mère, de sa femme, de son fils et de ses autres
parents.
Parmi les immeubles cédés se trouvaient une vigne à Ter-
sanne et les bois nécessaires à son entretien. Siboud de
Clermont réclama ces bois, mais à la prière d'Amédée, évê-
que de Lausanne, il s'en dessaisit en faveur de Bonnevaux,
devant Amblard, prieur de St-Vallier, du fils d'Ainard de
Montchenu et de Villelme, fils de Siboud.
Le fils d'Amédée le Vieux passa de Bonnevaux à Cluny
pour faire ses études, alla ensuite à la cour de Conrad, prit
l'habit religieux de Clairvaux, fut nommé abbé de Haute-
Combe entre Lyon et Belley et ensuite évêque de Lausanne.
Il a laissé huit homélies et mourut en 1158, treize ans après
son père et fut inscrit comme lui au nombre des saints après
avoir été l'ami des empereurs, des papes et des comtes de
Savoie.
La branche des premiers d'Hauterives finit avec Amédée
le Jeune ; mais, selon Chorier, la maison de (31ermont hérita
d'elle. On trouve cependant un Hugues d'Hauterives, cheva-
lier, en 1188 ; un Amédée et son frère Jeffrey, témoins d'un
acte avec Girard de Bathernay.
A la mort, sans enfants, de Poncet d'Hauterives, Geoffroy
de Clermont recueillit sa succession, à la condition de ne
jamais séparer Hauterives de la terre patrimoniale. Le nou-
(1) Manrique, Annal, cisterciens, — Cousin, Vies des Saints de la
maison de Clermont.
i6o SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
veau seigneur remplit d*honorables missions à la cour des
Dauphins, et son fils Aynard leur vendit, en 1340, Tindépen-
dance de sa maison, qui régna souverainement sur soixante
villes, châteaux et forteresses. Elle s'était reconnue, à Tori-
gine, vassale de Téglise de Vienne et en 1257, Amédée, un
de ses membres, reçut de Tarchevêque et du chapitre, en
fiefs rendables, les châteaux d'Hauterives et de Charmes.
Ce fut le roi Charles V qui affranchit ces deux fiefs de la
dépendance ecclésiastique, moyennant la cession de biens
entre l'Isère, 8t-Quentin, Beauvoir et les montagnes.
Le même prince abandonna ses droits sur Hauterives, en
1383, à Joachim de Clermont, fils d*Aimar, tige de la bran-
che de Surgères et Dampierre. Toutefois, sa postérité ne
garda pas longtemps Hauterives, car François et Marie de
Clermont, enfants de Joachim, le vendirent en 1467 à Geor-
ges de Poisieu, écuyer, favori de Louis XI, avec l'approba-
tion du roi et ensuite de Charles VIII.
Etienne de Poysieu, bailli des montagnes, mourut en 1499,
laissant une fille unique, mariée avec Claude de St-Priest,
baron de St-Chamond, née d'un premier mariage de Jean de
St-Priest avec Jeanne de Tournon.
Ce Jean de St-Chamond unit sa fille Anne, sœur de Claude,
avec Louis Adhémar de Monteil, seigneur de Grignan, lieu-
tenant général en Provence, surintendant des galères et
vaisseaux de France. Le Bulletin de la. Société a donné de
nombreux détails sur ce puissant personnage, grâce aux
consciencieuses recherches de M. l'abbé Fillet.
Le seigneur de Grignan n'ayant pas eu de postérité, Hau-
terives fit retour aux St-Chamond. Gabrielle de St-Priest le
porta à Jacques de Miolans, son mari, et tous deux vendirent
le fief et le château, le 14 octobre 1596, à noble Amieu de
Borel, seigneur de Ponsonas, gouverneur de Soissons et du
Soissonnais, pour 16,666 écus d'or sols et 2/3 d'écu, plus 250
d'épingles L'acquéreur épousa Madeleine de Claveyson et eut
d'elle Charles, mestre de camp d'infanterie, mort célibataire .
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. l6ï
après avoir fait construire le château actuel vers 1650, et
Jean, continuateur de la famille.
A ce dernier succéda André P' ; à André I", André II ; à
André II, Pierre ; à Pierre, André-Charles, marquis d'Hau-
terives, qui vendit la seigneurie à François de Chastelard,
le 29 juilkt 1783, au prix de 148,585 livres, plus 600 d*étrennes.
Les Affiches du Dauphiné, journal hebdomadaire de Gre-
noble, de Tannée 1775, annoncent cette vente dans les ter-
mes suivants :
« Une belle terre, composée de quatre clochers qui sont
Hauterives, St-Germain, Treigneux et Tarsane, le tout
contigu, sauf Tarsane, dans une des plus belles vallées de
la province (celle de la Galaure), où Ton respire un bon air.
Hauteriyes en est le chef-lieu, où il y a un magnifique châ-
teau, presque neuf et bien distribué, autour duquel est un
vaste jardin potager avec un beau verger, un superbe bos-
quet.... etc. »
La vente aura lieu le 10 juin 1794 et le prix sera délégué
aux créanciers du seigneur.
Après cette évocation sommaire des anciens possesseurs
d'Hauterives, est-il permis, de bonne foi, de n'attacher au-
cune importance à son château vieux ? N*a-t-il pas eu ses
illustrations, ses vicissitudes, ses joies et ses infortunes
comme toute demeure humaine ?
Une légende transmise par TArioste va compléter cette
étude un peu fastidieuse.
Un comte Anselme, venu de Mayenne et son fils Pinabel
avaient fait de leur château une prison. Quiconque osait en
approcher se voyait appréhendé et retenu captif. Le sexe,
rage, la gloire, rien ne trouvait grâce à leurs yeux. Or, à
cette époque, des chevaliers errants et des amazones parcou-
raient la France, isolés ou réunis, pour chasser les Sarrasins
et faire rendre justice aux opprimés. Un jour, la coutageuse
Bradamante, attaquée par Pinabel, retendit mort sur le
sol. Aussitôt le comte irrité fait dresser un bûcher devant sa
2*" Série. XXX» Volume. — 1896. 11
I
Ib2 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
demeure, et le prince Zerbin, accusé par une magicienne
d*avoir tué Pinabel, allait périr au milieu des flammes. Déjà
les valets d'Anselme enchaînaient la victime au poteau fatal,
quand un bruit d'hommes et de chevaux se fit entendre :
c'était le paladin Rolland et sa troupe qui venaient deman-
der raison au comte de ses brigandages. Zerbin est remis en
liberté et Anselme brûlé à sa place.
Tout cela est assez tragique ; mais l'imagination de l'Arioste
n'a-t-elle pas inventé de toute pièce l'épisode d'Hauterives ?
Les habitants de la seigneurie, comprenant St-Germain,
Hauterives, Tersanne et Treigneux, ont aussi une histoire
qui nous permettra d'exposer la condition des laboureurs
dans les siècles passés.
(A continuer)
A. Lacroix.
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. ï63
ESSAI
DE
BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE
(Suite. — Voiries 102*, 103% 104", 105% io6% 107*, 108% 109*,
110% m*, 113*, 114*, 115» et ii6* livr.)
228. — Bréviaire gothique de S. Barnard^ imprimé en
i5i8.
Nous n'avons pas le titre exact de ce doyen de la Biblio-
graphie romanaise, aucun des quelques exemplaires que
Ton en connaît n'étant complet, et les premiers feuillets
manquant chez tous. Celui qui a été donné à la Biblio-
thèque nationale pat M. Giraud porte, tracé en rouge et
noir par une main du XVIP ou du XVIIP siècle, le titre
suivant sur un feuillet ajouté : Breviarium Ecclesiœ S.
Barnardi de Romanis. Impressum Meymanis. MDXVIII.
Il est coté, dans le classement de notre grand dépôt natio-
nal, P. z., 267, 29.
C'est un gros volume de format grand in- 16, imprimé
sur deux colonnes, de 32 lignes à la page, en caractères
gothiques de deux grandeurs entremêlées (10 et 12 points).
Outre les rubriques, qui sont fort nombreuses, les titres
courants, en tête de chaque page, sont en rouge. La jus-
tification mesure io5 millim. sur 71, non compris le titre
courant et la signature.
Les 9 premiers feuillets, comprenant le litre, le calen-
ib4 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
drier et quelques liminaires, ne sont pas chiffrés. La pagi-
nation ne commence qu'au psautier; elle est marquée en
chiffres romains et comporte ccccclvi (556) ff. Les six
premiers cahiers portent des signes de fantaisie ; les sui-
vants, jusqu'à la fin, sont marqués des signatures A-X,
aa-zz, tous de 4 ff., sauf un cahier qui est de cinq.
A la suite du calendrier est une longue rubrique ou
nota, comprenant trois pp. et demie, imprimées en rouge,
avec de fortes abréviations. Les lignes vont aux extrémi-
tés de la page, sans être disposées en colonnes, comme
dans le corps du bréviaire. Après cela viennent :
(® Le psautier (fol. i), suivi des litanies et des hymnes.
Cette partie, par laquelle s'ouvre le Bréviaire, est précé-
dée de la solennelle introduction qui suit : In nomme dni
nri Jesu Christi, Incipit ^reviarium seu ordo dicendi
horas ad usum insignis ecclesie collegiate beati Barnardi
de T{omanis^ sacrosancte romane ecclesie immédiate sub-
jecte^ ab eodem sancto ^arnardo^ Viennensi Archiepis"
copo^ in honorem sanctorum apostolorum Pétri et Paulin
necnonsanctorum Severini^ Exuperii et Feliciani, in ipsa
quiescentium^ fundate. La rubrique se continue par une
recommandation pieuse au prêtre qui va réciter l'ofiBce,
l'invitant à se recueillir préalablement, pour ne pas être
comme un homme qui tente Dieu, avec un petit directoire
pour commencer matines.
2® Le propre du temps (fol. cvii), en tête duquel est une
formule d'introduction dans le genre de la précédente.
Elle est ainsi conçue : In Christi nomine. Amen. Incipit
Brepiarium secundum usum insignis ecclesie collegiate
beati Barnardi de ^omanis^ in Viennensi diocesi site,
y Le propre des saints (fol. ccclxi), avec cette rubri-
que, imprimée sur le feuillet précédent : Incipiunt festi-
vitales sanctorum per anni circulum...
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. l65
3^ Le commun des Saints (fol. cccccxxxiii, v®): Inciptt
commune sanctorum officia propria non habentium.
Il y a, au fol. 3, après la rubrique qui précède le psautier,
une grande gravure en xylographie grossière,qui représente
le saint roi David agenouillé et jouant de la harpe devant
le Seigneur, qui lui apparaît à mi-corps dans une nuée,
tenant dans la main le globe du monde sommé de la croix.
Une sorte d'encadrement dans le goût de la Renaissance
entoure la page, et avec la gravure, l'occupe presque tout
entière. Le B du Beatus vir s'étend depuis la vignette jus-
qu'à la bordure d'en bas, de sorte qu'il n'y a plus de place
à cette page que pour le premier verset du psaume et le
commencement du second. Cette première vignette, avec
ses accessoires, est la plus belle de toutes. L'encadrement
n'en a pas été répété.
Cinq autres gravures de la même dimension se rencon-
trent dans le propre du temps :
r Au commencement, fol. cvii, en tête du premier di-
manche de l'A vent , après une page blanche , Notre-
Seigneur entrant à Jérusalem, monté sur un âne dont il
tient la bride de la main gauche, pendant qu'il bénit de la
droite. Personnages venant à sa rencontre, dont un appa-
raît mitre à travers des arceaux. C'est sans doute un doc-
teur de la loi. Dans l'encadrement, un arbalétrier tire sa
flèche vers un oiseau perché dans des branches. Initiale
noire E.
20 A la fête de Noël (fol. cxxxii, v*), la Nativité de N.-S.
L'Enfant-Dieu est couché par terre ; la Ste Vierge et S.
Joseph sont agenouillés devant lui ; le bœuf et Tâne man-
gent dans la crèche -, une étoile brille dans l'angle droit.
Encadrement à personnages assez nus, genre Renaissance.
Deux anges tiennent, au bas de la page, un écusson vide.
Fort belle initiale en rouge, P.
«^^
l66 SOCIÉTÉ d'archéologie et pE STATISTIQUE
y Au saint jour de Pâques (fol. ccxxxix), la scène de la
Résurrection. N.-S. sort du tombeau, tenant en main une
longue croix ornée d'une banderolle. Un personnage, qui
est sans doute un ange, mais dont les ailes sont cachées,
soulève le couvercle du sépulcre, tandis que trois autres
représentent des soldats, dans des postures assez curieuses,
faisant des gestes d'étonnement. Encadrement en colon-
nades. I majuscule rouge.
4® A l'Ascension (fol. cclxvi, v"*). Les Apôtres, debout,
lèvent la tête, et l'on voit la partie inférieure du corps de
N.-S., depuis les jambes, montant au ciel. Au bas, sur le
sol, est l'empreinte de ses pieds. Encadrement à pilastres,
avec rinceaux. Belle lettre rouge P.
5* A la Pentecôte (fol. cclxv). La sainte Vierge est au
milieu des Apôtres. L'Esprit-Saint apparaît au-dessus
d'eux en forme de colombe, projetant autour de lui des
langues de feu. Encadrement comme au n® 3. L'écusson
qui est au bas porte, dans l'exemplaire de M. le chanoine
Ul. Chevalier, le nom de Carolus Blache^ qui est répété
à l'écusson du n"* suivant.
Dans le propre des Saints, les gravures sont plus nom-
breuses ; mais quelques-unes sont moins grandes et ne
consistent que dans une petite vignette accompagnant la
majuscule initiale. Après les rubriques préliminaires, qui
laissent une colonne et demie en blanc, il y a :
6** Au fol. cccxLi, deux petites vignettes juxtaposées
représentant d'un côté, S. André, dont l'office ouvre le
propre des Saints, et de l'autre, S. Pierre et S. Paul. En-
cadrement à personnages nus, comme au n® 2. Les anges
et l'écusson qu'ils soutiennent n'ont pas la même forme.
La lettre initiale rouge I est de moitié plus petite, mais
fort élégante.
7* Au fol. cccLxxxvi, en la fête de S. Barnard (23 janv.).
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 167
ledit saint nimbé, en chape et en mitre, tenant à la main
gauche une longue croix, et de la droite bénissant. A l'an-
gle droit inférieur, un écusson porte les armes du cha-
pitre, mais sans la tour qui en complète Tameublement.
Encadrement à pilastres. Lettre initiale rouge E.
8<> Au fol. cccLXxxxix, V*, en la fête de S. Ignace, mar-
tyr (i**^ février), ce saint en chape et en mitre étendu par
terre, sa crosse à côté de lui, et dévoré par quatre lions.
En haut, on lit : 5. Ignacivs^ en caractères latins. Enca-
drement en demi-losanges. Initiale rouge P.
9® Au fol. cccviu, V®, office de la dédicace de Téglise de
St-Barnard (12 février) : un évêque en chape et en mitre,
tenant la croix ou bâton pastoral de la main gauche, et
bénissant de la main droite, devant une église plus petite
que lui. Encadrement comme au n** 4.
10* Au fol. ccccxix, en la fête de la Translation de S.
Barnard (22 avril), avant le capitule des premières vêpres,
une petite vignette représentant un évêque en chape et en
mître, tenant d'une main la crosse, et de Tautre, un livre
ouvert.
1 1* Au fol. ccccxxxviii, V**, en la fête des SS. Apôtres
Pierre et Paul, petite vignette représentant lesdits Apô-
tres, la même qui est au n® 6.
12® Au fol. cccGL, Translatio Sancti Anatorii^ abbatis
et confessoris (9 juillet), un religieux debout, tenant de la
droite la crosse abbatiale, et de la gauche, un livre ouvert ;
il paraît marcher dans un paysage semé de fleurs. Enca-
drement comme au n® 3. Lettre initiale rouge P.
i3® Au fol. ccccLxx, V*, en la fête de l'Assomption,
deux petites vignettes juxtaposées. Tune représentant la
Sainte Vierge transportée au Ciel par les anges, et l'autre,
la Sainte Trinité reposant sur trois têtes d'anges. Enca-
drement comme au n** 4. Belle initiale rouge E.
i68 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
14* Au fol. ccccxcv, v% en la fête de S. Maurice (22
septembre), ledit saint avec une armure de chevalier du
moyen-âge, l'épée au côté et une hallebarde à la main
droite, au milieu d'un paysage fleuri. Encadrement comme
au no 3, avec les ornements en sens inverse. Lettre ini-
tiale A.
i5" Au fol. cccccxxiv, fête des Saints Martyrs Séverin,
Exupère et Félicien (19 novembre), trois personnages en
dalmatiques, avec une palme à la main, coiffés d'une toque
et nimbés. Même encadrement que le précédent. Lettre
initiale A.
Mais la partie la plus intéressante de ce quasi-incunable
est peut-être lecolophon qui le termine. Il est ainsi conçu :
Breviarium ad usum insignis et collegiate Ecclesie Sancti
Barnardî de Romanis, scte Romane Ecclesie imediate subjecte
finit féliciter. Et quia breviaria dicte ecclesie nunq\ alias
fuerunt impressa^ atiedentes egregii venerandique près dni de
capitula dicte ecclesie quod tam ex indebita ordinatione bre-
viariorum per pridem ad manu scriptorum quam ex discrepan-
tiis antiquar/ rubricar/ officîû debito modo dici no poterat^
presertim ab eis quos exjusta causa dictam ecclesiam absen^
tare contingit., deputaverunt egregium (sic) et venerabiles vi-
ros dnos Antonium dePlastro^ canonicum et claverium, Gui-
gonem Reymondi, thesaurariu^ Karolum de Ar^ago, hebdo-
madartuet subcabiscolum, Humbertum Milhardi, Guilherniu
Alexi et Antoniu Guiffredi, pEros incorporatos et ab infantia
in dicta ecclesia nutritos, ad tollendum errores et discrepan-
tiaSy declarandûq:[ ea "q prius dubia videbantur. Qui sagaci
indagine opus hoc correxerut. Fuit autT incepta impressio
in dicto oppido ^e Romanis, etfinita in loco de Meymanis (i),
(1) Meymans est une paroisse du canton du Bourg-de-Péage, située à 13
kiiom. de Romans. Le motif de la migration de Jean Belon dans ce village,
au milieu de son travail, est la peste, qui sévissait alors dans la ville. Il se
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 169
in domo prefati dni Reymondi^ sumptibus prefati venerabilis
capitulif arte vero et industria honorabilis viri Joannis Bellon,
civis Valentie^ impressoris. Adnno (sic) incarnate Deitatis
Millesimo quingentesimo decimo octavo, die septima jullii.
i\t long colophon, imprimé en rouge, sauf les mots
soulignés, qui sont en noir, occupe la dernière page du
volume. Au bas est la marque de l'imprimeur Jean Belon :
ce sont les initiales J B reliées entre elles par les bras d'une
presse dans une sorte d'écusson en forme de cœur; en
pointe est une feuille de trèfle.
Le texte du bréviaire finissant au feuillet précédent, le
recto de celui-ci présente le Regestrum alphabet i^ c'est-
à-dire l'indication des signatures.
On possède le bail à prix-fait du chapitre de St-Barnard
avec Jean Belon pour l'impression du Bréviaire. M. l'abbé
Chevalier nous donnera bientôt le texte de ce curieux do-
cument, qu'il a relevé dans le registre des délibérations du
chapitre, et dont, pour ce motif, il se réserve la primeur.
Nous nous bornerons à dire ici que le Bréviaire devait
être tiré à 600 exemplaires. Or, de ce nombre relative-
ment considérable, il ne reste plus maintenant que qua-
tre exemplaires connus : un à la Bibliothèque nationale,
un autre dans celle de M. Giraud, un troisième entre
les mains de M. le chanoine Ulysse Chevalier, et le qua-
retira avec son petit attirail portatif d'imprimerie, dans un domaine que pos-
sédait en ce lieu le chanoine Reymond, et que l'on croit être celui de Pai-
Ihassier, situé non loin du hameau de Pas-Pélissier, sur la commune de
Chatuzanges. Meymans s'étendait autrefois bien davantage de ce côté-là, et
son territoire était assez considérable pour nécessiter la présence d'un vicaire
pour le service de la paroisse. Aujourd'hui ce lieu, dont le Bréviaire de St-
Barnard a fait entrer le nom dans les annales de l'imprimerie, n'est plus
qu'une section de la commune de Beauregard, peuplée d'environ 600 habi-
tants.
lyo SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
trième, signalé tout récemment à notre savant collègue,
au Petit-Séminaire de Tours. Ce dernier, le mieux con-
servé de tous, provient de l'ancienne abbaye de Marmou-
tiers. C'est le seul qui ait conservé le colophon. M. l'abbé
U. Chevalier l'a fait photographier avant de rendre le vo-
lume, qui lui avait été communiqué. La découverte de
ce quatrième exemplaire a été signalée dans VImpartial
de Romans du 19 février 1891, reproduit par la Semaine
religieuse de Valence du 27 (tome II, p. ibi).
Il est à remarquer que le Bréviaire seul de St-Barnard
a été imprimé, et non le Missel, qui est demeuré inédit.
On sait que, vers la même époque, la plupart des églises
firent imprimer à la fois leur Bréviaire et leur Missel :
c'est ainsi que, pour nos contrées, on possède ceux de
Valence, de Die, de St-Ruf, de Grenoble, de Vienne, etc.
Pour St-Barnard, le manuscrit même du Missel a disparu.
On conservait autrefois à la sacristie de la collégiale
une dizaine de volumes manuscrits, de format in-4% rédi-
gés au dernier siècle. Ils contenaient le chant des diffé-
rentes parties de l'OflBce : graduel, vespéral, procession-
nal, etc. Ces volumes ont disparu par l'incurie d'un curé
de St-Barnard ; quelques-uns ont été recueillis par diffé-
rents amateurs, qui les ont ainsi sauvés de la destruction ;
mais il sera difficile d'en rétablir la collection, et surtout
de s'assurer qu'elle est complète.
(A continuer.) Cyprien PERROSSIER.
NOTICE LITTÉRAIRE
SUR
MONSEIGNEUR VIGNE
Archevêque d'Avignon.
La Société d'Archéologie vient de perdre, en la personne
de Mgr Vigne, un de ses membres de la première heure,
qui lui demeura fidèle même après sa séparation de la
mère-patrie. Le vénéré Prélat, qui a laissé dans la Drôme
de si sympathiques souvenirs, prendra rang désormais par-
mi ses illustrations et demeurera une de ses gloires. A l'oc-
casion de sa mort, les organes de la presse religieuse ont
été unanimes à publier son éloge, et la plupart des jour-
naux politiques y ont fait écho. Des notices plus ou moins
étendues ont paru en grand nombre à ce moment et ont
fait connaître ce que fut notre regretté compatriote, tant
dans son administration épiscopaleque dans sa vie privée.
Nous résumerons rapidement ici ses états de service et ses
principales dates, en nous arrêtant plus spécialement sur
la première période de sa carrière sacerdotale, antérieure
à répiscopat, laquelle s'est passée au milieu de nous, et
dès lors nous appartient tout entière.
Joseph-Marie-Louis-Angé Vigne naquit à Grignan, le
i5 décembre 1826, d'une honorable famille qui avait déjà
donné des prêtres à l'Eglise, quoiqu'elle fut d'origine pro-
172 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
testante. Il fit ses premières études au presbytère de St-
Mareel-lès- Valence, auprès de M. Jouve, curé de cette
paroisse, ancien vicaire de Grignan. En 1842, il entra en
seconde au Petit^Séminairc de Valence, d'où il passa, qua-
tre ans après, au Grand-Séminaire de Romans. Il y fut
ordonné prêtre le 25 mai i85o, avec onze autres, dont il
ne reste plus que deux survivants. Il fut alors nommé pro-
fesseur à la maîtrise et directeur des enfants de chœur de
la cathédrale, d'où il passa au Petit-Séminaire en qualité
de professeur de seconde, à la rentrée de Tannée scolaire
i85i. De 1854 a i858, il occupa la chaire de rhétorique.
Des motifs de santé l'ayant obligé de quitter l'enseigne-
ment, il devint, en août i858, aumônier des religieuses de
la Nativité de Valence, qu'il dirigea jusqu'en 1866, épo-
que où Mgr Gueullette, arrivant à Valence, le prit pour son
secrétaire particulier. A peu de temps de là, en décembre
de la même année, il remplaçait M. Tabaret comme vicaire
général. C'est dans ces fonctions qu'est venu le prendre un
décret présidentiel du i**^ mars 1876, le nommant à l'évê-
ché d'Oran. Préconisé pour ce siège dans le consistoire
du 3 avril suivant, il fut sacré par Mgr Cotton dans la ca-
thédrale de Valence, le 27 du même mois. Son entrée
officielle à Oran, qui eut lieu vers la mi-juillet, fut des plus
solennelles. Un décret du 3i janvier 1880 le transféra à
l'évêché de Digne, et un autre, du i3 janvier i885, à l'ar-
chevêché d'Avignon. C'est dans l'ancienne ville des Papes
qu'il s'est éteint, après une longue et pénible maladie, le
9 novembre i8q5. Il a donc occupé ce dernier siège un
peu plus de dix ans, et porté le caractère épiscopal exacte-
ment dix-neuf ans, six mois et treize jours.
Ce que fut pendant cet intervalle le pontife et l'adminis-
trateur, d'autres l'ont dit. Nous ne le répéterons pas. Nous
NOTICE LITTÉRAIRE SUR MGR VIGNE. Iji
dirons seulement que la note distinctive de son adminis-
tration, comme de son caractère, fut une grande douceur
et une exquise bonté. Aussi Mgr Vigne a-t-il été unani-
mement regretté dans les trois diocèses qu'il a successive-
ment dirigés. On raconte que, se trouvant à Rome en
décembre 1879, ^^ compagnie du P. Abram, son diocé-
sain, directeur de l'Orphelinat de Misserghin, celui-ci se
mit à pleurer comme un enfant lorsque Mgr Forcade, ar-
chevêque d'Aix, qui s'y trouvait en même temps, vint
annoncer à son futur sufifragant qu'il allait être nommé à
l'évêché de Digne, et l'en féliciter le premier, comme son
métropolitain. A Oran, Mgr Vigne avait trouvé un de ses
anciens collègues du Petit-Séminaire de Valence, M. Tabbé
Hemmerlin, prêtre alsacien, qui était allé fonder là-bas
après la guerre un petit village avec une colonie de ses
compatriotes, dont il était devenu le curé. Dès son arri-
vée, le bon Evêque le nomma chanoine honoraire de sa
cathédrale, tout en le laissant dans sa chère paroisse de
Sainte-Léonie.
Nous ne mentionnerons de son séjour à Digne que la
création d'une Semaine religieuse. Son séjour dans ce petit
évêché fut de cinq ans, mois pour mois. Arrivé à Avi-
gnon, Mgr Vigne, en devenant notre métropolitain, re-
devint tout à fait nôtre. Il fut de toutes nos fêtes, et un
bon nombre eurent lieu chez nous à son occasion. De son
palais à la maison paternelle, il n'y avait qu'un pas :
l'archevêque le franchit souvent. Le lo juillet 1886, il
assistait aux fêtes des noces d'or du vénérable archi-
prêtre de Grignan, et le 26 février 1888, il présidait à
l'inauguration de l'ancien orgue monumental de l'église
collégiale, restauré et remis à neuf ; il avait largement
contribué à cette réparation. Notons aussi qu'il fit dans
174 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
cette même église une ordination avant son départ pour
Oran, en juin 1876, et qu'il y donna la confirmation le
25 avril 1880. Il devait y revenir pour les funérailles de
sa mère, qui eurent lieu avec une grande solennité le 12
juin i885. — Deux ans de suite, en i885 et en 1886, il
présida au pèlerinage de N.-D. de Fresneau le 8 septem-
bre ; la seconde fois, il s'y trouvait entouré de trois de ses
suffragants, NN, SS. de Valence, de Montpellier et de
Nîmes, à l'occasion de la plantation d'une croix de Jéru-
salem sur le coteau qui domine le sanctuaire. On le vit
souvent aussi aux réunions des anciens élèves du Petit-
Séminaire, même lorsqu'il était à Oran. Notons encore,
pour ne pas sortir du département, qu'il bénit la première
pierre de la nouvelle église d'Aouste le 8 juillet 1877,
qu'il inaugura l'aumônerie militaire au camp du Chaffal,
en la personne de M. Claudius Fiard, le i5 du même mois,
et qu'il fit une ordination au Grand-Séminaire de Romans
le 19 mai i883.
Il résulte d'une lettre confidentielle adressée à son ami
l'abbé Rodillon, curé de St-Donat, qu'il refusa, en 1884,
l'évêché d'Arras. Il aurait été aussi question de lui, dit-on,
pour l'archevêché de Bordeaux l'année précédente.
Notre intention n'est pas d'apprécier en Mgr Vigne
l'évêque et l'administrateur ; nous n'avons pas, du reste,
qualité pour cela. Une petite étude sur ses œuvres litté-
raires sera mieux de mise ici. N'étant encore que profes-
seur au Petit-Séminaire, l'abbé Vigne avait déjà un nom
dans la République des lettres : il cultivait avec succès la
poésie, et il a publié, dans la modeste revue qui paraissait
alors à Valence, VAmi des Familles^ bon nombre de pièces
qui font le plus grand honneur à son talent. Nous en avons
relevé 42 dans Vo/imi des Familles et 1 3 dans la Famille
NOTICE LITTÉRAIRE SUR MGR VIGNE. 176
Chrétienne^ qui lui succéda sous la direction de M. le
chanoine Nadal, son compatriote et son ami. Dès i865,
il en avait envoyé quelques-unes à la Revue des biblio-
thèques paroissiales cV Avignon^ sa future Semaine reli-
gieuse. Nous en trouvons deux dans le tome V : Oest mon
pays! (n® du 3o avril, p. 218), et : Le Poète et la Feuille
(n® du 3ï mai, p. 266). Le Rosier de Marie, revue litté-
raire et pieuse qui a joui d'une certaine vogue, a repro-
duit plusieurs des compositions de M. Vigne, tant poéti-
ques qu'autres ; mais nous ne croyons pas qu'il en ait
donné d'inédites. Nous avons relevé entre autres, dans le
n® du 27 février 1864 (t. IX, p. 862), une pièce intitulée:
Mort et immortalité^ parue dans VAmi des Familles du
14 février 1864 (t. III, p. 1 19), et qui a été rééditée de-
puis, comme Tune de ses meilleures inspirations, par la
Semaine religieuse de Viviers du 17 janvier dernier
(t. XIV, p. 669), pour honorer la mémoire du vénérable
pontife qui venait de mourir. La Croix de la Drame a
publié, dans le même but, une de ses poésies inédites,
iVbèV, dans son n** du 29 décembre 1896. Elle est tirée du
portefeuille de l'ancienne académie du Petit-Séminaire
de Valence, dont notre regretté métropolitain fut l'un des
membres les plus distingués, et qui renferme encore un
certain nombre de pièces émanées de sa jeune et déjà
brillante plume. Il en était secrétaire en 1846, année de sa
philosophie. Un autre morceau tiré du même recueil. Le
dernier chant d'Isaïe^ a été inséré dans les Ephémérides du
Petit-Séminaire^ année 1886-87, pp. 44-5o; il avait été
lu à la séance littéraire de l'Académie du 28 juillet 1846.
Notons qu'à cette même séance, Ange Vigne produisit une
autre composition d'un genre tout différent : La ^atra^
chomyomachie traduite en vers français^ et qu'à celle qui
176 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
précéda la distribution des prix à peu de jours de là, le
18 août, il en donna une troisième, de grande et belle en-
vergure, intitulée : La fin des temps, ou Dieu réparant les
ruines de Vunivers à la prière des élus. Ajoutons en-
core que dans le palmarès de cette même année, qui était
la dernière de son Petit-Séminaire, Louis-Ange Vigne^
de Grignan^ figure pour le premier prix d'argumentation
et pour le i" accessit de dissertation latine et française,
dont le prix lui fut enlevé par un redoutable concurrent,
qui, depuis, a fait ses preuves : Charles-Louis Barnave^
de Saillans. Aux concours d'Académie, il remporta le prix
unique des séances littéraires particulières et le premie^.
prix de composition française des séances publiques, ne
laissant à son terrible antagoniste que le prix de compo-
sition latine et un 2® accessit de composition française,
Joseph-Emile Régnault (qui a su aussi depuis tracer son
sillon) s'étant emparé du premier. Comme on le voit, il y
avait dans cette classe de rudes jouteurs. — A ces différents
lauriers philosophiques et littéraires vinrent s'ajouter, à la
même distribution, un prix d'astronomie, un deuxième
accessit de physique et une mention pour chacun des deux
examens (i).
La muse de Mgr Vigne est calme et douce, comme
l'était toute sa personne ; elle se complaît surtout en des
peintures gracieuses, en des contemplations méditatives,
en des considérations pieuses. Jamais elle ne s'emporte en
(i) Nous noterons en passant que, entre sa rhétorique et sa philosophie,
il s'écoula un an entier, le fâcheux état de sa santé Tayant obligé d'inter-
rompre le cours de ses études. Aussi le palmarès de 1845 ne fait-il aucune
mention de lui. Dans celui de 1844, année de sa rhétorique, nous n'avons
relevé à son actif que deux accessits, dont un d'examen. Nous n'avons pu
consulter le palmarès de 1843, qui est l'année de son entrée au Petit-
Séminaire.
^4
NOTICE LITTERAIRE SUR MGR VIGNE. I77
grands élans. Ses pensées sont délicates et empreintes le
plus souvent d'une légère teinte de mélancolie ; ses images
sont colorées et vivantes, ses vers coulants et bien frap-
pés, la rime riche, la mesure pleine d'harmonie. On pour-
rait comparer ses poésies à un ruisseau qui coule en mur-
murant sur un sable doré, à l'ombre des saules et parmi
de riantes prairies. Comme Delille, il a été le chantre de
la nature, mais en projetant sur ses tableaux beaucoup
plus de rayons d'en haut. Un brin d'herbe humecté de
rosée, une fleur qui étale ses vives couleurs et répand son
parfum, l'oiseau qui chante, l'étoile qui brille, l'orage qui
gronde: tout cela émeut son âme de poète et fait vibrer sa
lyre ; il sait saisir et exprimer, dans chacun de ces specta-
cles, la pensée morale qui s'en dégage. Dans cet ordre
d'idées, les pièces suivantes sont autant de petits chefs-
d'œuvre : UOiseau voyageur^ la Tempête^ les deux Prin-
temps^ le Nuage^ A mes oiseaux chéris^ la Feuille^ etc.
Mais là où il excelle tout particulièrement, c'est dans la
peinture du cœur humain et des différentes passions qui
peuvent l'agiter ; il sait y mettre en jeu les plus nobles sen-
timents, comme un artiste habile qui fait jaillir de son ins-
trument les sons les plus agréables et en tire les plus sua-
ves harmonies. La note dominante de sa lyre, qui perce à
travers toutes les autres, c'est la sensibilité; aussi les sujets
qu'il traite de préférence, et dans lesquels il se sent tout à
fait à l'aise, sont ceux qui touchent et émeuvent, et qui
remuent les fibres les plus intimes du cœur, comme les
grandes douleurs morales, les circonstances solennelles de
la vie, les scènes de famille, joyeuses ou tristes, ces der-
nières surtout ; il s'y montre peintre de mœurs. Dans les
tableaux qu'il fait des misères de l'homme mises en regard
de ses éternelles destinées et des grandeurs de Dieu, il
2*» SÉRIE. XXX« Volume. - 4896. 12
lyS SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
s^élève parfois à des considérations de la plus haute et de la
plus saine philosophie, nous allions dire théologie. Il nous
serait facile d'apporter de nombreux exemples à l'appui de
ces appréciations. La Semaine religieuse de Valence^ sous la
plume élégante de M. le chanoine Bouloumoy, en a publié
un certain nombre dans une charmante étude intitulée :
Souvenirs littéraires de Mgr Vigtie^ parue dans le n** du
7 décembre i895'(t. VI, pp. 769-72) ; nous y renvoyons le
lecteur. Nous nous bornerons à citer les titres de quelques-
unes des pièces qui appartiennent à cette seconde catégo-
rie, laquelle est de beaucoup la plus nombreuse : Deux
Destinées^ le Fils de la veuve^ le Missionnaire à sa mère^
la Moissonneuse fatale^ le Rêve de l'exilé^ Consolations à
une mère, la Veille de l'ordination (à M. Tabbé Didelot),
le Jour des Morts ^ la Douleur, V Espérance^ etc., etc.
Lès sujets religieux proprement dits sont non moins
abondants : le Vœu d'une mère^ Noël^ A la Croix^ les
'Bergers de Bethléem^ A Notre-Dame d'Espérance (can-
tique), VAme chrétienne. Prière à Marie ^ V Assomption {i\
la Croix de la colline^ Prière à S. Joseph, Gloria in ex-
celsis Deo^ le Cantique de Siméon^ les Présents des Ma-
ges^ le Nom de Marie^ Jésus^ Marie, Joseph (acrostiche),
Jésus mundi Salvator (item), etc.
Les pièces suivantes sont animées d'un souffle patrioti-
que et présentent une allure quelque peu guerrière : Le
Retour du Soldat^ A nos vaisseaux de l'expédition de
Cochinchine (16 nov. i858), le Rêve du Soldat^ la Chan-
son du vieux Matelot. Dans celles-ci, le poète se montre
surtout moraliste : Oui^ non, Sagesse^ les ^eux Prin-
(i) Toutes les pièces qui précèdent se trouvent dans VAmi des Familles.
Les titres qui suivent sont tirés de la Famille Chrétienne où Ton ne voit,
sous sa signature, que des sujets religieux.
NOTICE LITTERAIRE SUR MGR VIGNE. 17g
temps ^ Jadis et aujourd'hui ou le Progrès^ Aux Poètes {i\
les Trois Compagnons^ Souviens-toi que tu dois mou-
rir^ etc.
En voici quelques autres d'un genre différent : Le Chant
des Moissons {caLtitatt du Petit-Séminaire pour i856), le
Moiw^ (légende), la Case du seigneur maudit (itQm)^ Trahit
suaquemquevoluptas, charmante fantaisie. Enfin, mention-
nons encore le Vœu que formulait le professeur de rhéto-
rique, et que le pontife a si bien réalisé, tant à Oran et à
Digne qu'à Avignon. Nous ne pouvons résister au plaisir
de le citer, afin que l'on y voie tout à la fois et le beau
talent de notre illustre compatriote et les nobles aspira-
tions de son cœur :
Il est doux de marquer sa route
Par des bienfaits à chaque pas,
Et de répandre goutte à goutte
Des bienfaits que Ton ne perd pas I...
Oui, si la fortune prospère
Souriait un jour à mes vœux, .
Oui, je voudrais être le père,
L'appui de tous les malheureux.
Et, semblable à ces fleurs vermeilles
Qui laissent cueillir, dans les champs.
Leur miel à toutes les abeilles,
Et leurs parfums à tous les vents,
Trop heureux d'acheter sur terre,
Quelques amis pour un peu d'or,
Je voudrais, à toute misère,
Faire une part de mon trésor ! (2)
(i) Cette belle poésie, parue dans VAmi des Familles du 31 août 1861,
p, 139, a été reproduite dans la Littérature Contemporaine en Province,
par M. Th. Geslain, p. 35 1 (d'abord dans le Journal de Domfront en no-
vembre 1872).
(2) L'cAmt des Familles du 30 juin 1856, p. 401.
i8o SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Ne croirait-on pas lire une prophétie ?
Comme on le voit, le répertoire poétique de Mgr Vigne
est aussi riche que varié. Plusieurs fois déjà, et plus sou-
vent encore depuis la mort du vénérable auteur, on a
exprimé le désir de voir toutes ces gracieuses poésies
recueillies en un volume, comme des perles précieuses en
un écrin. Nous ne pouvons que renouveler ici l'expres-
sion de ce vœu, dont la réalisation serait un hommage
rendu à sa mémoire, un honneur pour ses compatriotes
et une bonne fortune pour tous les amateurs de belle lit-
térature et de délicates pensées.
Mais Mgr Vigne ne fut pas seulement poète ; il fut aussi
un excellent et fécond prosateur. Il a écrit, cela se com-
prend, encore plus de p^ges de prose que de pièces de
poésie, et à ce point de vue, nous croyons qu'il n'a pas été
étudié encore. Nous ne le ferons ici que d'une manière
sommaire, à seule fin de compléter sa note bibliographi-
que, sans nous arrêter à une analyse de toutes ses produc-
tions : les limites qui nous sont imposées ne nous le per-
mettent pas.
L'abbé Vigne a donné, dans V Ami des Familles^ où il se
trouvait chez lui, un très grand nombre d'articles, dont
les plus importants occupent plusieurs numéros. Ce sont
surtout des romans religieux ou nouvelles, dont une demi-
douzaine traduits de l'anglais, des récits historiques, des
traits édifiants, des articles de chronique, et plus souvent
encore de polémique, quelques comptes rendus biblio-
graphiques, sans parler de nombreux entrefilets non si-
gnés, ou seulement de ses initiales, A. V. Les tomes XI
et XII de cette revue, qui correspondent à sa dernière
année d'existence (i86f), ont été rédigés sous sa direc-
tion et sont en grande partie son œuvre. Dans la chroni-
NOTICE LITTÉRAIRE SUR MGR VIGNE. l8l
que qui termine chaque numéro, il rivalisait de verve
mordante et d'esprit caustique avec Tabbé Isidore Ber-
trand, qui avait quitté depuis quelque temps la rédaction
pour ferrailler plus à Tai^e contre les mécréants, dans
une revue à lui, le Foyer littéraire^ qu'il venait de fon-
der. M. Bertrand s'est fait connaître depuis comme polé-
miste et comme journaliste. Nous ne répondrions pas que
son vénérable ami ne Tait pris pour modèle dans un
genre qui paraissait ne pas être le sien.
La plupart des nouvelles publiées par M. l'abbé Vigne
dans VAmi des Familles ont été rééditées par le libraire
Lefort, à Lille, auquel il en avait cédé la propriété litté-
raire. Elles ont formé les trois volumes suivants: i^ Jac-
ques le porteur (Teau^ par M. Ange Vigne. — Lille, L.
Lefort (sans date), i vol. in- 12 de 70 pp. et une vignette (i);
— 20 la Rose des Alpes ^ par M, Ange Vigne (2). [Ibidem^
1866). In- 12 de 70 pp. — Outre le sujet dont il porte le
titre, ce volume en contient trois autres : Une Mère (3),
le Baron des Adrets (4), et la Clef du Paradis (5). — 3*^
l'Emeraude de Berthe (6), par M, Ange Vigne, — Lille,
Lefort (s. d.) (A la fin : Lille, typ, L. Lefort. M.DCCC.
LXVIL) — In-8* de 167 pp. et unegrav. — Comme le
précédent, ce volume, de format plus grand et de plus
forte consistance, comprend d'autres sujets, dont deux se
(i) Cette nouvelle a paru dans VAmi des Familles^ t. II, pp. 320-7, 339-
46, 357-61 .
(3) Paru ibidem, t. III, pp. 435-9, 451-5, 471-80 et 488-97.
(3) Ce sujet ne se trouve pas dans VAmi des Familles.
(4) ... (au château de Mornas), ibidem, t. I", pp. 21 1-5.
(5) Ibidem, t. I'"", pp. 313-9, 334-9* — Cette gracieuse composition a été
reproduite par le Rosier de Marie (numéros des 25 juillet et i*' août 1863,
t. IX, pp. 358-63 et 374-9), qui Ta publiée de nouveau dans son Almanach
illustré pour 1865, pp. 163-74.
(6) Ibidem^ t. I", pp. 81-71, 102-6.
l82 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
trouvent déjà dans celui de la Rose des Alpes. En voici la
nomenclature : la Sœur du Condamné (i), l'Epreuve de la
Charité (2), Ce quun nom valut à la France (Blanche de
Castille) (3), S. Louis et les habitants de St-Saturnin-du-
Port (4), la Petite Marchande d'allumettes (5), la Fille
de V Aveugle (6), Une Mère, la Clef du Paradis.
Les nouvelles de M. Vigne présentent les mêmes carac-
tères que ses poésies : ce sont des scènes d'intérieur, dont
les acteurs sont le plus souvent des gens du peuple aux
prises avec l'adversité ou se débattant contre les réalités
de la vie. Par une conduite parfaitement honnête et un
caractère plein de droiture et de loyauté, ses personnages
inspirent la sympathie et la gagnent de plus en plus à me-
sure qu'on avance dans le récit. Leur signalement moral
comporte le plus souvent quelque acte de bienfaisance ou
de dévouement ; puis le bienveillant intérêt du lecteur est
excité et tenu en haleine par une série de circonstances
difficiles et d'épreuves pénibles dont l'issue est toujours le
triomphe de la vertu dans la personne du héros. Les rôles
sont simples, naturels et n'ont jamais rien de faux ni de
guindé ; rien non plus d'invraisemblable ni de heurté dans
les situations. Ce sont d'excellentes peintures de mœurs,
et, si nous pouvons parler ainsi, le cœur humain pris sur
le fait. On voit que l'auteur le connaissait à merveille, et
que lui-même en avait un d'une exquise sensibilité.
Le critique que nous avons cité porte l'appréciation
(i) Ibidem, t. !•', pp. 270-4, 284-95.
(2) Ibidem, t. I*', pp. 183-8.
(3) Ibidem, t. !•% pp. 65-8.
(4) Ibidem, t. II, pp. 190-4.
(5) Traduit de Tanglais, ibidem, t. VII, pp. 322-7, 348-53.
(6) Ibidem, t. Il, pp. 9-16, 29-35 et 54-7.
NOTICE LITTÉRAIRE SUR MGR VIGNE. ï83
suivante sur les œuvres morales de M. Vigne, notamment
sur celles dont les titres sont ci-dessus : « M. Ange Vigne,
vicaire général de l'évêché de Valence, nous a donné trois
intéressantes nouvelles : VEmeraude de ^erthe^ la Rose des
Alpes et Jacques le porteur d'eau. Ce n'est point dans ces
petits romans que nous trouverons des scènes d'amours
faciles ou la peinture des mœurs d'un grand monde de con-
vention; mais l'auteur, jugeant que dans les coutumesMes
pauvres gens, dans leurs habitudes, dans leur vie, il y a
une mine féconde à exploiter, a choisi ses héros chez eux,
chez ces gens honnêtes et malheureux, qui ne vivent dans
le travail et l'honneur que pour élever leur famille, et
cette peinture des choses communes n'est pas sans con-
duire à de poignantes émotions. Sans doute, de pareilles
œuvres ne sont point appelées à conduire leur auteur à la
postérité, mais elles sont utiles au point de vue moral et
religieux, source et rempart indestructible de toute civi-
lisation (i). »
Ce résultat, plus important que ne paraît le penser no-
tre critique, est le seul qu'avait en vue le digne ministre
de Dieu. Il le considérait comme bien supérieur à celui
d'une vaine renommée ; or, il a atteint l'un et l'autre. —
Outre ces articles mis en volumes, nous relèverons encore
les suivants dans la revue susdite, qui était son organe
attitré :
-y»
Tome V : La Couronne de fleurs immortelles (apolo-
gue), la Leçon de la fleur ; tome II : Une séance de VAca^
demie diabolique (5 articles) ; tome V : 5. Isidore le
laboureur ; tome VI : Une visite à V asile des Epileptiques
de Tain, le Roi-Prophète et M. de Lamartine (critique
•
(i) Th. Geslain, La Littérature Contemporaine en Province, p. 351.
184 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
littéraire), Encore un mot au sujet de Vaffaire Mortara^
le Séminaire des Missions africaines^ les Sœurs aveugles
de St'Paul^ le Palmier et la Source ; tome VII : La Petite
Fille missionnaire (trait historique), le dernier grand
Maître de Malte (traduit de l'anglais) (deux articles), le
Rosaire âf'or (item) ; tome VII : le généreux Officier C^ltm)^
Inauguration de la statue de N.-D, des Doms à Avignon^
la Prière d^ une petite fille; tome IX : Une vieille histoire^
ou le prix d'aune conversion^ traduit de l'anglais (dix-huit'
articles, dont cinq dans le tome X) ; tome X : Consolations
poétiques^ par Ant. de Sigoyer (compte rendu littéraire);
tome XI : les Epreuves de l'Eglise, la Fleur orgueilleuse
(imité de l'anglais) (r), le Schisme^ le Denier de St-Pierre^
r Œuvre de St^François de Sales (dont il était directeur
diocésain), Une Calomnie historique répétée par M. Gui-
\ot (Tuez-les tous), etc. ; tome XII : La Presse protes-
tante^ Frit\ le soldat (deux articles), le Cardinal Pôle
(item), les Ecoles dans les campagnes^ les Dernières heures
de Guillaume le Conquérant (traduit de l'anglais).
De ses communications à la Famille Chrétienne^ qu
succéda en 1864 à VAmi des Familles^ nous ne citerons
qu'un discours prononcé par lui, le 27 octobre 1872,
dans la chapelle de S. Joseph de Valence sur le décret
pontifical qui a décerné à S, Joseph^ le titre de Patron
de r Eglise universelle^ (t. IV, 6® année, p. 169-60); €t
quelques articles sur le saint Patriarche tout le long de la
pieuse revue.
(i) Cette allégorie a été reproduite par le Rosier de Marie du a janvier
1864, p. 733.
(A continuer.) Cyprien PERROSSIER.
NÉCROLOGIES
La Société a eu la douleur de perdre plusieurs de ses
membres pendant le dernier trimestre de 1896 et le pre-
mier de 1896.
Mgr vigne, l'un d'eux, a sa biographie dans la pré*
sente livraison du Bulletin.
M. Emmanuel-Charles-Henri BOREL-SOUBÉRAN,
décédé à Crest, son pays natal, le i*"^ octobre 189b, était
le fils d'un ancien membre du Conseil général de la Drôme
et de la Société d'Archéologie. Il possédait comme lui une
extrême bienveillance et jouissait de l'estime générale.
Reçu avocat, il aurait pu briller au barreau.
M. Marie-François-Joseph, comte d'ALLARD, s'est
éteint à Avignon le 20 février 1896. Ses funérailles ont
eut lieu à Pierrelatte, son pays natal, au milieu d'un grand
concours d'habitants, heureux de témoigner à leur ancien
maire leur respectueuse sympathie. Il est rare de trouver
chez un magistrat municipal plus de bienveillance et plus
de dévouement. C'était la bonté même, unie aux convic-
tions fermes et droites et toujours prêt à faire le bien.
Habitué depuis longtemps aux recherches historiques, il a
publié l'année dernière dans le bulletin de V Académie
d'^ Avignon une fort intéressante étude sur « Un favori de
Louis XIII^ Esprit Allard^ sieur des Plans^ marquis de
i86 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Grimaud^ baron d'Aramon et de Valabrègue et com-
mencé dans le Bulletin de notre Société un travail plein
de recherches sur le baron de La Garde, Escalin des
Aimars.
Sa mort prématurée n'arrêtera pas la publication de
cette biographie, car nous avons en mains le manuscrit
entier.
M. le comte d'Allard recherchait moins l'élégance du
style que la vérité des faits. Il s'exprime clairement et sim-
plement et, dans ses écrits, comme dans sa vie privée et
publique, demeure toujours homme de bien, ami de la
vérité et de la justice.
Une autre mort cruelle est celle de M. le chanoine
ROUCHIER (Jacques), doyen du chapitre de Viviers,
arrivée le 3o mars 1896. Il fit partie de notre Société à
ses débuts et son Histoire civile et religieuse du Vivarais
le plaça bien vite au premier rang parmi les savants et les
écrivains. Un volume seulement de ce bel ouvrage a vu
le jour, et si le vénérable défunt ne laisse en manuscrit
que quelques parties importantes de son œuvre inache-
vée, il sera bien difficile de lui trouver un continuateur
aussi éclairé et aussi remarquable.
A. Lacroix.
CHRONIQUE. 187
CHRONIQUE
M. Roger Vallentin, à St-Péray (Ardèche), désire des ren-
seignements biographiques précis sur les numismatistes dau-
phinois suivants :
I® Antoine Chapuis, originaire du Viennois (1560).
2** Arnaud Pollod de Foissy, grand prévôt général du Dau-
phiné (1680).
3** Joseph-Jean-François de Vachon de La Roche, prési-
dent au parlement du Dauphiné (1690).
4® François de La Poype, comte de Serrières (XVIII*
siècle).
5* Claude Raby, dit l* Américain (XVIII' siècle).
6° François de Vachon, marquis de Belmont, lieutenant
général des armées (XVIII® siècle).
7° Chosson, notaire à St-Paul-Trois-Châteaux , au com-
mencement du siècle.
8° Savoye fils, habitant Romans en 181 2.
9® Garnier, secrétaire de la sous-préfecture de Montélimar,
à la même date.
lo** Robert de Mac-Carthy, fils du député, ancien proprié-
taire du château de La Vache.
Guy Allard, Choricr, Chalvet, Rochas et divers auteurs men-
tionnent, d'une manière trop sommaire, les six premiers de ces
archéologues.
Le même érudit nous apprend que les travaux de la culture
ont fait mettre au jour, au mois de février 1896 :
i® A Montélimar, dans la propriété Nouzaret, sise au quar-
tier du Bois-de-Lau, un écu d'or de Charles VI.
2^ A Rochefort, tout près de la tour de Montlucet, un franc
de Henri III, frappé à Toulouse en 1576 (lettre M).
i88 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
OUVRAGES REÇUS
DONS DU ministère DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE
— Bulletin historique et philologique du comité des travaux
historiques et scientiques, 1895, n**' i et 2.
On y lit notamment des lettres adressées à Gui de Maugiron
durant les guerres du Piémont et du Nord de la France (1545-
1552) communiquées par J.-T. Leblanc et des documents rela-^
tifs au monastère de Notre-Dame- du- Plan, près de Bollène^
rectification à la nouvelle Gallia^ par M. Tabbé Fillet.
— Journal des savants : novembre et décembre 1895, janvier
et février 1896.
— Annales du musée Guimet, T. XXVII. Le Siam ancien :
archéologie , épigraphie , géographie , par Lucien Fourneau ,
avec cartes et phototypies. Paris, Leroux, 1895; i vol. in-4*',
322 p.
DONS DES AUTEURS
— L*abbé de Castellane ; P, Sébastien-Marie d'Assise^ capu-
cin, iy^^-j8i8, par le P. Apollinaire (Dupont, de Valence).
NîmeSi 1896, Gervais-Bedot; broch. in-8°, 36 p. Ce religieux
appartenait à la branche de Pierrerue, village voisin de Forcal-
quier. Comme il émigra d'assez bonne heure, sa correspon-
dance fournit de nombreux renseignements sur l'époque où il
vivait.
— Les origines des églises de France et les fastes épiscopaux,
par Charles-Félix Bellet. L'auteur soutient par de sérieuses
recherches la cause des traditions liturgiques liées intimement
à la question des origines chrétiennes de la Gaule et réfute
l'opinion de M. l'abbé Duchesne avec courtoisie et avec des
arguments sérieux. Ce travail a été remarqué par les savants
qui s'intéressent à l'histoire du Midi et une nouvelle édition est
en préparation. '
-À
CHRONIQUE. 189
— Notice sur St-Bartkélemy-de' Vais et les roches qui dansent
de Douévas^ par Joseph Bordas. Valence, 1895, imprimerie
Valentinoise ; brochure in- 12 de 11 p. Il y a là une foule de
notes historiques sur la vallée de la Galaure.
— Gratins, par Maurice Champavier. Dessins d'Emile Gui-
gnes, Gratinopolis, 1895; non paginé. Poésie et illustrations
d'une réelle valeur.
-T Ed. Colas de La Noue, ancien magistrat : Jeanne d'Arc
et le siège d'Orléans, avec un plan de la ville d'Orléans lors du
siège de 1428. Angers, 189Ô, Germain et Grassin ; broch. de
64 p. Parmi les publications innombrables sur le même sujet,
celle-ci occupera une très honorable place par la rapidité du
récit et par les recherches faites pour le rendre complet.
— F. Gauduel : Six jours d'émeute à Bourgoin en i68y à
propos du Treizain. Bourgoin, 1895, Rabilloud ; broch. in- 12,
32 p. Ce treizain consistait en la 13* partie du vin vendu en
détail pendant six mois de Tannée. Son établissement causa
une émeute. L'auteur a parfaitement exposé cet événement
local, à l'aide de recherches multiples.
— Du même auteur : La charte du statut communal de La
Tour-du-Pin avec la liste des célériers^ châtelains et seigneurs
engagistes de cette ville, Bourgoin, Rabilloud, 1895 î broch.
in-i2, 50 p. Travail curieux et documenté avec une connais-
sance entière du sujet.
— A propos du deuxième centenaire de Mme de Sévigné, Sa
dernière maladie^ sa mort, sa sépulture, par E. Le Mire. Paris,
Picard, 1896, br. de 53 pp., in-8**. Fort curieuse publication.
— Les variations de la frontière française des Alpes. Discours
de réception de M. Joseph Perreau, capitaine de chasseurs
alpins et réponse de M. Paul Fournier, professeur à la faculté
de droit de Grenoble, président de l'Académie delphinale. Gre-
noble, 1894, Allier; broch. in-8** de 32 p.
— Du même . Campagnes des Alpes, 7692. Catinat et tinva-^
rgo SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
sion du Daupkiné. Paris, 1892 ; broch. in-8°, 82 p. L*auteur
qui unit à la science historique de vastes connaissances mili-
taires et topographiques a étudié avec soin cette campagne si
fatale au Dauphiné et dans laquelle figura Philis de La Charce,
alors âgée de 47 ans, mettant en fuite les pillards du duc de
Savoie, d'après la tradition, les anecdotes et les gravures.
— A. Steyert : A propos des manuscrits de la bibliothèque de
Verna. Lyon, Jevain, 1896; broch. in-i6, 31 p. C*est une dé-
fense convaincue et péremptoire des droits du propriétaire.
— Recherches historiques et généalogiques sur les Roussillon-
Annonay, par A. Vachez, avocat, docteur en droit, secrétaire
général de TAcadémie de Lyon. Lyon, 1896, L. Brun ; broch.
in-8**, 60 p. Travail fort intéressant, plein de recherches et
d^érudition sur un sujet qui touche à la fois au Dauphiné et au
Vivarais.
— La Société a reçu en outre les trois numéros parus de la
Jievue du Midi, paraissant à Nîmes depuis le 25 janvier dernier,
et le Bulletin-Revue de la Société d'émulation et des Beaux-Arts
du Bourbonnais, année 1895 ; publications d'un intérêt puissant.
Les Mémoires de la Société royale des antiquaires du Nord,
1894; la Gazette dauphinoise ; le Gratin ; le Clairon des Alpes j
rédigé par M. Breynat, à Grenoble, les sept premiers numé-
ros; les Alpes illustrées du 17 octobre 1895, contenant le récit
de l'inauguration à Valence de la statue de Montalivet ; le
Sylphe de février 1896, organe des littérateurs du Dauphiné où
se trouvent la fin d'un article de M. Morice Viel et une poésie
de M. Jullian, intitulée le droit d'aînesse.
A. Lacroix.
fkMâÊâ^Mâê^âêêSâiMÈSêâêêâêêk
/ /
LISTE DES SOCIETES SAVANTES
QUI ÉCHANGENT
Mrs Puilieations avec la Société d'Archéologie
Aix. — Académie des sciences, agriculture, arts et belles-
lettres.
Alais. — Société scientifique et littéraire.
Amiens. — Société des antiquaires de Picardie.
Angers. — Société nationale d'agriculture.
Angoulème. — Société archéologique et historique de la
Charente,
Annecy. — Société florimontane. Revue Savoisienne.
Avignon. — Académie de Vaucluse.
Besançon. — Académie des sciences, belles-lettres et arts.
Cahors. — Société des Etudes littéraires scientifiques et ar-
tistiques du Lot.
Chambéry. — . Académie des sciences, belles-lettres et arts
de Savoie.
Chambéry. — Société savoisienne d'histoire et d'archéologie.
Compiègne. — Société française d'archéologie.
Dijon. — Académie des sciences, arts et belles-lettres.
Draguignan. — Société d'Etudes scientifiques et archéolo-
giques.
Gap. — Société d'études des Hautes-Alpes.
Grenoble. — Académie delphinalei
— — Société de statistique de l'Isère.
Lyon. — Académie des sciences, belles-lettres et arts.
— — Société littéraire.
— — Académie d'architecture.
igî SOCIÉTÉ D ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
Marseille. — Académie des sciences, arts et belles-lettres.
Montauban. -»- Société archéologique et historique.
Montbrison. — Société de la Diana.
Montpellier. — Société pour Tétude des Langues romanes.
Nîmes. — Académie du Gard.
Niort. — Société de statistique, sciences et arts.
Orléans. — Société archéologique et historique de TOr-
léanais.
Paris. — Société nationale des Antiquaires de France.
— — Société nationale, agricole et manufacturière.
Pau. — Société des sciences, lettres et arts.
Périgueux. — Société historique et archéologique du Péri-
gord.
Rodez. — Société des lettres, sciences et arts de TAveyron,
Rouen. — Académie des sciences, belles-lettres et arts.
Saint-Omer. — Société des Antiquaires de la Morinie.
Sens. — Société archéologique.
Toulouse. — Académie des jeux floraux.
— — Société d'histoire naturelle.
— -^ Annales du Midi.
Tours. — Société d'agriculture, sciences et arts.
TABLEAU DES MEMBRES
SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE
ET DE STATISTIQU E
de la T>r6me en iXg6
PréBident d'honneur i
M. le Préfet de )a Drômc.
Préaideot honoraire :
Mgr l'Evêquc de Valence.
Membres titulaires:
Messieurs,
Arces (le marquis a], à Mcrcurol.
BABOiN(Henri),ancieiidéputé, au château d'Alivet, près Renage.
Bellet (Mgr), à Tain.
Bellier du Charmeil, ancien magistrat, avocat à Valence.
Bernon [J. de), docteur en droit, à Paris.
Bordas {Joseph- Michel), à Saint-Martin-d'Aoiit.
BoREL DE SouBÉRAN (Louis), à Crest.
Bottu de Verchères, à Sainl-Jcan-dc-Muzols.
BoucoD (Auguste), à Saint-Vallier.
Bouffier (Amédée de), à Llvron,
2* Série. XXX» Voldmb. — 1896. 13
194 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Brun-Durand (Justin), ancien magistrat, vice-président de la
Société, à Crest.
Céas (Jules), imprimeur, à Valence.
Ch ARRIÈRES- Arles, trésorier-payeur général, à Lyon.
Chabrillan (le comte Fortuné de), à Paris.
Chabrillan (le comte Paul de), à Saint- Vallier. .
Chenevier, imprimeur, à Valence.
Chevalier (le chanoine C.-U.-J.), membre non résidant du
Comité des travaux historiques, à Romans.
Chevalier (le chanoine Jules), professeur au Grand-Séminaire,
à Romans.
Clément (Emile), à Romans.
Colomb (Victor), directeur de l'Assurance La France^ secrétaire
adjoint de la Société, à Valence.
Didelot (le chanoine), curé de la cathédrale, à Valence.
DuMONTEiL (le chanoine), secrétaire de l'évêché, à Valence.
Du PoRT-Roux, à Romans.
Emblard, ancien magistrat, à Valence.
Faure-Biguet, conseiller à la Cour de Cassation, à Paris.
Faure, ancien président du Tribunal, à Valence.
Favier, pharmacien de i"^® classe, à Pierrelatte.
FiLLET (l'abbé), curé d'Allex.
Florans (le marquis de), à la Roque-d'Anthéron.
Fontgalland (Anatole de), à Die.
FoRCHERON (Paul), aucieu conseiller de Préfecture, à Valence.
FoRQUET DE DoRNE, premier président de la Cour d'appel
d'Angers.
François (Eugène), avocat, à Valence.
Froment (l'abbé), pro-curé de Mercurol.
Gaillard, avocat, à Valence
Gaillard-Bancel (de), avocat, à Allex.
Galle, agent-voyer d'arrondissement, à Valence, trésorier de
la Société.
Gallier (Anatole de), président de la Société, à Nice.
Girardon, avocat, à Divajeu. •
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. igS
GuiLLEMiNET, ancicii professeur, à Valence.
IsNARD (le chanoine), curé à Suze-la-Rousse.
La Baume (de), marquis du Puy-Montbrun , à la Garde-
Adhémar.
Lacroix (André), archiviste départemental, secrétaire de la
Société, à Valence.
Latune (Gustave), à Crest.
Latune (Henri), à Crest.
Maurin (Alcide), docteur en médecine, à Crest.
Mazet (le chanoine), aumônier, à Valence.
Mellier, propriétaire, à Valence.
Messie, avocat, à Montélimar.
Meynot (Adolphe), à Donzère.
MoNiER DE La Sizeranne (le comte), à Beausemblant.
Monteynard (le comte de), à Montelier.
MoNTLUiSANT (de), Capitaine d'infanterie, attaché à l'Etat-Major
général du XV® corps d'armée, à Marseille.
MoRiN-PoNS, auteur de la Numismatique féodale du Dauphiné,
à Lyon.
MoRiN (Henri), à Dieulefit.
MossANT (Charles), membre du Conseil général, à Bourg-de-
Péage.
NuGUES (Alphonse), à Romans.
Peloux (Jules), inspecteur général honoraire des ponts et
chaussées, à Valence, vice-président de la Société.
Perrossier (le chanoine Cyprien) , archiviste diocésain , à
Romans.
Perrot (l'abbé), professeur au Petit-Séminaire de Valence.
Prompsal (Emile), à Châteaudouble.
Reboul de La Juillière, ancien auditeur au conseil d'Etat, au
château de Vaire, par Roche-les-Baupié.
Rey, architecte, à Valence.
Reynaud (l'abbé), curé de Loriol.
Sabatier (Paul), à Crest.
Sayn (Gustave), à Montvendre.
igô SOCIÉTÉ d'archéologie kt de statistique.
SouBEYRAN DE Saint-Prix, chcf dc Cabinet à la Présidence du
Sénat.
Thomé, ancien notaire, à Lyon.
Tracol, architecte, trésorier adjoint de la Société, à Valence.
Urtin (Marc), avocat, à Valence.
Vallentin, juge, vice-président de la Société, à Montélimar.
ViLLARD (Marins), architecte-voyer de la ville, à Valence.
Membres correspondants :
Messieurs,
AccARiAS, ancien conseiller à la Cour de Grenoble.
Adhémar (le comte Victor d'), à Toulouse.
Allard (le comte d'), à Avignon.
Allmer, ancien conservateur du Musée d'épigraphie de la ville
de Lyon.
AuTANE (le comte d'), au prieuré d'Ardènes, à Mane (Basses-
Alpes).
Battendier (le chanoine), directeur de la Semaine Religieuse^
à Viviers.
Baume-Pluvinel (M"® la marquise de La), à Paris.
Belmont, à Lyon.
Benoit, attaché aux archives du Rhône, à Lyon.
Benoit d'Entrevaux, au château d'Entrevaux, près Privas.
Bernard, conseiller à la Cour d'appel de Grenoble.
Berthin, (Eolde), à Beaurepaire (Isère).
Bertrand (l'abbé Isidore), à Bar-le-Duc.
Besset, architecte, à Tournon.
Béthoux (l'abbéj, à Saint-Michel-en-Beaumont (Isère).
Blanchard (le chanoine), archiprêtre, à Saint-Péray.
Blanchet (Augustin), manufacturier, à Rives.
Blanchet (Paul), manufacturier, à Rives.
Blanchet (Victor), à la papeterie, à Rives.
Boisgelin (le marquis de), à Aix (Bouches-du-Rhône).
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIETE. I97
BoissiEU (Maurice de), à Lyon.
Bourg (Gontrand du), au château de Tlle- Vieille, près Mont-
dragon.
Brosset-Heckel (Edward), à Lyon.
BoYER DE BouiLLANE, avocat, à Paris.
Caize (Albert), à Cette.
Caize, ancien inspecteur divisionnaire des douanes, à Louve-
ciennes.
Chaper, à Grenoble.
Champavier (Maurice), à Paris.
Chapon (Jules), à Paris (agence parisienne de la Gironde et la
Petite Gironde.
Charpin-Feugerolles (le comte de), à Chambon-Fcugerolles
(Loire).
Chenavas , député , conseiller général de Tlsère , à Saint-
Etienne-de-Saint-Geoirs.
Colas de la Noue, ancien magistrat, à Angers.
CouRciVAL (de), à Paris.
Durand, libraire, pour le Musée Calvet, à Avignon.
Dupré-Latour, ancien magistrat, avocat, à Paris.
Falavel, notaire, à Saint-Marcellin.
Faucher (Paul de), à Bollène.
Faure (Maurice), député de la Drôme, à Paris.
Fayard, ancien conseiller à la Cour d'appel de Lyon, à Lyon.
Flachaire de Roustan (Marcel), à Lyon.
Franclieu (M"® Aimée de), au château de Longpra-sur-Saint-
Geoirs .
FuziER (Louis), à Lavoulte.
Gap (Lucien), instituteur, à Mérindol (Vaucluse).
Gauduel, ancien greffier de la Cour de Grenoble, à Grenoble.
Dom Gréa, supérieur des chanoines réguliers, à Saint-Antoine.
GuEYFFiER, juge de paix, à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs.
Guillaume (le chanoine), archiviste des Hautes Alpes, à (tap.
Guillemin (Paul), inspecteur de la navigation et des ports de
la Seine, à Paris.
iq8 société d'archéologie et de statistique.
JouFFRAY (A.), chef d*escadron d'artillerie, sous-directeur delà
manufactures d'armes, à Saint-Etienne.
JuiGNÉ DE Lassigny (de), à Lyou.
Lagier (l'abbé), curé, à Blandin (Isère).
Lavauden, ancien préfet, avocat, à Grenoble.
Lombard, avocat, à Grenoble.
Maignien (Edmond), bibliothécaire de la ville, à Grenoble.
Manteyer (Georges de), à Paris.
Masimbert, avocat, à Grenoble.
Mazon, publiciste, à Paris.
MoNCLAR (le marquis de), consul général, à Caracas.
Montauvet (Georges de), à Paris.
Montravel (le vicomte de), à Joyeuse.
Monts (le comte de), au château d'Armanais, à Ëalbin, près la
Côte-Saint- André.
MoREL (Louis), à Chazay-d'Azergues (Rhône).
Moulin (Martial), à Paris.
Narbel de Goomens, pasteur, à Saint-Fortunat.
Oriol (l'abbé), à Annonay.
Pallias (Honoré), ancien membre du Conseil général des
Hautes- Alpes, à Lyon.
Parisot de la Boisse (Jules de), à Montpellier.
Perrossier (Ernest), colonel en retraite, à Toulouse.
Petit (l'abbé), curé, à Saint-Antoine.
Peyrot, chef de division en retraite de la préfecture de Tlsère,
à Grenoble.
PoiDEBARD (William), à Lyon.
PoNciNS (le comte de), à Feurs.
Prunières (le comte de), au château de la Baume-Seyssins,
près Grenoble.
Reynaud (Horace), avocat, ancien magistrat, à Lyon.
Roman (Joseph), avocat, au château de Picomtal, près Embrun.
Sagnier, de l'Académie de Vaucluse, à Avignon.
Saint-Genis (Victor de), ancien conservateur des hypothèques,
délégué cantonal du 2* arrondissement, à Paris,
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIETE. 1 99
Saint-Victor (Ch. de), à Lyon.
Saurel (le chanoine), secrétaire de T Académie de Montpellier,
à Montpellier.
SoLLiER (Léon), à Saint-Georges-d'Espéranches.
Terrebasse (de), à Ville-sous-Anjou.
Tour-du-Pin-Chambly (marquis de la), au château d'Arrency,
par Festieu.
Tour-du-Pin-la-Charce (Humbert, comte de la), au château
de Bezonville, par Sermaize.
Tour-du-Villard (marquis de la), à Nîmes.
Truchet (l'abbé), curé de Four (Isère).
Vachez, secrétaire de l'Académie de Lyon.
Vallentin (Roger), receveur de l'enregistrement, à Saint-
Péray.
Vaschalde, directeur de l'établissement de Vais,
Vellot (A), avocat, à Grenoble.
Gomxnunes abonnées :
Annonay (Bibliothèque). — Aouste. — Barbières. — Bourg-
de-Péage. — Crest. — Grenoble. (Bibliothèque). —
MoNTÉLiMAR. — RoMANS (Bibliothèque).
Archives départementales de l'Isère.
200 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
MÉMOIRES
'POU'R SEliVIli cA UHISIOmE
DES
COMTÉS DE VALENTINOIS
ET DE DIOIS
Suite. —Voir les 85% 86% 88*, 89% 90% 94*, 95% 96*, 100% loi», io3%
105*, 106% 107% 108% 109% 110% 111% II 2% 113% 114*
1x5% II 6« et 117* livr.)
Pendant que le Valentinois et le Comtat semblaient retour-
ner vers l'anarchie féodale, Clément VII, à Tabrides attaques
de son implacable ennemi derrière les hautes et sombres mu-
railles de son palais d'Avignon, nourrissait, de concert avec
Charles VI, le projet d'une expédition en Italie pour chasser
de Rome ceux qu'il appelait des schismatiques. Le roi, qui
était à Lyon au mois d'octobre, voulut rendre visite au pape
et conférer avec lui. En traversant nos contrées, il put se
rendre compte des maux de toute sorte qui accablaient nos
malheureuses populations II entendit les plaintes du comte
de Valentinois, son vassal, et, comme il avait pour le ménager
des motifs tout particuliers que le lecteur va bientôt connaî-
tre, il se montra disposé à prendre sa défense et ordonna de
saisir tous les châteaux tenus par la comtesse Elips dans le
royaume, Baix, Le Pouzin, Châteaubourg, Privas, Tournon,
Boulogne et Barre (i). Avant d'envoyer une armée au-delà des
(i) Histoire génér, de Languedoc^ t. IX, p. 956-7.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 201
monts, il fallait rétablir Tordre et la paix dans le Comtat et le
Valentinois. On pourrait alors utiliser pour la grande expédi-
tion les bandes mercenaires qui guerroyaient à la solde du
pape et de Raymond. L'entreprise n'avait jamais été plus près
d'aboutir (i). Le comte d'Armagnac avait été désigné pour
diriger la croisade. Il fut chargé de négocier une trêve entre
le comte de Turenne, d'une part, et le pape, l'élu de Valence,
les comtes de Provence, de Genève et de Valentinois, d'autre
« part. Elle fut signée à Mende le 9 août 1 890 pour deux ans (3).
Châteauneuf-de-Mazenc, Savasse et Lène devaient rester aux
mains du comte de Valentinois durant la durée de cette trêve.
Après la conclusion de cette suspension d'armes, les ofRciers
du roi en Dauphiné firent ramener à Valence tous les bateaux
existant sur le fleuve, pour empêcher les bandes licenciées de
pénétrer en Languedoc. Leurs précautions furent vaines, et
un certain nombre de pillards purent passer le fleuve, les uns
par surprise, les autres avec la permission des officiers royaux
et sous prétexte d'aller se mettre à la solde du comte d'Ar-
magnac (3).
Celui-ci, en effet, poussait ses préparatifs avec une grande
activité. Mais voici qu'au dernier moment, par suite d'intri-
gues que nous ne connaissons encore que très imparfaite-
ment, la fameuse expédition sur laquelle comptait le pape
Clément pour chasser son compétiteur de Rome fut tout à
coup détournée de son but primitif. Le chef de la croisade
venait de traiter avec Florence contre Milan et s'était engagé
à marcher au secours de son beau-frère, prisonnier de Galéas
Visconti. C'était la ruine des espérances du parti avignonais,
car, dans l'entreprise projetée, on ne pouvait se passer du con-
(i) Jarry, La voie de fait et Valliance franco-milanaise (i 386-1395),
dans Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. LUI (1892}, p. 21 3-53, et
5o5-70.
(2) Baluze, Vitce paparum Avinion., t. II, io52.
(3) Hist. de Languedoc, t. IX, p. 957, note,
I
202 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
cours de Milan et, d'autre part, Florence tenait pour le pape de
Rome. Rien ne put déterminer le comte d'Armagnac à revenir
de sa détermination. Il triompha des obstacles qu'on tenta de
lui opposer, et le roi n'ayant pu lui refuser le passage à tra-
vers le Dauphiné, il franchit les Alpes au mois de juin iSqi,
traînant après lui une masse d'aventuriers. Il ne fut pas heu-
reux. Galéas Visconti lui tailla en pièces son armée, le 25
juillet, devant Alexandrie, et lui-même, peu après, périt des
suites de ses blessures (i).
Les routiers échappés au massacre reprirent la route de
France. Grand fut l'émoi en Dauphiné quand on sut que ces
bandes de forbans se jetaient dans nos montagnes et allaient
peut-être s'y implanter pour de longs mois. Le gouverneur
fit appel à la bonne volonté de tous, mais on ne put empêcher
les débris de l'armée du comte d'Armagnac de repasser les
Alpes. Les mieux disciplinés prirent la route de Sisteron (2) ;
les autres se cantonnèrent dans les montagnes, occupèrent
divers points fortifiés et vécurent pendant quelques mois de
brigandage. Un de leurs chefs, Guillaume Chemisard, s'était
emparé le 20 novembre 1391 du château de Lazet près de Gap
et n'en sortit que moyennant une forte indemnité. Quelques-
uns de ses compagnons entrèrent dans le Diois, s'établirent à
Egluy et commirent beaucoup de désordres. S'avançant en-
core sur les terres du comte de Valentinois, ils prirent La
Vache et le petit château de Pellafol, véritable nid d'aigle, sur
la crête des rochers qui dominent Barbières (3).
L'occasion était belle pour Raymond de reprendre les
armes ; il ne la laissa pas échapper et les aventuriers venus
d'Italie allaient lui fournir un utile contingent. Mais avant
(i) Jarry, Op. cit., p. 244. — De Barante, Hist. des ducs de Bour-
gogne, t. II (1841), p. i3.
(2) De Laplane, Hist. de Sisteron, t. I", p. 200.
(3) U. Chevalier, Choix de doc* inédits, p. 216. — De Coston, t. I",
p. 373-5.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 203
de résumer les principaux faits de cette guerre, il faut parler
d'une mesure, grave de conséquences, qu'avait adoptée le
comte de Valentinois pour trouver un remède à la situation
désespérée. où il se voyait réduit. Ses dettes ne faisaient
qu'augmenter, tandis que ses revenus diminuaient de jour en
jour. Les finances d'un Etat ne peuvent manquer de se res-
sentir des malheurs publics, et nous venons de dire sous quel
poids de calamités gémissait le peuple. Louis II n'était pas
doué des talents et de l'énergie nécessaires pour gouverner
dans des temps difficiles. Il ne savait se faire obéir de ses vas-
saux : nous venons de constater que le petit seigneur de Pel-
lafol put, un instant, tenir en échec toute sa puissance. Les
procédés arbitraires, les expédients auxquels il avait recours
pour se procurer de l'argent, lui avaient aliéné le cœur de ses
sujets; il en était détesté. Voici, du reste, le portrait qu*a
laissé de ce prince Jean Rabot, notaire à Crest, son contem-
porain ; nous pourrons par là nous faire une idée de son ad-
ministration : « Combien que ledit comte oyt chacun jour
« messe et deist ses heures dévotement, comme il sembloit,
a et qu'il se confessast et ordonnast chascun an : toutesfois,
« il estoit moult convoiteux et levoit plusieurs tailles sur ses
a subjects, pour ce qu'il estoit aucunes fois moult rigoureux
« et mal gracieux, et de plusieurs d'eux a exigé plusieurs
a sommes de deniers, aucunes fois pour petite occasion et
« aucunes fois sans cause. Et por plusieurs fois a osté à ses
« juges et officiers la cognoissance des causes criminelles,
« pendantes par devant eulx, pour en avoir grant proufit par
« composition ou autrement. » Pierre Bourguignon, écuyer,
de Romans, un autre de ses contemporains, nous le dépeint
aussi sous d'assez noires couleurs : « Il estoit et avoit esté par
« tout son temps très avaricieux, grand exacteur de finances
« sur ses subjects et autres où il pouvoit, induëment et sans
« cause. Et estoit coutumier de contraindre tous ceux qui
« aucunement délinquoient en susdits pays, fussent religieux,
« d'Esglise ou séculiers, à lui payer grosses et excessives
204 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
« sommes d'argent, ou autrement il les travailloit tant par
« prison que autrement en plusieurs manières. Et estoit très
« négligent de faire justice a ses subjects, et là où il la devoit
a faire (i). » Ajoutons maintenant que Jacques de Montmaur,
gouverneur du Dauphiné, qui connaissait bien ses embarras,
le guettait comme une proie, et, par de savantes tracasseries,
s'appliquait à lui faire sentir de plus en plus la lourde main
de son maître. En butte à tant de difficultés, Louis II n'y tint
plus et se vit contraint de, chercher un appui. N'ayant pas
d'enfant mâle légitime et voyant avec un secret dépit les
Poitiers-Saint- Vallier, avec qui il avait toujours été en mau-
vais rapports, escompter déjà son héritage, il se tourna du
côté de la France. Le 3o novembre iSgi, il déclara par lettres
patentes vouloir donner au roi ses Etats, s'il mourrait sans
enfant : le motif qui Ty décidait, ajoutait-il, était autant le
lien de parenté qui Punissait au monarque que son amour
pour la France. Une clause, toutefois, insérée dans cet acte,
laisse entrevoir une des peines qui l'oppressent : il se réserve
la jouissance des comtés, sa vie durant, et le roi devra lui
promettre de s'abstenir désormais de toute immixtion dans
les affaires de son gouvernement, sous prétexte du vicariat
impérial (2).
Les Poitiers-Saint- Vallier ne manquèrent pas de protester
contre la promesse de cession du Valentinois à la France;
mais les dangers dont le pays était toujours menacé, les nou-
velles arrivant de la cour absorbaient tellement les esprits,
qu'ils purent se flatter de faire revenir le comte de ses pre-
mières décisions dans un temps plus ou moins éloigné. Ils
ne comptaient pas assez avec l'habileté et la persévérance opi-
niâtre du gouverneur de la province, Jacques de Montmaur,
qui cette même année avait été appelée cette haute charge (3).
(i) DucHESNE, Preuves^ p. 71.
(2) Archives de Montélimar. Mémoire sur le Valentinois, MS., p. 10,
et Preuves^ n* 16. — Anselme, t. II, p. 196.
(3) Gariel, Bibliothèque hist. et littér, du Dauphiné, t. I" (1864),
p. 170,
LES COMTÉS DE VALENTlNOlS ET DE DIOIS. 2o5
Celui-ci convoqua pour le 29 décembre les vassaux du dau-
phin et les députés des villes. Dans cette assemblée, il exposa
ses projets pour délivrer le pays du fléau de la guerre civile et
demanda le vote d'un subside de 8 gros par feu. On ne le lui
accorda qu'à la condition qu'il jurerait auparavant, comme
l'avaient fait du reste ses prédécesseurs, de maintenir les fran-
chises et privilèges de la province (i).
Au mois de janvier 1 392, les réformateurs royaux, sorte de
missi dominicij institués par Charles VI lors de son voyage en
Languedoc pour l'informer des abus, des maux qui désolaient
le royaume (2), vinrent à Grenoble. Entre autres faits que le
gouverneur les chargea de porter à la connaissance de la cour,
nous devons mentionner les suivants : « Une partie des com-
pagnies qu'avait à sa solde le feu comte d'Armagnac occupent
encore les châteaux de Lazet, dans le Gapençais, d'Egluy et
de Pellafol, dans le Valentinois, de Saint-Ferréol dans les
Baronnies (3) : elles ravagent le territoire. Les routes n'offrant
plus de sécurité, les transactions sont nulles et les revenus
des péages, aussi bien que les impôts, diminuent. Il est ur-
gent de porter remède à la situation, mais il faut avant tout
des ressources. Les Etats se montrent peu disposés à voter
des subsides. Malgré la trêve, les gens d'armes de Raymond
de Turenne et les compagnies prennent et mettent à rançon
les gardiers delphinaux ou receveurs des droits seigneuriaux
des terres delphinales, ce qui cause un préjudice notable au
trésor. Charles de Poitiers réclame le château de Chantemerle
et la baronnie de Clérieu, que le comte de Valentinois tient
en fief du dauphin. Il fonde sa demande sur certaines lettres
royales. Le gouverneur avertit la cour de ne rien décider à
cet égard avant d'avoir reçu le rapport détaillé qu'il prépare. »
Dans le Valentinois, Guillaume, bâtard de Poitiers, que le
(i) U. Chevalierj Choix de documents...^ p. 216.
(2) Hist. de Languedoc^ t. IX, p.
(3) U. Chevalier, Choix de documents,..^ p. 216.
206 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
comte avait établi son lieutenant, faisait les plus louables
efforts pour pacifier le pays. Il réussit à traiter avec les gens
d'armes qui séjournaient à Egluy et à obtenir leur départ,
moyennant une somme d'argent, qui fut assez élevée, car le
i8 janvier 1892, il écrivit aux habitants de Montélimar pour
leur annoncer que dans le payement de cette rançon la part
contributive de leur ville était taxée à 200 florins. Après bien
des démarches, les Montiliens obtinrent qu'elle fût réduite à
100 florins (i). Quelques jours après, le 25 janvier, un traité
conclu entre le comte et Humbert de Beaumont, fils du sei-
gneur de Pellafol, mettait fin aux désordres qui ne cessaient
de troubler les environs de Barbières, depuis plusieurs an-
nées. Humbert fit ce traité indépendamment de son père, qui
en fut formellement exclu, le comte paraissant avoir contre
ce seigneur la plus grande animosité (2). Devenu libre, le jeune
Beaumont alla rejoindre Raymond de Turenne, qui ne devait
pas tarder à reprendre les armes.
La trêve de deux ans signée à Monde n'était point terminée
que les hostilités recommencèrent entre Raymond de Tu-
(i) De Coston, Hist. de Montélimar, t. !•', p. 38o.
(2) (Brisard), Hist. de la maison de Beaumont, t. l*', p. 42-3, et t. II,
p. 99 et no. — Les différends du comte et de la famille de Beaumont
ne furent pas terminés de sitôt. L'inventaire des titres des Poitiers si-
gnale une foule de documents relatifs à cette affaire : « 1402, 10 fév.
« Jugement rendu par le juge mage du Viennois et Valentinois d'entre
« François de Beaumont et Polie de Chabrillan, son épouse, et Louis
« de Poitiers, comte de Valentinois, pour raison des prétentions de
« ladite dame (n^ 45). — i4o5, 24 janvier. Sentence du juge mage des
« appellations du Dauphiné entre Louis de Poitiers, comte de Valenti-
« nois, appellant d'une part, et François de Beaumont et Polie son épouse,
« pour raison de 1,200 florins dus audit de Beaumont (n^ 5o). — 1409,
« 23 février. Arrêt rendu au profit de François de Beaumont et de
« Polie... (n* 48). — 1409, 29 avril. Exploit de saisie de la terre de Beau-
« fort contre le comte de Valentinois et de Diois, à la requête de Fran-
« çois de Beaumont et de Polie, son épouse, pour payement de la somme
« de 1,200 florins (n* 49). Etc., etc. » — Ces quelques détails indiquent
bien les embarras financiers du malheureux comte.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 207
renne, le pape, le comte de Valentinois, Tévêque de Valence
et le cardinal de Saluces. Les troupes à la solde de Raymond
se saisirent de diverses places (i). Le bâtard de Bertusan,
qualifié capitaine de La Vache et de Fianceys, devint la ter^
reur des habitants des campagnes. Dans une course qu'il fit
aux environs de Montélimar, il ramena dix-sept prisonniers,
qu'il ne délivra que contre une rançon de 34 florins ; les pri-
sonniers durent eux-mêmes, le i3 avril, emprunter cette
somme sous la garantie de la ville. Châteauneuf-de-Mazenc,
où commandait Guillaume Bernard, dit Le Breton, un des
hommes de Raymond, devint un autre repaire de brigands.
C'est vers ce temps-là que fut détruit le petit village de Roche-
fort dans la Valdaine (2). Une telle situation ne pouvait durer.
Le roi s'efforça de ménager une trêve entre les partis. Dès le
14 mars, il avait nommé des commissaires pour traiter de la
paix. Après de nombreuses démarches, grâce à l'intervention
du gouverneur du Dauphiné, elle fut signée à Saint-Remy,
près d'Avignon, le 5 mai 1392. On devait payer à Raymond
3o,ooo florins d'or, et 20,000 à ses gens d'armes qui s'obli-
geaient à quitter le pays. Raymond s'engageait à remettre au
roi, pour les rendre à leurs légitimes propriétaires, tous les
châteaux dont il s'était emparé. Châteauneuf-de-Mazenc serait
remis à Elips de Beaufort, ainsi que les châteaux situés dans
le royaume qui avaient été saisis contre elle par les officiers
du roi (3). Les négociations du traité de Saint-Remy avaient
amené dans la contrée de grands personnages, le gouverneur
Jacques de Montmaur, Edouard de.Beaujeu, beau-frère de
Raymond de Turenne et quelques autres seigneurs que nous
(i) Nous ne relevons ici que les quelques faits qui intéressent le Va-
lentinois. Pour les autres faits, on peut consulter, outre Baluze, Fantoni
Castrucci, et les historiens de la Provence et du Comtat, un curieux Mé-
moire, dont l'original est conservé à la Bibliothèque nationale (collec-
tion de Périgord, vol. 4). Hist. de Languedoc, t. IX, p. gSy, note.
(2) De Coston, p. 38i, SgS, 394.
(3) Baluze, Vitce paparum Avin., t. II, c. 1058-70.
208 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
trouvons réunis à Montélimar le 6 juillet (i). Ils s'employè-
rent à réconcilier les ennemis de la veille. Humbert de Beau-
mont fit la paix avec le cardinal de Saluces, et lui écrivit le
14 juillet du château de Pellafol, une lettre par laquelle il lui
demandait pardon de tout le mal qu'il avait commis à Livron
et à Châtillon-en-Diois (2), deux fiefs dont le cardinal s'était
réservé la jouissance en abandonnant l'Eglise de Valence.
La tranquillité relative qui régnait dans le pays en ï3g3,
permit à Louis II de Poitiers de se rendre à Paris, où il dé-
sirait régler au plus tôt les conditions de l'abandon de ses
Etats à la couronne. Le gouverneur du Dauphiné fut chargé de
faire une enquête détaillée sur l'étendue des comtés et l'im-
portance de leurs revenus. Nous avons cette enquête et plu-
sieurs pièces qui s'y réfèrent. Les Etats de Louis' II compre-
naient vingt-sept villes ou châteaux, onze forteresses et environ
deux cents fiefs lui appartenant en propre ou bien tenus par
des vassaux (3). Les revenus annuels s'élevaient à quatorze ou
(i) De Coston, p. 395-6.
(2) Voir notre Essai hist, sur Die, t. II, p. Sog-io.
(3) Bibliothèque de Grenoble, U, 460, f* 67. Etat des revenus des
terres du Valentinois en 1393. En l'Empire. Rochefort, 280 fl., i gros
et demi. — Crest, 1,940 fl. — La Vallée de Pontaix, 267 fl. 6 g. et demi.
— Gigors, 2 52 fl. 3 g. — Baix-aux-Montagnes, 25o fl. — Aigluy, 234 fl.,
3 g. — Montclar, 58 fl., 6 g. — Beaufort, 209 fl., i g. et demi. — Es-
toile, 821 fl., 6 g. — Le péage de ce lieu, 800 fl. — La Vache, 19 fl.,
3 g. — Grane et Chabrillan, 5o4 fl., 5 g. — Châteaudouble, 154 fl.,
5 g. — Charpey, i65 fl., i g. — Upie, 129 fl., i g. — Vaulnaveys, 61 fl.,
I g — Saou, 92 fl., 9 g., I quart. — Auriple, 56 fl., 7 g. — Montéli-
mar, Narbonne et le péage, 766 fl. — Marsanne, 147 fl., i g. — Sauzet,
i57 fl., 2 g. — Soyans, 70 fl., 2 g. — Montmeyran, 73 fl., 6 g. — La
Roche-Saint-Secret, 25 fl. — Châteauneuf-de-Mazenc, 745 fl. — Lènc
et le péage, 266 fl. — Savasse, 126 fl., 5 g. et demi. — Le sceau de la
cour majeure du Valentinois et du Diois, 60 fl. ; son greffe, 149 fl. —
Les inquants et criées de la cour de Crest, 52 fl. — Les criées et amen-
des de la cour du Valentinois, 60 livres, 10 sols. — Le péage de Mon-
télimar, 708 liv., 10 sols, 4 deniers. — La leyde et le tabernage de
Montélimar, 9 liv., 10 sols. — Les langues et les escheutes de la bou-
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 2O9
quinze mille livres. Mais la folie du monarque fit traîner les
négociations en longueur et Tindemnité pécuniaire à donner
au comte ne fut point encore fixée ; c'était pourtant l'article
du traité qui l'intéressait le plus vivement, parce que, avant
tout, il avait besoin d'argent pour faire taire ses créanciers.
Tout ce qu'il obtint, pour le moment, du roi Charles VI, ou
plutôt de ceux qui gouvernaient alors le royaume, fut un or-
dre donné aux officiers de justice, le 9 décembre iBgS, pour
leur enjoindre de le mettre à couvert de toutes leurs pour-
suites et de le maintenir en son état durant le temps de
son séjour à Paris et un mois après son retour. Le même
jour, des lettres royales étaient encore expédiées au gouver-
neur du Dauphiné pour qu'il eût à respecter les droits du
comte de Valentinois et user envers lui de beaucoup de mé-
nagements (i). On ne saurait douter, en effet, que le comte
n'ait porté ses plaintes à la cour sur les agissements du gou-
verneur, qui ne laissait échapper aucune occasion, et savait
au besoin en créer, pour intervenir dans les affaires et em-
cherie de ce lieu, 6 liv. — La leyde des blés de Crest, 53 liv. — Les
langues de bœufs et nombres de pourceaux de ce lieu, 4 liv. — La leyde
des fromages de ce lieu, 10 liv., 10 sols. — La leyde menue de ce lieu,
2 liv. ; celle du sel, 3 liv. — La marque des mesures de ce lieu, i liv.,
2 s. — Le sesterage du sel de Valence, 100 liv., 5 s. — Le péage par
eau et par terre, 5^3 liv. 14 s. — Les lods et ventes, go liv. — Au
royaume. Baix sur Baix, le péage, 1,223 florins, 7 gros. — Privas et
Tournon, avec son péage, 937 fl., 7 g. — Le Pouzin avec son péage de
Livron, 238 fl., 10 g. — Saint-Vincent et Saint- Pierre de Barre, 17 fl.,
3 g. et demi. — Durfort et le bourg Saint-Foriunat, 212 fl., 3 g. —
Châteaubourg et son péage, i5i fl., 7 g., 3 quarts. — Les greffes des-
dits lieux, iio fl. 3 g. — Chalencon, 400 fl. — Mezanc, ii3 fl., 16 g. et
demi, » — Ce document ne donne assurément pas tous les revenus des
comtés; il y a bien des terres qui ne figurent pas dans cette liste.
Louis II fournit également un .dénombrement de ses châteaux, qui a
été publié par M. le chanoine U. Chevalier dans son Choix de docu-
ments inédits^ p. 21 3- 5; on peut le rapprocher de celui que nous avons
donné plus haut, p. 370-2.
(i) Inventaire des titres des Poitiers, n** 212, 216.
2« Série. XXX* Volume. - 1896. 14
210 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
piéter sur^es droits des seigneurs voisins. Jacques de Mont-
maur, qui joignait à ses titres celui de « lieutenant de vicaire
d'empereur », suivait exactement la politique de Charles de
Bouville et travaillait avec ardeur, sous prétexte du vicariat,
à étendre l'autorité de son maître. C'est ainsi que le 9 décem-
bre de cette même année 1393, il publiait ^^^ ordonnance
pour contraindre tous ceux qui dans le pays de sa juridiction
se disaient notaires impériaux à lui apporter leurs lettres de
notariat, afin de les soumettre au contrôle du conseil delphi-
nal (i). L'année suivante, autre mesure très significative et
qui donne la note de la situation : il fit publier dans les rues et
sur les places publiques de Grenoble que le dauphin, vicaire
de l'empereur, offrait justice à quiconque dans les terres de
l'empire aurait à se plaindre des évêques et des seigneurs (2).
C'était, comme on le voit, fomenter le désordre et prendre
sous sa protection tous les mécontents. Cette proclamation
n'allait pas rester lettre-morte.
Une des clauses du dernier traité conclu avec Raymond de
Turenne stipulait que ce seigneur devrait remettre au roi
les châteaux de Châteauneuf-de-Mazenc, de Savasse et de
Lène, et que celui-ci les rendrait à la comtesse douairière de
Valentinois, qui en établirait gouverneur un certain capitaine
Dorète. La comtesse, jamais satisfaite de la part qu'on lui
accordait, ne tarda pas à se plaindre et du pape et du comte,
son neveu. Sur ces entrefaites, Raymond de Turenne maria
son unique fille Antoinette à Jean Le Meingre, dit Boucicaut,
que le roi venait d'honorer du bâton de maréchal (3). Bouci-
caut n'était pas « de grand lignage » ; il était du nombre de
ces gentilshommes qui, n'ayant d'autres biens que leur épée.
(i) Archives de l'Isère, B, 3 175.
(2) Archives de l'Isère, B, 3142. — Fournier, p. 5 10.
(3) Anselme, t. VI, p. 3 19. — Le contrat est du 33 décembre 1393 ;
la cérémonie religieuse eut lieu le lendemain dans la chapelle du châ-
teau de Baux.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 2 1 I
couraient le monde comme chevaliers. Turenne et Boucicaut
ne pouvaient demeurer tranquilles. Les hostilités recommen-
cèrent. Elips de Beaufort enleva le commandement de ses
places au capitaine Dorète et lui substitua Tristan de Beau-
fort, son frère bâtard, qui se mit à faire la guerre au pape, à
Tévêque de Valence et au comte de Valeniinois. La route con-
duisant à Avignon n'offrait plus aucune sécurité. Au mois de
mars 1894, la plus grande effervescence régnait dans le pays.
On tenta de négocier un arrangement ; ce fut en vain. Le
mois suivant, on répandit le bruit que les gens d'armes de
Boucicaut descendaient le Rhône, se dirigeant vers le Comtat.
Le seigneur de Mazan, envoyé par le pape, vint à Moniéli-
mar, accompagné d'un grand nombre de soldats pour rétablir
l'ordre. Il fallut une véritable armée. Le rendez-vous général
fut fixé à Montélimar, et dès le milieu de mai, on vit arriver
dans cette ville de nombreux détachements : le recteur du
Comtat et le bâtard de Poitiers, lieutenant du comte, s'y trou-
vèrent (i). Tous les préparatifs achevés, on alla faire le siège
de Savasse, tenue par les hommes de Raymond. Le 9 juin, la
place fut emportée d'assaut. Quelques gens d'armes se rendi-
rent au péage de Lène, et le 11, réussirent à s'emparer de la
tour, qu'ils démolirent (2). Le i5, l'armée pontificale rentrait
(i) Ch. De Coston, Hist. de Montélimar, t !•', p. 402-8, qui a puisé
la plupart de ces détails dans les registres des délibérations consulaires
de cette ville.
(2) Humhert de Beaumont, seigneur de Pellafol, dans une enquête
qui eut lieu à Romans en 1422, donne d*assez curieux détails sur cette
guerre. « Dit outre que durant ladite guerre les gens du pape Clément,
avec lesquels étoit led. feu comte, mirent le siège devant lesd. villes et
chasteaux de Savasse et se rendirent a eux les gens dud. raessire Rai-
mon, qui dedans estoient. Et après, lesd. gens du pape firent abattre et
démolir led. chastel, qui estoit fort et notable, et abattre les murs d'en-
viron icelle ville en plusieurs lieux : laquelle ville estoit grosse et no-
table et bien peuplée. Et pareillement lesd. gens du pape prindrent led.
chastel de Leyne, qui estoit bel et notable et le firent abattre et démolir,
et y avoit un gros village près qui fut presque destruit. »
2 12 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
triomphante à Montélimar. Elle n'avait accompli qu'une
partie de sa tâche. Elle en sortit le 20 juin, sous le comman-
dement du recteur du Comtat, pour aller assiéger Château-
neuf-de-Mazenc.
La place, pourvue de bonnes murailles et d'abondantes
munitions, fut vaillamment défendue par la garnison qui
avait à sa tête Louis de Tournemine, dit Mars, lieutenant du
bâtard de Beaufort. Le siège, commencé le 20 juin, ne se ter-
mina que le 9 novembre, ayant duré ainsi près de cinq mois.
Plusieurs assauts avaient été donnés, mais toujours sans suc-
cès. Les assiégés auraient sûrement triomphé de tous les
efforts de l'armée pontificale et gardé leur position, sans l'in-
tervention du gouverneur du Dauphiné qui, d'après les ordres
de Charles VI, se transporta sur les lieux et, au nom du vica-
riat impérial, somma Tristan de Beaufort d'avoir à lui livrer
la place (i). Menacé d'encourir l'indignation du roi et im-
(i) La lettre royale, datée de Paris, le 9 juin 1394, donne des détails
sur les causes de cette petite guerre et sur quelques-uns des désordres
qui en furent la suite. Après avoir rappelé, qu'aux termes des derniers
traités, la comtesse major devait confier la garde de Châteauneuf à
Dorète, le roi poursuit de la sorte : « Et despuis cela, lad. comtesse,
sans nostre commandement et ordonnance et sans le seu de nostred.
oncle, ne desdits commissaires, ait osté led. Dorete et ait mis et ordonné
capitaine de lad. forteresse ung appelé Tristaing de Beaufort, cheva-
lier, lequel de son autorité et contre la volunté de lad. comtesse, si
comme elle dit, a faict guerre à nostredit saint père et auxdits evesque
et comte, et reançonne aucunes gens de la terre "dud. comte et faict
plusieurs grans dommaiges aux marchans de nostre Daulphiné et a
autres du païs d'environ, en grant esclande et lésion de justice et au
grant préjudice et dommaige irréparable de la chose publique, et des
subjects de nostredit Dauphiné, si comme l'en dit ; nous voulans pour-
veoir a ce et obvier aux dommaiges de nos subjects, vous mandons et
commettons que vous vous transportiés par devers led. Tristaing et
luy faictes commandement de par nous que sur quanqu'il se puet mes-
faire et dobte mesprendre envers nous et sur paine de perdre corps et
biens et d'estre banny de nostre royaume, il se parte de lad. forteresse
et ycelle vous rende et baille et délivre pour en ordonner a nostre vo-
LES COMTÉS DE VALENTENOIS ET DE DIOIS. 2l3
puissant à se mesurer avec le gouverneur de la province,
Tristan résolut de céder. Il vint trouver le gouverneur, prêt
à faire tout ce qu^on exigerait de lui. Le 7 novembre, Jacques
de Montmaur et Tristan de Beaufort se présentèrent sous les
murs de Châteauneuf. Elevant la voix, Tristan appela le capi-
taine Louis de Tournemine et lui dit : « Louis, je vous ai confié
« ce château. Je ne veux ni désobéir au roi, ni déplaire à Dieu ;
ft aussi je vous prie et vous requiers de livrer ce château à
« mon seigneur le gouverneur qui est là, parce que je le veux
« et il est nécessaire d'agir de la sorte. Du reste, le gouver-
« neur vous donnera, à vous et à vos compagnons, toutes les
« garanties de sécurité que vous pourrez désirer. Baiquin et
a Andrevon de Rodant que j'ai envoyés pour cette affaire à
a Avignon, m'ont rapporté que les gens du maréchal de
a France le veulent et m'ordonnent de faire ainsi. » Tourne-
mine tint à bien dégager sa responsabilité et demanda qu'un
notaire dressât un acte constatant l'injonction qui venait de
lui être faite. François Nicolet, de Crémieu, rédigea l'acte
demandé, devant le château, dans la tente de Guillaume,
bâtard de Poitiers, en présence de Lambert Adhémar, sei-
gneur de La Garde, et de Louis Adhémar, son frère. Le len-
demain 8 novembre, Tristan releva le capitaine Tournemine
de tous ses serments. François Nicolet rédigea un nouvel acte
pour ce sujet, en présence de Guillaume de Roussillon, sei-
gneur du Bouchage, acta fuerunt hec in obsidio ante dictum
castrum Castri Novi, Le 9 novembre, eut lieu la remise de la
place au gouverneur, qui put alors y entrer et en pren-
dre possession. Jacques de Montorsier arbora sur la plus
haute tour du donjon l'étendard delphinal, les panonceaux
du prince et ceux du gouverneur. Le 10 novembre, par let-
lenté et plaisir, et avecque ce faittes commandement de par nous à
tous ceulx que vous trouverez estre de sa compagnie, sur les paines
dessus dites, qu'ils se despartent de la compagnie dud. Tristaing et de
lad. forteresse... »
2 14 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
très données à La Bâtie-Rolland, Jacques de Montmaur
nomma châtelain de Châteauneuf-de-Mazenc Guillaume
d'Hostun, damoiseau, ce que le roi ratifia à Paris le 16 dé-
cembre (i).
L'intervention du gouverneur dans cette guerre et Tauto-
rité avec laquelle il dispose de Châtesuneuf témoignent de la
faiblesse du comte de Valentinois devenu impuissant à répri-
mer le désordre sur ses terres et à revendiquer ses droits. Un
événement qui aurait eu lieu en iSçS, d'après Ju vénal des
Ursins, (qui ne fait ici que résumer la chronique du moine
de St-Denis), contribua encore à discréditer le comte dans
l'esprit de ses sujets. Une compagnie de gens d'armes, reve-
nant d'Italie, dans le plus piteux état, et se proposant de ga-
gner le Languedoc, « passoîent par les destroits de Savoie et
du Dauphiné et n'avoient aucun argent pour eux deffrayer en
retournant. » Ils se présentaient en mendiants plutôt qu'en
soldats, a requérant qu'on leur donnast à manger, en les
laissant passer. » A la nouvelle de leur approche, le comte
de Valentinois, l'évêque de Valence et le prince d'Orange
eurent bientôt réuni environ 3, 000 hommes et leur firent dire
que s'ils ne livraient point leurs personnes et leurs armes, pas
un d'entre eux n'échapperait au gibet. Toutes leurs supplica-
tions furent inutiles. Ils avaient à leur tête t un chevalier,
nommé messire Amaury de Séverac, qui vaillant chevalier
estoit et pour lors jeune d'aage. » Celui-ci « parla à ses compa-
« gnons, en leur montrant qu'il valait mieux qu'ils se défen-
« dissent que de eux laisser prendre et tuer et qu'il avoit
a confiance en Dieu et en leurs courages. Et faisoient lesdits
« seigneurs la nuit grands feux, mais petit guet : car en rien
a ils ne craignoient la puissance dud. Séverac et des siens,
« lesquels, comme dit est, estoient la plus grande partie nuds
« et sans arroy. Au point du jour vinrent frapper sur les no-
« blés du Dauphiné, et les desconfirent. Et y furent pris led.
■^■^— — — I — ^»^»^.— M— — ^^» »■■■■■■■ Il I 1—^^»^— ^^«^P— ^1 I p H l II II ^— i^^— ^^M^^^^— W^^— ^i^^W^^»^— ^i^^
(i) Archives de Tlsère, B, 3 143.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 21 D
« comte de Valentinois , Tevesque de Valence , le prince
« d'Orange et plusieurs autres. » Séverac comprit que, dans
la circonstance, il était prudent d'user avec modération de la
victoire. Les prisonniers tremblant d'être massacrés, si leurs
gens tentaient de les délivrer, désiraient plus encore en venir
à un accommodement et « demandèrent audit Séverac qu'il
« leur fit bonne compagnie et on les laisseroit passer seure-
« ment. Lequel en fut d'accord et ses gens. Et au regard desd.
« princes, ce qu'ils voulurent donner de leur franche volonté,
a Séverac et ses gens en furent contents, et des autres gentils-
a hommes, chacun paya un marc d'argent. Et par ce moyen,
a led. Séverac et ses gens quiestoient tout nuds, mal habillés
« et sans argent, s'en vinrent à leur pays et devers leur sei-
« gneur, le nouveau comte d'Armagnac, montez, armez et
« bien garnis. Ainsi va aucunes fois des aventures de la guerre,
a Et desdits du pays de Dauphiné se mocquoient les Fran-
« çois, Anglois et tous autres nations (i). »
(i) Jean Juvenal des Ursins, Hist, de Charles VI, dans Collection
MicHAUD et PoujouLAT, t. II, p. ^o3-^. — Le chroniqueur donne à cet
événement la date de i SgS ; il pourrait se faire qu'il ne fût qu'un épi-
sode de l'invasion de iSgi, mentionnée plus haut. Ces soldats, en effet,
allaient « devers leur seigneur, le nouveau comte d'Armagnac », Ber-
nard VII d'Armagnac, qui succéda à son frère Jean III, mort le 25 no-
vembre iSgi.
(A continuer,) Jules CHEVALIER.
'> i?f~n: cH> £jz|; i>
2i6 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
NOTICE LITTÉRAIRE
SUR
MONSEIGNEUR VIGNE
Archevêque d'Avignon.
*-*-
(Fin. — Voir la 117* livraison).
M. Vigne a collaboré aussi à quelques autres revues.
Nous avons dit que le Rosier de Marie lui a emprunté
bien des sujets , mais rien d'inédit, croyons-nous. Le
Bulletin de VŒuvre de S, François de Sales, dont il
était le correspondant pour le diocèse de Valence, a publié
de lui de nombreuses communications, notamment une
longue étude sur S. François de Sales (t. V, 1864, pp. 80,
106, 137, 166, 193, 221, 249; et t. VI, pp. 79, 107, i35
et 249). Ce bulletin fait de lui une honorable mention
dans son numéro d'avril 1866, à l'occasion des progrès
de l'œuvre dans le diocèse de Valence. Après les avoir
longuement énumérés, Mgr de Ségur loue le zèle du di-
recteur diocésain qui « se fait en toutes circonstances son
éloquent apologiste, » et au zèle duquel il attribue d'aussi
beaux résultats. Il rappelle en particulier qu'à la fête du
(i) Cette allégorie a été reproduite par le Rosier de Marie du 2 janvier
1864, p. 732.
ri
NOTICE LITTERAIRE SUR MGR VIGNE. 217
saint Patron, qui venait d'être célébrée (29 Janv.) à la Visi-
tation de Romans avec toute la pompe possible, M. Tabbé
Vigne en avait développé, devant une assemblée nom-
breuse, l'esprit, le but, et les moyens, et que la quête faite
après ce discours avait porté la recette de Romans à la
somme considérable de 660 fr. (i). Nous avons cru utile
de relever ce petit trait en passant.
Il nous reste à jeter un coup d'œil sur les Œuvres pas-
torales de Mgr Vigne. Ses mandements, publiés avec une
double pagination, l'une en haut, spéciale à chaque nu-
méro, et l'autre en bas, faièant suite dans la même série,
forment, pour Oran, deux volumes, dont le premier,
comprenant une série de vingt numéros, du 27 mai 1876
(date de son sacre), au 8 décembre 1878, tire 574 pp.
in-8% et le second, interrompu au milieu de sa croissance
par la translation du vénérable auteur à Digne, 3oo pp.
en treize numéros, du 11 Janvier 1879 au 17 mars 1880,
qui est la date de sa lettre d'adieu à ses diocésains de la
terre d'Afrique. Chaque volume est suivi d'une table.
Ajoutons que tous ces mandements, sauf le premier, qui
est de Valence, Jules Céas et fils, ont été imprimés à
Oran, du n** 2 au n"* 16, chez Adolphe Perrier, et du n**
[7 au n® 33 (dernier), à l'imprimerie Heintz, Artus et O^.
Les mandements de Digne n'ont qu'une seule pagina-
tion, qui se suit par le haut, et forment de même deux
volumes, l'un de 574 pp., en 28 numéros, suivis d'une
table, du 12 mai 1880, date de son mandement d'arrivée,
au 16 avril 1884; ^^ l'autre, encore plus mince que le se-
cond d'Oran, f 14 pp. (sans table) en six numéros, du
8 mai 1884 au 2 février r88b, date du mandement de
'""'*^ " '^"^^~ ' ^^^^~~ iiiiiii.ii» I • I ^.^^^— .— ^1^^— ^^.— — ^^^.— ^^— ^ ,
(i) Loc cit. pp. 88-89.
2l8 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Carême contenant en même temps ses adieux aux diocé-
sains de Digne. Le format in-8® est conservé et le sera
encore à Avignon. Ils sortent des presses de MM. Barba-
roux, Chaspoul et Constans, imprimeurs à Digne.
Les mandements d'Avignon, imprimés chez Aubanel
frères, prennent de nouveau la double pagination et for-
ment pareillement deux volumes, plus le commencement
d'un troisième, le premier de 497 pp., en 24 numéros, du
10 mai i885, « jour de notre prise de possession de notre
siège », au 21 décembre 1888 ; et le second, de 402 pp., en
20 numéros, du lo janvier 1889 au r6 décembre 1892
(à l'occasion de la nouvelle année 1893). Il ne reste, pour
le troisième, que 162 pp. comprenant ii numéros, en
tout 55 pour le pontificat d'Avignon, du 2 février 1893
(mandement de Carême) au 2 septembre 1895, pour la
convocation de son clergé à la retraite pastorale. A cette
date, le bon archevêque était déjà considérablement miné
par le mal sous les étreintes duquel il devait bientôt suc-
comber. Il annonce à ses prêtres qu'il n'aura point la
consolation de se trouver au milieu d'eux et de présider
à leurs pieux exercices ; il se recommande à leurs prières,
et leur assure que « son cœur d'Evêque et de Père offrira
à leur intention ses souffrances et ses douleurs pour leur
obtenir des grâces de choix. » C'étaient ses adieux défini-
tifs à son bien-aimé clergé.
Les mandements de Carême sont ordinairement les
plus importants et les plus étendus de ceux que publient
NN. SS. les Evêques. Les sujets traités par eux nous in-
diquent quels sont les points de dogme ou de discipline
qui leur sont le plus à cœur, et aussi quels sont les be-
soins spéciaux de leur diocèse, les désordres ou abus qui
y régnent et qu'ils voudraient en faire disparaître. En
NOTICE LITTERAIRE SUR MGR VIGNE. 219
nous faisant ainsi connaître les principaux objets sur les-
quels s'est portée de préférence leur sollicitude pasto-
rale, les listes de mandements deviennent des éléments de
biographie et nous fournissent des données précieuses
sur le caractère et la tendance d'esprit de leurs auteurs,
ou sur les circonstances au milieu desquelles ils ont vécu.
A ce titre, il ne sera pas sans intérêt de relever les sujets
de ceux qu'a publiés Mgr Vigne. Voici la liste de ses ins-
tructions quadragésimales pendant son triple épiscopat :
Oran. — 1877. Le bon emploi du temps (14 pp.)
1878. L'ignorance en matière religieuse (60 pp.)
1879.' La sanctification du dimanche (43 pp.)
1880. Les devoirs des parents chrétiens (40 pp.)
Digne. — 1 88 1 . Principaux devoirs des fidèles dans les
circonstances présentes (43 pp.)
1882. L'obligation de la prière (46 pp.)
f883. La pénitence (40 pp.)
1884. Devoirs du chrétien envers l'Eucharistie (44 pp.)
i885. Derniers avisa ses diocésains avant de les quit-
ter (29 pp.) (i).
Avignon. — r886. Enseignements de l'Encyclique du
St-Père relative au jubilé extraordinaire de 1886 (41 pp.).
1887. Devoirs des parents chrétiens envers leurs en-
fants (47 pp.), sujet déjà traité à Oran en 1880. (Voir
encore le n® 37 d'Avignon, du 19 mars 1891).
1888. Moyens de réveiller la foi et de hâter le triomphe
de l'Eglise (5i pp.)
(i) On remarque, dans la série des mandements de Mgr Vigne à Digne,
une allocution prononcée par lui à la distribution des prix de son Petit-
Séminaire, le 36 juillet 1881 (n* 8, 8 pp.).
220 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
1889. Sur TEncyclique Exeunte jam anno (i i pp., et
37 avec la traduction de l'Encyclique et le dispositif.) |
1890. Sur l'Encyclique Sapientiœ christianœ^ relative
aux principaux devoirs des catholiques (14 pp. et 55 avec
l'Encyclique et le dispositif.)
1891. Les bienfaits du christianisnne (38 pp.)
1892. Sur l'instruction religieuse et l'éducation chré-
tienne de l'enfance (35 pp.)
1893. Principales obligations du Carême (3o pp.)
1894. (Sans titre spécial). Mgr Vigne, déjà malade,
exhorte ses diocésains à passer saintement le temps du
Carême, et les prémunit contre Tentraînement dçs jouis-
sances matérielles (12 pp.)
1895. Sur l'Encyclique Christi notnen^ relative à l'œu-
vre de la Propagation de la foi (23 pp. et 35 avec le texte
latin de l'Encyclique, accompagné de la traduction).
Plusieurs de ces mandements et quelques autres ont été
reproduits, par extraits plus ou moins longs, dans diffé-
rents journaux, notamment dans V Univers ^ dans le
Monde^ dans la Décentralisation^ dans la Croix^ dans la
Vérité, dans VEcho de Fourvière^ etc., sans parler des
journaux catholiques de Vaucluse. En dehors de ceux du
Carême, nous citerons seulement la belle lettre pastorale
sur les noces d'or de Pie IX, analysée et reproduite en
grande partie par V Univers du 27 avril 1877, et le man-
dement sur l'Encyclique Quanquàm pluries^ dans le
même journal du 5 octobre 1889. ^'^ situation de l'Eglise
et de la France y est retracée de main de maître.
Une lettre pastorale qui arrivait avec autant de régula-
rité que le mandement de Carême était celle par laquelle
le bon Evêque adressait à ses diocésains ses vœux de
bonne année. Il n'y manqua jamais, sauf pendant les deux
NOTICE LITTERAIRE SUR MGR VIGNE. 221
dernières années de sa vie, où il en fut empêché par la
maladie (i). C'est là un genre de littérature épiscopale
qu'on ne trouve que chez lui. Ces lettres dénotent, tant
par la pensée qui les a inspirées que par les sentiments
qu'elles expriment, la bonté de cœur de leur vénérable
auteur, et sa tendre affection pour ses diocésains. Ceux-ci,
du reste, la lui rendaient bien.
Outre les lettres pastorales contenues dans la collection
de ses mandements, Mgr Vigne en a écrit plusieurs autres
qui grossiraient considérablement le volume de ses œu-
vres, et dont quelques-unes ont fait sensation. Elles ont
été publiées par les journaux religieux. Nous citerons no-
tamment les suivantes : au cardinal Guibert relativement
au service militaire des ecclésiastiques (dans la Décentra-
lisation du 4 février ï88i) ; au Pape Léon XIII au sujet
des attentats du i3 juillet (même journal du 5 août i88r);
au cardinal Lavigerie en réponse à son appel pour une
croisade contre l'esclavage [Bulletin de la société anti-
esclavagiste de France^ t. P% pp. 37-8), datée du 2 octo-
bre 1888 ; au ministre Thévenet,sur sa circulaire relative
à rimmixtion du clergé dans les questions électorales
[VUnivei^s du t5 septembre 1889) ; à Tarchevêque d'Aix à
l'occasion de son procès [Ibidem^ 9 novembre f89i); au
cardinal Langénieux sur la loi d'abonnement {Ibidem du
22 "mai 1895). Ce fut là son chant du cygne et son dernier
acte épiscopal rendu public. Son ami, Mgr de Cabrières,
lui adressa une lettre de félicitations à ce sujet (datée du
24 mai). — Dans un autre ordre d'idées, mentionnons en-
core sa lettre au P. Ragey, mariste, à l'occasion de son
(i) Les vœux de bonne année pour 1879 se trouvent à la suite d'une
fort belle lettre sur le Denier de S. Pierre (n* 20 des mandements d'Oran,
40 pp.)' Tous les autres sont l'objet d'un numéro spécial.
222 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
livre sur Julien l'Apostat (v. V Univers du 2-3 janvier
1882). On y reconnaît l'ancien professeur de rhétorique
et le pasteur zélé, qu'aucune des grandes questions qui
intéressent l'Eglise ne laissait indifférent.
Nous signalerons encore les documents suivants : i® Son
discours au Pape prononcé à l'audience générale accordée
aux Pèlerins français le i3 avril 1888, publié par le
Moniteur de Rome du lendemain et reproduit par les
journaux religieux de France (v. la Semaine religieuse
d'Avignon, t. 38, p. 211); — 2° Discours prononcé, le
29 juillet 1879, à '^ distribution des prix de TEcole libre
Notre-Dame d'Oran (ancien collège des Jésuites), dans le
palmarès de cet établissement pour ladite année, pp. 23
à 29; — 3** la Neutralité de V Ecole devant la raison et
la bonne foi. Ses conséquences naturelles et nécessaires.
Lettre à un père de famille, par Monseigneur VEvêque
de Digne. — Digne, imprim. Barbaroux, Chaspoul et
Constans. 1 883 (petit in- 1 2 de 3 1 pp., signé Ange, Evêque
de Digne) (i); — 4"* Cinquième centenaire du Bienheureux
Pierr^e de Luxembourg^ célébré dans V église Saint-
Didier^ du i^^ au 5 juillet 188']. — Avignon, Au-
banel frères. 1887. 1^-8^ de 02 pp. En têie, la Lettre
pastorale de Mgr Vigne sur ces fêles, pp. 3 à i3 (2).
A ces différentes œuvres de notre vénérable métropo-
litain, il convient d'ajouter les écrits qui ont paru à son
sujet. En voici quelques-uns: Lettre pastorale de Mgr
VEvêque de Valence annonçant au clergé de son diocèse
le sacre de Monseigneur Louis- Joseph -Marie -Ange
(i) Voir sur cet opuscule un excellent article de M. l'abbé L. Chosson
dans le Messager de Valence du 14 mars 1883.
(2) Cette circulaire porte le n* 14 dans la série des mandements d'Avi-
gnon.
NOTICE LITTÉRAIRE SUR MGR VIGNE. 223
Vigne^ Evêque élu cVOran, — Valence, impr. Jules Céas
et fils. 1876. (In-4'* de lo pp.). — C'est le n** 7 des Mande-
ments de Mgr Cotton. — Item du même prescrivant un
service solennel pour le repos de Pâme de Monseigneur
Ange P^igne^ archevêque d'Avignon. — Valence, impr.
Valentinoise. 1895. (In-8° de 9 pp ) (n® 94 desdits man-
dements). — Des circulaires analogues ont été adressées
à leur clergé par les Evêques de Digne, de Montpellier,
de Nîmes et d'Oran, sans parler de celles, au nombre
de trois, de Tadministration diocésaine d'Avignon. —
Notons aussi la pièce suivante, qui doit s'ajouter au dos-
sier de notre vénéré compatriote :
Brinde à Sa Grandour M^^^ Angi Vigno^ avesque
deDigno. In vinculis charitatis, Deviso de Mi^^. — Four-
cauquié , 24 de jun de /(?<?o. (Forcalquier, impr. A.
Masson) — (Plaquette in -8®). Trois strophes patoises, avec
traduction, signées : l'abbé Bonnefoy, membre du Féli-
brige et de l'Ecole des Alpes.
Enfin, pour compléter la bibliographie de Mgr Vigne,
mentionnons encore les principales notices biographiques
publiées sur lui, tant pendant sa vie qu'à l'occasion de sa
mort. Parmi les premières : Notice, par Oscar Havard,
dans la France illustrée de l'abbé Roussel du 23 avril
1-88 1 (n** 3?4; t. VIII, p. 248); son portrait avait été pu-
blié dans le n® 274 de la même revue ; — item^ à l'occa-
sion de sa translation d'Oran à Digne, dans le Monde,
supplément du 28 avril 1880; — item, dans les Etudes
catholiques^ tome IV, p. 3o2. Nous avons nous-même
donné une notice d'une certaine étendue sur M. Tabbé
Vigne, lors de sa nomination à l'évêché d'Oran, dans le
Journal de Montéli?nar du 25 mars 1876, reproduit par
la Semaine religieuse de, Grenoble du 3o (tome VIII, pp.
224 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
5 12-5). — Les notices de la seconde catégorie, contenant
une biographie complète, c'est-à-dire jusqu'à la mort
inclusivement, sont plus nombreuses; les principales
sont d'abord celles qui parurent à Avignon au moment
du décès : la Semaine religieuse (f Avignon du 3o no-
vembre, sous la signature de Pabbé de Terris (pp. 667-
678), la Croix (T Avignon du 17 nov. (biographie, ordre
de funérailles, portrait), le Comtat ; etc., puis : la Semaine
religieuse de Valence du 16 nov. (t. VI, pp. 72 1-6); la Vie
française du r5 nov., p. 346, avec un portrait fort res-
semblant accompagnant la notice et reproduit sur la cou-
verture ; V Ami du Foyer illustré du 28 nov., pp. 5()-7 ;
la France ecclésiastique^ Almanach- Annuaire du Clergé
pour i8g6^ au Nécrologe, p. 867. Signalons enfin un
article intitulé : Pages retrouvées. Un Prélat poète^ pu-
blié au lendemain de la mort de Mgr Vigne dans le Sup-
plément littéraire du Figaro (n® du ib novembre 1895),
par un de ses anciens élèves, un valentinois qui a un nom
dans les lettres, mais dont nous respecterons l'anonyme.
C'est, en quelques mots, le portrait littéraire du Prélat
poète^ joint à un portrait physique des mieux réussis.
L'auteur nous y apprend que le futur archevêque « don-
nait à ses amis, et publiait parfois, toujours anonyme-
ment, ou tout au moins sous un pseudonyme, bien des
vers que beaucoup ont pieusement conservés (r) ; » et
comme pièce justificative de l'éloge qu'il vient de décer-
ner au poète, Tancien élève de la maîtrise de Valence, de-
venu lui aussi un émule de Lamartine, ajoute à son filial
(i) Nous trouvons, en effet, plusieurs poésies anonymes de Mgr Vigne
dans les premiers volumes de VAmi des Familles ; mais le nom de Tauteur
est indiqué dans la table. Npus avouons n'en, pas connaître d'autres, ni au-
cune qui soit signée d'un pseudonyme.
NOTICE LITTÉRAIRE SUR MGR VIGNE. 225
hommage une de ces poésies jetées négligemment comme
des feuilles au vent, au sortir de l'inspiration qui les avait
produites, et recueillies par les mains pieuses de celui qui
déjà savait les apprécier. Cette page retrouvée a pour
titre : oâ un poète. Elle est signée et datée de Valence, 16
mai i855.
Tel fut, en raccourci, le digne pontife que notre société
s'honorait de compter parmi ses membres. Nous l'avons
étudié ici principalement au point de vue littéraire : c'est
celui dans lequel, plus encore peut-être que dans les actes
les plus remarquables de son épiscopat, se révèle avec
toute son ingénuité et son doux éclat, sa belle âme et son
grand cœur. Ancien élève de Mgr Vigne, nous avons
connu des premiers tout ce qu'il y avait de tendresse et de
dévouement dans ce cœur si affectueux et si paternel. Au
milieu du concert de louanges qui s'élève aujourd'hui au-
tour de sa mémoire bénie, nous n'avons pu donner qu'une
bien faible note; puisse-t-elle du moins contribuer à payer
une vieille dette de reconnaissance qui ne se soldera ja-
mais entièrement.
Cyprien PERROSSIER.
2« SÉRIE. XXX* Volume. - 1896. 15
CLAUDE FRÈRE
EST-IL NÉ A VALENCE ?
I
Paul de Thézan-Venasque [de Thesan et de Venasca)^
seigneur de Venasque, St-Didier, Méthamis, Montmé-
lan, etc., chevalier de Tordre du roi et de celui du pape,
donna de nombreuses preuves de courage durant les guer-
res de religion et notamment lors de Tattaque de Carpen-
tras par le baron des Adrets. De son mariage avec Agnès
Geoffroy (i566), il eut trois fils. Le plus jeune, Antoine,
vivait encore en 1622, mais Pithon-Curt a ignoré sa des-
tinée (i).
Il étudia le droit à l'université de Padoue et fut reçu doc-
teur m w/ro^^we/wre le lundi 18 juillet 1 588. Il lui fut délivré,
selon Tusage, un magnifique diplôme sur parchemin, dont
la conservation est merveilleuse. Les témoins requis furent
« Excellent issimo Philosophiae et Medicinae Doclore
« Domino PETRO iVLIANO Griglionensi (2), Gallo,
« Excellent issimo Philosophiae et Medicinae Doctore
(i) Histoire de la noblesse du Comté Venaissirif t. III, pp. 394-5. — Bar-
JAVEL, Dict. hist , etc. du dép, de Vaucluse, t. II, pp. 436-7.
(2) Grillon (Vaucluse) était dénommé castrum de GrilloniSj d'après Bar-
thélémy {Inventaire chronol. et anal, des chartes de la maison de Baux^ p. 6 1 o),
et Grillonumf selon Courtet [Dict. géogr.^ etc. du dép. de Vaucluse^ p. 173).
Cependant nous pensons que Ton doit traduire Griglionensis par né à
Grillon.
CLAUDE FRERE. 227
« Dommo CLAUDIO RONDETO Turnoniensi, Gallo,
« Domino PETRO GIRAVDI de Sobiras, et Domino
« CAROLO INGUIMBERTO Carpentoractensibus.Do-
€ mino CLAVDIO FREREO Valentino, Gallo, Domino
« 10 : ANTONIO ROYERIO Avignonensi, et Domino
« PHILIBERT© CATONE Delphinate, Legum Scho-
« laribus. Et ah'is quamplurimis Excellent issimis ac
« Nobilissimis Viris in freque?iti copia ^ Test ibus ad prae-
« missa vocatis^ et adhibitis (i) ».
M. le chanoine Nadal nous apprend que, dès i582,
« malgré la réputation deJosserand^Tuniversité de Valence
déclinait toujours à vue d'œil. Les élèves étaient en petit
nombre ; les cours de philosophie, de théologie et de mé-
decine étaient presque tombés en désuétude, et l'enseigne-
ment du droit lui-même laissait beaucoup à désirer. ?> Du-
rant les années iSSy et t588, Claude Froment « ne réussit
que deux ou trois fois à se procurer quelques auditeurs» (2).
La présence à l'université de Padoue d'un aussi grand
nombre d'étudiants, originaires de notre région, témoigne
hautement d'une part de la réputation européenne de ses
professeurs, et d'autre part confirme les appréciations de
M. Nadal.
Pierre Julian de Grillon, docteur en philosophie et en
médecine, Claude Rondet de Tournon, pourvu du même
grade, sont inconnus de nos jours. Pithon-Curt raconte le
rôle joué plus tard dans le Comtat-Venaissin par Pierre de
Giraud de Soubirats (3) et par Charles Inguimbert (4),
(i) Par suite d'une bizarrerie incroyable, les noms propres sont tous à
Tablatif sauf un seul.
(2) Histoire de ^université de Valence^ pp. 115-6 et 124.
(3) Op, /., t. III, pp. 346-7.
(4) Ibid., t. IV, p. 481.
228 SOCIÉTÉ D^ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
tous deux originaires de Carpentras. L'Avignonais Jean-
Antoine Royer n'a peut-être que le nom propre de com-
mun avec Louis-Bernard Royer, né à Avignon, docteur
in utroque jure^ avocat et poète du XVIII* siècle (i). Quant
à Philibert Caton, Dauphinois, il peut appartenir à la
famille (^aton de Thalas, à laquelle M. de Rivoire de la
Bâtie n'a consacré que quelques lignes {2).
Le diplôme, encore revêtu du sceau en parfait état de
l'université de Padoue et de celui de Boniface Rougier,
docteur en droit, chevalier et comte palatin, délivré à
Antoine de Thézan, ne nous offre de l'intérêt que par les
faits nouveaux qu'il nous révèle au sujet de l'illustre
Claude Frère (3).
II
Rochas a pensé le premier que « ce personnage, Tun des
plus considérables du Dauphiné pendant la première moi-
tié du XVIP siècle , était probablement originaire de
Valence ou des environs » (4).
Huit ans plus tard ('864), H. Gariel publia le « Diction-
naire du Dauphiné de Guy Allard », dans lequel ce der-
nier affirme que « Claude Frère était de Valence » (5).
En 1867, M. de Rivoire de la Bâtie fournit des rensei-
gnements plus précis sur la famille Frère. Elle serait d'ori-
gine Lyonnaise et aurait exercé le commerce à Lyon dès
i55i. Claude serait fils a de Giraud Frère, de Valence ))(6).
(1) Barjavel, op. /., i. II, p. 365.
(3) Armoriai de Dauphiné, p. 126.
(3) Collection de M. Ludovic Vallentin.
(4) Biographie du Dauphiné, t. ï''", p. 401.
(5) T. I", p. 536.
(6) Op. i., p. 345.
CLAUDE FRÈRE. 229
Nous ajouterons qu'un <( savant avocat au siège présidial
de Lyon dans le XVI* siècle », portait le nom de Frère
(Frereus) (i).
Gustave Vallier, après avoir rappelé les opinions de
Rochas, de Guy AUard et de M. de Rivoire de la Bâtie,
estime que ce dernier a raison lorsqu'il considère la fa-
mille Frère comme étant originaire de Lyon, en se fon-
dant sur un texte découvert par le savant M. Lacroix.
C'est un procès-verbal « de curatelle donnée à Claude
Frère en la personne de François et Louis Frère, ses on-
cles, le 8 octobre i58b. Cet acte nous apprend, en outre,
qu'à l'âge de quatorze ans Claude était étudiant au collège
de Paris » (2).
En publiant la Généalogie de la maison de Rabot^
M. Jules Chevalier a émis incidemment une opinion con-
forme : a La famille Frère se rattacherait, paraît-il, à la
bourgeoisie lyonnaise, enrichie dans le commerce. Une
branche serait venue se fixer à Valence, où les historiens
dauphinois font naître Claude Frère » (3).
Enfin, M. Humbert de Terrebasse, tout récemment,
s'est tenu sur une sage réserve: «Claude Frère, fils de
Giraud, de Valence » (4).
Le i5 janvier 1692, Claude Frère, professeur, docteur
agrégé, fut pourvu d'une régence à l'université de Va-
lence (5).
(i) Brbghot du Lvt et Péricaud, Cat. des Lyonnais dignes de mémoire
p. 117.
(3) Numismatique du parlement de Grenoble. Claude Frère, (Bulletin de
la Soc. dép. de la Drômef t. XV, pp. 342-4.)
(^) Bulletin de la Soc. dép. de la Drôme^ 1884, t. XVIII, p. 395.
(4) Poésies dauphinoises du XVII' siècle, p. 161.
{5) Nadal, Op, /., p. 125. — Il doit être né en 1571.
23o SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Les renseignements que Ton possède sur ce personnage,
antérieurement à cette circonstance, sont à peu près insi-
gnifiants.
m
On est amené à identifier, sans discussion possible, le
« CLAUDIO FREREO, Valentino^ Gallo », cité dans le
texte que nous avons reproduit ci-dessus, avec Claude
Frère, parce que le nom propre Frère était autrefois très
rare, comme il Test de même aujourd'hui. Il est matériel-
lement impossible qu'il y ait eu en ï588 deux Claude
Frère, nés à Valence (France), et étudiants en droit. L'ad-
jectif Valentinus est la forme latine correcte de Valen-
tinois.
Nous avions toujours eu l'intention d'essayer de déter-
miner avec certitude le lieu de la naissance du premier
président Frère. Au cours de patientes recherches, effec-
tuées avec le plus grand soin, dans les innombrables do-
cuments de la première moitié du XVP siècle, classés avec
tant de méthode aux archives départementales de la Drôme,
nous n'avions jamais rencontré le nom propre Frère.
Nous considérions le problème comme insoluble, lorsque
le hasard, cette providence des chercheurs, a fait acquérir
à M. L. Vallentin divers papiers relatifs à la famille de
Thézan.
Nous pouvons signaler un autre fait nouveau. On ne
savait pas dans quelle ville Claude Frère, que M. Lacroix
a rangé avec justice au nombre des célébrités Valenti-
noises (i), avait étudié le droit. La question est tranchée
(i) Essais historiques sur la ville de Valence avec des additions par A.
Lacroix. Valence, Chenevier et Chavec, 1885, in-8**, p. 257.
CLAUDE FRÈRE. 23 I
désormais. C'est à la célèbre université de Padoue (Italie),
qu'il a été initié aux secrets de la science chère à Cujas,
qu'il a suivi les leçons des plus fameux jurisconsultes
De même son contemporain, Claude Expilly, acheva
comme lui à Paris ses études classiques ; il se rendit en-
suite en Italie pour mettre à profit l'enseignement de divers
savants à Turin et à Padoue successivement.
IV
L'étranger est étonné de lire à Valence des dénomina-
tions arbitraires de rues, qu'aucun motif sérieux ne justifie,
telles que celles de la rue d'Athènes, de la rue Papin, etc..
Une cité doit conserver le souvenir de ses illustrations ;
elle doit transmettre à la postérité la mémoire de ses en-
fants qui l'ont honorée. La municipalité Valentinoise serait
judicieusement inspirée en donnant le nom de Claude
Frère à l'une des rues de la ville.
Roger VALLENTIN.
232 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
LE TRAIIWAY DÉ LA GALAURE
(Suite. — Voiries 109% iio*, m", iia*, 113% 114*, ii5*, ii6*
et 1 17* livr.)
Hauterives. — (suite).
Les seigneurs d'Hauterives ne s'étaient pas arrogé, comme
en bien d'autres endroits, les parties du sol les plus fertiles ;
leurs seuls domaines, appelés TEiguette, au nord et près de
leur château et GoifiBeux, dans le val d'Euillon, n'annoncent
en effet ni des exploitations luxueuses, ni des revenus im-
portants. Ils s'en dédommageaient avec les redevances exi-
gées de leurs tenanciers et de leurs justiciables. Comme il
reste d'eux quelques livres de recettes, on peut, avec une
légère dose de patience, s'en rendre un compte exact. En
1470, il y a 70 laboureurs et 37 travailleurs (manouvriers)
qui paient 115 sétiers de blé, 81 de seigle, 43 d'avoine, 174
poules, une sommée et 6 barraux de vin, 2 lièvres, 6 lapins,
8 fromages, 2 livres de cire, 8 toisons, 12 verres et une
hache, 216 gros d'or, 6 livres et quelques sols. De plus, un
tenancier devait fournir les cornes du guet et tenir le por-
tail couvert. Ils avaient droit aussi à 110 corvées.
Pour comprendre ces redevances, il faut se reporter à
l'époque où l'esclavage se convertit en servage, pour arriver
ensuite à la main-morte, et enfin à la liberté. Alors on affran-
chissait sa personne en se soumettant à diverses servitudes,
et son coin de terre, en payant des censés ou redevances
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 233
annuelles. De cette façon, les tenanciers devenaient des
fermiers perpétuels, mais en réalité des propriétaires moyen-
nant les lods en cas de vente et le muage, en cas de mort.
Dans un temps où l'impôt foncier n'existait pas encore, ces
redevances n'avaient rien d'exorbitant. Les lods s'exigeaient
pour les ventes à raison de 2 gros, valant 2 sols tournois,
par florin, ce qui équivalait au 6® denier, et la moitié moins
pour les échanges et les donations. Mais, en 1763, M. de
Borel les percevait au tiers denier et prétendait lever les
doubles lods aux mutations de seigneur, au lieu du plait, ce
qui aggravait la condition des tenanciers. Peu à peu, il
naquit bien d'autres charges. Ainsi le vingtain ou droit de
clôture pour l'entretien des murs d'enceinte, simplement
volontaire, en 1320, se traduisit, en 1341, par la 20* partie
des grains et du vin récoltés et par la fourniture des boLs de
la palissade établie entre la porte du château et la poterne.
Cette innovation ayant provoqué de la résistance, le sei-
gneur consentit à se charger de toutes les clôtures moyen-
nant une redevance annuelle en grains.
En 1384, surgit une autre innovation : tout habitant se vit
contraint de payer à Noël, 2 gros et une poule, outre une
corvée à réquisition. A titre d'allégement, le territoire fut
divisé en deux parts : les termes ou franchises s'étendant à
200 toises du château et les propriétés sises au-delà. Dans
les termes, la redevance pour les laboureurs allait à une
émine de seigle et une d'avoine ; hors des termes, à une .
émine de blé, une d'avoine et trois quartaux de seigle ; les
manouvriers devaient seulement trois quartaux de seigle et la
corvée était évaluée 12 deniers.
Un siècle plus tard, Claude de Saint-Chamond augmen-
tait ces mêmes tributs de sa propre autorité. Les habitants
lui résistent ; il les fait emprisonner ; ils en appellent au
Parlement et il se rend à Grenoble pour éloigner le jugement
définitif. Comme les danses publiques avaient été interdites
par lui et qu'à Tersanne ses agents en voulaient empêcher
234 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
une, plusieurs jeunes gens furent blessés dans la lutte qui
s'ensuivit. Sur la plainte de la population, le Parlement fit
emprisonner les valets du seigneur et lui-même fut retenu
aux arrêts à Grenoble.
Or, pendant le procès, vers 1541, le bruit de l'arrivée de
lansquenets ou troupes indépendantes étrangères qui ven-
daient leurs services au plus offrant, se répand à St-Germain ;
chacun s'arme et Ton s'attroupe pour leur résister. Pareil
fait, regardé comme un acte de révolte, amène dans le pays
un commissaire du Parlement. L'abbé de St- Antoine, parent
du seigneur d'Hauterives, intervient alors et une transac-
tion met à la charge des vassaux les frais et dépens soufferts
à Grenoble par Claude de St-Ghamond et ses quatre valets,
évalués 1,000 florins, petite monnaie, de 12 sols chacun.
Les droits de vingtain et de moisson, appelés ireuac, furent
en même temps attribués au seigneur par le Parlement, et
sous Louis Adhémar de Monteil, mari d'Anne de St-Chamond,
ils rapportaient, pour 360 habitants faisant feu, 225 sétiers
de seigle et 68 livres 1/2 d'argent.
Franchissant deux siècles, sans rechercher d'autres inno-
vations, nous trouvons, en 1609, un arrêt du Parlement et,
en 1683, une reconnaissance à la famille de Borel qui les
consacrent toutes. Toutefois, l'un de ses membres, en 1763,
n'hésita pas à les recommencer et à les grossir.
D'après un imprimé du temps, il réclamait à tout ménage
dans et hors les termes, 2 gros d'or à Noël, une corvée
d'homme et une poule à réquisition, tout comme en 1384. A
cette époque cependant, les murs d'enceinte ne protégeaient
plus le château vieux, remplacé par une construction nou-
velle en face et assez loin du village ; ils ne servaient pas
davantage aux habitants.
Tout laboureur avec bœufs, chevaux, mulets et autres
bêtes aratoires, domicilié dans les termes, lui devait une
émine de seigle et une d'avoine ; hors des termes, c'étaient
deux quartaux de blé, trois de seigle et deux d'avoine, outre
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 235
12 deniers pour une corvée de bœufs. La cote des travail-
leurs hors des franchises était de trois quartaux de seigle (1).
On se plaignait alors de la classification des bourriques
parmi les bêtes aratoires, de la perception d'un double droit
sur ceux qui exploitaient deux domaines avec le même bétail
et la même charrue et de Texaction du droit de moisson et
vingtain des artisans ni propriétaires, ni fermiers, et même
des simples manouvriers.
Tout possesseur de parc ou troupeau lui devait une toison
et un fromage fait avec le lait de la traite d'une nuit. Il y
avait seulement quatre ou cinq personnes, à Torigine, dans
ce cas, et la charge n'était pas trop lourde ; mais M. de Borel
Taggrava en la faisant peser sur tout propriétaire de trou-
peau de brebis, soit sur plus de 250 habitants.
Le droit de paisson dans les bois s'élevait à un liard par
tête de porc. Ajoutons que toutes ces redevances devaient
être portées à son château, les grains à la mesure des rentes
et Targent en espèces recevables.
La moitié des langues des bêtes bovines et des nombles
(filets) des pourceaux tués à la boucherie lui appartenait.
Ses moulins de Dravey et de St-Germain étant banaux, il
fallait y porter les grains et en rapporter la farine. De plus,
il pouvait obliger les habitants au charroi des meules de ses
moulins depuis Mercurol et Beauvoir, en nourrissant les
hommes et les bêtes ; et il voulut mettre à leur charge ces
frais de charroi jusqu'à Lyon. Pour le foumage, dans la dîme-
rie de St-Maurice, c'est-à-dire au village, il levait une poule
à la Toussaint ; au-delà, c'était un quartal de seigle pour les
laboureurs et 3 pugnères pour les manouvriers qui avaient
un four. En étendant ce tribut aux quatre paroisses du man-
dement, il triplait son revenu.
La pêche était réservée à lui seul, de Dravey à l'église de
(1) La sétérée équivalait à 34 ares 19 centiares ; le sétier à 84 litres
1 décilitre, l'émine la moitié moins et le quartal un quart.'
236 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
•
St-Martin (rancienne église paroissiale au cimetière) ; il la
défendait dans tout le cours de la Galaure.
Débouté en 1615 du droit de préférence et de présenta-
tion des comestibles à vendre, il en usait quand même avec
une rigueur extrême.
Quant à la coupe et à la vente des bois, il s'en attribuait
le monopole et prenait deux balais de bouleau à toute voi-
ture de passage.
Maître des eaux vives du mandement, il y ajouta les eaux
pluviales et les eaux de source.
Enfin il ne parlait rien moins que d'user du ban-vin ou
droit exclusif de vendre du vin en gros et en détail pendant
un temps déterminé ; ce qui n'avait jamais été reconnu.
On comprend sans peine les mécontentements soulevés
par de telles exigences, souvent petites, mais toujours vexa-
toires.
Aussi, M. de Châtelard, acquéreur de la seigneurie en
1783, malgré le zèle qu'il avait mis à défendre la population
contre son prédécesseur, devant le Parlement, eut-il à subir
sa colère au moment de la Révolution. C'était le système
qui était le coupable, on s'attaqua aux personnes.
Jusqu'ici, en parcourant la vallée, nous n'avions pas expli-
qué les charges féodales, faute de documents certains. Pour
Hauterives, ils existent, peut-être un peu grossis par un sei-
gneur obéré ; mais l'histoire impartiale doit la vérité entière
et sans parti-pris.
Il a été question déjà bien souvent des charges féodales ;
elles n'étaient pas les seules. Il y avait depuis Louis XI les
tailles ou impôt foncier ; depuis Louis XIV, la capitation ou
cote personnelle et mobilière, et le dixième ou impôt sur
le revenu, transformé en vingtième vers 1750 et le don
gratuit.
Il y avait la dîme évaluée 2,000 livres environ.
Il y avait les passages et logements militaires si onéreux
au XVP siècle qu'en 1579, ils firent naître la ligue dite des
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 237
Vilains dans les environs de Romans et jusqu'à Hauterives.
Les principaux meneurs ayant été condamnés à mort, la
Valloire prit les armes et alla misérablement échouer devant
Moirans.
Ce qui excitait surtout les plaintes du tiers état ou du peu-
ple, c'est que les biens de la noblesse et du clergé n'étaient
pas imposés comme les autres et que la noblesse payait seu-
lement la capitation et le dixième.
Or, à Hauterives, sur 7,862 sétérées d'étendue, la noblesse
en possédait 1,163, le clergé 100, soit en langage du temps
3 feux nobles et 8 2/3 roturiers.
En 1760, la taille s'élevait à 4,449 livres, la capitation à
1,378; le vingtième et autres impositions à 2,247; en tout,
8,074 livres pour 1,580 habitants.
En 1864, pour 3,776 hectares imposables, pour 138,876
de revenu et pour 2,542 habitants, les impôts montaient à
31,756 fr. 80 c.
Pour clore le détail des charges d'alors, il resterait les
dépenses communales ou le budget, comprenant les gages
d'un maître d'école, des guides des troupes de passage, l'en-
tretien des planches sur la Galaure et celui des édifices pu-
blics. Mais ces chiffres ne sont pas du tout récréatifs et
nous y renonçons pour signaler une dernière singularité.
Non loin et à l'est du village, le long de la route départe-
mentale de Montélimar à Beaurepaire, au pied d'un mame-
lon de mollasse, s'ouvre une excavation habitée par un
philosophe. Lit, bancs, table, tout est taillé dans le sable.
On parle de l'homme préhistorique comme d'un fait curieux ;
mais Hauterives en a un que nous signalons aux touristes et
aux mécontents de leur sort.
Autrefois chasseur intrépide, notre troglodyte actuel ne
peut plus exercer son art avec fruit: la vue abaissé, les
jambes ont faibli et le gibier a disparu. N'importe, à l'aide
de quelques journées de travail, il peut vivre modestement,
sans visites importunes et sans souci de ses héritiers. Que
238 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
lui importent les fluctuations de la bourse et les discussions
oiseuses? Les orages passent au-dessus de sa grotte sans
l'atteindre. Un seigneur d'Hauterives échangea aux temps
passés sa brillante fortune, sa position et ses espérances
contre la vie monastique, l'habit de bure et le travail de la
terre ; notre philosophe, bien que sur une plus modeste
échelle, a eu aussi des jours heureux qui se sont évanouis.
Il ne se plaint ni du passé, ni du présent et libre de toute
attache se rit des ambitieux qui sacrifient leur courage et
leur vie pour courir après la fortune. Lui, l'attend sans im-
patience comme sans murmure, et si elle ne vient pas, il
sera vite consolé, car à l'exemple de VIroquois à la foire, il
peut dire :
Marchands, fermez vos paquets ;
Je sais vivre à peu de frais ;
J'ai tout et n'ai rien :
Laissez-moi pour bien
Mon heureuse indigence ;
Vos désirs sont votre lien,
Et j'ai l'indépendance.
Saint-Germain (station).
Au sortir d'Hauterives, la vallée se rétrécit un peu sans
cesser d'être pittoresque. Au nord, un coteau sablonneux
produisait naguère un vin excellent et on appelait le pays
Saint-Germain des Vignes.
Le phylloxéra y a fait de grands ravages et les arbres à
fruits y ont seuls résisté. De l'autre côté de la Galaure, une
vaste prairie forme un contraste gracieux avec les cultures
du coteau méridional et avec la maison blanche du Châte-
lard. C'était jadis une maison-forte et la preuve s'en tire de
deux tours rondes, dont l'une, celle du couchant, est sur-
montée d'une toiture à tuiles vernissées qui brillent au soleil.
La famille installée en cet endroit croyait descendre des
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. iSq
premiers seigneurs d'Hauterives et en effet, Berlion d'Hau-
terives, dit de Châtelard, vivait à la fin du XIII® siècle et
voulut être inhumé dans Téglise de St-Martin, auprès de ses
ancêtres. Nicolas, son fils, était contemporain de Poncet
d*Hauterives, le dernier possesseur de la seigneurie de ce
nom. Viennent ensuite Pierre de Châtelard, Berlion II, dé-
cédé en 1398, Guillaiime, vivant en 1430, Antoine en 1450,
Claude I" en 1473, Eynard en 1550, Claude II en 1593,
Alexandre en 1624, François en 1690, Christophe en 1716,
dit le comte de Châtelard, François en 1755, dit le marquis
de Châtelard et Alexandre en 1783.
De cette maison sortirent plusieurs officiers de mérite
comme Melchior, capitaine d'infanterie en 1632, Alexandre
aussi capitaine en 1624, Christophe, commandant du régi-
ment de Bourbonnais ; Pierre-Jacques et François, l'un
major et l'autre lieutenant-colonel au régiment des gardes
de Lorraine et ensuite brigadier des armées du roi vers
1755; Henri, appelé le marquis de Sallières, colonel d'in-
fanterie en 1664; François-Balthazar, commandant des ville
et fort de Salins en 1681, et Alexis-Antoine, lieutenant géné-
ral des armées du- roi et gouverneur de l'Ecole royale mili-
taire en 1752.
c Au-dessus de ces guerriers plane un de leurs descendants,
M. le général de Miribel, qui mérite une biographie.
Alexandre de Châtelard, dernier seigneur d'Hauterives,
avait laissé une fille, Marie-Claudine-Adrienne, qui épousa
le colonel Jean-François-Joseph-Marie, comte de Valory,
chevalier de la Légion d'honneur, et lui donna Adrienne
de Valory de Châtelard, mariée avec Arthur-Loup Copin de
Miribel, maire en 1843 de la ville de Grenoble.
Marie-François-Joseph de Miribel, un de leurs fils, naquit
à Montbonnot (Isère), le 4 septembre 1831. Son caractère
aimable et sa volonté tenace avaient fait dire de bonne heure
à son père : « Cet enfant ira loin, parce qu'il veut et pousse
jusqu'au bout ce qu'il veut. » Prophétie complètement
réalisée.
240 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Du collège des Jésuites de Chambéry, où il brillait parmi
les meilleurs élèves, il entre sans peine à TEcole polytech-
nique, en sort en 1853 comme sous-lieutenant d'artillerie et
passe aussitôt à l'Ecole d'application de Metz. La campagne
de Crimée Ten retire en 1855. A peine arrivé en Orient, il
sert dans une batterie de siège, et comme un jour le canon
russe moissonnait ses hommes, il monte seul sur Tépaule-
ment, au milieu d'une pluie de balles. « J'ai pris la part du
gâteau la plus dangereuse, écrivait-il à son frère ; tu peux
être sûr que si je ne réussis pas ici, ce ne sera pas la faute
d'avoir fait tout ce qu'il faut pour cela ; le feu, du reste, me
fait si peu d'impression, que je n'aurai pas grand mérite. »
Au retour de Crimée, il va dans la garde, part avec elle
pour l'Italie et se distingue à Magenta et à Solférino. Là,
une balle lui traverse les deux mains au moment où, privé
de ses soldats, il pointait lui-même le canon. Le grade de
capitaine et la croix de la Légion d'honneur récompensè-
rent sa vaillance. De 1862 à 1865, on le trouve au Mexique,
comme attaché à l'état-major du général commandant l'ar-
tillerie. Dans une reconnaissance des remparts de Puebla,
il reste plus d'une heure entre deux feux, à peine abrité par
un petit fossé. Pendant l'assaut, une balle lui éraille la tête
et la moitié de ses hommes succombe. Cité à l'ordre du jour,
de Miribel reçut alors la croix d'ofScier de la Légion d'hon-
neur. « Nous avions peur de ne pas nous battre, écrivait-il
à la fin de la campagne ; nous nous étions joliment trompés,
et je t'assure que j'ai vu, certains jours, des feux comme je
n'en avais pas vu depuis le jour de la prise de Sébastopol. »
Devenu, au retour, officier d'ordonnance du maréchal Ran-
don, il prépara secrètement un projet de mobilisation qui ne
fut pas adopté et eût prévenu de grands malheurs.
Nommé chef d'escadron en 1867 et l'année suivante atta-
ché militaire à St-Pétersbourg, il ne revint à Paris que deux
ou trois jours avant l'investissement. Chargé du commande-
ment de l'artillerie d'une division, il empêcha à Châtillon la
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 24 1
déroute d'une aile de l'armée qui s'était repliée, sans préve-
nir le général en chef. Le 21 octobre, à la Malmaison, il
poussait l'audace jusqu'à la témérité : ce sont les expressions
de l'ordre du jour.
Le général Ducrot attache à son état-major de Miribel de-
venu lieutenant-colonel, et depuis lors il est toujours con-
sulté, car toujours ses vues sont précises et ses décisions
sûres. Le 23 novembre 1870, il commande une brigade de
mobiles, en qualité de colonel, et sa vaillance leur inspire
une confiance telle qu'ils acquièrent du renom à Champigny,
au Bourget et à Buzenval.
Après la guerre, la Commission de revision des grades lui
conserve celui de colonel; le 3 mai 1875, il devient général
de brigade, préside deux ans plus tard la mission militaire
envoyée aux grandes manœuvres de l'armée allemande, et
se voit obligé, le 28 novembre 1877, d'accepter les fonctions
de chef d'état-major du ministre de la guerre. Il les quitte en
1879. L'année suivante, il était créé général de division et
allait commander à Lyon ; ensuite, le ministre de la guerre
lui confiait la direction de l'état-major. A deux mois de là, la
chute du ministère Gambetta entraînait la sienne ; mais il
demeurait membre du Comité d'artillerie et du Conseil supé-
rieur de la guerre, tant sa haute capacité l'avait mis en
évidence.
On le retrouve, en 1884, à la tête de la mission envoyée en
Russie pour assister aux grandes manœuvres. Les souvenirs
laissés à St-Pétersbourg en 1868 y vivaient encore ; l'empe-
reur et l'impératrice l'accueillirent avec une particulière
affection et il y reçut la croix de Ste-Anne.
Placé en 1887 à la frontière de l'Est à la tête du VI« corps,
il y jouit bien vite de la confiance et de l'affection des sol-
dats et des habitants ; mais sa mission ne devait pas se bor-
ner là. Créé chef d'état-major général de l'armée, il se mit à
l'étude de la mobilisation. « Vous représentez-vous, disait-il
lui-même, la gigantesque levée d'un peuple tout entier, la
2* SÉRIE. XXX« Volume. - 1896. 16
242 SOCIÉTÉ d'aRCHÉLOGIE ET DE STATISTIQUE.
vie publique et la vie privée de la nation instantanément sus-
pendues, toute la France transformée en place d'armes, et
ces masses immenses, habillées, équipées, armées en quel-
ques jours, en quelques heures, s'acheminant par toutes nos
voies ferrées vers Tétroit champ clos où vont se décider,
dans un formidable choc, la grandeur, l'indépendance, l'exis-
tence même de notre patrie ? Plus de* deux millions de com-
battants, formant des milliers de colonnes ou de trains de
chemins de fer, s'ébranleront ainsi à des jours et à des heu-
res fixes, se succédant, se croisant, s'arrêtant à des instants
précis et en des lieux déterminés où ils trouveront tout ce
qui leur est nécessaire. Tous ces flots humains sembleront
se rouler pêle-mêle, mais à un instant précis et calculé, tout
se retrouvera en ordre, et chacun ira à sa place, face à l'en-
nemi et prêt au combat. »
Eh bien ! ce travail, M. de Miribel l'accomplit, et penché
sur sa carte, il avait appris à connaître montagnes, collines,
ravins, petits cols et la place du fort nécessaire, du bataillon
chargé de la défense et du soldat placé en sentinelle.
a II faut le proclamer hautement, a dit le général Saus-
sier, nul plus que lui n'a droit à la reconnaissance du pays,
car l'achèvement du travail de mobilisation et de prépara-
tion à la guerre nous permet de regarder en face toutes les
éventualités de l'avenir. »
Un autre service dû au chef d'état-major, c'est la forma-
tion d'élèves capables de continuer son œuvre.
Au mois de juillet 1893, le général de Miribel, après avoir
parcouru les Alpes de 7 heures du matin jusqu'à 6 heures du
soir, pendant vingt-cinq jours, était venu prendre un peu de
repos à Hauterives, dans la riante et paisible vallée de la
Galaure. Soudain, le 10 septembre, la nouvelle se répandit
qu'il était tombé de cheval, frappé d'apoplexie, et qu'après
cinquante-trois heures d'agonie, il avait succombé. « L'ar-
mée et la France entière se sentirent frappées d'une immense
douleur... Il semblait qu'avec lui disparût plus qu'une des
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 243
grandes et pures gloires du pays et de Tarmée^ respérance
même de la patrie. »
Ses funérailles , célébrées à St-Germain d^Hauterives,
furent des plus solennelles : le regretté défunt, bienveillant
pour tous, était aimé et vénéré de tous. Modèle des époux et
des pères, chrétien véritable et soldat intrépide, il rappel-
lera longtemps un autre Dauphinois illustre, car il fut,
comme lui, « sans peur et sans reproche (1). »
Une souscription publique est ouverte pour élever une
statue au vaillant stratégiste à Hauterives, berceau de sa
famille maternelle et malgré les prétentions de Grenoble,
nous espérons qu'elle s'y dressera bientôt.
(1) Tous les journaux ont parlé de M. de Miribel. M. Desamys a pu-
blié sa biographie avec son portrait, une vue de l'assaut de Puebla et
une autre du Ghâtelard. De son côté, le Petit-Parisien, a reproduit la
scène de sa mort et lui a consacré une notice élogieuse.
A. Lacroix.
(A continuer)
2.'|4 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
ESSAI
DE
BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE
-*'-«>,.c^*o>*45iea>.i>sa„.'->-
(SuiTE. — Voiries loa", 103% 104*, lO)*, io6', 107*, io8', 109",
iio«, 111% II 3', 114*, 115®, ii6* et 1 17* livr.)
229. — Breviarivm \ ad vsum insignis \ et Collegia-
tœ 1 Ecdesiœbeati Barnardi \ de Romanis, \ Lvgdvni^ \
sumptib. Guillielmi Linocerii, MDCXII. — i vol. in-i8
ou tout petit in-i2 (r)de 12 fif. n. ch. et 793 fif. chiffrés,
plus 2 fif. pour le colophon et les errata. (Ceux-ci occu-
pent 3 pp. et demi.)
Ce volume est la reproduction textuelle du numéro pré-
cédent, sauf quelques rares différences. En voici la des-
cription analytique :
Titre en caractères alternativement rouges et noirs, di-
minuant de grandeur à chaque ligne; (les trois premières
seulement sont en majuscules). Sur le milieu, dans un
ovale inscrit lui-même en un carré orné de volutes et de
branches de feuillages, sont les armoiries du chapitre de
St-Barnard, bandé d'or et d''a:{ur de six pièces^ à une tour
carrée et crénelée de cinq pièces d'argent^ maçonnée et
■■■ I ■'■— ■ I ■ - ■ ^ ll».! ■ .^ ■■■■■■■Il ■■■ I I ■ I ■ ■ I ■ .»■ — — ^»
(i) Il n'y a que huit ff. au cahier, ce qui, régulièrement, forme l'in-S*.
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 246
ouverte de sable^ sommée (Tune main de bénédiction de
carnation^ parée de gueules et posée en pal (i).
Cette petite gravure, d'une assez bonne exécution, oc-
cupe plus de la moitié de la page.
La partie non paginée qui est en tête comprend : i° une
table indiquant les fêtes mobiles depuis 1612 Jusqu'à
i636 (2 pp.) ; 2° le calendrier, dont chaque mois occupe
une page ; et enfin 3® sept pages de rubriques, avec le ps.
Venite adoremus et les hymnes qui doivent le suivre à
matines, dans les différents temps de Tannée. Le revers de
la 7* page est en blanc. — Les rubriques, qui se rencon-
trent aussi très fréquemment dans le corps du vol., sont
en caractères rouges, et partout le texte est à 2 colonnes,
avec un titre courant en caractères semblables.
On trouve d'abord le psautier, distribué pour ma-
tines, laudes et vêpres, selon l'ordre des jours de la se-
maine; il est précédé d'une petite vignette représentant
David en prières, en costume de chevalier du XVI* siècle,
l'épée au côté, sa harpe et sa couronne par terre devant
lui. Il y a à laudes et à vêpres une hymne spéciale pour
chaque jour. Les petites heures, dont les psaumes ne va-
rient pas selon les jours, sont entre les matines du samedi
et les vêpres du dimanche. Puis viennent, au fol. 1 19, v%
les litanies des Saints occupant 6 pp. (2), suivies des
(i) D' Chevalier, Armoriai historique de Romans ^ p. 193.
(2) Chaque église avait soin d'insérer, dans ses litanies particulières, les
noms des saints qui étaient l'objet d*un culte spécial dans sa liturgie, oû
même dans la région. A ce titre, il ne sera pas sans intérêt de relever ici
ceux qui étaient invoqués dans Téglise de St-Barnard, en dehors des saints
qui sont honorés partout, et qui seuls sont restés dans les litangies ro-
maines. C'étaient, parmi les martyrs, S. Clément, S. Sixte, S. Hippolyte
et ses compagnons, S. Léger, S, Biaise, S. Séverin, S. Exupère, S Fé-
licien, S. Denys et ses comp., S. Maurice et ses c, S. Eustache et ses
246 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
hymnes, réunies ensemble au nombre de 91, de f. 122
à 146 inclusivement. Il y en a en moyenne trois pour
chaque fête, et pour certaines solennités plus importantes,
d'autres à chacune des petites heures (i).
Vient ensuite le propre du temps, commençant à TAvent,
mais sans titre spécial, si ce n'est cette formule, qui suit
sans intervalle une demi-colonne de rubriques terminant
les hymnes, et sans différence de caractères : In Christi
nomine. Incipit Breviariiitn secundum usum insignis Ec-
clesiœ Collegia. B. Barnardi de Romanis^ in Viennensi
Diocesi. Ici est une vignette assez grossière représentant
l'entrée de N.-S. J.-C. à Jérusalem. Rien de bien parti-
culier à noter pour cette partie, qui est de beaucoup la
plus longue du bréviaire (de fol. 147 à 5 17). Le verso de
c, s. Julien, S. Ferréol, S, Ferjus (S, Fergeole), S, Christophe, S. Lam-
bert, S. Romain, S. Ysique, S. Barrai (S. Barrala), S. Chafire (S. Théo-
frede)^ S. Thomas (de Cantorbéry), S. Ignace, S. Andéol, S. Just, SS.
Corneille et Cyprien, SS. Crépin et Crépinien, S. Quentin, S. Georges,
S. Symphorien; parmi les confesseurs, S. Hilaire, S. Léon, S. Mamert,
S . Avit, S . Apollinaire, S . Sévère, S . Vallier, S , Barnard (qui se trouve à
la suite de S. Bernard), S., Trophime, S. Claude, S. Eloi, S. Gilles, S.
Anathoire, S. Clair, S. Philibert, S. Louis, S. Guillaume, S. Donat, S.
Odon et S. Alexis ; — parmi les Vierges et les saintes femmes, Ste Anne,
Ste Félicité, Ste Thécle, Ste Euphémie, Ste Eulalie, Ste Barbe, Ste Blan-
dine et ses compagnes, Ste Ursule et ses comp.
(i) Il y aurait d'intéressantes observations à faire sur cette quantité
d'hymnes, la plus considérable que M. l'abbé Ul. Chevalier ait rencontrée
en aucun bréviaire. En dehors de celles qui sont dans le bréviaire romain,
et avec lesquelles la plupart offrent des variantes très considérables, on en
trouve pour les fêtes de S. Jean l'iivangéliste (six), de S. Barnard (trois),
de la Purification, de Ste Agathe, des BB. Sœurs de la Ste Vierge, de S.
Claude, de la Visitation, de Ste Magdeleine (2 toutes différentes de celles
du romain), de Ste Anne, de Ste Marthe (trois), de S. Louis, de S.Denys,
des Onze-Mille Vierges, de S. Martin, des SS. Séverin, Exupère et Féli-
cien, de Ste Catherine. Outre les deux hymnes de la fête de Noël, il y a
une prose qu'on devait dire à la messe : Lœtabundus exultet.
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 247
ce dernier feuillet est occupé par une page de rubriques
relatives au propre des Saints, qui suit : Incipiunt
festîvitates sanctorum per anni circulum. Au haut de la
p. suivante sont deux petites vignettes juxtaposées repré-
sentant, Tune S. André, dans un carré dont les quatre
branches de sa croix en X atteignent les extrémités, et
l'autre S. Pierre et S. Paul en présence l'un de l'autre,
avec leurs insignes respectifs (i). Cette partie est extrême-
ment intéressante et contient à peu près à chaque fête des
antiennes propres, rimées, et de curieuses légendes. Nous
y relèverons seulement les fêtes propres à l'église de St-
Barnard. Elles sont au nombre de huit, savoir: i"* la fête
de S. Barnard, au 23 janvier : Sacram hujus diei Sanc-
tissimi Barnardi, patroni nostri^ Archiepiscopi Vien-
nensis ac fundatoris hujus ecclesiœ et villœ de Romanis
(f. 653, v°). Au feuillet suivapt est une vignette représen-
tant le saint patron , reproduite de la première édition.
Cet office n'a pas moins de 14 pp. — 2** Le dimanche
dans l'Octave de S. Barnard, avec neuf leçons, différentes
de celles de la fête, suivies elles-mêmes de deux autres lé-
gendes de trois leçons chacune, à dire pendant les jours
de l'Octave. Celles de la seconde variante racontent la fon-
dation du monastère de Romans, et la translation ibidem
des corps des SS. Martyrs de Vienne Séverin, Exupère
et Félicien, qui y étaient honorés sous le nom des Trois
Doms (Trium Dominorum). La troisième leçon n^est tout
au long que l'éloge en distiques latins de ces trois Bien-
heureux, qui se lisait autrefois sur un marbre, près de leur
châsse (2), (fol. 564 à 568). — 3° L'Octave de S. Barnard
(i) Cette dernière se trouve reproduite en tête de Toffice de S. Pierre
fol. 629.
(2) U|. Chevalier, Le mystère des Trois DornSy p. cix.
248 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
(3o janvier), avec antiennes et leçons propres (fol. 569 v®
à 573 r**). Entre cet office et le précédent, il n'y a que celui
de sainte Agnès secundo. Gomme pour clore cette Octave,
on Ta séparée de Toffice suivant par la belle vignette que
nous avons déjà vue dans la première édition, représen-
tant S. Ignace d'Antioche dévoré par des lions, et dont la
fête, au i®*" février, suit immédiatement. — 4** La dédicace
de Téglise de St-Barnard (j 2 février), avec la vignette déjà
décrite dans la première édition. L'office est tout du com-
mun (fol. 586, v°). — 5^ La translation des reliques de
S. Barnard {22 avril), (fol. 60 1 -604) ; antiennes et leçons pro-
pres. — 6** Translation de S. Anatoire (5. Anatorii abbatis
et confessoris qui in prœsenti requiescit ecclesiâ)^ 9 juil-
let (i). Petite vignette représentant un évêque en chape, la
crosse à la main. Les leçons sont de S. Fulgence, et l'office
n'offre rien d'historique (fol. 645-646). — 7°LesSS. Séverin,
Exupère et Félicien, martyrs de Vienne (19 novembre),
dont les corps reposaient pareillement dans l'église de St-
Barnard. Vignette représentant les trois Saints revêtus
d'une sorte de dalmatique, coiffés de toques, le front nimbé
et ayant chacun une palme à la main (fol. 749 v^ à 762 r**).
— Item^ office spécial pour leur Octave, avec leçons pro-
pres (fol. 759-760). — 8** Translation des mêmes SS. Mar-
tyrs (2 octobre), avec des leçons tirées d'une homélie de
Guy (de Bourgogne), archevêque de Vienne, depuis,
Callixte II (fol. 719-720) (2).
(i) Ce saint abbé, dont les reliques reposaient dans l'église de S. Barnard,
en une chapelle dédiée sous son nom, ne figure pas dans les Bollandigtes.
On le trouve aussi désigné sous le nom de S. Anitor.
(3) Les trois offices propres des trois Martyrs honorés dans l'église de St-
Barnard ont été reproduits in extenso par M. le chanoine Ulysse Chevalier,
avec indication des pp. de Tune et de l'autre édition qui les renferment, dans
son beau volume sur le Mystère des Trois DomSf pp. lxxxvui à xciv.
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 249
Outre ces huit fêtes principales, nous signalerons encore
les suivantes, en l'honneur de saints locaux ou de patrons
spécialement honorés dans la ville : S. Nicolas (6 décem-
bre), olBSce spécial, avec antiennes propres et légendes
différentes de celles du bréviaire romain (fol. 525-b28) ;
S. Adon, arch. de Vienne (lôdéc, fol. 535); S. Clair,
abbé à Vienne (i®"^ janv.); S. Antoine (17 janv.), avec un
long office propre, tiré de celui de S. Antoine de Viennois
(fol. 539-543) -, S. Avit, archev. de Vienne (5 févr.) ; SS.
Félix, Fortunat et Achillée, martyrs à Valence (23 avril),
simple commémoraison ; S. Mamert (11 mai); S. Sévère,
abbé à Vienne (8 août) ; S. Donat, prêtre et confesseur
(19 août) ; S. Julien, martyr de Brioude (28 août); S. Just,
évêque de Lyon (2 sept.) ; S. Ferréol, martyr à Vienne (18
sept.) ; S. Apollinaire, évêque de Valence (5 octobre), avec
antiennes et leçons propres (fol. 722 à 72b) ; Ste Foy,
vierge et martyre (6 octob.) ; S. Theudère, abbé de St-
Chef (29 octob.) ; S. Restitut, évêque de Trois-Châteaux
(7 nov.) ; S. Agnan, archev. de Vienne (17 nov.), simple
commémoraison ; SS. Romain, Ysique, Barrai et Théo-
fred, martyrs (18 nov.) (fol. 748-749). S. Ruf, évêque et
conf., est mentionné dans le calendrier, avec le titre de
Valent[inensis)^ mais n'a rien dans le bréviaire.
Au fol. 761 V® commence le commun des Saints, pré-
cédé d'une page de rubriques. On y trouve un office com-
mun ou votif pour S. Barnard : Quando agitur de Sancto
Barnardo. Il y a des antiennes, légendes et répons propres,
qui diffèrent de ceux de sa fête (fol. 180-18 1). Les autres
offices votifs sont ceux des morts et de la Sainte Vierge,
lesquels, avec les suffrages des Saints et quelques orai-
sons pour dévotions particulières, terminent le volume.
On remarquera, au sujet des vignettes, qu'elles sont
25o SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
placées aux mêmes parties de Toffice que dans la première
édition ; mais, quoique le sujet soit le même, elles sont
d'une composition toute différente et beaucoup plus peti-
tes, sauf aux fêtes de S. Barnard, de S. Ignace, de S. Mau-
rice, des SS. martyrs Séverin, Exupère et Félicien, et de
la dédicace de TEglise, où elles sont reproduites de la pre-
mière édition. Cela nous autorise à croire que l'imprimeur
Poyet avait hérité des bois de Jean Belon. Nous devons
observer toutefois que ces cinq vignettes ne sont point or-
nées de l'encadrement qui les accompagne dans Tédition
gothique. La double vignette qui se trouve en tête du pro-
pre des Saints est aussi la même. Il y en a deux seulement
en plus dans l'édition de ibi2, savoir, à la Nativité de la
Sainte Vierge et à la fête de S. Denys, Celle-ci, qui est
toute petite, représente le saint portant sa tête dans les
mains ; dans celle-là, on voit Ste Anne dans son lit, assis-
tée par une femme, tandis qu'une autre plonge dans un
baquet l'enfant nouveau-né, dont la tête est nimbée, ainsi
que celle de S. Joachim, qui assiste à ce spectacle dans un
coin du tableau. Nous devons signaler aussi la vignette
de l'Assomption, qui est plus grande que les autres. Elle
représente le Père Eternel assis sur un trône, la tiare en
tête, couronnant la Sainte Vierge qui est agenouillée de-
vant lui.
Le colophon, précédant quatre pages d'errata qui ter-
minent le volume, présente, comme toujours, de précieuses
indications. Le voici :
Breviarium hoc ad vsum insignis et Collegiatœ Ecclesiœ
S, Barnardi de Romanis^ S. Romance Ecclesiœ immédiate
subjectœ, ante hac characteribus ac breviaturis inusitatis ex-
cusum^ ideoq; erroribus innumeris refertum, ita vt legi vix
posset^ nunc vero forma elegantiori et venustioribus typis
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROxMANAISE. 2b f
proditum^ fuit diligentia et sumptibus Egregiorum et nobi"
lium DD. Canonicorum dictœ ecclesiœ^ scilicet M. Arnauldi
Bonet Canonici et sacristce^ Gabrielis Rodtlhon Chori Ma-
gistri^Danielis de Galbert^ loannis Chosson Prœsentoris (i),
Nicolai Vencent^ Boni Chapoton Clavarii, Sebastiani de
Lyone^ Anthonii de Buffeuant^ P, de Chabon^ Jacobi Pejr-
ronirit G. Vincent^ loannis Noyer at^ CaroUDeferron^ et im-
pressum Lugduni in Tjrpographia loannis Poyet Ciuis Lug-
dunensis, anno à partu Virginis^ M.DCXII^ die duodecima
Mensis Aprilis»
Les caractères élégants dont on fait ici l'éloge pouvaient
rêtre pour cette époque ; mais ils sont singulièrement
pâteux, principalement aux rubriques, où de nombreuses
abréviations achèvent d'en rendre la lecture difficile. De
plus, les fêtes ne sont précédées d'aucun titre, et le quan-
tième du jour n'en est pas indiqué ; le plus souvent, c'est
dans le corps d'une rubrique relative à l'office qui précède
qu'il faut rechercher le nom du saint qui suit.
Tous les exemplaires, à vrai dire très peu nombreux,
que nous connaissons du Bréviaire de St-Barnard, sont
rognés de très près, de manière à ne laisser absolument
aucune marge, surtout en haut, où le plus souvent les
chiffres de la pagination sont emportés ; il en résulte un
volume cubique, mesurant environ o, 1 1 cent, de hauteur
sur o,75o mill. de larg., et autant d'épaisseur aux tranches.
Il en existait autrefois un exemplaire à la bibliothèque pa-
roissiale de St-Barnard divisé en deux tomes, formant
partie d'hiver et partie d'été, avec les parties communes
répétées ; il avait fallu en détailler deux pour former celui-
là. L'un des deux volumes dont il se composait a disparu.
(i) Pour Prœcenti^ris ,
262 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISITQUE.
Celui que nous avons sous les yeux est augmenté d'un
supplément, mais qui ne paraît pas avoir été imprimé spé-
cialement pour St-Barnard. Il se compose de 14 ff. et con-
tient l'ofiice de la Compassion de Notre-Dame (Virginis
Pietatis), et celui de S. Yves, évêque et Confesseur, que
Ton devait célébrer le dimanche dans l'Octave de l'As-
cension,
Les signatures sont g, 2-5 ; f 3 ; A 5, Z 5 ; Aa, Bb, etc.
Zz; AA, ZZ, 5-AAa, ZZz, AAAa, HHHh, 3. (chaque
cahier a 8 ff., sauf le dernier qui n'en a que 2.
L'une et Tautre édition de ce précieux monument de
notre ancienne liturgie a été l'objet d'une intéressante
étude de M. l'abbé Ul. Chevalier dans le Bulletin du
Bibliophile de Téchener, série 16, pp. 395-3qq, sous ce
titre : Raretés liturgiques. Notice sur le bréviaire de
St'^arnard de Romans, Notons en passant que cet arti-
cle a été le premier travail émané de la plume de notre
éminent collègue, qui entrait alors 0865) dans la car-
rière où il a si brillamment et si rapidement conquis ses
grades.
On trouve aussi une description abrégée de l'édition de
i5i8 dans le Rapport de M. L. Delisle sur la donation
de AI. Giraud^ mentionné plus haut, pp. 14-16, et dans
un autre article publié par l'éminent conservateur de la
Bibliothèque nationale dans la bibliothèque de VEcole
des Chartes^ t. LUI (1892), où il en reproduit le colophon
in extenso (p. 93) (i).
(i) Tiré à part en une broch. intitulée : Note sur un Bréviaire de Viviers
imprimé à Privas en i$oj, (Nogent-le-Retrou, impr. Daupeley-Gouverneur.)
In-8** de 7 pp. signé : L. Delisle. Ce Bréviaire de Viviers a été aussi im-
primé par Jean Belon,
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 263
Nous apprenons avec une très vive satisfaction, qui sera
certainement partagée par tous nos lecteurs, que M. l'abbé
Ul. Chevalier se propose de faire réimprimer le "bréviaire
de St-'^arnard^ pour les parties propres s^entend, à l'ins-
tar de ce qui se pratique dans la protestante Angleterre,
où Ton a réédité avec grand soin, et en les accompagnant
d'introductions et de notes explicatives, les anciens Bré-
viaires et Missels d'Aberdéen, d'Héréford, de Salisbury,
d'York, etc. Ce projet, annoncé par lui depuis six ans
{bulletin d^histoire religieuse de Valence^ t. IX (1888-9),
supplément, p. 41), est en voie de réalisation, et déjà la
copie se prépare activement. Ce sera là un moyen de con-
server et de mettre à la portée de tous les érudits un docu-
ment du plus grand intérêt, non seulement pour l'étude
de nos traditions religieuses locales, mais aussi pour l'his-
toire générale de la liturgie.
23o. — Cérémonial de VEglise de Saint-^arnard de
Romans. — A Valence, chez J. Gilibert, imprimeur ordi-
naire du Roy, de Monseigneur l'Evêque et de l'Université.
xM.DCC.XVII. — In- 12 de 3o pp.
Plaquette excessivement rare. Nous en avons eu un
exemplaire sous les yeux, il y a une trentaine d'années ;
il nous a été impossible de le retrouver.
23 r . — Ordo de S, TSarnard pour 1 782.
Nous possédons quelques fragments d'un ordo découpé
pour mettre dans un bréviaire pour plus de commodité
dans sa récitation. On peut voir, par la concordance de
quelques-unes des fêtes mobiles qui y sont indiquées,
qu'il est de l'année 1782. Malgré l'absence du titre, il
est facile de se convaincre que c'est un ordo de Téglise
de St-Barnard ; on y trouve, en effet, à certains jours l'in-
dication de services qui doivent être faits pour des cha-
254 SOCIETE d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
noines défunts. C^est ainsi que sont marqués, au 8 février,
Tanniversaire de Joseph Génissieu , au ii, celui de Jean
Ravier; au 14, celui d'Antoine Trollier; au i5, celui
de Pierre de Chabons, et au 16 du même mois, celui
d'Etienne de Surieu, tous chanoines de St-Barnard. A un
jour d'août dont le quantième manque, mais qui est dans
l'octave de l'Assomption, on trouve l'anniversaire de
Melchior de Gilliers et d'Arnaud Bonnet (le même jour) ;
et, ce qui est plus explicite encore, au 12 février, la fête
de la dédicace de l'église de St-Barnard, Dedicatio eccl.
Romanensis. Cette fête comportait une octave pendant
laquelle les antiennes du ^enedictus à laudes et du Ma-
^i/?c<i^ à vêpres variaient chaque jour; elles sont indi-
quées dans l'ordo. Au 3 février, on marque la page où il
faut prendre l'antienne Obtulerunt (fol, SySj; maiis on ne
désigne pas le volume où il faut la chercher. — A la fin
est un horaire des offices, dont nous regrettons de n'avoir
qu'un fragment incomplet. L'heure des vêpres y est ainsi
marquée : Vesperœ per annum^ hùrâpost merid III . Ab
hoc ordine tamen^ excipitur tempus Quadrag,^ Exceptis
dom. ut supra dictum est. — Excipiuntur etiam secundœ
Vesp, sol, de S. ^arnardo, simul pig. et festum Corp.
Chr. quœ puisant ur IL
On y trouve aussi quelques autres rubriques intéres-
santes :
Nocturnum Def. juxta fer. occurr. solet psalmodiari
Diebus 3. Lect. Temp. Quadrag. Horâ absolutâ III.
Postea completorium.
Alto temp. idem offic. Complet, semper dicitur post
Vesp. prœterea notandum est^ quod in quolib. sab. post
Compl. dîcuntur Lyt. "B. V. A/., exceptis annalibus.
Nota. Vesp. Defunct. dicuntur in die ultimo cujusque
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMAN AISE 255
mensis , exceptis festis annalibus , necnon totâ Hebd'
Sanctâ et Paschalù
Cet ordo de 1782 a-t-il été le premier qu^ait fait im-
primer le chapitre de St-Barnard ? Il serait difficile de
le dire, en Tabsence de pièces justificatives; mais il est
probable qu'à partir de cette année, le vénérable corps
en fit publier un jusqu'à sa suppression en 1790. Or, de
ces huit ou neuf ordo au moins, qui ont dû exister, il ne
reste plus de traces, et on ne se serait pas douté qu'il y en
eût jamais eu sans le fragment de celui de 1782, conservé
dans les pages d'un vieux bréviaire, où il a été trouvé par
hasard.
(A continuer,) Cyprien PERROSSIER.
25Ô SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
ESCALIN
VâtrCy ambassadeur et Général des Galères de France
RECUEIL DE DOCUMENTS
CONCERNANT SA VIE
(Suite. — Voir les 115* ii6* et iiy* livraisons).
De stercore erigens pauperem
ut collocet eum cum principibus.
L'histoire n'a pas noté la conclusion des revendications
mutuelles entre la dame de Cental et le baron de La Garde.
Il est à croire qu'après Tarrêt du Conseil privé chaque partie
se désista.
a
Voici le passage que Pérussis a consacré à l'affaire de Mé-
rindol et qu'il n'a écrit qu'en iSjS : *
(Tome II, folio 553 — 52 verso). « Je me souviens que l'an
1545 estant je jeune enfant, que fusmes mandés contre Tex-
pugnation de Cabrières, lieu dans cette compté et immédiate-
ment sous la juridiction et supériorité de N. S. P. et lieu où
habitent les luthériens hérétiques, et en effet les séditieux et
rebelles de tout ce pays, car il est le fruict des desvoyés, que
de receller tous les mauvais garniments que je y vois. Les
camps et gens du Pape Paul III de félice récordation, et celuy
du roy François I" du nom, d'heureuse mémoire, tout uni
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 267
ensemble, celuy de sa feue Béatitude sous feu m® de Lothoriy
vice-légat, pour Monsieur illustrissime Cardinal de Farnès,
pour Ihors légat, et celluy dudit feu seigneur roy, sous feu
seigneur le comte de Grignan, messire Loys Adhémar, homme
singulier et sage, pour Ihors commandant la Prouvence, et
le baron d'Oppede, messire Jean de Mayniers, Président audit
pays, homme docte et rare, et sous M. le baron de La Garde,
ores marquis (i), homme si fidèle au roy et si ancien bon
serviteur de toute sa couronne. Ces camps ainsy unis, débel-
larent les Luthériens, tant audit Cabrières que aussy es lieux
de Cabrierettes, Mérindol, Lormarin, La Coste, Synergues
et autres de ladite Prouvence, où plusieurs d^iceulx furent
morts à la chaulde (2) et en guerre, les autres perdus et acca-
blés par justice publique et exemplaire, par teu, par glaive ou
corde et le tout approuvé avec joyeux visage par ledit Fran-
çois P% Ihorsqùe la nouvelle de cette défaitte luy fut portée
par le sage et bien advisé monsieur de Fourrières, beau-fils
du s*" d'Oppède. Dont il ne faut pas doubter que tels sei-
gneurs (craignant Dieu) et obeyssant à ses supérieurs, n'eus-
sent plaine autorité et puissance et qu'ils faisoient les choses
pour bonne considération. Toutefois, après le décès dudit feu
François I**", comme toutes choses sont subjectes à mutation et
à décadence, furent appelles en cour et détenus à Paris pour
prisonniers par plusieurs années. Ils furent accusés mais non
convaincus, car c'est bien peu de cas d'estre inculpé, ce serait
plus d'estrft coupable. Ils furent en grand péril, en peynes,
détresse, despances, ennuits et dangier durant sept (3) années,
ou peu moins. A tant que tous les parlements de France
(i) De Bréganson.
(2) Chaulde ne veut-il pas dire ici dans la première animation qui
suit le combat ? puisque le mot feu vient après.
(3) Pérussis ayant écrit ce passage 28 ans après l'événement s'est
trompé sur le nombre des années de prison des inculpés.
2- Série. XXX» Volume. — 1896. 17
258 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
furent commis présidents pour assister au procès et jugement
dudit sieur Oppède. Et aucuns avoient opiné qu'il devoit
mourir ; et Dieu, qui est le juste juge et protecteur des inno-
cents affligés, les deslivra tous des impostures et charges. Ils
furent gens de bien et relaxés innocents, et les accusateurs
punis par justice. Entre autres le feut Guillaume Guérin, ad-
vocat de Provence. Gens de bien se pouvoient-ils dire et
noumer, veu qu'ils en avoient faitte la preuve. L'or se purifie
à la fournaise et rhomme par la propre vérité. Briefs, ils
furent relaxés à la confusion des accusateurs. » Ce retour sur
le passé a été écrit en iSjS. Pérussis devait avoir environ
53 ans, partant il avait 25 ans au moment de l'expédition de
Cabrières. Ces calculs découlent de ce qui est rapporté au
pied du manuscrit. Le 8 mai 1614, on déclare que Pérussis est
mort âgé de 60 ans, et cela depuis 3o années
Il est à regretter que Pérussis, d'ordinaire si prodigue de
réflexions et de considérations, s'en soit abstenu en cette oc-
casion, lui qui avait été témoin et membre actif de cette expé-
dition. Si en maintes circonstances il déplore les excès et les
violences, ne faut-il pas conclure que dans celle-ci la répres-
sion n'a pas eu la violence et la cruauté qu'Aubry lui attri-
bue dans son plaidoyer? Le Père Justin, qui a composé son
histoire sur des documents dont il indique l'origine, parle
plusieurs fois de la commisération montrée par les commis-
saires envoyés par le parlement, et qui étaient tirés de son
sein (à savoir Lafond, deuxième président, Bernard de Badet
et Honoré de Tributiis, conseillers, et Guillaume Guérin,
avocat général). Les meurtres, les violences, ont donc été dus
plutôt aux circonstances et à l'irritation des soldats, qu'à des
ordres émanés du baron d'Oppède et du capitaine Poulain.
Ces excès n'ont pas dû dépasser la somme de ceux qui
marquèrent les guerres civiles de ce siècle , excès repro-
chés à tous les partis, mais dont le point de départ retombe
sur les huguenots venus, les premiers, mettre le trouble et
le désordre dans l'Etat et la société.
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 269
Si la répression eût été aussi violente et aussi profonde que
cfe Thou et Aubry le prétendent, pour les besoins de leur
cause, elle aurait laissé dans l'esprit et dans le cœiir d*un
jeune homme de 25 ans une impression qui n'aurait pas été
oblitérée vingt ans plus tard. Or, le manuscrit de Pérussis
nous permet de constater que de 1 563 à 1 568, il y eut de nou-
veaux soulèvements dans cette région, et ne fait nullement
mention de l'exécution de 1545. Voici ce qu'il dit du baron
de La Garde, tome I^r-: « En juin i563, le baron de La Garde
s'employa pour pacifier les troubles, et il alla trouver au pont
de Sorgues 200 huguenots à cheval... Il descendit ensuite à
Bédarrides d'où il amena plusieurs rebelles à Avignon, sans
autre sauf-conduit que sa parole. Vers la fin de septembre
1567, ayant appris que les huguenots, malgré l'édit de pacifi-
cation, s'étaient soulevés et s'étaient portés en grand nombre
à Mérindol, Lourmarin et autres lieux, il se rend, avec le
président Fureau, à Mérindol, pour essayer de les pacifier.
Mais ceux-ci, ayant appris que Sisteron était tombé entre les
mains de leurs coreligionnaires, se montrèrent fort hautains,
refusèrent de rentrer chez eux, et, tout au contraire, se saisi-
rent en armes de Lauris, Lourmarin et du pont de Cadenet
sur la Durance, où ils se retranchèrent. Le 24 avril i568, un
édit de pacification ayant été publié à Aix, le baron de La
Garde se rendit à Sisteron pour persuader aux révoltés de
remettre la place. »
Ces démarches du baron ne prouvent-elles pas que l'exécu-
tion à laquelle il avait coopéré n'avait laissé aucune animo-
sité contre lui, et que si ses troupes eussent commis toutes
les atrocités qu'Aubry leur impute, il eût été mal venu à se
présenter en pacificateur et aurait fort risqué d'être écharpé ?
Si le pays eût été aussi dévasté et dépeuplé que les adversai-
res de d'Oppède et de Poulain le prétendent, il n'aurait eu ni
la force ni la volonté de se rebeller de nouveau dix-huit à
vingt années après. Concluons que les faits ont été grandement
exagérés, et que le baron de La Garde en particulier, n'ayant
200 SOCIÉTÉ D^RCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
agi que par ordre, ne doit pas supporter la responsabilité de
ces événements.
Le P. Justin prétend que l'arrêt du conseil du i3 février
i55i rétablit le baron de La Garde dans sa charge de général
des galères. Cette réintégration ne se trouve pas mentionnée
dans ledit arrêt. Mais il se peut que, par suite de la déclara-
tion d'innocence donnée en sa faveur, il se trouvât réintégré
dans ses autres dignités, gentilhomme de la chambre du roi,
chevalier de son ordre, etc. Le roi Henri II, qui connaissait
son mérite et qui sentait la nécessité de ses services, par let-
tres données à Villers-Coterets, le 26 février (c'est-à-dire
treize jours après larrêt), lettres qui ont été conservées par
Chorier, le nomma lieutenant général en l'armée de mer de
Ponant, en l'absence toutefois, et sous l'autorité de l'amiral
d'Annebaut, lieutenant général en Normandie. Sauf cette res-
triction, qui semble mise pour sauvegarder la dignité de ce
grand officier de la couronne, le baron de La Garde reçoit
les pouvoirs les plus étendus, pour requérir, équiper, com-
battre, traiter, destituer, etc., le roi s'engageant à ratifier tous
ses actes.
Robertson, dans son Histoire de Char les- Quint ^ à propos
du chevalier Bayard, lorsque Bonnivet, en i523, fut obligé
d'abandonner le Milanais et de battre en retraite par le val
d'Aoste, confia le commandement de l'arrière-garde au che-
valier Bayard, fait cette réflexion qui peut s'appliquer au
baron de La Garde : « Ce brave officier était si peu courtisan,
qu'il ne parvint jamais à commander en chef; mais dans les
moments du danger, c'était toujours à lui qu'on avait recours,
et il se trouvait alors chargé des postes les plus difficiles et
les plus périlleux. »
Les ennemis du baron de La Garde portèrent une autre ac-
cusation contre lui. Aussi Castelnau remarque qu'il eut cela
de commun avec les grands hommes, que l'envie le persé-
cuta. Après s'être purgé de l'affaire de Cabrières, il fut accusé
d'avoir fait sortir des blés du royaume. A la marque du pa-
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 26 ï
pier, on reconnut la fausseté des pièces produites. Le baron
démasqua, parmi les témoins, plusieurs anciens forçats qu'il
avait délivrés des galères. Ils expièrent leur faux témoignage
par la corde et les accusateurs quittèrent le royaume.
On sait par Thistoire que la guerre, à cette époque, se fai-
sait en Toscane et vers Tîle de Corse. Brantôme rapporte ainsi
les succès du baron dans cette île où il avait, malgré une hor-
rible tempête, engagé un combat naval avec les Espagnols
dans le golfe de St-Florent. L'historien fait cette réflexion :
« Ceux qui scavent que c'est des combatz de mer ballance-
roient bien à dire si celuy là fut plus heureux que valeureux
ou plus valeureux et hazardeux qu'heureux. Quant à moy, je
dis Tun et l'autre. Car ce M** le baron de La Garde estoit très
brave et vaillant de sa personne comme il Ta monstre tou-
jours. »
Au sujet du courage personnel du baron, il ajoute : « Je le
vis une fois à la cour, estant à Paris, au commencement du
règne du petit roy Charles IX, faire appeler le jeune La Molle
à se battre contre luy (il était le favori du duc d'Alençon de-
puis duc d'Anjou et duc de Brabant)... et pour venir là il
avait quitté Tordre et ne vouloit point qu'il luy servît de rien
là, comme de ce temps les moins vaillants s'aydoient de ce
privilège. Il n'estoit point pour lors général des gallères, car
M. le Grand Prieur Testoit (Léon Strozzi). Il a esté très mal-
heureux en ceste charge, car plusieurs fois il a esté et dedans
et dehors. » De ces paroles on peut conclure qu'après avoir
été renommé lieutenant général par Henri II, en i55i, cette
charge lui fut de nouveau enlevée. De son côté, Castelnau
fait la remarque « qu'il fut rétabli en sa réputation et en ses
biens et non en sa charge de général des galères, qu'il àvoit
rendue si importante qu'elle fit partie des intérêts de la mai-
son de Guise. » Le P. Anselme dit aussi qu'après l'arrêt de
1 55 1 , il fut rétabli dans sa charge de général des galères, qu'il
servit aux guerres de Toscane et de Corse et qu'il en fut une
seconde fois privé pour y être remis en i566, après la mort
202 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
du marquis d'EIbeuf (i). Pithon-Curt répète ce que dit le P.
Anselme.
Voici le récit de Brantôme sur la nomination de René de
Lorraine, marquis d'Elbeuf en i563 : « Amprès la mort de
Mr le Grand Prieur de Capoue (Léon Strozzi), et aucuns
disent à la court qu'on avoit fait grand tort à cet honorable
vieillard et capitaine, qui avoit tant bien servi la France, et
mesme pour si peu de jours qu'il avoit à vivre (il devait avoir
alors environ 66 ans), et que M. d'Elbeuf s'en fust bien passé,
car il estoit assez riche, grand et chargé d'autres charges
d'ailleurs, sans prendre celle-là, à laquelle il estoit novice, et
pour n'avoir rien vu et pratiqué la mer. Enfin, après la mort
dudit M. le marquis, ainsi qu'il est raison que toutes choses
retournent à leur premier estre, M. de La Garde rentre en sa
première charge, laquelle il a gardée sans aucun reproche
jusqu'à sa mort, la vieillesse ne lui en ayant faict aucun qu'il
n'ayt toujours bien faict. » — Le baron de La Garde étant
mort en iSjS, a conservé cette charge environ douze ans. —
Castelnau dit a qu'il voulut la garder dans le calme aussi bien
que dans la tempête, nonobstant son grand âge (allusion à ses
vicissitudes), et peu de jours avant sa mort, il refusa ré-
compense de cent mille escus que la reine Catherine luy
en fit offrir. » (Récompense est l'équivalent de composition
pour céder sa charge). De ce que la charge de général des
galères fut attribuée à Léon Strozzi, puis au marquis d'El-
beuf, avant d'être rendue à Escalin, il faut conclure qu'on
voulait la réserver aux personnages de haute naissance et
(i) Le P. Justin attribue cette seconde destitution aux intrigues de
cour ; il est difficile d'en trouver un autre motif. Ce revers, dit l'histo-
rien cité, ne put jamais ébranler son courage et sa fidélité. Sa charge
lui ayant été rendue pour la seconde fois, il continua à servir TEtat, à
remporter des victoires signalées, pardonna à ses ennemis et fut sourd
aux sollicitations des mécontents qui tentèrent plusieurs fois de l'atti-
rer dans lejir parti par les avances les plus flatteuses.
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 203
que le seul mérite du baron de La Garde obligea la cour à
«
la lui rendre.
Les historiens parlent tous de la merveilleuse aptitude
d'Escalin des Aimars en tout ce qui concernait la marine.
« C'étoit, répète Brantôme, un homme qui entendoit bien
son métier de marine. Ce fut luy qui fit faire cette belle gallère
qu'on appelait La Réalle^ et qu'il arma à galoche et à cinq
pour banc, dont par advant on n'en avoit veu en France. Des-
puis cette mode a continué, qui est bien meilleure que l'autre
vieille, qu'on a laissée, il y a longtemps par tout le Levant.
Celle qu'André Doria avoit faict pour l'entreprinse de Tunis,
à y recepvoir l'Empereur, n'estoit que de quatre, et fut de ce
temps trouvée très belle et superbe. Ceste gallère Réalle que
Je dis, fust si bien faicte et commandée par le brave général,
qu'elle a duré et servy d'ordinaire plus de trente ans, encore
qu'elle eust eu un tour de reings soubs feu M. le Grand Prieur ;
et pour ce, sur ce patron, feu M. le marquis d'Elbeuf en fit
faire une très belle et toute pareille qu'on appeloit la Mar-
quise de son nom, mais meilleure voylière. Le comte de Rais
Tacheta despuis et dure encores. Elle a servi de généralle luy
vivant, et rendit à M. de La Garde sa Réalle qui luy servit
encore assez de temps de généralle ; mais ne s'en pouvant
plus servir, non plus que d'un vieil cheval qui n'en peut plus,
il en fît faire une encore plus belle et merveilleuse que ny la
Réalle ny la Marquise^ tant cet homme s*entendoit bien
en son estât et l'aymoit ! »
Dans son Histoire de la milice française^ le P. Daniel, en
donnant la liste des personnages qui ont occupé l'emploi de
général des galères, fait ainsi l'éloge du baron de La Garde :
« Homme de fortune, mais très habile sur mer et de grand
esprit, employé aussi dans les négociations, fut fait général
des galères en 1544, sous François I«^ Il posséda cette charge
à diverses reprises, tantôt disgracié, tantôt rappelé et rétabli,
selon le besoin qu'on avait de lui. »
Le P. Daniel, en décrivant les galères, n'explique pas com-
264 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
ment les rameurs étaient placés pour manier leurs rames.
Dans le dessin qui accompagne son texte, on ne voit de rames
que sur une ligne. Il en est de même sur les modèles existant
au Musée du Louvre, partie de la marine. Brantôme, en
disant « cinq pour banc », a donc indiqué qu'il y avait cinq
rameurs à chaque banc pour une seule rame. Il n'est pas com-
préhensible, en effet, que plusieurs rames, étagées les unes
au-dessus des autres, puissent utilement battre les flots (i). La
prédilection du baron de La Garde pour les galères prouve
qu'il avait compris l'importance d'un propulseur puissatit
autre que le vent, afin d'évoluer rapidement et en toutes cir-
constances. Aujourd'hui la vapeur remplace les rames.
Daniel établit que la galère que monte le général prend le
nom de Réale. Ce nom ne serait-il pas demeuré en honneur
par souvenir et tradition de la Réale construite par Escalin ?
Après la Réale [Royale) venaient la Capitane et la Patrone.
Ces galères principales avaient plus de rames, partant un
équipage plus nombreux que celui des simples galères,
M. Rochas, dans l'article biographique qu'il a consacré au
célèbre baron, article qu'on pourrait assimiler pour la res-
semblance à un portrait peint de mémoire, affirme qu'il fut
le créateur et le rénovateur de la marine française, qu'il y
introduisit la division d'une flotte par escadre, l'art des gran-
des manœuvres et des batailles navales. On souhaiterait que
l'auteur eût indiqué la source où il a puisé ses informations.
Ne serait-ce pas dans VHistoire maritime de Léon Guérin ?
« La réputation militaire, dit-il, du capitaine Poulain, avait
été jusqu'alors acquise dans les armées de terre. A Venise, il
(i) C'est l'opinion de l'amiral Jurien de la Gravière, La Marine
d'autrefois, Paris, Pion, 2* éd., pages 306 et 337. Un savant de nos
jours, Jal, a traité le problème des trirèmes et quinquérèmes dans son
Traité d'Archéologie navale^ t. I", pages 327 et 355, et dans son Glos-
saire Nautique au mot A tout par ban. On peut consulter son Diction-
naire critique de biographie et d'histoire.
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 205
étudia et saisit avec la rapidité du génie Part naval... Les ha-
sards de la mer séduisaient son esprit naturellement ennemi
des routes faciles ouvertes à la médiocrité. Les études qu'il
fit de Part naval profitèrent à la France par les services qu'il
rendit comme homme de pratique et aussi comme tacticien.
Avant lui, les batailles de mer n'avaient été que confusion.
Les flottes paraissaient n'avoir qu'un seul but : en venir le
plus tôt à Tabordage. Il fipprit aux Français à diviser leurs
vaisseaux par escadres toujours prêtes à se secourir mutuelle-
ment. Il devint le digne émule des Doria et de tout ce qu'il
y avait de marias illustres dans son siècle. »
Brantôme, poursuivant son récit, ajoute : « Outre cette suflS-
sance (les talents nautiques d'Escalin), il estoit très honora-
ble, magnifique, splendide, grand despensier en sa charge,
très libéral et trop, car il est mort pauvre, encore qu'il eût
faict de beaux butins en son temps ; mais il despensoit tout,
tant il estoit magniflSque. Amprès que Monsieur (despuis
nostre roy Henri III) eût combattu les huguenots en ces deux
batailles rangées, Jarnac et Montcontour et autres lieux et
sièges, sa renommée voila partout de luy et de ses prouesses,
si qu'il se fit un pourparler de mariage d'entre luy et la reyne
d'Angleterre. (Ces négociations précédèrent celles qui, en
1 58 1 , se pratiquèrent entre la reine Elisabeth et le duc d'Alen-
çon, prince qui prit ensuite le nom de duc d'Anjou, se fit
reconnaître par les Flamands en qualité de duc de Brabant et
revint mourir à Paris en 1584.) Les parolles et les choses
allèrent si advant, que nous demeurasmes quelque temps tou-
jours en suspens à dire, de moys en moys, — nous partons
pour aller en Angleterre et à Londres, et devoit Monsieur
estre porté par les gallères de France,^ qui estoient encore en
ceste mer Océane (1569), mais M. de La Garde en fit un si
superbe appareil de ses gallères et appretz d'armements qu'on
dict qu'il luy cousta plus de vingt mille escus. Entre autres,
le plus beau fut, que tous ses forçatz de sa Réalle eurent
chascun un habillement de velours cramoisy, à lamatellote;
2b6 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
la poupe et la chambre de poupe toute tapissée et parée de
mesme velours, avec une broderie d'or et d'argent, large d*un
grand pied, avec, pour devise, une palme en broderie d'or et
d'argent, soufHée et agitée de tous ventz, avec des mots grecs
qui disoient. — Bien que je soys et aye esté agité bien fort,
jamais je n'ai tumbé ny changé. — Comme de vrai il n'a
jamais faict, et a tousjours esté bon et loyal. Leslictz, couver-
tes, oreillers, bancz de chambre et de poupe de mesmes. Et
les estandartz flambantz, banderolles, moytié de mesmes,
moytié de Damas, tous frangez d'or et d'argent. Bref, c'es-
toit une chose très magnifique à voir ! Et en tel superbe appa-
reil, debvoit entrer avec les autres gallères, qui pouvoient
monter jusqu'à dix, dans la rivière de la Tamise à Londres.
Je vous laisse à penser la superbeté d'entrée que ce fust esté !
sans tant d'autres magnificences et grandes compaignies de
braves gentilshommes ! Et tout cela ne servit de rien à ce
pauvre seigneur baron de La Garde, sinon despense pour luy ;
et quelquefois il en faisoit parer la chambre de poupe que
j'ai veue ainsy, et moi indigne me suis couché et dormy en
ces beaux lictz, où il faisoit très bon. »
Castelnau n'est pas moins explicite au sujet de « sa magni-
ficence et de sa libéralité qui, dit-il, fait la véritable noblesse.
Aussi, au lieu de laisser de grands biens dans sa maison,
comme il pouvoit le faire, il se contenta d'y laisser de l'hon-
neur. Toutes les prises qu'il fit sur mer ne servirent qu'à sa-
tisfaire à sa magnificence naturelle, et à soutenir l'éclat de ses
autres dignitez, comme chevalier de l'ordre, de lieutenant du
Roy en Provence, et de capitaine de cent hommes d'armes.
Il estoit si libéral qu'il ne faisoit pas un voyage de Provence
à Paris, que tous ceux qu'il rencontroit sur les chemins n'eus-
sent à se deffendre de l'accablement de ses présents, »
En ces conditions de désintéressement et de largesses en-
vers ses amis, ou ceux qui le servaient, il n'est pas surpre-
nant qu'en 1 548, alors qu'il était en prison, Claude Reynaud,
bourgeois de Lyon^ son créancier, n'eût fait saisir et inquan-
ESCAUN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 267
ter sur Escalin la seigneurie de Pierrelatte. Son intégrité
n'était pas moindre que sa munificence. « Quant à moy, dit
Brantôme, encore qu'il me fit perdre une fois un butin de
plus de douze mille escus, qu'un navire que j'avois en mer
m'avait faict, me le fit rendre, dont il m'en fit force excuses,
j'en dirai à jamais les vertu&i »
On voit dans de Thou, qu'en i553, une nouvelle alliance
eut lieu entre les Français et les Turcs. « Leur armée navale,
sous la conduite de Dragut (fameux corsaire), comptait 60 ga-
lères en sus des 36 galères de France qui avaient passé l'hiver
dans l'île de Chio et qui étaient commandées par Icalin
Adhémar Polin, baron de La Garde. La flotte française s'étant
jointe à celle des Turcs, au commencement de juin i553 , on
aborda dans l'île de Corse sur laquelle le roy avait les mêmes
droits que sur Gennes. Il vouloit s'en emparer parce qu'elle
devait lui faciliter les moyens de faire passer ses troupes en
Toscane. » Nostradamus rapporte que le 20 août i553, « La
Bastie (Bastia) fut rendue par composition au baron de La
Garde. Ensuite, une partie des gens fut envoyée en course
pour butiner ; mais le plus grand nombre, sous la conduite
de Dragut, s'empara de Adriani rapporte que Dragut ne
tint pas sa parole et qu'il ne voulut pas écouter le baron de
La Garde qui le pressait d'assiéger Portofessaio ou Piombino.
Ainsi, celui-ci, après être demeuré dix jours dans l'île d'Elbe,
reprit la route de Corse avec son butin, accompagné des ca-
pitaines français. Cependant le baron de La Garde fit embar-
quer ses gens sur ses galères et vint assiéger Calvi (i553).
Doria fit lever le siège de cette place vers le mois de novem-
bre de la même année. »
Au sujet des guerres de Toscane, de Thou dit « que le
baron de La Garde prit la route de Marseille en i555, et
qu'ensuite la flotte ottomane vint vers l'île d'Elbe et puis fut
en Corse pour se joindre à l'armée navale des Français qui
était arrivée de Marseille, sous la conduite du baron de La
Garde. Cette flotte était composée de 28 galères dans les-
208 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
quelles il y avait quinze cents hommes d'élite avec une grande
quantité de vivres et tous les instruments de guerre. On jugea
à propos de mettre le siège devant Calvi (i555). »
Parmi les quittances de la Bibliothèque nationale, s'en
trouve une du i5 juin i554, signée Escalin, de la somme de
1,472 livres tournois pour « la despense et autres fraiz faicts
à Marseille par l'ambassadeur de Dragut, deux génissaires et
ung truchement, depuis le 10® jour de septembre i553
jusques au dernier jour d'avril 1554. » Dans cette quit-
tance, Escalin prend le titre de capitaine général de toutes
les gallères du Roy en Levant. Une autre quittance de i558
est relative « à Testât et solde de deux galaires et deux fré-
gattes, à scavoir pour l'estat de la gallaire nommée la Réaile
quatrirame, etc. « Puis une de iSSg, des gages dus à Escalin
durant l'année iSSj, de la somme de 1,200 livres.
Selon Pithon-Curt, le baron de La Garde fut pourvu, en
1557, de la lieutenance générale de Provence et s'en démit
en 1561, en faveur d'Honoré, comte de Tende, baron de Sa-
voye. Cela ne se concilie guère avec le récit de Ruffi (Histoire
de Marseille), Celui-ci dit qu'après a que le baron de Grignan
eût été tiré de ce pays, les provisions de capitaine et de gou-
verneur de Marseille furent données au baron de La Garde
qui était en grande estime auprès du roi Henri H. Il prêta le
serment de cette charge, l'an i558, devant le comte de Tende
qui était gouverneur de Provence, ensuite de quoi il vint à
Marseille où il fit faire quelques criées ; mais les Marseillais
en furent si mal contents qu'ils s'opposèrent à ces criées.
Malgré les efforts du baron de La Garde, les Marseillais agi-
rent si puissamment auprès du roi que le gouvernement de
Marseille fut rendu pour quelque temps aux personnes du
viguier et des consuls. »
Un chef avait surgi en Provence pour le parti protestant,
Paulon Richieud, dit Mouvans. Le comte de Tende, gouver-
neur de la province, convoqua, en 1 56o, le ban et l'arrière-ban
et se fit joindre par le baron de La Garde pour se mettre aux
' ' ESCAUN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 269
trousses de ce chef de partisans. C'était après la prise de Ma-
laucène, ainsi que le rapporte le P. Justin. Selon de Thou, le
baron aurait eu le dessous. « Au moment où Gondrin, lieu-
tenant général en Dauphiné, marcha vers Bollène, le cardinal
de Tournon, revenant de Rome, arriva à Marseille et remonta
le Rhône avec le capitaine Poulin et apprit les troubles d'Avi-
gnon. Paul de Richieud, dit Mouvans, fut choisi à Mérindol
pour être le chef de la milice qu'on allait mettre sur pied. Il
assembla jusqu'à 2,000 hommes, leur donna des officiers et
se procura toutes les provisions nécessaires à la guerre. Il se
flatta même de s'emparer de la ville d'Aix dans laquelle il
avoit des intelligences. Claude de Savoye, comte de Tende,
gouverneur de Provence, se rendit à Aix avec le capitaine
Poulain sur les instances du Parlement... Le comte de Tende
ayant levé des troupes en Provence marcha avec six mille
hommes contre Mouvens. Celui-ci s'enferma dans le couvent
de St-André, lieu fortifié 'par sa situation ; Poulain fut en-
voyé pour reconnaître le lieu, il fut obligé de se retirer, après
avoir couru le risque de sa vie... Le capitaine Poulain, qui
haïssait depuis longtemps les habitants de Cabrières et de
Mérindol, voulut attaquer Mouvens qui ne s'était réservé
qu'une garde de cinquante hommes, il violait par là les con-
ditions du dernier traité. . Mais ses mauvais desseins ne réus-
sirent pas, Mouvens, ayant été averti, alla au-devant de lui et
le repoussa avec honte. »
Il faut remarquer que le journal de Pérussis ne parle pas
de ce fait qui aurait une certaine importance, puisque de Thou
accuse le baron de La Garde d'avoir violé un traité. En outre,
de Thou n'indique pas le lieu où le fait se serait passé. A ren-
contre de ce récit, le P. Justin dit qu'en i56i, le baron se
posta le long du Rhosne pour disputer le passage aux re-
belles, et que le 19 septembre de ladite année, il écrivait au
cardinal de Lorraine et au duc de Guise « que les rebelles
avait délibéré de passer le Rhosne ; qu'en ayant été averty, il
s'était porté le long de ce fleuve de l'avis du vice-légat et des
270 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
autres fidèles sujets du pape et du roy, pour leur disputer
le passage, qu'ils n^avaient osé le tenter et qu'ils s'étaient
séparés. »
Le journal de Pérussîs dit qu'au moment de la moisson,
en i563, le baron de La Garde négociait la paix et avait
amené à Avignon trois députés des adversaires ; que l'année
suivante 1564, le baron de La Garde précéda le roi à Avi-
gnon. Charles IX vint à Lyon et, poursuivant son voyage,
passa par La Garde où il fut reçu parle baron le 20 septembre
1564.
M. A. Lacroix rapporte, d'après un ancien auteur, « que le
roy alla passer auprès de Pierrelatte, qui est une belle et forte
ville en une plaine, et alla disner à La Garde, petite ville et
beau chasteau sur une montagne. Ladicte maison appartient
au baron de La Garde. Ledit jour, coucha à St-Paul. » De là,
il fut à Suze ; la tradition est qu'il y joua à la paume dans la
grande cour intérieure du château.
Pithon-Curt, dont le récit est conforme à celui du P. Justin,
fait remarquer « qu'après avoir parlé des services que le ba-
ron de La G'arde rendit au roi, il est juste de rappeler ceux
qu'il rendit au comté Venaissin contre les hérétiques (qui y
faisaient de grands ravages en i365, i566 et 1567), tant par
ses conseils que par sa valeur à la tête d'une compagnie de
deux cents hommes de pied. Nous avons vu qu'en 1567, il se
porta à Mérindol avec le président Fureau afin de travailler
à la pacification.
En i566, le baron de La Garde était passé, en septembre,
par Avignon, se rendant à Marseille, afin d'y prendre pos-
session de la généralité des galères qui lui avait été rendue
après la mort du marquis d'Elbeuf. Pérussis fait le plus bel
éloge de ce dernier personnage en rapportant que sa femme,
Claude de Rieux, mourut de douleur dix-sept jours après son
mari (décédé le 28 juillet) et qu'un même tombeau les reçut
à la Major de Marseille.
La susdite année i567, rapporte Pérussis, « Mgr illustris-
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 27 1
sime le cardinal d'Armagnac eut avis, par lettres de MMgrs le
vicomte de Joyeuse, de Suze et baron de La Garde, que les
huguenots bruyaient de se lever en armes et qu'on se doub-
toit de quelque rumeur en France, et qu'il y avoit quelque
entreprise pour prendre Avignon. Vers le milieu d'octobre,
ces personnages mandèrent à la court par divers chemins et
tant par mer que parterre, parle Piémont, par Aigues-Mortes
et par l'Auvergne, par Bourgogne et par Bresse, pour tempter
de pouvoir passer et avoir nouvelles seures de l'Estat de la
majesté du roy, car il ne se disoit que mensonges et diverses
choses, y alla aussi M. le baron de Lagarde, après qu'il se
feut fort travaillé en Provence pour remettre les desvoyez en
leurs maysons, les ayant exhortez comme tous messieurs du-
dit pays firent ; entre aultres se trouvarent Ihors audit. pays
cinq chevaliers de Tordre, mondit sieur le comte de Tende,
M. de Garces, son lieutenant, lesdits sieurs baron de La Garde,
vicomte de Gadenet et le sieur de la Molle qui tous y firent
bon devoir, mais il n'y eust ordre. Gar les obstinez se cuy-
doient que le roy fust esté ou prins ou mort. Enfin Dieu nous
fit tant de grâces que le lundy i3™® dudit octobre arriva en
Avignon le s"" d'Entrechaux, fils ayné du comte de Grignan,
venant de la cour, ayant passé par divers chemins, il porta la
nouvelle comme le sieur Roy, ensemble la Royne et messei-
gneurs ses frères, estoient sains et en saufveté dans Paris, et
que ses majestés passarent extrême dangier d'estre mises à
mort le jour de la feste de la St-Michel par une conspiration
que ses adversaires huguenots leur avoient brazée de 800 hom-
mes à cheval et armés pour les surprendre et meurtrir, venant
de Meaux audit Paris, où ses majestés venoient faire la solen-
nité de la feste de son ordre, selon les anciennes et louables
bonnes coustumes de ses progéniteurs ; par ainsy estant sa
majesté en campaigne, la vindrent choquer à toute furie et
ses majestés se trouvarent en péril éminent, se fut l'ayde de
Dieu, qui en tout temps a eu en bonne proptection tous les
roys de France estant très chrestiennes pour avoir esté les
272 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
bras dextres de son église, Tayant toujours gardée et deffen-
due contre les hérésies et dissentions, aussy que sadite ma-
jesté et monsieur son frère firent actes incroyables d'hommes,
chose admirable de la grande vaillance que Ihors firent les
VI" Suisses qu'estoient peu avant arrivez pour la garde de sa
majesté et de plusieurs princes et seigneurs de sa suite. Ainsy
se sauvarent dans Paris ayant fait quatorze lieues sans re-
paistre.
« Audit Avignon et la comté se firent resjouissances remer-
ciant Dieu de la deslivrance du Roy. »
On voit par le même manuscrit de Pérussis que La Garde
avait de fréquents rapports avec le cardinal Strozzi et qu'il
venait souvent à Avignon pour conférer avec le cardinal
d'Armagnac au sujet des troubles qui désolaient le pays. Le
comte de Suze y venait aussi et « s'efforçait, de son côté, à
garder que les huguenots ne surprinsent davantage, car tout
bouilloit en armes. »
Pithon-Curt rapporte que La Garde, en i568, prit la ville
de Montpellier sur les calvinistes qui refusaient de rendre la
place, malgré la paix qui venait d'être publiée. Pérussis ne
fait pas mention de cette particularité. Selon lui Tédit de
pacification ayant été publié à Aix le 24* jour d'avril i568,
« fut à Sisteron M. le baron de La Garde, pour persuader aux
adversaires de remettre la place peu de jours après; aucuns
des huguenots de Provence se retirarent au lieu de leur pre-
mière habitation, leur faisant laisser leurs armes aux portes
des villes et là personne ne les molestoit... Le dernier jour de
juin i568 arriva en Avignon M. le baron de La Garde, d'où
puis le lendemain alla à Caderousse pour là parlementer avec
ceux d'Orenge, sur la volonté du roy qu'il portoit..., travail-
loit M. le baron de La Garde pour pouvoir aussy conduire
ceulx d'Orenge à soy conduire selon l'édit du roy, attendu
que en Flandre la sentence avoit esté donnée contre leur
prince, le déclarant rebelle et les biens confisquez à la cham-
bre du Roy Philippe, par tel moyen la majesté du Roy se
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 278
vouloit saisir de cette principauté, dont il fallut que mondit
sieur de La Garde feist plusieurs voyages d'Avignon à Cade-
rousse où le parlement se faisoit avec le gouverneur et deppu-
tez dudit Orenge, se rendant toujours fort difficiles, enfin la
prudence et la douceur de mond. sieur gaigna tout, ensemble
la menace qu'il faisoit de la prendre par force, ce que n'estoit
point sans occasion, car les compaignies dû régiment de
M. de Brissac estoient pour cet etfect en Dauphiné pour des-
cendre ça-bas si besoin en estoit, dont les habitants dudit
Orenge accordèrent de se mettre au Roy, pourveu toutefois
qu'ils en fussent encore sommez de la part de sa majesté, pour
la seconde fois ; et par tel effet fut mandé expressément en
court. Cependant furent licenciez dudit Orenge tous les es-
trangiers et donnez trois hommes signalez des leurs poufobs-
tages à mond. sieur de La Garde, lesquels furent un de Serre,
un de la Rays et le tiers le fils du président Caîvières de
Nîmes. Pour la part de mond. s»* de La Garde fut donné le
s' Pierre d'Anselme sieur de Jonas. Ces choses ainsy asseu-
rées s'en retourna mondit s»" à Avignon, d'où il en partit le
dimanche matin xi juillet pour aller en Provence, d'où en-
core quelques jours après partit pour s'en retourner au Roy. »
L'auteur dit que le retour du baron eut lieu en septembre et
qu'il fut en danger d'être tué par les huguenots en descendant
sur le Rhône, qu'il s'en fut à Marseille préparer ses galères,
afin de passer au siège de la Rochelle, place où le prince de
Condé s'était allé « réduire. » On le voit encore cette même
année et la suivante sans cesse en mouvement, entre Avignon,
Marseille et la cour, à cause des huguenots.
Au milieu de juillet iSôg, il se rend à La Rochelle avec ses
galères portant 600 soldats Corses ou Provençaux. Les Corses
étaient sous la conduite « de leur colonel, le s*" Alfonce, fils
ayné de feu Petro Corso. » Après quelques prises sur les hu-
guenots, La Garde demeura à Bordeaux, en qualité de gou-
verneur, pendant Thiver.
Castelnau fait cette remarque : « Le baron de La Garde fit
2« SÉRIE. XXX» Volume. — 1896. 18
274 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
traverser un vaisseau devant La Rochelle qui servit depuis
(sous Richelieu) à faire cette grande digue qui détermina la
prise de cette ville. » Brantôme,' en parlant de la manière
dont Escalin s'acquittait de ses fonctions de général des galè-
res, fait remarquer « que la vieillesse ne lui avoit causé aucun
reproche, même sur ses plus vieux jours, au siège de La Ro-
chelle, où il garda et empescha bien l'entrée du port, et aussy
quand le secours de M. de Montgommery y vint, qui ne peut
entrer, et fut contrainct de se mettre au large, qui fut cause que
le lendemain il alla avec sesgallères Tappeller au combat avec
coups de canons, mais il n'y voulut pas venir ; c'étoit un
homme qui entendoit bien son métier de marine. »
Comte D'ALLARD.
*
(A continuer J,
BOUVIÈRES
•«^»
I. — GUISANS, SA SEIGNEURIE ET SON PRIEURÉ
La commune, avant 1790, formait deux paroisses et
deux seigneuries : Guisans et Bouvières ; étudions-les sé-
parément pour plus de clarté.
En quittant Bourdeaux, son chef-lieu de canton, on suit
une vallée gracieuse que le Roubion arrose et qui,
aux Etrets, au-delà de Crupies, se transforme en défilé
sauvage et monotone, entre deux montagnes parallèles.
La route placée sur la rive droite de la rivière la côtoie
constamment, et rien n'attire l'attention jusqu'à Guisans,
où s'ouvre une plaine assez riante, de forme circulaire.
Il y avait là un château qui en avait remplacé un autre
plus ancien, appelé Château-Vieux, à un kilom. de là, et
une église dédiée à S. Martin, aujourd'hui en ruines.
Le nom de Guisans dérivé de guis^ couleur, en irlan-
dais, de visge^ eau et rivière, en écossais, et de visa en
sanscrit (1), indiquerait bien une origine celtique ou gau-
loise ; mais l'absence d'instruments des âges de la pierre
taillée ou polie, des âges du bronze et du fer, ainsi que de
toute inscription romaine ou gallo-romaine, ne permet
pas d'y remonter au-delà de l'organisation féodale, c'est-à-
dire au XI® siècle.
Ses premiers seigneurs paraissent avoir été les comtes
de Valentinois, appelés Geilin, puisque d'une part les do-
(i) M. DE CosTON, Etymologies des noms de lieu de la Drame.
276 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Dateurs d'immeubles dans les environs de Bourdeaux à
Tabbaye de Savigny en Lyonnais, en io32, s'appelaient
Gontard, Ponce, Gérard, Lambert et Pierre et que tous,
à Texception du dernier, sont désignés dans le Cartulaire
de Cluny en 1037, comme les fils du comte Aimar ou
Adhémar et que, d'un autre côté, le même comte scella
l'acte de cession des dîmes de la villa St-Mesrne, dans la
vicairie de Comps, faite par les mariés Domfred et Got-
lène, ses vassaux, aux églises de Bourdeaux, Besaudun et
Comps (i).
Il est hors de doute que Guisans se trouvait compris
dans les libéralités de ces premiers seigneurs, puisque, à
quatre ou cinq ans de distance, les religieux de Cruas
(Ardèche) avaient des difficultés avec ceux de Savigny
(Rhône), au sujet d'une église placée dans la vallée supé-
rieure du Roubion.
Ismidon, évêque de Die, ayant été obligé d'arranger
Tafifaire, s'adressa à son prédécesseur, Hugues, alors ar-
chevêque de Lyon.
Le Cartulaire de Savigny nous a conservé la lettre de
ce prélat. Il y est rapporté qu'a un certain moine de Cruas, '
« avec le concours de son père et de ses frères, s'était ém-
et paré par violence de l'église de Guisans. Comme les
« moines de Bourdeaux la possédaient auparavant, nous
« la leur rendîmes, après en avoir expulsé l'envahisseur
a en vertu de noire autorité. » L'archevêque de Lyon en
conclut que l'église contestée appartient réellement à Sa-
vigny, à moins de preuves contraires. Elle lui fut donc
restituée et, en i J07, le pape Pascal II l'énumère dans les
dépendances de l'abbaye lyonnaise avec celles de Bour-
deaux, de Crupies et de Comps (2).
(i) Cartulaire de Savigny. — Id. de Cluny III.
(2) Cartulaire de Savigny. — M. l'abbé Jules Chrvalier, Essai sur rkis-
toire de la ville et du diocèse de Die, I. — Fouillé de Die.
BOUVIERES. 277
Après ces actes importants, il n'est plus question des
religieux de Savigny, qui eurent là une petite commu-
nauté de trois ou quatre moines, sous la direction d'un
prieur et dans la suite, d'un simple chapelain,, au XIV'
siècle.
Le prieuré, à des dates inconnues, passa aux mains de
l'évêque de Die et d'un prieur commendataire, comme on
le verra dans la notice consacrée à Bouvières ou Grand
Guisans.
On ignore de quelle façon la seigneurie de Guisans échut
à une famille qui en prit le nom. Il est facile de compren-
dre cependant que les Geilin, premiers comtes de Valen-
tinois, et les Poitiers, leurs successeurs, ne pouvant admi-
nistrer eux-mêmes tous leurs fiefs, les cédèrent à des
parents ou à des vassaux dévoués.
Les Guisans étaient, sans doute, de ce nombre.
Le premier que les chartes mentionnent s'appelait
Giraud. Il fut garant, en 1168, du serment d'Isoard,
comte de Die, et en 1 183, témoin d'un acte dans la même
.ville. Selon l'usage du temps, ils s'appelaient tous Giraud
et en 1272, l'un d'eux achetait le territoire de St-Maurice
aux Baronnies. Guisans demeura toutefois en sa posses-
sion, témoin l'hommage du ir avril i283 qu'il en fit à
l'évêque de Die, ainsi que pour Mouras et son territoire,
L'Estelon et Chaudebonne.
Giraud, son fils, en i332, renouvela pareil devoir de
vassal pour le château de Guisans, le territoire du val de
l'Ecluse et celui de Mouras, appelé Bouvières dans la suite.
Il n'est plus question des Guisans après cette dernière
date (ï).
(i) Documents inédits : Cartulaire de Die. Inventaire des Dauphins et
Mémoire du procurenr général dans le procès contre M. de Fourniels.
278 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Après eux et même de leur temps apparaissent les
princes d'Orange de la maison de Baux, dont les droits
originels nous sont inconnus, bien qu'une alliance de
Malbérionne Artaud d'Aix avec un de Baux permette de
les expliquer.
En effet, Bertrand IV, fils de Raymond V^ et de Mal-
bérionne d'Aix, en i3i4, instituait héritier son fils Ray-
mond, sauf pour Guisans, Condorcet, etc., et en 1340, le
même Raymond transmettait ces mêmes terres à son suc-
cesseur; puis, deux ans après, les réclamait à Guillaume
de Baux, seigneur de Camaret, à qui Bertrand de Baux,
en 1 3 17, les avait attribuées. Tiburge d'Anduze, veuve de
Guillaume, en rendit hommage au prince d'Orange, la
même année.
Lors du mariage, en i336, de Bertrand de Baux d' Ave-
lin avec Catherine de Baux, fille du seigneur de Courthe-
son, Agout de Baux, mari de Catherine Artaud, donnait
au futur époux la Bâtie de Guisans.
Quatre aus plus tard, l'évêque de Valence et Die, dans
la vente au prince d'Orange de Châtillon-en-Diois, en
exceptait Guisans, Gumiane, etc.
Enfin, en 1372, Jean de Baux, seigneur de Camaret,
léguait à Florencie de St-Martial, son épouse, les revenus
des mêmes châteaux (i).
Sortie du curieux village des Baux en Provence, la
famille qui en prit le nom remontait, d'après la légende,
aux rois mages, et, d'après l'histoire, à un seigneur du
X* siècle. Des alliances lui apportèrent la principauté
d'Orange, la baronnie de Châtillon-en-Diois et diverses
terres placées entre les deux pour en assurer la communi-
cation .
Après les de Baux, les seigneurs de Guisans et Bou-
(i) Barthélémy, Inventaire des de Baux,
BOUVIERES. 27g
vières sont peu connus; il est pourtant vraisemblable que
ces deux fiefs entrèrent dès lors dans celui de Montanè-
gues, devenu marquisat dans la suite.
Il sera donc tout naturel d'y revenir dans la notice sur
St-Nazaire. Toutefois, rappelons ici qu'en mai 1761, no-
ble Jacques de Verdelhan des Fourniels, fermier général
et maître d'hôtel de la reine, acquérait au prix de 3 12, 100
livres le marquisat de Montanègues, dont les créanciers
du dernier possesseur avaient poursuivi l'adjudication de-
vant le Parlement de Paris. Il comprenait Montanègues
sur une montagne qui domine St-Nazaire-le- Désert, où il
n'existe plus que des ruines, Merlet, hameau de St-
Nazaire, les communes de Paris ou Petit-Paris, St-Nazaire
et Gumiane et enfin Guisans, où se trouvait le principal
manoir.
D'après l'acte d'adjudication, l'acquéreur devait payer
les droits et devoirs ordinaires aux seigneurs directs et
notamment les lods (enregistrement actuel), équivalant au
cinquième du prix, • pour les biens nobles et au sixième
pour les biens roturiers, soit une soixantaine de mille liv.
L'évêque de Die, Gaspard -Alexis Plan des Augiers et le
" procureur général en la Chambre des Comptes les récla-
mèrent chacun de leur côté, l'un comme héritier des an-
ciens comtes de Die et en vertu d'un accord avec le dau-
phin Louis en 1460 (Louis XI), et l'autre au nom dû roi,
comme successeur des dauphins et des comtes de Valen-
tinois.
M. des Fourniels, Marie-Magdeleine Morin, sa veuve,
et Jacques- Aimar de Moreton de Chabrillan, mari de
Bathilde-Magdeleine-Félicité des Fourniels eurent donc à
soutenir un double procès. De nombreux mémoires d'avo-
cats parurent à cette époque ; mais ils donnent des rensei-
gnements fort incomplets sur la seigneurie (1).
( I ) Archives de la Drôme : fonds de Tévêché de Die.
28o SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
On sait d'ailleurs, que Catherine de Thollon, veuve de
Philibert de Brotin, seigneur de Paris (Petit-Paris), testa
au château de Guisans, en la chambre grise, le i5 juin
1576, et laissa deux filles: Anne^ mariée avec Georges
d'Urre, seigneur de Venterol, et Charlotte^ épouse de
Louis de Monteynard (i).
Les Brotin, sortis de Sallettes ou de Poet-Laval, parais-
sent avoir succédé aux de Morges, et les d'Urre, originai-
res des environs de Crest, ont rempli de leurs faits et
gestes l'histoire locale d'un grand nombre de communes
de la Drôme.
Jean-Baptiste d'Urre de Brotin de Montanègues, der-
nier descendant de Georges d'Urre, mourut à Guisans et
y fut enseveli le 10 décembre 1761. Il avait été brigadier
des armées du roi, colonel réformé à la suite du régiment
de Médoc infanterie et chevalier de St- Louis (2).
Le château de Guisans fut démoli pendant la Révolu-
tion, en même temps que celui de Bouvières : « il était
situé, dit M. Faure (Joseph-Narcisse), sur le cours du
Roubion et sur sa rive droite, et avait la forme d'un qua-
drilatère irrégulier de 870 mètres carrés de superficie »,
avec quatre tours aux angles, dont trois sont encore
visibles.
Se§ ruines appartiennent aujourd'hui à MM. Poulet
(Louis) et Gras (Jacques) ; quant à MM. de Chabrillan, ils
sont demeurés propriétaires dans le pays jusqu'en 1840(3).
(i) Mémoires des frères Gay.
{2) Registres paroissiaux de Bouvières.
(3) Notes dues à l'obligeance de M. Faure.
A. LACROIX.
(A continuer).
-^
NÉCROLOGIE
i^
La Société a eu la douleur de perdre, pendant ce tri-
mestre, M. Paul-Marie-Joseph Bergeron, un de ses
membres correspondants.
Issu d'une famille originaire de Valence où elle se dis-
tingua dans la magistrature et l'université, et alliée aux Ba-
chasson de Montalivet, notre cher collègue avait conservé
les goûts et les dispositions heureuses de ses ancêtres, et
il joignait à l'érudition une politesse et une bienveillance
exquises.
Nous ignorons s'il a publié quelque travail littéraire ou
historique ; mais il ne peut moins faire que d'avoir laissé
des notes manuscrites nombreuses sur le Vivarais.
Les hommes dévoués à leur pays comme lui ne peu-
vent, en effet, demeurer oisifs et s'ils n'écrivent pas, ils
font profiter les autres de leur savoir et de leurs décou-
vertes.
A. Lacroix.
■r^».#-'^'»%e»e»ATNo.-''»-
SÉANCE DU 13 AVRIL 1896
Présidence de M. Vallentin
M. le Président rappelle les circonstances accidentelles
qui avaient fait ajourner la première réunion de l'année,
lit une lettre d'excuses de M. Brun-Durand, et communi-
que le prospectus de V Histoire civile et religieuse d'Avi-
gnon et du Comté'- Venaissin^ par Fornery, publiée par
M. L. Duhamel, archiviste du département de Vaucluse,
ainsi que le projet d'un monument national à Pasteur.
M. Louis FuziER, de Lavoulte, présenté par MM. Brun-
Durand et Colomb ;
M. Narbel de Goomens, pasteur à St-Fortunat, pré-
senté par MM. Sabatier et Lacroix, sont proclamés mem-
bres correspondants.
Lecture est faite ensuite d'un article de M. Héron de
Villefosse paru dans le Bulletin archéologique du Comité
des travaux historiques et scientifiques^ i^® et 2® livrai-
sons de 1895, sur une mosaïque mise à jour par les tra-
vaux du chemin de fer de Pierrelatte à Nyons, mesu-
rant 9 mètres de longueur sur 3 mètres de largeur. « A
côté se trouvait une autre mosaïque plus petite, mais insi-
gnifiante comme dessin. »M. Geoffroy a offert la première
au Musée de St-Germain au nom de la Direction du che-
min de fer de Lyon et les cubes noirs et blancs de la deu-
xième pour réparer l'autre. M. Héron de Villefosse estime
SÉANCE. 283
que, malgré rornementation géométrique du premier mo-
nument, dont la dimension s'oppose à son entrée dans les
salles du Musée destinaire, il serait très malheureux qu'il
ne trouvât pas asile dans quelque Musée et remercie
M. Geoffroy des soins qu'il a pris pour en assurer la con-
servation. « Un détail, ajoute-t-il, doit être mentionné:
« la croix gammée ou swastika figure à plusieurs reprises
<c (six fois au moins) au centre des doubles carrés qui
a constituent un des motifs de la décoration. L'ensemble
tt ne manque pas d'élégance. »
M. Héron de Villefosse rappelle à ce propos la décou-
verte d'une autre mosaïque dans la même localité, figurant
la délivrance d'Hésione, actuellement au Musée d'Avi-
gnon, dont le Bulletin de notre Société a donné la pho-
tographie.
St"Paul, l'ancien Néomagus, a déjà fourni aux collec-
tions publiques et privées une foule d'objets curieux, et
les journaux y ont signalé, dans ces derniers temps, de
nouvelles découvertes.
Malheureusement tout s'y disperse aussitôt. Le feu évi-
demment, à l'époque des invasions barbares, a détruit
l'ancienne ville, car les débris de construction retrouvés
récemment étaient recouverts de 2™6o de terre mélangée
de cendres, braises, etc.
La même livraison du ''Bulletin archéologique men-
tionne, d'après M. Delort, un vase recouvert d'une engobe
blanche, trouvé près de Romans, muni de six anses dis-
posées symétriquement comme celles d'une gourde, et
deux sépultures découvertes à Puy-St-Martin, renfermant
un bracelet de bronze de 8 centimètres de diamètre, une
petite urne en terre rouge et une assiette en terre noire de
l'époque gallo-romaine.
284 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
M. Vallentin, à propos de ces découvertes, esquisse à
grands traits les principales indications archéologiques
que doit suivre tout chercheur sérieux. Son érudition et
ses recherches personnelles donnent à ses paroles une
grande autorité. Il rappelle les voies romaines, les relais
et les gîtes d'étape, les bourgs et les villa^ près desquels il
y a chance de recueillir des objets antiques. Les inscrip-
tions de St-Paul et du Puy-St-Martin confirment les don-
nées générales, tout comme les nombreuses villa^ voisines
de Romans.
Le Bulletin archéologique renferme en outre une com-
munication de M. Brun-Durand sur un marché d'appren-
tissage de joueur de violon, au prix de 45 livres, pendant
l'espace de temps compris entre le 20 février 1668 et le
i®" dimanche de carême de l'année suivante, et annonce un
Mémoire de M. l'abbé Fillet sur les verreries du moyen
âge dans le sud-est de la France.
Nos collègues, comme on le voit, ne demeurent pas
oisifs.
«
Après ces communications, M. le chanoine Chevalier
(Jules) propose de publier dans le bulletin des notes his-
toriques sur les communes, extraites d'un manuscrit ; ce
qui est accepté.
M. Nugues rend compte d'une visite récente au Musée
du Louvre, où il a vu les objets trouvés à Bosco Reale et
offerts par M. de Rostchild ; c'est à donner envie d'aller
à Paris.
Avant la clôture de la séance, M. le chanoine Perros-
sier reçoit de. ses collègues la mission de préparer la table
des dix dernières années parues du Bultetin.
A. Lacroix.
fk
V'rvmv'^'^'<^'^i^
CHRONIQUE
Une découverte de monnaies dans le Vercors et une autre à
Loriol nous ont été signalées sans détails précis.
OUVRAGES REÇUS
DONS DU MINISTÈRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE
Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et
scientifiques,- — Année 1895, i'® et 2® livraisons, i vol. in-8°,
268 pp.
— Du même Comité. — Sections des sciences économiques
et sociales. Séances mensuelles. — Rapports. — Mémoires.
1895. — Broch. in-8°, 92 pp.
i
— Bibliographie des travaux historiques et archéologiques pu-
bliés par les Sociétés savantes de France^ dressée sous les aus-
pices du Ministère de l'Instruction publique par Robert de
Lasteyrie avec la collaboration de E. S. Bougenot. T. III, r*
livraison, i vol. in-4°, 176 pp.
— Congrès des Sociétés savantes. Discours prononcés à la
séance générale du Congrès^ le samedi 11 avril i8g6^ par M. Gran-
didier, membre de l'Académie des sciences, et M. Guiesse,
ministre des colonies, ministre par intérim de l'Instruction pu-
blique, des beaux-arts et des cultes. Broch. in-S**, 31 pp.
— Romania, Recueil trimestriel consacré à l'étude des langues
et des littératures romanes^ publié par Paul Meyer et Gaston.
Paris, t. XXV. — Jà!ivier et avril 1896.
«
— Le Journal des Savants de mars à juin 1896.
286 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
DONS DES AUTEURS
Notes sur la possibilité de la vulgarisation de l'histoire locale^
par M. Charles Guerin (Avranches, 1895, broch.in-8^ 13 pp.).
L'auteur désirerait le remplacement par des périphrases des
mots inusités aujourd'hui, la description des sièges et combats
et la peinture des mœurs et usages, l'exactitude rigoureuse,
une large place à l'histoire contemporaine, sans toucher aux
questions irritantes, enfin la composition de monographies par
cantons. D'après lui, les moyens d*arriver au but consiste-
raient : I** à distribuer gratuitement les opuscules ; 2® à placer
l'histoire locale de la commune en tableaux synoptiques dans
les mairies, les gares et les bureaux de poste ; 3** à donner en
dictée dans les écoles les résumés ; 4** à les publier dans les
journaux.
— Mémoire adressé à deux sections du Ministère de rinstruc-
tion publique et des^ Beaux-Arts par Camille de La Croix, S. J.
pour revendiquer la découverte d'un curieux monument gallo-
romain à Yzeures (Indre-et-Loire).
— Du compte par livre^ sol et denier^ synonymes respectifs des
nombres 140, 12 et i, par Roger Vallentin. Genève, 18Q5, br.
in-8°, 17 pp.
— Du même auteur : Calculs sur le marc de Paris et sur ses
subdivisions usitées dans les ateliers monétaires (Extrait de Y An-
nuaire de la Société de Numismatique), 1895, br. in-40, 19 pp.
— Du même auteur : Deux nouveaux ateliers delphinaux^
Bourgoin et Quirieu (Extrait du même Annuaire). Paris, 1896,
broch. in-4°, 8 pp.
— Du même auteur : Les monnaies frappées à Avignon pen-
dant la vice-légation deMazarin, 1634- 1637. (Extrait de la Revue
belge). Bruxelles, 1896, 33 pp., une plancÊe de gravures.
— Du même auteur : Notes historiques sur le vignoble de St-
CHRONIQUE. 287
Péray, Valence, J. Céas, 1896, broch. in-8**, 27 pp. (sur papier
vert).
Les travaux signalés ici ont été justement appréciés par les
érudits et c*est là une recommandation bien enviable.
A côté de ces brochures, nous devons placer V Histoire de
Grenoble^ par A. Prudhomme, archiviste de l'Isère, correspon-
dant du Ministère de l'Instruction publique. — Grenoble, 1888,
Gratier ; i vol. in-8'*, 683 pp.
La capitale du Dauphiné ne pouvait trouver un historien
plus instruit ni un écrivain plus correct et plus élégant. Par ses
fonctions et par ses études, M. Prudhomme possédait les ren-
seignements les plus complets sur Grenoble ; il les a utilisés
avec soin et en a fait un livre sérieux, agréable à la lecture et
instructif au plus haut degré.
— Poésies dauphinoises du XV W siècle^ publiées par H. de
Terrebasse. Lyon, Brun, 1896; i vol. in-8', 193 pp.
C'est la mise au jour d'un dossier poétique formé par Aymar
Blanc de Blanville et par Marie de Prunier, sa seconde fçmme.
La Côte-St-André et Grenoble ont vu naître, de 1620 à 1670,
ces compositions où se rencontrent parfois des expressions
vives, risquées et même grossières, mais où se dévoile la haute
société d'alors. Viennent à la suite de nombreux renseigne-
ments sur les familles citées dans le livre.
— Les Volontaires de VArdèchey 1792- 179 3, illustré de gra-
vures et de fac-similé, par Henry Vaschalde. Paris, Lecheva-
lier, 1896; I vol. in-8°, 313 pp.
On pourrait intituler ce livre « livre d'or du patriotisme ardé-
chois » ; il renferme, en effet, les noms des courageux défen-
seurs de la patrie à une époque difficile et solennelle où la
France.. .
... Rallumant soudain ses foudres désarmées
Comme un coup de canon lâcha quatorze armées.
— Parmi les travaux multiples que publient les Sociétés
savantes en relations d'échange avec la nôtre, nous signalerons
288 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
dans le Bulletin de la Diana (t. IX, n* 2) une étude sur les moyens
de nettoyer et de conserver les objets anciens trouvés en terre, et
dans le Bulletin de la Société historique et archéologique du Péri-
gord (t. XXIII, 3® livr.), une note concernant ïimpôt sur le re-
venu. L'auteur s*en occupe uniquement au point de vue du
service militaire.
Or, en 17 10, époque de la création du dixième^ cet impôt
sur le revenu grevait non seulement les biens cadastrés, mais
encore tous les autres revenus. Il s'élevait en 1789, au Bourg-
de-Péage, à 2,019 livres moins i sol, alors que les autres im-
pôts, tailles, capitation et don gratuit atteignaient 11,179 liv.
14 sols.
Le dixième, supprimé en 17 17 et rétabli en 1733, fut converti
en vingtième en 1749.
Enfin, les Annales du Midi (avril 1896) donnent des extraits
d'un procès plaidé à Paris en 1415 devant la cour des Aides
entre les fermiers de l'impôt sur les verres à Paris et le facteur
des verriers du Dauphiné, prétendant ces derniers exempts « de
touz aides, tailles, subcides et payages ». Comme il n'y a pas
trace de jugement définitif, il est permis de supposer un arran-
gement amiable.
— La Revue du Midi, publiée à Nîmes, continue avec succès
ses études intéressantes.
— Signalons, en terminant, les Monuments religieux de l'ar-
chitecture romane et de transition dans la région picarde, par C.
Enlart, publiés par la Société des Antiquaires de Picardie,
texte et gravures (i vol. in-folio de 252 pages, Amiens 1895).
— Nous recevons au dernier moment : Une équipée de Rican
Corvi, coseigneur d'Aubignan, contre t abbaye de Silvacane, en
ij$8, par Lucien Gap; Louis XI et les Vaudois du Dauphiné
(documents inédits de 1469), par M. Arnaud et Recherches his-
toriques à propos de Centrée des évêques de Die dans leur ville
épiscopale, par Gustave Latune. Nous reviendrons sur ces tra-
vaux remarquables.
A. Lacroix.
CLAUDE FRÈRE
L'intéressant article de notre érudit collègue, M. Roger
Vallentin, sur Claude Frère, pouvant être considéré comme une
invitation à d'autres articles sur ce personnage, dont la valeur
morale n'égala certainement pas l'habileté, non plus que la for-
tune ; mais qui n'en est pas moins une des illustrations de la
ville de Valence, je me hasarde à publier ici, d'avance, la no-
tice qui lui est consacrée dans le Dictionnaire biographique de la
Drôme que je prépare, notice qui pourrait être beaucoup plus
étendue, mais qu'il m'a fallu écourter autant que possible, sous
peine de donner à mon travail, qui ne comprend pas moins
de 800 notices, des proportions exagérées. L'article de l'hono-
rable M. Roger Vallentin ayant été pour moi une invite, je me
plais d'ailleurs à espérer qu'il en sera de même de celui-ci, pour
d'autres chercheurs, et que l'on arrivera facilement ainsi à met-
tre tout à fait en lumière une curieuse figure.
Brun-Durand .
Claude Frère, un des personnages les plus importants
du Dauphiné au commencement du XVIP siècle, était de
Valence et le fils d'un Giraud Frère, qui faisait partie
du conseil de cette ville en i56o, en même temps
que le neveu de Louis Frère, riche marchand de Lyon,
que Ton trouve établi à Valence, place St-Jean, dès le i3
juillet 1574, date à laquelle il offrit à la municipalité valen-
tinoise de lui prêter 2,000 livres pour la « réparation et
« fabrique de l'église St-Jehan et pour ung puydz à l'hos-
<« pital dudict St-Jehan ». Qui plus est, devenu orphelin de
bonne heure, il eut pour tuteur cet oncle, qui le fit élever
à Paris et lui laissa ensuite tous ses biens comprenant,
avec sa maison de la place St-Jean, quantité de terres
2« Série. XXX« Volume. — 1896. 19
290 SOCIÉTÉ D^ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
dans la banlieue. Or, comme il était tout à la fois fort ha-
bile et fort ambitieux, Claude Frère, après avoir étudié le
droit et pris le grade de docteur agrégé en l'université de
sa ville natale, profita de ce que cette université était alors
en désarroi pour se faire attribuer une de ses chaires au
mois de janvier 1692, ce qui n'était, au fond, qu'un moyen
pour lui de s'affranchir de l'impôt qui grevait ses biens,
les professeurs de l'université jouissant de tous les privi-
lèges des nobles. Voyant cela, les consuls de Valence pro-
testèrent d'autant plus vivement contre cette attribution
de chaire, qu'il en devait naturellement résulter une sur-
charge pour les autres citoyens, et, qu'aux termes des
règlements universitaires, toutes chaires devaient être
mises au concours ; mais Frère, qui n'était pas homme à se
laisser rebuter pour si peu, offrit alors d'occuper sa chaire
sans gages, manœuvre extrêmement adroite, la somme
d'impôts dont il s'agissait, pour lui, de s'affranchir, étant
beaucoup plus élevée que les gages, d'ailleurs assez mal
payés, qu'il abandonnait. Aussi les consuls persistèrent-
ils dans leur opposition et Frère s'étant alors déclaré prêt
à disputer sa chaire, conformément aux règlements, ils
firent le possible pour lui susciter des concurrents sérieux.
Malheureusement ces concurrents ne se trouvèrent pas et,
finalement, après dix mois de tiraillements. Frère fut régu-
lièrement mis en possession de la quatrième chaire de
droit, dite « chaire civile » de l'université de Valence.
Professeur, Claude Frère enseigna-t-il réellement le
droit, comme le prétendent ses biographes ? Ce qu'il y a
de certain, c'est qu'il n'y avait presque pas d'étudiants et,
par cela même, de cours en l'université de Valence dans les
dernières années du XVP siècle et que moins de quatre
ans après sa nomination, l'héritier du marchand de la
CLAUDE FRERE. 29 ï
place St-Jean acheta une charge d'avocat du roi au Grand-
Conseil, qu'il échangea ensuite contre une de conseiller.
En 1602, il devint maître des requêtes de l'hôtel du roi,
sans cesser, pour cela, d'habiter Valence, où il n'eut pas
moins de six enfants en neuf ans (ibgg-iôoS), et qu'il ha-
bitait probablement encore quand les Etats du Dauphiné
s'assemblèrent dans cette ville, au mois de février 1610,
sous l'œil de Lesdiguières. Car, c'est dans ce temps-là et
vraisemblablement en cette circonstance, qu'il se lia avec
le futur connétable, pour qui il devait être « celuy qui fut
« parmy ses amis en sa plus grande confiance et en la plus
« haute estime de sagesse », suivant les expressions de
Videl, et qui l'aida puissamment à parachever sa fortune.
Ayant bien vite compris le part que l'on pouvait tirer d'un
homme de la valeur de Frère, Lesdiguières employa, en
effet, notre Valentinois de manières les plus différentes :
En 161 1, « pour bailler à prix-fait et faire travailler aux
« réparations nécessaires du pont d'Avignon » ; l'an sui-
vant, dans les négociations qu'il eut avec le co-légat Filo-
nardi, pour la solution de certains différends touchant les
protestants français possessionnés dans le Gomtat-Venais-
sin ; deux ans plus tard, en qualité de membre de la Com-
mission chargée d'assurer l'exécution de l'Edit de Nantes
en Dauphiné. Enfin, quand le parti protestant, poussé par
Condé, eut résolu de tenir la fameuse assemblée politique
nationale de Grenoble (juillet i6i5). Frère ayant été
nommé, concurremment avec Charles de Créqui, lieute-
nant-général au gouvernement de Dauphiné et le gendre
de Lesdiguières « commissaire de Sa Majesté, pour avoir
a l'œil à ce qu'il ne fût fait en cette assemblée aucune dé-
« libération contre le service du Roy », Lesdiguières, qui
avait la haute main sur tout ce qui se passait en Dauphiné,
29^ SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
estima bientôt qu'il suffisait de Frère. Et, de fait, celui-ci
remplit si bien sa délicate et difficile mission, que la pre-
mière-présidence du parlement de Grenoble étant devenue
vacante quelques mois après (i5 mai i6r6), par suite de
la mort d'Artus Prunier de St-André, on ne crut pouvoir
mieux faire que de lui donner cette importante charge, en
récompense de ses services. Nommé le 25 juillet 1616, il
en fut mis en possession le 2 septembre suivait.
Devenu ainsi le premier magistrat de la province, Claude
Frère n'en fut que davantage le conseiller et l'ami de Les-
diguières qui, Tayant entretenu du projet qu'il avait de
régulariser, par un mariage, sa liaison avec Marie Vignon,
fit assez de cas de ses avis pour ne pas contracter ce ma-
riage en Savoie, ainsi qu'il en avait eu l'intention et, qui
plus est, l'en récompensa en lui faisant avoir du roi, le 1 1
mars 16 18, une pension de 3,6oo livres, « pour faire uti-
« lement et dignement la charge de premier-président ».
3 ans plus tard, le futur connétable, cédant à ses instances,
signait à Valence, dans « le logis de Frère », l'acte par
lequel il s'engagea à se faire catholique, et c'est également
dans ce temps-là qu'il chargea notre premier-président
d'administrer le Dauphiné en son absence, de concert
avec le gouverneur de Grenoble. Ce qui peut donner la
mesure de la confiance qu'il avait en lui et marque le
degré d'importance auquel était arrivé l'ancien professeur
de droit en Tuniversité de Valence. Or, tout en travaillant
avec ardeur à sa fortune politique, Claude Frère ne négli-
gea pas non plus d'augmenter considérablement ses biens;
car ayant prêté 4,800 livres à Gaspard de Beau mont,
seigneur de Pellafol et de Barbières, en 1606, il trouva
moyen, dix ans plus tard, de contraindre ce gentilhomme
de grande race, de lui vendre ses deux seigneuries pour la
CLAUDE FRÈRE. 298
modeste somme de i3,i66 livres, et, Tan d'après, un au-
tre membre de cette illustre famille, croulant sous le
poids des emprunts, lui céda moyennant 48,000 livres,
c'est-à-dire pour beaucoup moins que leur valeur réelle,
les importantes terres de Beaumont, Montfort, Grolles
et le Touvet en Graisivaudan. Non compris que, même
après la mort de son protecteur Lesdiguières, il trouva
moyen de faire porter de 3,6oo à 6,000 livres la pension
que lui faisait le roi (i3 févr. 1627). Ce qui est un nou-
veau témoignage de sa peu scrupuleuse habileté, comme
aussi sa grande fortune explique-t-elle mieux encore que
ses services, les hyperboliques éloges que lui décernent la
plupart des historiens dauphinois de son temps ; étant
donné surtout que les médailles qu'il fit frapper à son effi-
gie prouvent qu'il eut grand soin de sa renommée.
Claude Frère mourut en 1640, âgé d'environ 70 ans
seulement, attendu qu'il semble résulter d'un procès-
verbal de curatelle du 8 octobre i585, qu'il avait alors
14 ans, et marié vers 1597 avec Magdeleine Plovier, fille
de Bertrand, premier-président de la Chambre des comp-
tes de Dauphiné, il eut au moins sept enfants, dont six
naquirent à Valence :
I® Magdeleine, née le 14 mai iSgg, et femme de Charles
d'Hostun-Claveyson ;
2® Pierre, né le 2g mars i6oc et décédé le 3 février
1626, étant conseiller au Grand-Conseil ;
3® Claude, né le i5 mars 1602 ;
4® Alexandre, né le 5 février i6o3 et mort jeune.
6^* Louise, née le r6 octobre 1604, et femme d'Antoine
du Faure de la Rivière, conseiller au parlement de Gre-
noble ; •
6® Alexandre, né le 16 juillet 1607 9
294 SOCIÉTÉ D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
7® Louis, qui naquit le 4 novembre 1608, succéda à son
père en la première-présidence du parlement de Greno-
ble le 12 octobre 1640 ; fit partie l'année suivante de la
Commission extraordinaire qui jugea Cinq-Mars et de
Thou, et mourut sans enfant le 10 novembre 1643.
Iconographie
I. Médaille de bronze de 5o mil. de diamètre. D'un
côté, buste de profil à G, en costume de premier-président
avec fraise. Légende : CLAVDIVS. FRERE. PR. PRA-
ESES. SEN. GRA. 1623. Au revers, un dextrochère ar-
rosant avec nne aiguière une plante de lis et dans le fond
une église au bas d'un coteau, avec cette légende autour :
FRVOR DVM FOVEO. Signé : Ollier.
IL Méd. de bronze de 40 mil. D'un côté, buste de profil
à G, avec une barbe courte et sans fraise. Au revers, une
main sortant d'un nuage arrose un lis et dans le fond, une
tour ruinée. Mêmes légendes que la précédente. Signé :
Ollier E.j 1624.
III. Méd. de bronze de 44 mil. D'un côté, même type,
même légende et même date que la précédente ; mais au
revers, buste de femme de profil à D. avec fraise, chaîne
et bijoux dans les cheveux. Légende : MAGDALENA.
PLOVIER. CONJVX.
IV. La même que la précédente, mais sans revers.
— Rochas, Biogr., I, 401 ; GG, Ârch. mun. de Valence, BB, 9, 12 ; i.
— BoNiEL DE Catilhon, Vie cCExpillyy 68, 72 ; — Videl, Hist. de Lesdi-
guières, I, 506, 535 ; II, 35, 148; — Arch. de Tlsère, B, 2952 ; — Bull,
d'archéol.y V, 340 ; XVIII, 395 ; — Bouchitté, Nég, pour la conf. de
Loudun, 24; — Lacroix, Essais sur Valence, 757; — Nadal, Hist. de
Vuniv. de Valence, 125; — ^tc.
LES COMTÉS DE VALENTlNOIS ET DE DIOIS. 2g5
MÉMOIRES
'POU'R SE'RVl'R cA L'HISTOI'RE
DES
COMTÉS DE VALENTlNOIS
ET DE DIOIS
Suite. —Voir les 85% 86% 88% 89% 90% 94% 95% 96% ioo% 101% 102%
105% io6*, 107% io8% 109% 110% II!*, 112*, 113% ii4«
115% ii6% 117* et ii8* livr.)
Cette aventure ne causa pas seulement une humiliation
profonde au comte de Valentinois, mais encore une perte
d'argent fort sensible, eu égard surtout au triste état de ses
finances. Le récit du chroniqueur laisserait croire, il est vrai,
que la rançon fut peu élevée. Séverac et ses gens n'étaient
pas hommes à relâcher leurs prisonniers sans en retirer grand
profit. Le bâtard de Mercussan ou Bertusan, aux mains de
qui Louis II de Poitiers était tombé, exigea 3, 000 écus pour
sa mise en liberté (i). En attendant de pouvoir retirer cette
somme de ses vassaux, obligés, comme on le sait, de s'impo-
ser pour faire la rançon de leur seigneur, il dut l'emprunter
à un juif, maître Héliot d'Arles, qui habitait Valence ; l'obli-
gation qu'il lui souscrivit est datée du mois de février iSgô (2).
Ce fut, sans doute, pour se procurer quelque argent que le 3
de ce même mois, il confirma aux habitants de Montélimar, re-
(i) Anselme, t. II, p. 196.
(2) Inventaire des titres des Poitiers, n»
2g6 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
présentés par leurs consuls Rostaing de Pracomtal et Pierre
Vauchier, les anciennes chartes de libertés accordées à la ville,
et donna Tautorisation nécessaire pour qu'on en fît une copie
authentique (i). Le comte avait alors sa résidence au châ-
teau de Sauzet. Trois ans plus tard, sa dette envers le juif
Héliot n'était pas éteinte, car nous voyons, le 9 janvier 1 399,
sur les ordres formels du comte et de Pierre Chabert, rece-
veur général de ses finances, les habitants de Crest prendre
rengagement de payer, dans l'année, à ce banquier de Va-
lence , une somme de 400 florins d'or qu'ils déclarent
devoir à leur seigneur, tant pour sa rançon que pour la
dot de sa fille. Le comte avait marié sa seconde fille (dont le
nom n'est pas connu) à Aubert de Trassy : la part contribu-
tive de la ville de Crest, à l'occasion de ce mariage, avait été
fixée à 400 florins par an, pendant dix ans. Le terme des dix
ans expirait l'année suivante et les Crestois n'avaient pas tou-
jours régulièrement payé leur taxe. Le 17 février 1400, ils
versèrent entre les mains d'Héliot 1,200 florins, dont celui-ci
leur donna quittance (2).
(i) Cartulaire de Montélimar, p. 221-35. — Parmi les témoins de cet
acte figure Aynier du Puy, seigneur d*Odefred et de Gluiras, l'ancien
précepteur du comte et son plus fidèle conseiller. Ce personnage testa le
23 janvier 1899 ®^ faveur du comte, qui recouvra ainsi les fiefs d'Odefred
et de Gluiras. (Invent, des Poitiers, n® 218.)
(3) Collections dauph. de M. Perrossier. a ... universitas dicti loci
Criste débet et tenetur solvere d. d. comiti..., a festo proximo omnium
sanctorum in unum annum immédiate sequentem, quater centum flo-
renos auri, taies et talis valoris quod duo scuti auri d. n. Francorum
régis, nunc curribiles, valeant très dictorum florenorum, et e converso
quod très dictorum florenorum valeant duos de dicti s scutis, de subsi-
dio sive de summa subsidii per eamdem universitatem eidem domino
pro redemptione et matrimonio filie sue ejusdem d. comitis, infra de-
cem annos nondum elapsos, solvendos seu solvenda, videlicet quolibet
dictorum decem annorum quatuor centum florenos valoris predicti. De
dictis siquidem quater centum fiorenis, qui solvi debebunt causa qua su-
pra d. d. comiti, a d. festo proximo omnium sanctorum in unum annum
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 297
Cependant la mort inopinée de Clément VII n'avait point
amené la fin du schisme. Sous l'opiniâtre Benoît XIII, le
nouveau pape d'Avignon, oii vit se perpétuer, se développer
tous les désordres qui avaient marqué les tristes années du
règne de son prédécesseur. Les louables efforts de l'Univer-
sité de Paris pour engager les deux papes à donner leur dé-
mission et à procurer ainsi le rétablissement de l'unité dans
l'Eglise, furent paralysés par l'obstination de l'Université de
Toulouse à demeurer fidèle à Benoît, dont elle ne voulait
point permettre qu'on mît en doute la légitimité. Ces que-
relles religieuses eurent pour résultat de réveiller la vieille
animosité qui avait toujours existé, sur le terrain politique,
entre le midi et le nord de la France. Le comte de Valenti-
nois, Tévêque de Valence et les autres seigneurs de la vallée
du Rhône se montrèrent toujours dévoués au pontife avigno-
nais. Ces désordres servaient à merveille la politique fran-
çaise, à qui tous les moyens étaient bons pour étendre
l'autorité royale. Les fréquents passages, à travers nos con-
trées, de princes, de hauts dignitaires ecclésiastiques et
laïques, se rendant à Avignon ou revenant de cette ville, avec
des escortes plus ou moins nombreuses et disciplinées, deve-
naient un fléau pour nos malheureuses populations, fléau
presque aussi redoutable que les fameuses compagnies. Cet
état de choses et peut-être aussi les secrètes menées du gouver-
neur de la province inspirèrent aux habitants de Valence la
pensée de se placer, eux et leurs propriétés, sous la sauve-
garde delphinale. Ils jugeaient leur évêque, Jean de Poitiers,
incapable de les défendre ; ils supportaient du reste avec im-
immediate sequentem, dicti... nominati omnes simul et quilibet eorum
in solidum... responderunt solvere mandate eis per d. d. nostrum comi-
tem... et per nobilem Petrum Chaberti, generalem receptorem ejusdem
d. d. comitis oretenus, die externa facta in presentia mei notarii infra-
scripti magistro Helioto de Arelate, judeo, habitatori Valentie, licet
absenti... — Le 17 février 1400, Héliot donne aux habitants de Crest
une quittance de 1,200 florins^ que le comte lui devait.
298 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
patience son caractère violent et autoritaire. Les habitants
des communautés de Châteauneuf-d'Isère, de Montvendre, de
Montéléger, d*Allex, de Beaumont, de Loriol et de Mirmande
se joignirent à eux. Le 20 juillet iSçô, dans une assemblée
tenue à Valence, ils choisirent des délégués pour aller à Paris,
implorer la protection du roi-dauphin et régler les conditions
de la sauvegarde qu41s imploraient ; ils désignèrent Jarenton
Ebraud, Jean Revel, Guillaume Juven, notaire, et Pierre de
Mirmande. Ceux-ci se rendirent donc à Paris, où leurs dé-
marches, comme il fallait s*y attendre, eurent un plein succès. )
Les diverses clauses du traité, qui plaçaient sous 'la sauve-
garde delphinale les communautés dont ils étaient les man-
dataires, furent arrêtées le 3 octobre entre eux et les fondés de
pouvoirs du monarque, Réginald de Corbières, chancelier de
France et du Dauphiné, Simon de Crevant, patriarche de Jé-
rusalem, Philippe de Molins, évêque de Noyon, Nicolas du
Bois, évêque de Bayeux, Jacques de Montmaur, gouverneur
du Dauphiné, et Jacques de Saint-Germain, procureur fiscal. 1
Sans vouloir toutefois préjudicier aux droits de l'évêque, du
comte, du pape et de l'empereur, Charles VI prenait les Valen-
tinois et leurs alliés sous sa protection, promettait de les
défendre contre les agressions injustes et leur accordait les j^
libertés et franchises dont jouissaient ses sujets de Grenoble.
Les Valentinois, en retour, s^oblîgeaient à contribuer loyale-
ment et sans fraude aux subsides, aides et impôts royaux, tels
qu'ils existaient en Dauphiné : ils promettaieni aussi de four-
nir au roi et à ses successeurs une compagnie de cent hom-
mes de pied, armés de toutes pièces et entretenus à leurs frais,
pendant un mois de Tannée, le roi se réservant la faculté
de prolonger la durée de leur service, en les prenant à sa
solde (i).
(i) Archives de Tlsère, B, 3143. — Bibliothèque de Grenoble, U, 926,
f* i-3i. Ces documents nous présentent un tableau lamentable des ra-
vages exercés dans nos pays par les routiers et les voleurs.
LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 299
Heureux du résultat obtenu, les délégués se hâtèrent de
revenir à Valence, porteurs des lettres royales. Le 23 mai,
sur la place des Clercs, près de N.-D. de la Ronde, ils les
présentent à Tévêque et lui demandent humblement de vou-
bien y donner son approbation. Il est aisé de comprendre
que le traité conclu à Paris constituait une grave atteinte
aux droits de souveraineté du prélat. Aussi se montra-t-il
fort irrité contre ses sujets ; il ne voulut leur donner pour le
moment aucune réponse, se réservant, dit-il, d'en délibérer
avec son conseil. Les esprits des Valentinois s'échaufiFèrent.
Six jours après, le 29 mai, les chefs de famille s'assemblent
dans le réfectoire des Cordeliers et déclarent ratifier toutes les
conditions souscrites par leurs délégués à Paris, tout en pro-
testant hautement qu'ils ne veulent en rien préjudicier aux
droits de Tévêque et de son Eglise (i).
Cette attitude sentait quelque peu la révolte. Jean de Poi-
tiers, fin diplomate, sut avec beaucoup d'habileté retourner
contre le roi et sa politique le coup qu'on venait de lui porter.
Il prit de là occasion d'agir sur l'esprit faible et indécis de
son cousin le comte de Valentinois pour le détacher insensi-
blement de l'alliance française, l'indisposer contre le monar-
que et le faire revenir de son projet de céder ses Etats à la
France, au préjudice de ses héritiers naturels. Pendant que le
comte se laissait entraîner sur la pente où le conduisait Tévê-
que de Valence, celui-ci ne craignait pas d'accentuer son mé-
contentement contre le roi, en s'attachant plus que jamais à
la cause de Benoît XIII, alors que la cour de France avait
ordonné l'abandon de l'obédience de ce pontife et que la plu-
part des cardinaux avaient quitté Avignon. Bien plus, Jean
de Poitiers conduisit lui-même un secours au pape délaissé,
s'enferma avec lui dans le fameux château et y endura toutes
les privations d'un siège de plus de sept mois. Son nom figure
parmi ceux des prélats qui assistèrent à la translation des res-
(i) Ibid. — Cf. Ollivier (Jules), Essais hist,sur Valence, pp. 256-72.
3oo SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
tes mortels de Clément VII, cérémonie qui eut lieu le i8 sep-
tembre 1401, pendant que durait encore le blocus (i).
Provoquée ainsi et par le comte et par Pévêque, la cour de
France en vint bientôt contre eux à des mesures de rigueur.
Par des lettres datées de Paris, le 16 octobre 1400, Charles VI
ordonnait au gouverneur du» Dauphiné, Geoffroy LeMeingre,
dit Boucicaut, de se faire livrer les châteaux de Châteauneuf-
de-Mazenc et de Lène pour les remettre au duc de Bourbon.
La comtesse major en avait la jouissance sa vie durant, et y
avait établi comme capitaine Guillaume d*Hostun. Le comte
de Valentinois, à qui ils devaient revenir après la mort de la
comtesse, s'en voyait ainsi frustré. Le 21 septembre, le duc
de Bourbon donnait commission à Humbert AUeman pour
en prendre possession en son nom (3). Mais ce n'était là qu'un
avertissement. Le grand coup fut porté peu après que le duc
de Bourgogne eut pris en main la direction des affaires. Une
ordonnance royale, en date du 3i août 1402, enjoignit au
gouverneur du Dauphiné de saisir les terres, châteaux pos-
sessions, revenus que le comte de Valentinois et de Diois
tenait en fief de la couronne, à raison du Dauphiné (3). Le
(i) Baluze, Vitce paparum Avin., t. I", p. 538. —Cf. Notre Essai
hist, sur Die, t. tl, pp. 320-1.
(a) Inventaire des Poitiers, n*' 398, 399, 401.
(3) Archives de l'Isère, B, 35o4. — Le 3 avril 1402, le comte transi-
gea avec le commandeur de St- Vincent, au sujet de l'exercice de leurs
juridictions. (A^rchives de l'Isère, B, 2983, f» i.) — Le i5 juillet 1402,
étant à Crest, il fonde une messe dans l'église des Cordeliers : « Voluit
et ordinavit celebrari et dici, perpetuis temporibus, die qualibet usque
in perpetuum, in ecclesia conventus fratrum minorum de Crista, vide-
licet in capella béate Marie, quam ibidem construi et edificari fecit id.
d. comes, unam minam cum bona et magna solemnitate, alta voce
cantando, ut est comuetum cantare in notam missas solemnes per fratres
dicti conventus que singulis diebusin ipso conventu celebrantur, videlicet
incontinenti quando ipsi fratres dixeruntprimam, voluitque idem d. comes
ipsam missam singulis diebus celebrari quamdiu ipse vixerit de officio
béate Marie virginis et ad honorem ejusdem ; post vero ipsius comitis
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 3oi
gouverneur occupa diverses places et y mit garnison. Il va
sans dire que le véritable motif de cette confiscation ne fut
pas donné. On voulait créer des embarras au malheureux
comte, qui en avait assez déjà avec ses créanciers ; on vou-
lait lui faire sentir combien il était dangereux de s'éloigner de
Famitié du roi ; on voulait enfin le contraindre, d'une cer-
taine façon, à traiter ou du moins à donner des gages de la
cession de ses Etats à la France, pour laquelle il n'avait en-
core fait que de simples promesses. Voici le motif qu'on allé-
gua pour se saisir ainsi violemment d'un certain nombre de
ses fiefs. On se souvient qu'Aymar VI de Poitiers avait été
condamné à une amende de mille marcs d'argent envers le
roi, pour des faits se rattachant à la cession du Faucigny au
duc de Savoie, cession à laquelle il avait présidé comme gou-
verneur du Dauphiné, Or, plus de quarante ans s'étaient écou-
lés depuis le jugement; la somme avait été réduite à i5,ooo
florins, et finalement remise avait été faite de la dette. Les
conseillers du roi trouvèrent le moyen de contester la légiti-
mité de ces derniers actes et reprirent contre Louis II le procès
mortem ipsam missam, voluit perpetuo, hora predicta celebrari, singulis
diebus de mortuissive de officio mortuorum... » Tous les frères devront
y a^ssister, sous peine^ pour les absents, de perdre la distribution et de
voir leurs noms inscrits dans un registre. Tous les ans, les religieux
prêteront serment que la messe est régulièrement célébrée. Si cette
messe venait à être omise un mois durant, les Cordeliers de Crest per-
draient leurs droits, qui passeraient aux Dominicains de Valence, char-
gés dès lors de la fondation : à ces derniers, il substitue les Dominicains
de Die. Le comte donne, pour cette fondation, à Guillaume Chapuis,
gardien, et aux sept religieux du couvent tous les revenus de ses mou-
lins de Crest : « quorum unum vocatur molendinum superius et aliud
molendinum médium, quod molendinum médium olim fuit Jordani
Guillelmi quondam, et in et ex gauchatoriis et massatoriis ac aliis arti-
ficiis quibuscunque in ipsis molendinis factis et faciendis... » Dans le
cas où cette fondation serait après lui contestée par ses héritiers, il
donne d'ores et déjà, par donation entre vifs et irrévocable, la ville
de Crest et ses dépendances à TEglise romaine. (Collect. de M. Per-
rossier.)
302 SOCIÉTÉ D^ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
intenté autrefois à son prédécesseur. Le comte, poursuivi
comme débiteur envers le trésor d'une somme de i5,ooo flo-
rins, vit donc saisir un certain nombre de ses terres.
L'évêque, réputé le principal instigateur des menées contre
la France, vit à son tour Porage fondre sur lui. Sa fidélité à
Benoît XIII irritait encore le monarque. Le gouverneur du
Dauphiné reçut l'ordre d'occuper les biens des évêchés de
Valence et de Die. C'était au moment où le pape, trompant la
vigilance de ses ennemis, réussissait à sortir du château d'Avi-
gnon et à reconquérir sa liberté. Jean de Poitiers, plus que
jamais, se montra dévoué à cet opiniâtre et infortuné vieil-
lard ; il le suivit à Tarascon, se plaignit des violences exer-
cées dans son diocèse et obtint une bulle du 7 décembre 1403
qui enjoignait à l'abbé de Valcroissant, au doyen de Lyon et
à celui de Vienne d'agir, en qualité de commissaires aposto-
liques, contre les usurpateurs et détenteurs des biens des
Eglises de Valence et de Die, leur ordonnant d'écouter les
plaintes du prélat et de lui faire rendre justice (i).
Mais Forage déchaîné un instant avec tant de violence sur
l'évêque et le comte n'avait pas tardé à se calmer : le retour
de la France à l'obédience de Benoît XIII dut, sans doute,
contribuer à la pacification générale et devenir profitable
aux anciens alliés du pontife avignonais. Le comte, toutefois,
ne put recouvrer encore ses domaines mis en séquestre, et
cette mesure ayant tari pour lui une source de revenus, il se
trouva réduit à une situation financière de plus en plus diffi-
cile. La vente de quelques-uns de ses fiefs ne suffit pas pour
satisfaire l'avidité de ses créanciers, et il fallut bientôt sérieu-
sement songer à une mesure suprême, vendre à la France
sa principauté, tout en s'en réservant la jouissance, sa vie
durant. Enfin, après des années de persévérants efforts, de
politique habile, les conseillers du dauphin croyaient voir
arriver l'heure où l'héritage des comtes de Valentinois allait
(i) Voir notre Essai hist. sur Die^ t. II, p. 322.
, LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE MOIS. 3o3
échoir à leur maître. Ils n'étaient pourtant pas au bout des
difficultés.
Charles de Poitiers, chef de la branche cadette de la famille,
revendiqua des droits à l'héritage de son neveu, et nous con-
naissons déjà les solides raisons sur lesquelles il appuyait ses
prétentions. C'était un prince puissant, aimé et estimé de tous.
On ne pouvait raisonnablement traiter sans lui : c'eût été
préparer, pour un avenir prochain, une ère de nouveaux pro-
cès, de nouvelles luttes. D'autre part, les embarras financiers
de la cour, les querelles des ducs d'Orléans et de Bourgogne,
les menaces incessantes des Anglais commandaient au roi de
ne pas aggraver encore sa situation, en se créant des ennemis
dans la vallée du Rhône, mais bien d'acheter l'abandon des
droits de la maison de Saint- Vallier par de larges concessions.
Tout ayant été concerté d'avance entre les représentants du
prince et le comte de Valentinois, celui-ci fit par procureur,
le 19 juin 1404, à Valence, dans le palais épiscopal, une
transaction, aux termes de laquelle Charles de Poitiers, sei-
gneur de Saint- Vallier, consentait, pour lui et les siens, à ce
que son neveu cédât au roi-dauphin ses Etats, renonçant
ainsi à toutes les prétentions qu'il pouvait avoir ; mais en
échange de ses droits, on lui reconnaissait, pour lui et pour
ses successeurs, dès maintenant, la propriété de la baronnie
de Clérieu, à l'exception de la Roche-de-Glun, et, après la
mort de la comtesse major et celle du comte, la propriété de
la baronnie de Chalencon en Vivarais, des villes de Privas et
du Pouzin, de Durfort, de St-Fortunat, de Château-Bourg,
de Mézenc, du péage de Maupas, de Tournon près Privas, de
St-Pierre de Barre, de St- Vincent, et généralement de toute
la partie des comtés située sur la rive droite du Rhône, à
l'exception toutefois du château de Baix (i).
Le même jour, 19 juin, le seigneur de Saint- Vallier donna
procuration à son fils l'évêque de Valence pour traiter avec le
(i) DucHESNE, Preuves, p. 6i-3.
3o4 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
roi de ses prétentions sur les comtés. L'évêque se munit en-
core de la procuration de ses frères : Louis de Poitiers la lui
donna le 19 juin; Charles, évêque de Châlons, le 20 juin ;
Philippe, le 23 juillet (i). Quelques jours auparavant, le 14
juin, le comte Louis II, se trouvant au château de Sauzet,
n'avait cru mieux faire que de prendre pour son fondé de
pouvoirs le même évêque de Valence, son cousin, à qui il
associa Pierre de Plsle et Pierre Chabert, les chargeant soli-
dairement de traiter, en son nom, avec le roi, des conditions
du transport de ses Etats à la couronne (2). Le choix fait
par les intéressés témoigne de la eonfiance qu'on avait dans
Thabileté du négociateur. Jean de Poitiers était, en efifet,
un fin diplomate, très dévoué à sa famille, et ne reculant
devant aucun moyen pour mener à bout ses entreprises.
Comme on va le voir, son rôle dans toute cette afifaire fut
considérable.
Jean de Poitiers se rendit donc à Paris. Après de longues
conférences avec les délégués du roi, les évêques de Noyon et
de Meaux (3), deux traités furent signés le même jour, 1 1 août
1404, le premier réglant la situation faite à Charles de Poi-
tiers et à sa famille, le second renfermant les diverses clauses
du transport des comtés à la France. Nous allons donner un
aperçu rapide de ces deux documents.
Le premier traité est divisé en douze articles : i*-4°. Le roi
(i) Bibliothèque de Grenoble, U, 926, p. 140-64. — Louis donna sa
procuration à Valence ; Charles, à l'IsIes-l'Evôque, au diocèse de Châ-
lons ; Philippe, en la prévôté de Paris.
(2) Ibid., f- 79.
(3) Philippe de Moulins, évoque de Noyon (24 déc. 1 388-31 juillet
1409), avait occupé précédemment le siège d'Evreux (1383-1388) : le roi
Tavait déjà employé pour la pacification des troubles occasionnés par
Raymond de Turenne. (Valois, La France et le Grand Schisme d^Oc-
cident, t. II, p. 346, 38 1.) — Pierre Fresnel, évêque de Meaux (10 no-
vembre 1391-20 août 1409). Il fut employé dans de nombreuses négo-
ciations, notamment pour Textinction du schisme.
LES COMTÉS DE VALENTCNOIS ET DE DIOIS. 3o5
abandonne au seigneur de Saint- Vallier la baronnîe de Clé-
rieu, et lui remettra, après la mort du comte, les terres de la
rive droite du Rhône qui appartiennent aux comtés de Valen-
tinois et de Diois, avec les exceptions mentionnées plus haut.
Si le comte meurt sans laisser d'enfant mâle, le seigneur de
Saint-Vallîer pourra entrer en possession des terres situées
au royaume sans autres formalités. — 5® Le roi donnera au
seigneur de Saint- Vallier 20,000 écus d'or, payables dans le
terme qui sera assigné pour le payement des 100,000 promis
au comte, et ce sous peine de nullité du présent traité. —
6* a Item. Le roi-daulphin veut et consent que sans aulcune
« finance soit admorties audit seigneur de Saint- Vallier 100
« livres de rente au royaume ou en Daulphiné es fiefs ou
« arrière-fiefs du royaume ou de M. le daulphin, pour em-
« ployer en fondation ou augmentation d'esglises pour Pâme
« d'iceluy sire de Saint- Vallier. » — 7*» « Item, sera tenues
a lesdites terres dud. M** Charles es libertés et franchises des
« pays où elles sont et seroient. ». — 8® Le seigneur de Saint-
Vallier pourra acquérir jusqu'à 5oo livres de terres au royaume
ou en Dauphiné, tenues en fief ou en arrière-fief du roi ou
du dauphin, « sans avoir à payer les lods, ne ventes ou aultres
droicts de quart denier. » — 9** Comme il pourrait arriver
que le comte eût un fils et qu'il voulût revenir sur la vente
des comtés et Tannuler en rendant au roi les 100,000 florins
qui lui sont promis, il est bien convenu que le seigneur de
Saint- Vallier et ses héritiers n'auront à rembourser au roi les
20,000 écus que quand le comte aura entièrement rendu les
100,000; alors seulement les Poitiers-Saint- Vallier, en ren-
dant les 20,000 écus, recouvreront tous leurs droits sur les
comtés, et le roi, en garantie du payement de cette somme de
20,000 écus, occupera la terre de Clérieu. — 10° « Après la
mort du comte et le transport de ses Etats à la couronne, le
roi fera délivrer aux Poitiers-Saint- Vallier des vidimés ou
copies de tous les testaments des anciens comtes de Valenti-
nois, « pour qu'ils s'en puissent ayder au temps advenir, mais
2« SÉRIE. XXX' Volume. — 1896. 20
3o6 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
« ils jureront qu'ils ne s'en ayderont, ni ne les bailleront à
« aulcun autre pour s'en ayder aulcunement à venir contre
« ledit traité. » — ii*" Deux copies seront faites des présents
traités. Une d'elles, vérifiée par la chambre des comptes
« sans finance », sera remise au seigneur de Saint- Vallier. Le
sénéchal de Beaucaire, les baillis du Viennois, du Vivarais et
du Valentinois, et les autres officiers du roi seront avisés de
tout ce qui vient d'être arrêté. — 12® Enfin, le seigneur de
Saint- Vallier « renonce à tous les droits et actions qu'il peut
« avoir et qui lui compétent et appartiennent... es comtés de
« Valentinois et de Diois..., excepté ce qui est contenu au
a présent traité... (i). »
Le second traité règle les conditions du transport des
comtés à la couronne. Il comprend 37 articles.
1° On convient « que led. comte, qui n'a de présent aucuns
« hoirs masles légitimes et n'est en espérance d'en avoir et
« désire de tout son cœur que en cas qu'ils trespasseroit de
a ce siècle sans hoir masle naturel et légitime procréé de son
« corp^, ses terres et seigneuries viengnent es mains du roy
a nostre sire daulphin, cède, baille, délaisse et transporte...
« au roy nostre dit sire daulphin de Viennois les comtés de
a Valentinois et de Diois, excepté la baronnie et apparte-
« nance de Clérieu, sans y comprendre le chastel et la ville
« delà Roche de Cluy..., et aussi excepté... les terres dud.
a comté de Valentinois estant au royaume de France, les-
a quelles terres... M*"® Charles de Poitiers, oncle dudit comte,
« doit avoir et aura pour luy et les siens, afin qu'il consente
a audit bail... et transport, sans toutefois les chastel et chas-
a tellenie de Baix, avec toutes leurs appartenances, qui seront
« comprinses esdits bail... et transport, par ainsin que lesd.
a comtés de Valentinois et de Diois ne puissent jamais être
a hors de la main dud. roy-daulphin, ou de son fils aisné,
« daulphin de Viennois. Ainçois seront lesd. comtés de telle
(i) Bibliothèque de Grenoble, U, 926, p. 93-139.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. Soy
« nature, manière et condition comme par le Daulphiné de
a Viennois, et auront lèsd. comtés et tous les habitants d'icel-
« les, situés et demeurant en l'empire, telles libertés, à tou-
« jours, comme ceux du Dauphiné, et seront lesd. comtés
« de V. et D. adjoints avec led. Daulphiné. Et oultre auront
« led. comte et tous ses officiers et serviteurs privilège, du-
« rant la vie d'iceluy comte, qu'ils pourront appeler des griefs
« à eux faits par le gouverneur au conseil delphinal, au roy
« nostre sire daulphin, ou à son fils aisné daulphin, ou à la
a cour de parlement, ou mieux leur plaira. Et se font lesd.
« bail, cession, délaissement et transport au cas que led.
a comte ira de vie à trespassement sans hoir masle légitime
« procréé de son corps, par telle manière et condition, c'est
« à savoir que le roy daulphin, et son fils aisné, ne aultre,
« pour cause ou occasion desdits bail... et transport, ne
« pourra ou pourront rien prendre, ne demander, en quelque
« manière que ce soit, esdits comtés de Valentinois et de
« Dioîs durant la vie dudit comte, et pour cause de ce, et
« pour contemplation de la bonne et parfaite amour que led.
a comte a envers led. roy daulphin et son fils aisné daulphin,
a led. roy daulphin baillera et nombrera et transportera aud.
« comte la somme de 100,000 écus d'or ayant cours à pré-
« sent, pour une fois, dedans la feste de Toussaint prochain
a venant et au plus tard dedans la feste de S. André prochain
« venant après ensuivant. »
2° Si le comte a un fils légitime, il pourra (lui ou les siens)
recouvrer ses droits en rendant les 100,000 écus. Le comte
fera jurer à ses vassaux de reconnaître pour légitime sei-
gneur le roi ou le dauphin. « De la somme de 100,000 écus
« seront présentement rachetés, par les gens du roy et dud.
« comte, tous les chasteaux et terres engagés, et le demeu-
« rant d'icelle somme sera réellement baillé audit comte. »
3° Charles de Poitiers donne son consentement au traité,
aux conditions indiquées.
4®-5° Cécile de Beaufort, femme du comte, aura après la
3o8 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
mort de celui-ci une rente annuelle de 600 florins, avec Grane
ou Sauzet pour résidence, à son choix. Elle jouira, en outre,
sa vie durant, des revenus de la terre de Rompon, à elle assi-
gnée en contrat de mariage.
6^ Le roi se charge de payer à la comtesse major ce qui
pourrait lui être dû à raison de son douaire, car elle est à ce
sujet en procès avec le comte devant le parlement et devant
la cour du petit scel de Montpellier. Il est stipulé que la
somme que pourrait payer le roi, est en déduction des 100,000
écus. Si la comtesse était condamnée, le roi prélèverait les
frais du procès, et le surplus reviendrait au comte.
7° Le roi remet au comte et à ses hoirs toutes les décimes
échues ou à échoir, à cause des clameurs faites au temps
passé.
8^ « Item, led. seigneur, comme roy, ne comme daulphin,
« ou vicaire d'Empire, ne octroyera doresnavant aulcunes
« sauvegardes en la terre dud. comte, tant comme iceluy
« comte vivra, ne les subjects ne s'en pourront ayder tant
« comme toucheroit led. comte, ses officiers ou ses serviteurs,
« et si aulcunes en y avoit, led. roy daulphin les révoque ».
9**- 10® Les officiers royaux n'accorderont aucunes marques
contre les sujets du comte, tant qu'il vivra. Le roi ne con-
traindra pas le comte à venir à ses « osts et franchises. »
1 1® Le comte ne pourra aliéner aucune terre « du patri-
moine des comtés », mais seulement celles qui pourraient lui
venir « par convicts, forfaiture ou aultrement. » Il pourra
disposer librement de ses biens meubles.
12^ Si le comte avait à soutenir une guerre, le roi ne per-
mettra à aucun de ses sujets du Dauphiné ou du royaume de
l'attaquer, et si le comte en appelle à son jugement, le roi
devra le secourir.
i3° « Item, considéré les grands dommages qui sont notoi-
« rement advenus n'aguières es terres dud. comte, por le
« faict de l'ancienne comtesse douairière d'icelles, lesquelles
« sont moult destruites en l'empire, et les forteresses abba-
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. iog
« tues, led. seigneur pourvoyera par raison quant aux terres
« que lad. comtesse tient au royaume comme douairière, afin
« qu'après le décès de lad. comtesse et durant sa vie icellester-
« res ne soient diminuées, ne dommagées auculnement, et que
« elles soient restituées aud. comte ou à ceux qui auront cause
a de luy, par la meilleure manière que faire se pourra, à la
« conservation du droit dud. comte, comme seigneur, sa vie
« durant, desdites terres que lad. comtesse tient au royaume,
a et aussi que les procès faits pour les dommages que lad.
« comtesse a souffert estre faicts en Valentinois soient jugés,
« et s'il est trouvé qu'elle soit coupable et que par raison elle
a soit tenue es dommages dessus dit, ladite terre sera incon-
« tinent rendue audit comte selon Tarrêt qui sera prononcé,
a pour en jouir comme des autres terres desdits comtés, et
« pour ce que Ton ne scait si le procès aura prins fin durant
« la vie de ladite comtesse, ledit seigneur roy daulphin, après
a la mort d'icelle, baillera ou fera bailler audit comte la pos-
« session desdites terres. »
i4<* Châteauneuf-de-Mazenc, Savasse et Lène seront confiés,
durant la vie de l'ancienne comtesse, à la garde de Charles de
Poitiers, seigneur de Saint- Vallier, ou de son fils Louis, « en
la forme et la manière que les tient monseig, de Bourbon. »
Après la mort de la comtesse, ces places seront remises au
comte. Si le roi fait saisir quelques-uns des châteaux de l'an-
cienne comtesse, « pour raison de défense », il les remettra
au comte, pour en jouir sa vie durant.
i6o a Item, que doresnavant ne sera usé en aulcune ma-
nière es comtés de Valentinois et Diois, la vie dud. comte
durant, de puissance de vicariat de l'empereur, ne d'autre
vicariat. »
170 Le comte pourra doter ses enfants illégitimes de châ-
teaux et de terres qu'il viendrait à acquérir, et le roi légiti-
mera ces enfants.
1 80 Le comte ne pourra être poursuivi que devant le roi ou
le parlement.
3 10 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
19** Le roi ratifiera et maintiendra toutes les libertés dont
jouissent les habitants des comtés.
2o°-23o L'exercice de la justice est ainsi réglé : les habitants
des localités que le comte tient en fief du dauphin pourront
porter leurs procès, s'ils le veulent, devant la cour comtale ;
les premières appellations iront devant « le juge des appeaux
« du comte, et d'iceluy au juge du dauphin; et au cas que
« lesd. sujets ou parties ne voudroient consentir de venir en
« lad. cour ordinaire du comte, iceux sujets seront convenus,
« civilement et criminellement, devant les officiers, chaste-
« lains ou juges que tient led. comte de M. le Daulphin. » —
Les feudataires du comte iront devant la cour comtale ; de là
devant son juge des appeaux, puis devant le juge du dauphin.
— Les sujets du comte, dans les lieux qu'il tient du dauphin,
ne pourront être contraints à venir devant la cour delphi-
nale, ni d'en appeler devant la cour de Chabeuil, mais direc-
tement à Grenoble.
24^-26** Tous les habitants des localités que le comte tient
en fief du dauphin, devront contribuer aux charges des com-
tés, payer les aides pour la garde des places, « l'évacuation
des gens de guerre », etc.
27° « Item, le roy ou ses successeurs daulphins de Vien-
« nois, après la mort dud. comte, feront tant que les juifs ou
« juifves habitants es dits comtés devront estre contents de
« luy et desd. successeurs, quant à leur garder les libertés et
« franchises à eux octroyées au temps passé. »
28** a Item. Et pour ce que la terre dud. comte de Valenti-
« nois, laquelle il tient du daulphin est mise en la main du
« roi daulphin, pour ce que le procureur delphinal prétend
« led. comte de Valence estre tenu en certaine somme de de-
a niers, à cause d'un reste de composition que feu son prédé-
« cesseur comte de Valentinois, pour cause de condamnation
« esquelles il avoit esté condamné, à cause du gouvernement
« et administration qu'il avait eus en Daulphiné, et à cause
« des eschanges de Savoye, ainsy comme il est contenu plus
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 3ll
« à plain es lettres sur ce faites, et led. comte prétend estre
« quitte desdites sommes, tant par la grâce que le roy luy a
« faicte, comme par les émoluments des terres et péages qui
« ont esté mis pour ceste cause en la main du roy, le roy au
«t cas que led. comte debvroit aulcune chose de reste pour les
a causes dessus dites, luy remet et donne tout ce qu'il luy
« debvroit. »
29®-33* Le roi confirme tous les péages que possède le
comte au royaume et en Fempire. Il facilitera la fin de tous
ses procès et lui remet toutes les condamnations prononcées
jusqu'à ce jour contre lui. Enfin il l'autorise à disposer de
25o florins de rente annuelle, hypothéqués sur les terres du
Valentinois, pour des œuvres pies.
34^ a Item. Le roy retient de son conseil led. comte, sa
vie durant, et lui assigne pour ce pension de 1,000 fr. par an,
à prendre sur les revenus des aydes ordonnés pour la guerre
au royaume de France. »
35^-36° Les 100,000 écus d*or, promis au comte, lui seront
payés d*ici à la Toussaint, ou au plus tard à la Saint-André,
« et s'il y a desfaut, le roy veult et consent que, nonobstant
« ce présent traité, lequel sera de nul effet, en ce cas led.
« comte fasse et puisse faire de sesdites comtés et terres à
« son plaisir, aussy comme si le traité n'eust oncques esté
« pourparlé. » Les 100,000 écus seront payés à Aouste, près
de Crest, et là seront définitivement rédigés les actes de la
cession des comtés.
37** Enfin le roi agira de telle sorte que les procès intentés
à la comtesse major soient terminés le plus tôt possible (i)*
En signant les conditions de ce traité, l'évêque de Valence
était bien persuadé que les intérêts des seigneurs de Saint-
Vallier ne se trouvaient pas compromis. Il y avait, entre au-
(i) Bibliothèque de Grenoble, U, 926, p. SS-yS. — Il existe de nom-
breuses copies de ces divers actes de 1404.
3 12 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
très, une clause qui allait embarrasser le monarque et fournir
au prélat le moyen de paralyser les effets de ces longues
négociations. Il était aisé de prévoir que le trésor royal ne
pourrait de longtemps donner les 100,000 écus, dont le
comte avait un extrême besoin pour sortir d'une situation dé-
sespérée.
Le i«' novembre 1404, Louis II ne reçut aucun argent.
Comme la Saint-André approchait, des lettres patentes du
roi furent expédiées à Boucicaut, gouverneur du Dauphiné,
pour qu'il eût à réunir à Grenoble, le i3 novembre, les Etats
de la province, à qui il avait à demander un secours pécu-
niaire en vue de l'acquisition des comtés. Les Etats s'assem-
blèrent le 14 novembre. Le gouverneur était absent, mais
Jacques de Saint-Germain, avocat fiscal, se chargea d'exposer
les volontés du monarque et de montrer combien était avan-
tageuse l'acquisition projetée ; il invita les députés à donner
une réponse favorable à la lettre du roi, dont lecture allait
leur être faite par Aubert Lefebvre, receveur général du Dau-
phiné. En gens pratiques et soucieux des deniers publics, les
députés des villes demandèrent copie de la lettre, ajoutant
qu'ils en délibéreraient. Le 17 novembre, ils firent connaître
leur réponse. James Marc, docteur es lois, porta la parole en
leur nom. Voici le résumé de sa harangue, dans laquelle se
reflètent toutes les préoccupations de la bourgeoisie d'alors,
sans cesse en garde contre les exactions des grandes compa-
gnies et aussi du fisc.
« Les députés des Etats, dit-il, veulent être tenus pour bons
et fidèles sujets du roi ; ils n'ont rien tant à cœur que de se
montrer dociles à ses volontés et ils se réjouissent de tous les
accroissements que peut recevoir la province. « Toutefois,
« pour ce que led. procureur et avocat, en exposant le con-
« tenu es dites lettres, a dit et exposé entre autres choses que
« c'estoit l'un des sept cas en quoy le seigneur peut imposer
« tailles sur ses sujets, fut répliqué par led. M. James Marc
« que considéré la teneur des libertés et franchises du Dau-
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 3l3
« phiné, confirmées et Jurées par le roi daulphin, nulle taille
« ou subside ne se doit, ne se peut imposer audit pays si ce
« n'est qu'il procède du bon vouloir des trois Estats. » Les
demandes du roi prouvent que lui et les gens de son conseil
« n'ont pas esté informé de Testât et de la pauvreté et des
a charges de sondit pays, car ils tiennent tous que s'ils en
« eussent été informé ils en eussent eu compassion de les re-
a quérir des moyens d'avoir somme d'argent plus qu'ils n'ont,
« et pour ce qu'ils leur semble que le roy et nostred. seigneur
€ de son sang et ceux de son conseil ne sont pas informés de
« la pauvreté du pays..., et aussy que cette année ils n'ont
« eu blé, ne vin, tant pour tempeste, comme aultrement, et
a aussy que présentement les semences sont de très petite
« valeur..., si ont advisé tous ensemble... pour notifier les
a choses au roy... ils seroient d'intention (réservé le bon vou-
a loir de Messieurs du conseil de Daulphiné) de eslire d'aul-
a cuns d'eux qui allassent devers le roy. » En conséquence,
ils demandent d'être autorisés à envoyer au roi une députa-
tion, pour lui faire connaître la misère du pays, et se propo-
sent de faire un emprunt pour couvrir les frais du voyage de
leurs délégués.
Le conseil répondit : « que les gens des Estats estoient assez
« sages pour savoir ce qu'ils avoient à faire ; qu'il ne feroit
« ni commandement , ni défense d'élire des procureurs , »
mais qu'il n'autoriserait aucun emprunt pour ce voyage ; si
quelqu'un, toutefois, leur avançait librement la somme né-
cessaire, il ne s'y opposait pas.
Le i8 novembre, nouvelle réunion des Etats, qui choisi-
rent leurs ambassadeurs auprès du monarque. C'étaient Ay-
nard, vicomte et seigneur de Clermont, Geoffroy, seigneur
de Clavaison, Guillaume, seigneur du Bouchage, et Aymé,
seigneur de Miribel. L'assemblée les autorisa « à engager
« le pays, pour ceux qu'il leur plaira, pour la somme de
a 3,000 francs, pour une fois, ensemble ou par partye, pour
« avoir finance à poursuivre les choses à eux commises^ et
3 14 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
« icelle somme de 3,ooo fr. distribuera qui bon leur sem-
« blera (i). »
Pour le moment, il fut impossible au roi d'obtenir un se-
cours des Etats. Il ne put remplir ses engagements au temps
marqué, et si Tévêque de Noyon, envoyé auprès du comte,
lui remit quelque somme, elle fut certainement de minime
importance. Le roi de France n'était alors guère plus heu-
reux que le comte de Valentinois. Celui-ci dut accorder un
premier délai pour le payement des 100,000 écus ; ses créan-
ciers se résignèrent à attendre, mais continuèrent à creuser
l'abîme, prêt à le dévorer. Le 2 août 1406, il accordait une
nouvelle prorogation de terme (2).
Pour comble de malheur, l'infortuné Louis II de Poitiers eut
encore, dans le même temps, à soutenir une guerre sur laquelle
nous manquons de renseignements bien précis. Toutefois, ce
qui ressort assez clairement des pièces qu'il nous a été donné
de recueillir, c'est que les faits dont nous allons parler se rat-
tachent à cet ensemble de négociations et de mesures violen-
tes par lesquelles le comte de Valentinois s'efforçait de faire
entrer dans ses domaines les biens de la famille Adhémar (3).
Lambert Adhémar, seigneur en partie de Montélimar, avait
fait son testament le 17 décembre 1404 en faveur de Guyot
Adhémar, seigneur d'Aps, son parent à un degré très éloi-
gné (4). Celui-ci, par acte du 3o août 1405, vendit à Louis II
de Poitiers toute la portion qui pouvait lui revenir par cet
héritage dans la ville de Montélimar (5). Bientôt des difficul-
tés surgirent entre les contractants. Elles amenèrent une levée
de boucliers. Les seigneurs de Grolée et d'Entremonts furent
(i) Bibliothèque de Grenoble, U, 926, p. 173-196.
(2) Bibliothèque de Montélimar. Mémoire sur le Valentinois. Preu-
ves, n« 19.
(3) Voir plus haut, p. 38i.
(4) Inventaire des Poitiers, n^ 3i5.
(5) Inventaire des Poitiers, n» 52, 53.
LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 3f5
les alliés de Guyot Adhémar et vinrent, à la tête d'une petite
armée recrutée en Savoie, porter la dévastation sur les terres
du comte, dans les environs de Montélimar. Ils s'emparèrent
de Clansayes, près de St-Paul-Trois-Châteaux, petit village
qui paraît avoir été alors Tobjet du litige entre le comte et
les Adhémar. Le dauphin l'avait pris sous sa sauvegarde et
placé sous sa main ; mais les habitants, hostiles à la domina-
tion des Poitiers, avaient fait cause commune avec les enva-
hisseurs et combattaient maintenant dans leurs rangs. Les
troupes ennemies faisaient sans cesse des courses sur les terres
du comte et trouvaient à Clansayes, défendu par le site et par
de hautes murailles, un asile assuré.
(A continuer.) Jules CHEVALIER.
TRÉSOR DE DIE
Découvert le 20 Mars 1883
H ISTORIQU E
Le 12 mars i883, j'achetais d'un nommé Thomé, mar-
chand de parapluies à Die, une pièce de Charles IX en
argent, qui à première vue me parut curieuse. Les carac-
tères étaient nets et la pièce paraissait avoir deux effigies.
Un examen attentif me fit vite reconnaître qu'elle avait été
mal frappée.
Cette pièce avait été trouvée au bord du talus du che-
min vicinal de Die à Auçon, quartier situé à quelques
kilomètres de la ville.
Quelques jours plus tard, le dégel ayant fait glisser une
partie de ce talus, plusieurs pièces de monnaies furent
trouvées par deux élèves des Frères Maristes, les nommés
Blanc Baptiste et Brun Louis dont les parents habitent ce
quartier.
Fiers de leur trouvaille, ils firent voir ces monnaies à
leurs camarades qui, vers 5 heures, une fois la classe ter-
minée, suivirent de loin Blanc et Brun. Ces deux enfants
eurent l'idée, c'est instinctif, de regarder si le matin ils
n'auraient pas laissé quelques pièces.
Pendant qu'ils exploraient le talus et au moment où ils
allaient s'emparer des monnaies qu'ils venaient encore de
découvrir, leurs camarades arrivèrent. A la hâte, ils em-
LE TRÉSOR DE DIE. Siy
portèrent ce qu'ils purent et les nommés Combalusier,
Chauvin et Gémond eurent encore à recueillir :
Combalusier, . 35 pièces.
Chauvin ... 40 pièces.
Gémond ... 12 pièces.
Ces 87 pièces ajoutées aux 164 de Brun et Blanc, for-
maient donc un ensemble de 25 1 monnaies.
Malgré des recherches faites dans la nuit du 20 mars
par plusieurs personnes, recherches qui furent, dit-on,
infructueuses, on peut, en ajoutant environ une vingtaine
de pièces égarées ou vendues, estimer ce trésor au chiffre
approximatif de 270 monnaies.
Le lendemain, tout le monde à Die parlait de cette
trouvaille et de même que dans la fable de Lafontaine, les
pièces augmentaient d'heure en heure. Elles se transfor-
maient aussi, au point que Geber, Averrhoés, Arnaud de
Villeneuve, Raymond LuUe, en un mot tous les alchi-
chimistes, heureux d'apprendre que la transmutation des
métaux s'opérait en plein XIX® siècle, eussent, parodiant
le vers du poète, demandé :
Comment en un or pur, l'argent s'était changé.
La municipalité, elle aussi, s'émut de ces racontages et
croyant se trouver en présence d'une fortune, elle reven-
diqua le trésor.
Je place ici un document des plus fantaisistes sur papier
timbré. Il indique bien l'état d'esprit de ce moment et di-
vise les 25 1 pièces de la manière suivante :
Baptiste Blanc et Louis Brun, i58 pièces argent, 6 en
or. Combalusier, 2 pièces en argent, 33 en or. Chauvin,
40 pièces or ou argent. Gémond, 12 pièces or ou argent.
« A M. le Président du tribunal civil, séant à Die,
« M. Félix Germain, rentier, demeurant à Die, agissant
3i8 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
« en qualité de maire de ladite ville et par mesure conser-
« vatoire, a Thonneur de vous exposer : que le 20 mars
« courant, les nommés Baptiste Blanc, Louis Brun, Com-
« balusier. Chauvin et Gémond ont découvert, sans avoir
(( qualité pour cela faire, dans un terrain appartenant à
<c la commune de Die, savoir : Baptiste Blanc et Louis
« Brun, i58 pièces en argent et 6 en or. Combalusier,
« 35 pièces, dont 2 en argent et les autres en or. Chauvin,
<c 40 pièces en or ou en argent, et Gémond, 1 2 pièces or
« ou argent. Sur les 164 pièces trouvées par Baptiste
ce Blanc et Louis Brun, M. de Fontgalland détient ac-
cc tuellement 18 pièces en argent et les 6 pièces en or.
« M. L. Cochet détient aussi les 35 pièces trouvées
« par le fils Combalusier. Enfin, des 12 pièces trouvées
i' par le fils Gémond, M. Barrai en détient 6 et M. Caprais-
« Favier et attendu que la commune de
« Die se prétend propriétaire de toutes ces pièces, or et
ce argent, qui ont été découvertes, et qu'il y a urgence
a extrême pour en prévenir la disparition, de les faire
<( déposer entre les mains d'un tiers. En conséquence,
c< l'exposant recourt à ce qu'il vous plaise, M. le Prési-
<c dent, vu l'exposé ci-dessus, les articles 806 et suivants
« du code civil et attendu l'urgence, lui permettre d'assi-
(c gner les susnommés en référé par devant vous, pour le
<c lieu, le Jour et l'heure la plus rapprochée qu'il vous
a plaira de fixer à l'effet d'entendre dire et prononcer par
« mesure conservatoire et sans préjudice au principal,
« sous la responsabilité des pères de famille ci-dessus dé-
ce nommés, pour toutes les pièces trouvées par les enfants
et mineurs et sous la responsabilité des tiers détenteurs
<c pour les pièces qu'ils détiennent, toutes les pièces dont
c< il a été question ci-dessus, découvertes dans un terrain
ce appartenant à la commune de Die, seront déposées entre
LE TRÉSOR DE DIE. SfQ
ce les mains du tiers qu'il vous plaira de désigner, jusqu'à
« ce qu'il ait été statué par le tribunal compétent sur la
« propriété desdites pièces, sous réserve de tous droits de
«la commune de Die sur toutes autres pièces ayant la
« même origine, et qui ne seraient pas comprises dans la
« numération qui précède, et qu'il sera statué sur les frais
« du référé en même temps que sur les frais du principal
ce et sera justice.
« Signé L. Buis. Permis d'enregistrer à notre audience
« de ce jour 22 mars, à 4 heures du soir, en notre cabi-
« net, au palais de justice. Die, le 22 mars i883. Le Pré-
ce sident, signé Schaeflfer. Enregistré à Die, le 21 mars
ce i883, f** i58, c. 2. Reçu 20 fr. 63. Signé Santy.
« L'an i883 et le 22 mars,
ce Je soussigné Joseph Micanel, huissier près le tribunal
« civil de Die, au requis de M. Félix Germain, rentier,
« demeurant à Die, agissant par. mesure conservatoire, en
« sa qualité de maire de ladite ville de Die, lequel cons-
« titue pour son avoué M® Buis, licencié en droit, qui en
« exerce la qualité près le tribunal civil de Die, où il de-
ce meure, je me suis rendu au domicile de M. Caprais-
« Favier, pharmacien, demeurant à Die, où étant et par-
ce lant à lui, j'ai à chacun des susnommés signifié par copie
« entière une requête et une ordonnance rendues par M. le
« Président du tribunal civil de Die, qui permet de les
ce assigner en référé pour les jour et heure ci-dessous dési-
(c gnés et me référant aux faits exposés en ladite requête
« pour le plus ample libellé du présent, j'ai à chacun des-
« dits susnommés, donné assignation pour comparaître
<e par devant M. le Président du tribunal civil de Die, en
ce son cabinet, sis place du Palais de Justice, ce aujour-
« d'hui 22 mars i883, à 4 heures du soir, à l'effet d'en-
320 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
« tendre dire et prononcer, par mesure conservatoire et
a sans préjudice au principal que sous la responsabilité
a des pères de famille ci-dessus dénommés pour toutes
ce les pièces trouvées par leurs enfants mineurs et sous la
« responsabilité des tiers détenteurs pour les pièces qu'ils
« détiennent, toutes les pièces dont il a été question ci-
ce dessus et qui ont été découvertes dans un terrain appar-
(c tenant à la commune de Die, seront déposées entre les
« mains d'un tiers qui sera désigné par M. le Président,
« jusqu'à ce qu'il ait été statué par le tribunal compétent
« sur la propriété desdites pièces, propriété que la ville
a de Die revendique» en totalité, sous réserve de tous ses
tt droits sur toutes autres pièces ayant la même origine et
« qui ne seraient pas comprises dans la numération qui
« figure sur la requête.
« A ces fins et à la réserve de tous droits, généralement
<r quelconques de la commune de Die, j'ai à chacun des
« susnommés dorme et laissé copies des requête et or-
« donnance ci-dessus énoncées ainsi que du présent par-
ce lant comme dessus.
et Coût, 42 francs 26 c , compris '16 fr. 20 montant de
« 14 feuilles employées aux copies.
« MiCANEL. »
On le voit, d'après cette assignation, les pièces d'or au-
raient été au moins au nombre de 39.
Le 22 mars, à 4 heures, toutes les pièces furent remises
au tribunal entre les mains de M. le Président.
J'ai pu alors me rendre compte de l'état de ce trésor.
Au lieu du chiffre approximatif de 39 pièces d'or, nous
constatons seulement la présence de 6 pièces de ce métal
précieux, 201 testons ou demi-testons, et 49 pièces ordi-
naires.
LE TRESOR DE DIE.
321
M. le Maire de Die, ayant autorisé M. Sauvan, secré-
taire de la mairie et séquestre des pièces, j'ai pu, grâce à
Tobligeance bien connue de ce dernier, les examiner tou-
tes, prendre des empreintes des plus importantes et dres-
ser le tableau suivant :
RÈGNES
OR
ARGENT
\
TOTABÏ
Testons
Testons
Piices
1/3
Pièces
Louis XII.
i
72
73
François I•^
4
6
10
Henri II.
34
2
36
Charles IX.
56
2
58
Henri III.
•
24
4
37
65
Henri IV
de Béarn.
4
2
6
Principauté
des Dombes.
I
I
Pièces
Espagnoles.
V
4
2
6
Pièces
Pontificales.
I
I
Totaux . . . .
6
193
8
45
4
356
2» Série. XXX' VOLDME, — 1896.
21
322 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Ce trésor ayant été divisé en deux parts égales, règne
par règne et par monnaies d'égale valeur, la description
des principaux types donnera une idée exacte de la con-
servation, de la valeur et de l'époque à laquelle remonte
le dépôt.
Je dois ajouter que sauf quelques pièces qui ont pu être
vendues ou égarées, ce trésor était entier et n'avait pu
s'éparpiller, car on a retrouvé le vase en grès qui le con-
tenait.
A qui appartenait ce trésor, et pourquoi .a-t-ir été en-
foui ? On ne peut à ce sujet que faire des conjectures. Ce-
pendant nous savons que le Diois a été troublé deux fois,
d'abord pendant les guerres de religion, ensuite lors de la
révocation de l'Edit de Nantes.
La révocation de l'Edit de Nantes ayant eu lieu en
i685, des masses de familles protestantes ayant fui le
Diois pour aller à l'étranger, on pourrait supposer que ce
trésor avait été caché à cette époque. Mais aucune pièce
des règnes postérieurs à Henri IV ne figurant dans ce
trésor, il est à supposer que ce dernier a été caché pendant
les guerres de religion. Les pièces espagnoles trouvées
mélangées aux pièces françaises, ne pourraient-elles pas
nous permettre de fixer une date ? Peut-être. La guerre
avec les Espagnols a duré de ibgb à iSgS. L'Edit de Nan-
tes a été promulgué en iSgS. Sans aucun doute ce trésor
a appartenu à une personne ayant pris part à la campa-
gne contre les Espagnols. Il a rapporté de cette campagne
les pièces espagnoles qui étaient au nombre de 6. Pen-
dant dix-sept ans et demi, j'ai examiné à peu près toutes
les pièces qui ont pu être découvertes dans le territoire de
Die, je n'ai jamais mis la main sur aucune pièce espa-
gnole.
LE TRÉSOR DE DIE. 323
L'absence de toute pièce postérieure au règne d'Henri
IV dans ce trésor, et la présence seule de quelques piè-
ces espagnoles, nous permettent de fixer environ vers
1596 et 1598 la date de Tenfouissement de cette monnaie,
c'est-à-dire pendant les guerres de religion. Que sont de-
venues ces pièces ?
Celles attribuées aux inventeurs ont été vendues ou
■données à des particuliers. Les autres, celles revenant à la
ville, M. Germain, maire de répoque, avait essayé de les
vendre sans succès.
J'ai donc suivi pendant dix ans les diverses phases de
cette affaire, et dernièrement, dans un voyage que je fis à
Die, j'ai trouvé la délibération suivante du conseil mu-
nicipal :
Séance du g février i8g6.
« Considérant que la ville de Die est propriétaire de
« i3i pièces, dont 4 en or, 91 en argent et 36 en cuivre
« au millésime du XVP siècle, provenant du trésor qui
« avait été découvert par deux enfants, le 20 mars (883,
Cl sur le talus du chemin vicinal n** 4 de Die à Auçon ;
« Considérant que, par délibération du 7 février i885,
« le conseil avait décidé qu'il serait remis à chacune des
« écoles communales de la ville de Die une pièce d'or et
« quatre en argent et que le surplus de ces pièces serait
« vendu au profit de la ville ;
« Considérant que la délibération n'a pas été approu-
« vée par M. le Préfet;
« Décide que les pièces seront attribuées aux écoles
« communales et conservées par MM. les Instituteurs
et dans les vitrines qui se trouvent dans leurs écoles pour
a faire partie de la collection. »
324 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Séance du g février i8g6.
c< Le conseil décide l'achat d'une vitrine pour recevoir
« une partie des vieilles monnaies.
« Vote la somme de loo francs pour l'achat de ladite
« armoire. »
OBSERVATION
Il y a quelques années, j'avais proposé de constituer
une collection des antiquités recueillies dans la commune.
J'avais offert, pour commencer, ma collection parti-
culière.
Je pensais que la ville de Die aurait été heureuse de
conserver dans un musée les vestiges de sa splendeur
passée.
Mon idée n'a pas été suivie. (Vest regrettable, car de-
puis cette tentative de création d'un musée, la construc-
tion de la ligne ferrée de Crest à Aspres-les-Veynes, a mis
au jour des médailles, des poteries, des statuettes et autres
objets romains ou gallo-romains qui ont été vendus ou
dispersés dans diverses parties du département et qui
moyennant une modique somme auraient formé l'em^
bryon du musée futur. Il est regrettable pour la ville de
Die qu'il ne se soit pas trouvé un maire ayant le goût des
antiquités, car cette ville posséderait aujourd'hui un mu-
sée qui ferait l'orgueil des Diois et l'admiration des étran-
gers. La vieille cité des Voconces a vu s'éparpiller ses
ruines antiques, et aujourd'hui, par la faute des différen-
tes municipalités, elle ne possède presque rien qui rap-
pelle son passé. C'est fâcheux, déplorable, mais cela est.
M. de Fontgalland possède un musée superbe, dû au tra-
travail de M. Long; à part cette collection, j'ai à Pierre-
LE TRÉSOR DE DIE. 32b
latte, simple particulier, plus de souvenirs de Die que
n'en possède la ville elle-même, car elle n'a que quelques
pierres qne j'ai aidé à conserver.
Je publie ce travail, comme hommage à la ville que j'ai
habitée pendant plus de dix-sept ans.
TRÉSOR D'AUÇON
DÉCOUVERT LE 20 MARS l883.
(I) Louis XII (i497-i5i5).
Or
N^ i6. Ecu au soleil.
f LVDOVICVS.DC I.GRA,FRANGORVM:REX.
Ecu de France couronné.
çr. f XPS.VINCIT.XPS.REGNAT.XPS. IN PE-
RAT.
Croix dite de Nesle fleurdelisée.
(II) François I" (i5i5-ib47).
Monnaies d^or.
N® I . Ecu au soleil frappé à Toulouse (Point sous les
5"'* lettres).
FRANCISCVS:DEI:GRACIA:FRANCO:REX:
ê
Ecu de France couronnné surmonté d'un soleil.
5r. Trèfle XPS:VINCIT:XPS:REGNAT:XPS:IMPE-
RAT:
Croix dite de Nesle fleurdelisée cantonnée au i et 4 de
la lettre F, au 2 et 3 d'une fleur de lis.
N** 8. Ecu au soleil.
Un croissant.
326 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
FRA CORVMiREX.
Ecu de France couronné surmonté d'un soleil.
çr. XPS. VINCIT.XPS.REGNAT.XPS ERAi
Croix fleurdelisée cantonnée au i et 4 d'une fleur de lis
et au 2 et 3 d'un F.
N** 10. Ecu au soleil frappé à Bordeaux.
f. FRANCISCVS.DEI.GRA.FRACOR.REX.K.
Croix cantonnée au 1 et 4 des armes de France et au 2
et 3 d'un dauphin.
5r. XPS.VINCIT.XPS.RENAT.XPS.IMPERAT.
Croix évidée dite de Nesle fleurdelisée.
N** i5. Ecu au soleil frappé à Lyon.
Hermine couronnée. Trèfle.
FRANCISCVS.DEI.GRVTIA.FRANCORV.REX-
Croix cantonnée au 1 et 4 de trois fleurs de lis, au 2 et 3
d'un dauphin. Au sommet de la croix, un soleil.
5r. Hermine couronnée. Trèfle.
XPS.VINCIT:XPS.RENAT:XPS:IMPERAT.
Croix fleurdelisée.
François I".
Monnaies (Vargent.
N^ 6. Teston.
f. FRAMCISCVS.DEI.GRA.FRACOR.R.
Tête couronnée, profil à droite.
9\ t. SIT.NOME.DNI.BENEDICTVM.R.G.
Croix cantonnée au i et 4 de trois fleurs de lis et au 2
et 3 d'un dauphin.
N** 9. Teston. (Point sous les 2™®" lettres). Frappé à
Romans.
t FRAMCISCVS.DELGRA.FRACOR.REX.
Tête couronnée, profil à droite.
çr. f. SIT.NOMEN.DNI.BENEDICTVM.
LE TRÉSOR DE DIE. 327
Croix cantonnée au i et 4 de trois fleurs de lis et au 2
et 3 d'un dauphin.
N" 14. Teston frappé à Paris.
GISCVS.D.G.FRANCORV.REX.
Tête couronnée, profil à droite ; au-dessous du buste,
un A.
çr. XPS.VINCIT.XPS.REGNAT.XPS
Ecu de France couronné dans un entourage lobé.
(III) Henri II (i 547-1 559).
Pas de monnaie (Vor.
N** 4. Teston frappé à Bordeaux.
HENRICVS II.D.G.FRANCOR.REX.
Tête profil à droite ; au-dessus du buste, M.
5r. XPS.VINCIT.XPS.REGNAT-XPS.IMP.i55q.
Ecu de France couronné accosté de deux grands H cou-
ronnés ; au-dessous de l'écu, la lettre K.
N® 7. Teston frappé à Pau.
HENRICVS.-.II.-.D.-.G.-.REX.-.NAVARE.-.Di579.
Tête couronnée de laurier, profil à droite ; au-dessous
du buste, une vache*
9. GRATIA.-DEI.-.SVM.JD.-.QVD.-.SVM.
Croix terminée par quatre fleurs cantonnées d'un grand
H couronné.
(IV) Charles IX (i56o-i574).
Pas de monnaie d'^or.
Monnaie d^argent
W 2. Teston frappé à Toulouse.
CAROLVS.VIIILD.G-FRAN.REX.
Tête couronnée, profil à gauche ; au-dessous du buste,
un M.
328 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
çr. SIT.NOMEN.DOM.BENEDIC.M.D.LXIIf.
Ecu de France couronné accosté de deux grands C cou-
ronnés.
(V) HENRI III.
N*> 17 ICVS.III.D.G.FRAN.ET.POL.REX.
Pièce argent.
Ecu de France couronné; écartelé au i et 4 de trois
jfleurs de lis, au 2 et 3 d^un dauphin.
^. f SIT. NOME BENEDICT.1587.II.
Croix ancrée, cantonnée au i et 4 d'une couronne et au
2 et 3 d'un dauphin.
HENRICVSIII.D.-G.FRANCOR.ET.POL.RX.
Buste couronné, profil à droite ; au dessous du buste,
1578.
gr. Ancre renversée entre deux fleurettes. SIT.NO-
MEN.DOMINI.BENEDICTVM.
H au milieu de quatre fleurs en croix terminées par une
fleur de lis.
N** 3. Teston argent.
HENRICVSIII. D.G. FRANC.ET.POL.RLX. 1584.
Tête couronnée, profil à droite ; au-dessous, un M.
çr. O.SIT.NOMEN.DOMINE.BENEDICTVM.
Un H au milieu de fleurons disposés en croix terminés
chacun par une fleur de lis.
(VI) Henri IV.
HENRIC IIII..A..ROI..OE.FRAN.
Henri IV à cheval, dessous des drapeaux et des armes
etH^I^K.
çr. f A. FRANSVA f A. DAFIN f A. N AVARA f
1604.
LE TRÉSOR DE DIE. 329
Ecu de France, à côté écu de Navarre surmontés de
deux branches de laurier au-dessus desquelles se trouve
un dauphin couronné.
Au-dessus de l'écu de France, un casque avec cimier de
plumes.
(VII) Principauté des Dombes.
►J^ LVDO.D.MONTESP.D.DOMBAR.
Buste, profil à gauche.
çr. ►J^ DNS.ADIVTOR.ET.REDEM.MEVS.1576.
Ecu couronné et barré en travers ; d'un côté de la barre,
côté droit, une fleur de lis et un point; de l'autre côté,
deux fleurs de lis. De chaque côté de Técu, un a couronné ;
sur la couronne de celui de gauche, un point.
(XIII) Pièces Espagnoles.
Pièce argent n® 12.
►J^ HISPANIORVM ET. . RVM.
Deux colonnes couronnées.
Devant la première colonne, la lettre V sur la même
ligne entre les deux colonnes S L V ; sur S et L, un gros
point, toujours sur la même ligne et de l'autre côté de la
deuxième colonne TR.
çr. CAR
Ecu couronné avec croix cantonnée au i®^et 4 d'une
tour, au 2 et 3 d'un lion. Du côté gauche de l'écu, la lettre
M ; du côté droit, O.
Pièce argent n® i3.
ND. .. . So ELISABE.ÛEI.G.
Ecu couronné, écàrtelé, au i et 4 contre écartelé en
croix. Ces contre-écarts sont cantonnés au 1 et 4 d'une
tour et au 2 et 3 d'un lion.
Au 2 et 3, ces contre-écarts sont divisés en partie au i
33o SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
de six bandes, et au 2 de six bandes. Les trois bandes de
droite coupées en diagonale par une croix. Une étoile est
placée à gauche et à droite de l'écu.
çr.^î^R REGINA.CAST:LEON:ARAG:
Un paquet de flèches liées et suspendues.
(IX). Pièces Pontificales.
Pièce en or. N^ 5. Paul IV (Caraffa).
PONT. MAX. PAULVS IIII.
Ecu à sept pièces, surmonté de deux clefs en sautoir,
au-dessous desquelles se trouve une tiare papale formant
la séparation entre les mots MAX et PAVLVS.
çr. DOCET BONONIA.
Croix fourchée cantonnée au 3 et 4 d'un écu. L'écu est
à sept pièces dont les quatre du bas sont coupées en tra-
vers par une bande. L'écu est surmonté d'un chapeau de
cardinal avec cordon et glands entourant l'écu.
Au 4, écu avec croix cantonnée; au i et au 2, d'une
étoile.
Entre les deux écus et au bas de la grande croix du mi-
lieu, une fleur entre deux points.
CAPRAIS-FAVIER.
Pierrelatte, ce 21 juillet ï8ç6.
BIBLIOGRAPHIE
Musée cantonal vaudois. Antiquités lacustres. Album
publié par la Société d'histoire de la Suisse romande et la
Société académique vaudoise, avec l'appui du gouverne-
ment vaudois. Précédé d'une notice sur les collections la-
custres du Musée cantonal vaudois, par M. Van Muyden,
et d'un Mémoire explicatif, par A. Colomb, conservateur
des collections lacustres du Musée cantonal vaudois. Lau-
sanne, impr. Georges Bridel et C^, 1896, grand in-4** de
22 pp. de texte, 40 planches et une carte, plus un titre en
phototypie.
Sous ce titre, deux des meilleures Sociétés savantes de
la Suisse viennent du publier, avec l'aide du gouverne-
ment du canton de Vaud, un album qui mérite d'être si-
gnalé ; d'abord, parce qu'il est d'une exécution parfaite ;
ensuite et surtout parce qu'en faisant connaître, de la
meilleure manière, certaines richesses du musée de Lau-
sanne, il nous initie autant que possible et d'une indiscu-
table façon, aux commencements de la civilisation sur les
bords du Léman et des lacs de Neuchâtel et de Morat. —
Nous pourrions dire sur ces lacs mêmes, puisqu'il est
maintenant établi que les premiers habitants de l'Helvétie
construisaient leurs demeures, le plus souvent, au-dessus
de la surface des eaux, pour se mettre à l'abri des attaques
de leurs semblables et de celles des fauves, ainsi que le
font encore certaines peuplades sauvages.
332 SOCIÉTÉ D^ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE.
Cest pendant Thiver de 1 853-54 ^^e l'attention du
monde savant fut attirée, pour la première fois, sur les
stations lacustres de la Suisse, les eaux extraordinaire-
ment basses du lac de Zurich ayant alors mis à découvert
les restes de nombreux pilotis , au milieu desquels on
trouva quelques ornements et différents ustensiles, témoi-
gnages irrécusables de l'existence d'une bourgade ou cité
lacustre, en face de Meilan, aux temps préhistoriques.
Peu de mois après, c'est vis-à-vis de Morges et dans le
Léman qu'on faisait semblable découverte et de sembla-
bles résultats ayant naturellement amené d'autres recher-
ches, on en est arrivé, peu à peu, à reconnaître dans la
plupart des lacs suisses, quantité de stations, dont les dé-
bris de toutes sortes sont autant de monuments des âges
primitifs et les seuls témoins de civilisations depuis long-
temps disparues. Pour nous en tenir à la Suisse romande,
elle ne compte pas moins de cent vingt-sept stations lacus-
tres, dont soixante-dix s'égrenant autour du lac de Neuchâ-
tel, neuf autour du petit lac de Morat et le reste sur les côtes
basses du Léman, entre Vevey et Genève, et Genève et
Thonon. Or, on pourra se faire une idée de ce qui s'est
trouvé là par ce fait, que la seule station de Corcelette,
sur le lac de Neuchâtel, a fourni plusieurs milliers d'ob-
jets, de l'âge ou époque du bronze et qu'à Chevroux, sur
le même lac, on a trouvé des quantités d'échantillons de
l'âge de la pierre, en même temps que de celui du bronze.
En faut-il conclure que le musée cantonal vaudois a re-
cueilli toutes ces précieuses épaves ? Assurément non ;
car, indépendamment de ce que beaucoup d'autres mu-
sées, à commencer par celui de la Confédération, ont été
pour lui des concurrents redoutables et souvent heureux,
les collectionneurs ont, de leur côté, fait d'amples acqui-
sitions ; mais il n'y a qu'à jeter un coup-d'œil sur notre
BIBLIOGRAPHIE. 333
album pour se convaincre que ce m usée est encore et mal-
gré tout un des plus riches en antiquités lacustres, moins
par le nombre que par la valeur des objets. Voyons
plutôt.
Il n'y a que 2b3 objfets se rapportant à l'âge de la pierre;
seulement ce ne sont pas là que les traditionnelles haches
ou hachettes en silex, emmanchées ou non emmanchées,
mais encore des ciseaux, des couteaux, des scies, des
pointes de flèche, des lances, des poignards, et jusqu'à des
fusaïoles et des pendeloques, le tout en pierre ; puis, des
javelots, des poinçons, des épingles et des flèches en os ;
des harpons, des marteaux, des haches et des navettes en
bois de cerf; des peignes, des cuillers et des vases en bois;
enfin des. dents d'ours et de sangliers percées, pour amu-
lettes et pendeloques. C'est-à-dire tout un ensemble d'ob-
jets d'autant plus curieux et plus rares qu'ils sont des
temps les plus reculés de la société humaine. Viennent en-
suite quelques débris de poterie grossièrement ornés, des
hachettes de bronze et une lame de poignard ou lance efiS-
lée, que l'on croit être d'une époque intermédiaire entre
celle de la pierre et celle du bronze; ce qui est, peut-être,
contestable. Ce qui ne l'est pas, c'est que la partie de ces
collections qui se rapporte tout à fait à l'époque du bronze
est d'une très grande richesse. On y trouve, en effet, de
tout, depuis les objets les plus vulgaires jusqu'à des vases,
des armes et des bijoux dont Télégance et le fini prouvent
la longue existence des habitations et surtout des cités la-
custres; attendu que ce n'est qu'à la suite de bien des
siècles que leurs habitants qui ne se servaient, à l'origine,
pour tout, que de morceaux de silex grossièrement taillés,
purent atteindre un semblable degré de perfection dans
la confection de certaines choses. Or, tandis que notre
album ne reproduit que six cents et quelques objets de
334 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
cette époque, nous savons par la notice qui l'accompa-
gne, que le musée cantonal vaudois en comprend plus
de dix mille et qu'avec ces différents objets on y trouve,
venant également des stations lacustres, des crânes hu-
mains et des ossements d'animaux^ en même temps que
différentes substances alimentaires, telles que le blé, l'orge,
le millet, la moutarde blanche et une sorte de gâteau ou
de nougat fait avec des glands de chêne. Ce qui équivaut
à dire que cet album pouvait être plus complet, ainsi que
le reconnaît du reste l'honorable et savant M. A. Colomb.
Mais, quelles que soient ses omissions et ses lacunes, il
n'en est pas moins une publication du plus grand intérêt,
faisant d'autant plus d'honneur aux Sociétés savantes à
qui on la doit, qu'elle permettra l'étude et une comparai-
son utile des objets qui y figurent, avec ceux « trouvés dans
« d'autres parties du globe, et qu'elle jettera quelque lu-
« mière sur l'histoire de la civilisation de ces peuplades
« primitives, qui avaient élevé des bourgades, souvent
« importantes, sur les rives de la plupart des lacs de la
« Suisse. »
J. Brun-Durand
BOUVIÈRES. 336
BOUVIÈRES
(Suite et Fin. — Voir la ii8* livraison).
IL — LE GRAND-GUISANS OU BOUVIÈRES
Bouvières n'est pas loin de Guisans. Son village, bâti
au pied et sur le flanc d'un rocher, est couronné d'arbres;
à Tarrière-plan apparaissent au midi et à peu de distance
les montagnes de Mialandre (1,469 mètres) et d'Angèle
(1,610) qui dominent le voisinage.
La position ne manque ni de grâce ni de pittoresque.
Des prairies arrosées par le Roubion et les bœufs qu'elles
nourrissaient lui valurent son nom, car Sor/ère, Bouvier
et Boveria indiquent une contrée où le gros bétail à cornes
est abondant (i).
D'après les titres cités dans le Mémoire du procureur
général en la Chambre des Comptes, \t quartier s'appela
d'abord Mouras^ équivalent de Marais, et la culture en
fit un lieu habitable, à 12,710 mètres sud-est de Bour-
deaux, 40,261 de Die et 66,378 de Valence.
Le chemin de grande communication n® 20 de St-Jean-
en-Royans à Nyons divise le bourg en deux parts : la
principale, au levant, dissimulée sous la verdure, et l'au-
tre, au couchant, avec quelques maisons, une église neuve
et à 25o mètres plus loin un château bâti au pied de la
montagne de Vesc.
(i) Etymologies des noms de lieu de la Drame, — Guy Allard, Diction^
naire historique.
336 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
Les documents consultés ne mentionnent pas Bouvières
avant le milieu du XVP siècle ; il s'appelait auparavant le
Grand-Guisans ou Mouras.
Des hommages du i5 juillet 1475 et du 8 juin 148 1,
rendus par Claude de L'Hère pour Chaudcbonne, L'Esté-
Ion, Guisans et le territoire de Mouras et par Georges de
L'Hère àl'évêque de Die, ne parlent pas de Bouvières ; il
figure pourtant dans ceux de Laurent du Pilhon du 23 oc-
tobre i658 avec Chaudebonne et L'Estelon, et de M. de
Marcieu en 1756 pour les mêmes terres.
D'après ces documents, les deux Guisans auraient pri-
mitivement appartenu aux mêmes seigneurs.
Toutefois, un Mémoire imprimé prétend que Jean de
Brotin acquit le Grand-Guisans d'Aimar de Poitiers et
que le 20 mars 1607, Jean de Poitiers, fils d'Aimar, ap-
prouva cette vente (i).
Quoi qu'il en soit, jusqu'aux de L'Hère de Glandage et
aux de Pilhon, leurs successeurs, on ne trouve à- Bou-
vières aucuns seigneurs clairement distincts de ceux du
Petit-Guisans.
Les auteurs ont fort peu élucidé l'histoire des de L'Hère;
en revanche, ils ont donné la généalogie des du Pilhon
depuis Guillaume, coseigneur de la vallée de Taurène et
du Pilhon en 1280 (2).
Les deux familles eurent des rapports d'intérêts et de
voisinage, témoin une transaction en i532 d'Henri du
Pilhon avec Jeanne de Monteynard, dame de Glandage, au
sujet de quelques droits seigneuriaux et un affranchisse-
ment de censés de j66i en faveur de François du Pilhon,
un des combattants de Pavie, par Claude de L'Hère.
(1) Mémoire du procureur général contre M» des Fourniels,
(2) Voir PiTHON-CuRT, Hist» de la noblesse du Comtat et Guy Allard.
BOUVIÈRES. 3?7
Jean du Pilhon se qualifia, le premier, seigneur de Bou-
vières, Chaudebonne et L'Estelon, fut gouverneur de
Nonnette en Auvergne et de Conflans en Savoie et se si-
gnala parmi les braves de son époque. Guy Allard assure
que Davila, dans son Histoire des guerres civiles de
France^ parle de lui en divers endroits.
Alexandre, un de ses fils cadets, capitaine d'infanterie,
forma la branche des seigneurs d'Angèle, éteinte en 1743 ;
Henri, Taîné, servit avec distinction pendant les guerres
de la Ligue et laissa de Françoise Plat, quMl avait épousée
en 1620, une nombreuse postérité. Laurent, son fils aîné,
n'eut au contraire d'Angélique Emé de Guiffrey de Mar-
cieu qu'une fille unique, Françoise ou Françoise-Elisabeth
du Pilhon, mariée (1) avec François de Morges de Mous-
tiers, comte de Ventavon, lieutenant de roi au gouverne-
ment de Dauphidé, auquel elle porta en dot les seigneu-
ries de sa famille. Comme elle n'eut pas d'enfants, elle
les donna à Pierre Emé de Guiffrey de Monteynard,
comte de Marcieu, grand'croix de St-Louis, gouverneur
des ville, citadelle de Valence et de Bourg-lès-Valence,
lieutenant général des armées du roi, commandant en
chef pour S. M. en Dauphiné, en 1755, aussi remarqua-
ble par son esprit que par ses avantages extérieurs.
Celui-ci fit reconnaîtra ses droits féodaux par les habi-
tants de Bouvières en 1743, et céda sa terre, le 9 septem-
bre 1771, à Louis d'Ailhaud, prêtre, des barons de Cas-
tellet, seigneur d'Entrecasteaux, qui institua pour héritier
son frère Jean-Gaspard et légua 46,000 livres à son neveu
Henri.
(i) Le mariage fut bénit à Montvendre le 7 août 1672 (registre de la
paroisse).
2« SÉRIE. XXX* Volume. — 1896. 22
338 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
La famille d'Emé de GuifFrey, originaire de l'Embru-
nais, et établie en Graisivaudan, se distingua dans les
armes et dans la magistrature ; celle d'Ailhaud arriva vite
à la fortune par la vente d'une poudre qui jouit en son
temps d'une grande réputation. Découverte et mise en
vogue par Jean, chirurgien de Lourmarin et ensuite doc-
teur, cette poudre lui permit d'acquérir les terres de
Mont-Justin, de VitroUes, du Castellet, d'Entrechaux et
un bel hôtel à Aix. Il publia un Traité de Vorigine des
maladies et des effets de sa poudre purgative^ imprimé
en J738, 1740 et 1742. Selon lui, toutes les maladies ont
le même principe et sa poudre est le seul remède à
leur opposer. Il mourut en 1766, à 82 ans, et son fils
Jean-Gaspard, gouverneur de Forcalquier et médecin,
continua la vente de la panacée merveilleuse. On a de
lui un Mémoire de médecine universelle en 5 volumes
in-i2, des Lettres à M. Barbeu Dubourg au sujet de la
poudre purgative^ VAmi des malades ou discours histo^
rique et apologétique de la poudre purgative^ un Traité
de la vraie cause des maladies et de la manière la plus
sûre de les guérir par le moyen d'^un seul remède.
M. le docteur Barjavel, dans son Dictionnaire histori-
que^ biographique et bibliographique du département de
Vaucluse^ donne la composition de la poudre Ailhaud, un
peu oubliée aujourd'hui et « remplacée, dit-il, par d'autres
non moins nuisibles aux exploités et non moins lucrati-
ves pour les exploitants. »
On trouve en 1784 Pierre-Joseph-Christophe d'Ailhaud,
seigneur de Bouvières, en procès contre M™® des Four-
niels et ensuite Henri-Louis-Denis qui n'émigra pas à la
Révolution et se retira à Grillon, dans le Comtat. Profi-
tant de son absence et de l'agitation d'alors, trois habi-
tants de Bouvières démolirent son château ; mais il prouva
BOUVIÈRES. 339
qu'il n'avait pas quitté la France et fit condamner les cou-
pables à lui servir une rente annuelle viagère de 400 fr.
chacun (r). Il était célibataire et, d'après la tradition, de
mœurs peu régulières; son acte de décès, du 19 mai 1829,
le qualifie d'ancien militaire attaché à la maison du roi.
On dit qu'il était dessinateur habile et qu'il perdit la vue
quelques années avant sa mort.
III. — LA PAROISSE
Les religieux Bénédictins de St-Martin de Savigny
ayant abandonné Guisans, à une époque et pour des causes
inconnues, l'évêque de Die devint coUateur du bénéfice et
codécimateur, c'est-à-dire qu'il en nommait le titulaire et
prenait une partie des revenus.
En i5o9, l'évêque visitant son diocèse, ordonna de re-
mettre l'église de St-Martin de Guisans comme elle était
auparavant et de démolir le mur existant entre le chœur
et la nef, en le remplaçant par une grille en bois, et de
clore le cimetière. Il céda son droit au curé en considéra-
tion du seigneur du Petit-Paris, frère de ce pasteur {2).
Or, en 1640, les habitants de Bouvières ou Grand-
Guisans, devenus plus nombreux, réclamèrent à l'official
de Die un prêtre pour desservir Téglise qu'ils voulaient
faire construire à leurs frais, avec fonts baptismaux et
cimetière, à cause de la difficulté des chemins et du pas-
sage du Roubion. Ils obtinrent gain de cause et, sur l'ap-
pel de nobles Charles et Gaspard de Brotin, la sentence
du premier juge fut confirmée à Vienne en' 1643.
Dix ans plus tard, Gaspard de Brotin, protonotaire
;
{i) Notes dues à l'obligeance de M. Faure, instituteur.
(2) Bull, de la Soc. d'Arch., XVI, 38 J.
340 SOCIÉTÉ d'archéolog[e et de statistique.
apostolique et prieur commendataire de St-Martin du
Petit-Guisans, transigeait avec Delhomme et Plèche, con-
suls et cinquante-un habitants du Grand, aux conditions
suivantes : ces derniers paieront la dîme, à Pavenir, au
prieur et à Tévêque à la cote i6% achèveront Téglise dédiée
à S. Antoine et à Ste Magdeleine, l'entretiendront à leurs
frais, ainsi que la maison curiale et la doteront des orne-
ments et du mobilier nécessaires; de son côté, le prieur
y célébrera les offices les dimanches et fêtes.
Les troubles de i562 ne manquèrent pas d'interrompre
l'exercice du culte catholique; mais il recommença en
j564, témoin l'invitation adressée aux consuls de Bou-
vières par Philibert de Brotin, seigneur de Paris et St-
Nazaire, au nom d'Avanet, curé ou vicaire perpétuel de
Guisans, d'avoir à exécuter leurs engagements, et la ré-
ponse favorable de la population.
Après les guerres du XVP siècle, on trouve en i6?2 une
autorisation du vicaire général de Die au curé de Bou-
vières de dire deux messes, dont une à Guisans; puis, en
1643, les fermiers de la dîme de l'évêque réclamaient
celle de Bouvières et Guisans. Bellon, qui en était le
prieur, recourut au Parlement de Grenoble et au Grand
Conseil où il fut condamné à se contenter des 3oo livres
de sa portion congrue et des fondations de son église. Tou-
tefois, un accord intervint le 21 octobre 1668 entre Daniel
de Cosnac, évêque de Valence et Die, et Duport, prieur-
curé. Le prélat cédait par cet acte tous ses droits à la
dîme moyennant une pension annuelle de i5o livres, à la
condition pourtant que, si les habitants de Bouvières
étaient condamnés à payer la dîme à la cote i6% selon
leur engagement de ih53, chacun reprendrait sa portion
décimale et concourrait par égales parts à l'entretien du
secondaire ou vicaire.
BOUVIÈRES* 341
Une déclaration de Baron, curé en 1664, prouve que
l'évêque reprit ses droits "de dîme et qu'il n'y avait point
de vicaire. Le même curé, en 1687, annonce des modifi-
cations importantes : la transformation de Bouvières, na-
guère simple annexe de St-Martin de Guisans, en vicairie
perpétuelle, vers 1664 ou 65, à 200 livres de portion con-
grue, la réduction de la part de Tévêque à 120 livres et de
la cote 16® de la dîme à l'a cote 2 1*.
Il se plaint de n'avoir sur les 5oo livres du revenu total
du bénéfice que i5o livres à peine.
De son côté, Charles de Brotin, originaire de Bouvières,
comme Baron, et vicaire perpétuel de St-Antoine, dessert
depuis douze ans Bouvières dans l'église de ce nom et de
plus les onze ménages de L'Estelon, dans une masure de
la commanderie de Poet-LavaU et l'ordre de Malte y per-
çoit 45 livres de rente annuelle.
En 1728, Romieu, curé de Bouvières, avait 849 livres
de revenu, et Jean de Brotin, prieur-curé de Guisans,
628 contre 392 de charges.
Enfin, en 1765, les curé, consuls et notables de Guisans
n'attribuaient plus au vicaire amovible de Bouvières que
i5o livres, et la même situation se retrouve en 1789 (i).
Il est à peine besoin de rappeler qu'en 1807 une succur-
sale y fut créée avec Guisans et Crupies pour annexes, et
qu'en 1659, Jean-Baptiste d'Urre-Brotin invitait les con-
suls à reconstruire l'église paroissiale de St-Martin,
« rompue et démolie pendant les guerres civiles »; elle a
aujourd'hui complètement disparu, et Bouvières en pos-
sède une toute neuve, fort gracieuse et correcte, bâtie avec
les offrandes recueillies par son dévoué pasteur, M. Gros.
La religion réformée eut des adhérents assez nombreux
(i) Archives de la Drôme : évêché de Die.
342 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
dans la région ; en i632, D, Vial, commis par lëvêque à
la visite du Désert, constatait à'Bouvières des contraven-
tions aux édits commises par Rovier, diacre. Il le fit ap-
peler et lui montra les arrêts qui y défendaient l'exercice
du culte protestant; « quoy entendant, Antoine Bon-
oc homme auroit commencé à murmurer et à exciter sédi-
« tion, rébellion et désobéissance. »
L^affaire en resta peut-être là; mais en 1664, les com-
missaires s'étant divisés sur le maintien de l'exercice, il
intervint, en i683 et i685, deux arrêts du conseil, l'un
ordonnant la démolition du temple et l'autre l'attribuant
aux catholiques pour leur servir d'église, comme il en
servait depuis deux mois, tous ceux qui faisaient profes-
sion de la Religion s'étant convertis, sauf trois ou quatre.
En 1664, sur 120 familles, 67 étaient anciennes catho-
liques et 53 nouvellement converties; ce nombre était de
70 en 1687 (i).
La bienfaisance publique et les écoles se rattachant à
l'histoire du clergé, nous constaterons ici qu'en 1789, les
pauvres de Bouvières possédaient un capital de 6,000 liv.
placé à Sérignan au 4 % et un autre de 3oo liv., sur une
maison au village, au 5 "^/o, plus la 24" partie de la dîme
de 4 sétiers 1/2 de blé.
Quant aux écoles, la perte des archives locales permet
seulement d'établir la présence dans celle de Bouvières,
d'un maître pendant six mois en 1789 et en 1766, d'un
autre à 120 livres de traitement annuel en 1767, 1756,
1754 et 1765, d'un 3"® en 1687 appelé Hector Masse,
chirurgien, à 26 écus de gages et une classe gratuite, et
enfin d'un 4™® en 1664 à 3o écus de salaire (2).
(i) Archives de la Drôme : évêché de Die. — E. Arnaud, Hist, des pro-
testants de Dauphinéf t. II.
(2) Archives de la Drôme, E, ^oo3 et fonds dç l'év^ché de Diç.
BOUVIÈRES. ?>4?>
IV. — LE TIERS-ÉTAT
La commune avait r 20 familles en 1664, 140 en 1789*
et 20 baptêmes par an à cette dernière date ; en 1820, sa
population compte 837 habitants ; en i85o, 767 ; en 1860,
694; en 1870, 664; en 1880, 627 ; et en 1891, 675.
Sa contenance en i835 se composait de 81 1 hectares de
bois particuliers, 1,1 32 de terres labourables, 3i de prés,
446 de pâturages, 42 de routes et rivières, etc. ; total 2,472.
M. Mermoz, en 1839, évaluait ses 2 16 maisons à 3,425 fr.
de revenus et ses 2,43o hectares imposables à 18,954 fr.,
^oit à 7 fr. 80 Tun.
Elle a payé en 1873 : à l'Etat, 2,800 fr. 33 ; au dépar-
tement, r,2o8 fr. 88 ; pour ses propres dépenses, 2,496 fr.
40, et en non-valeurs, 128 fr. 07 ; total: 6,633 fr. 68.
Les charges publiques, réduites à l'origine aux charges
féodales, s'accrurent, à.partirde Charles VII et Louis XI,
du don gratuit transformé en taille, de la capitation sous
Louis XIV, des dixième et vingtième au XVIP siècle et
de la taille négociale ou budget communal dès l'origine
des communes.
De 1754 à 1756, à Bouvières la capitation est de 633 à
640 livres, et les charges locales de 2 1 o à 2 1 8 ; la taille de
1781 s'élève pour i feu 1/2 à 595 livres, les impositions
accessoires à 624 et les « trois ordres » à 76 ; total : 1,095.
Pour Tassiette et la recette de l'impôt, il fallut nécessai-
rement des cadastres, des rôles et des comptables. De là
une organisation municipale, composée de deux consuls,
et des assemblées générales, sous la présidence du châte-
lain ou représentant du seigneur. Un des consuls recevait
les tailles et autres impositions et ses comptes étaient con-
trôlés par des auditeurs électifs.
344 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
La perte des archives communales ne permet pas d'au-
tres détails.
Quant aux droits féodaux, insensiblement modifiés de-
puis le lide, le colon et le serf du IX® siècle, ils ne nous
sont connus que pour le XVIII« (i).
Le 25 août 1743, Pierre Emé de Guiffreyde Montey-
nard, comte de Marcieu, représenté par Brotin, notaire à
Dieulefit, réunissait devant Favicr, capitaine-châtelain, à
Bouvières ou Grand-Guisans, dans la maison Monier, les
consuls Piollet et Eymieu, les conseillers et habitants
Sambuc, Sauzet, Réaille, Monier, Blanc, Chalon, Gras,
Conibe, Baron, Roustan, Sabon< Flèche, Miellé, Mau-
bon, Latard, Etier, Chauvin, Benoît, Barnavon, Béran-
ger, Brochenin , Chambon , Mor, Clément, Farnier,
Derment, Lambert, Bonet, Marcel, Bonsang, Arvet,
Borel-Delor, Marre, Attenot, Gourrin, Bonhomme, etc.
Tous déclarèrent, selon la reconnaissance passée en 1645
à Françoise Plat, veuve de noble Henri du Pilhon et mère
de Laurent, que: l'^le comte de Marcieu était seul sei-
gneur direct, universel et foncier des « terroir, district et
mandement de Bouvières », entre les terres de Paris et
Gumiane au levant, de Vesc au couchant, de Petit*
Guisans et Crupies au nord et de Chaudebonne et L'Es-
telon au midi, avec juridiction haute, moyenne et basse
et droit de lods, à 2 sols par florin, en cas de mutation de
propriétés; 2** que nul ne pouvait y posséder des fonds
sans les avoir pris à bail emphytéotique du seigneur « n'y
ayant rien d'allodial » ; que cependant il était permis par
l'usage de faire paître le bétail gros et menu dans les ter-
res albergées, dans les terres vacantes ou les bois du sei-
(1) Statistique de la Drome. — Nouveaux projets de répartition, — Archi*
vcs de la Drôme, C, ^5.
BOUVIÈRES. - 345
gneur, le bétail étranger étant exclu de la permission ;
3** que le seigneur pouvait affermer les herbages du terri-
toire, les bois vacants et les glandages, sans dommage pour
les prés, glandages et terres des particuliers ; 4"* qu'il avait
droit à la 20® partie de tous les grains à Taire, les autres
restant au propriétaire ; 5* que chaque chef de famille lui
devait, à réquisition, deux journées ou corvées avec ses
bœufs ou bêtes de labour, Tune au temps « de la mou-
vande » et l'autre au temps « de la couverte », et deux
journées personnelles, en nourrissant convenablement les
corvéables et leur bétail ; qu'un acte du 6 avril 1600 auto-
risait le rachat de ces corvées en payant q sols pour celles
du bétail et 4 sols pour les personnelles ; 6° que tous les
habitants étaient obligés de moudre à son moulin banal, à
la cote 24®, à moins de nécessité ; 7° que la même banalité
grevait les noix à la cote 16® et les gruaux à la cote 24®, à
condition que les pressoir et gruaire seraient tenus en bon
état et qu'il y aurait deux barils pour le transport de
l'huile ; 8® que le droit de fournage lui était dû, bien qu'il
n'y eût pas de four banal, et qu'avant d'être reçu habi-
tant, il fallait obtenir la permission du seigneur ; 9* qu'il
n'entendait déroger en rien à ses droits de pacage, abreu-
vage, passages, drayes et chemins publics, tels qu'ils
avaient été constatés par experts en i6o3; 10* enfin que
les habitants pouvaient prendre du bois dans les hermes
et bois vacants pour leur usage et pour leurs outils, en
bons pères de famille, à l'exception du bois de sapin noir
exclusivement réservé, et qu'ils avaient un pacage sur les
territoires de Chaudebonne et L'Estelon, et aux monta-
gnes de Mialandre et d'Angèle (i).
(i) Archives de la Drôme, E, 4003.
346 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Huit ans auparavant, les consuls et officiers avaient dé-
claré que M. de Marcieu possédait à Bouvières un droit
de vingtain, des censés personnelles et foncières et un
moulin banal évalués ensemble 23o livres de revenu, sans
pacage, péage ni four banal et que la commune ne jouis-
sait d'aucuns biens ni revenus communaux.
Des réponses faites en 1789 au questionnaire de la Com-
mission intermédiaire, ressort un tableau assez lamentable
de la situation (i) : le territoire est froid, à cause des mon-
tagnes de Vesc, de Mialandre et d'Angèle qui l'entourent ;
le sol de la pente des collines est pierreux, sec, peu fertile
et exposé aux ravages des eaux pluviales ; ni la Gumiane
qui son au pied du mont Angèle, ni le Roubion dont la
source est au pied de Mialandre ne servent à l'arrosage, à
cause du moulin seigneurial ; les gelées d'avril y détrui-
sent les fruits et il n'y a pas de production surabondante
ni de chemins pour le transport des laines ouvrées ; la
cherté du sel nuit à l'accroissement des troupeaux, et les
tributs royaux et seigneuriaux absorbent le revenu de la
récolte des céréales. Ainsi, sur 2,000 sétiers de blé, les
semences en lèvent 5oo; la dîme à la cote 21% 71; le
vingtain du seigneur, 7 1 ; la censé personnelle à raison
d'une quarte, 62 ; les censés foncières, 80 ; total : 784 ; il
en reste donc 1,216 pour l'alimentation et le paiement
des charges. Rien d'étonnant dès lors que les habitants se
nourrissent de pain de seigle ou d'épeautre mêlé avec des
glands et de pommes de terre.
Il n'y a pas de biens communaux, mais un droit de
bûcherage à Angèle et Mialandre et un droit de pacage à
(i) A cette époque, la Commission intermédiaire devait faire une nou-
velle répartition de Timpôt sur toutes les communes ; c'était à qui assom-
brirait le tableau de ses charges (Montelier, BB, 9).
BOUVIÈRES. 347
Angèle, amoindris et annihilés par les défrichements que
le seigneur autorise (1).
De Bouvières est sortie la famille Plèche, anoblie en
1659 ^^ 1^ personne de David, officier au régiment de la
Baume, en considération de ses services au siège du Pou-
sin et en qualité de commissaire du roi aux assemblées de
Dieulefit, Nyons, etc., et de ceux de Jean Plèche l'aîné et
Jean Plèche, « le puisné ^), ses oncles, tués en Savoie,
où ils servaient dans la compagnie des chevau-légers
d'Henri IV, et de Cathelin, son frère, mort aussi sur le
champ de bataille. Cette famille posséda la seigneurie de
Salettes, de i65o à 1689. (M. De Coston, Hist. de Mon-
télimar^ III, 9 et 10.)
Telle est, en résumé, l'histoire de la commune, une des
premières où l'instituteur ait compris qu'il fallait com-
mencer par là l'enseignement du passé.
(a) Archives de la Drôme, C, 3.
A. LACROIX.
348 SOCÉTIÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
LE TRAMWAY DE LA GALAURE
(Fin. — Voiries 109% iio*, iii% ii2% 113% 114% ii5*, ii6*, 117*
et ii8« livr.)
Grand-Serre (dernières stations).
Après avoir traversé Galaveyson, petite rivière affluent de
la Galaure, on entre sur le territoire du Grand-Serre. Là,
des prairies peu fertiles où s'engraissent pourtant les bœufs
de Pâques de nos grandes villes, contrastent avec la ver-
dure un peu crue du coteau méridional. Au nord, au con-
traire, avant le phylloxéra, de belles plantations de vignes
égayaient la vue. La station de Pierre-Blanche ne rappelle
aucun souvenir ancien, car il ne s'agit ici ni d'un cromlech
ni d'un dolmen. Si l'on veut gravir la colline du midi, on
arrivera sur un plateau couvert de chênes et ensuite sur le
versant d'un autre bassin, celui de l'Herbasse et de la
Limone, sa tributaire. A l'est, s'étend le territoire de Mont-
rigaud et sur sa limite le domaine de Langon rendu célèbre
au XVIP siècle par la découverte des os d'un mastodonte,
pris alors pour ceux du roi Teutobochus. Au midi, apparais-
sent St-Christophe et le Laris ; au couchant, Montchenu
avec son château habilement restauré ; enfin, au nord, les
paroisses de St-Julien et de Charaix. L'une et l'autre ne
présentent guère d'autres souvenirs que leurs noms anciens,
car l'une s'appelait Enos, en latin Enocium et l'autre St-
Julien de Montfol. Il est vraiment fâcheux que la transfor-
mation de ce nom en St-Julien de Montsage n'ait pas donné
lieu à quelque légende. Mais toute la contrée a pour habi-
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 349
tants d'honnêtes et laborieux cultivateurs, peu soucieux du
passé et parlant de leurs grands-pères comme de personna-
ges au-delà desquels il n'y a plus rien à savoir.
L'ascension de la colline serait donc sans grand profit, si
Ton recherche autre chose que des paysages et des points
de vue.
En se rapprochant de la dernière station, connue sous le
nom de Pichat, on découvre au pied du coteau ou Serre, qui
a donné son nom au pays, une sorte de cas tel aux allures
modestes, où une branche des Sibeud, Sibuet et Siboud,
sieurs du Cabinet, s'était fixée vers l'an 1600.
Alexandre P"", originaire de Vif, s'établit en cet endroit et
son petit-fils Alexandre II acquit la seigneurie de Beausem-
blant, près de St-Vallier, de la maison de Montchenu.
Jean, né de son mariage avec Marie-Anne-Jeanne-Diane
de Marcel Blaïn du Poet, eut Lazare, marquis de Beausem-
blant, décédé sous la Restauration. L'héritière des du Poet
n'était pas forte en orthographe; elle tournait cependant
avec art une lettre de recommandation.
C'était vers 1762 ; l'établissement par le curé de Serre
d'une école de sœurs créées par lui avait suscité un procès
dans lequel notables, consuls et châtelain prirent fait et
cause pour l'instituteur laïque et sa femme, chargée de l'ins-
truction des filles. Voici la lettre de M™* la marquise de
Beausemblant au marquis d'Agoult, conseiller au parlement
de Grenoble :
« Monsjeur, mon très cher cousejn, je me flatte que vous
ne trouvères point mauvais que j'ay l'honneur de vous deman-
der une grase qui est d'acorder vostre protecxion à M. Gril,
tuteur de mon fils qui a un proses dans la Chambre ou (siège)
M. de Murât contre le quré de Serre. Je vous aurey, mon
cher cousejn, une vrey obligasjon de lui randre tous les ser-
vise qui depandron de vous. Le selle avec lequel il fet les
afaires de mon fis et les mjene me porte à meinteresser bjen
fortement a se qui le regarde. Je suis bien charmée que sete
35o SOCIÉTÉ d'archélogie et de statistique.
aucasjon me proqure lavantaje de me rapeler dans vostre
souvenjr et de vous asurer duparfet atachement avec lequel
jey Teneur destre voçtre très humble et très obejssante
servante. Du Poet de Beausemblant. A St Valjès, le 24
feurjer. »
L'avocat de M. Pion, curé de Serre, demandait la sup-
pression d'une délibération consulaire du 27 août 1758, comme
irrégulière et injurieuse et d'un mémoire des consuls, la
mise hors de cour de son client, la condamnation de M. Gril
aux dépens, etc., et le Parlement permit à la commune
d'avoir un maître et une maîtresse d'école en les payant,
défendit aux sœurs établies par M. Pion d-enseigner la jeu-
nesse à Serre et à M. Gril de réclamer d'autres frais d'affir-
mation. Une preuve de la capacité et de la valeur du maître
d'école d'alors se tire du choix que fit de lui l'abbé de St-
Antoine, seigneur du lieu, pour instruire ses jeunes vassaux.
Près du Cabinet, Catherine de La Croix de Chevrières,
dame de Serre et épouse de M. de La Baume Suze, avait, au
commencement du XVII® siècle, créé des gauchons ou fou-
lons à draps, des pressoirs à huile et des moulins à tan et
défendu l'emploi de tous autres foulons. Pour expliquer ce
monopole, il convient d'ajouter qu'en 1434, d'après un livre
de redevances féodales ou terrier, il y avait sept a escoffiers »
dans le bourg et trois corroyeurs ou tanneurs ; en 1629, qua-
tre marchands drapiers, quatre marchands tanneurs, deux
marchands « gauchandiers » à Galaure, six drapiers, trois
cardeurs de laine et en 1704, vingt drapiers fabricants, un
teinturier, deux canabassiers, deux tondeurs de draps, deux
foulandiers.
Aussi, à la St-Blaise, fête patronale des tisseurs, chantait-
on alors :
Tous les drapiers de Serre
En sont en grand renom ;
Par leurs belles fabriques
Se sont fait renommer
Jusque dans l'Amérique
Et pays étrangers.
LE TRAMWAY DE LA GALAURE. 35 I
Partout dedans la France,
Les princes et seigneurs,
Les maréchaux de France,
Même les gouverneurs,
Les intendants de ville,
Juges et présidents.
Et toute la noblesse
S'en habille à présent.
Quant à la tannerie, elle y fut ruinée par l'édit de 1759 sur
la marque des cuirs. Elle arrivait encore pourtant Tannée
suivante à 200,000 fr. d'affaires. Il y avait alors de 106 à
112 fosses pour recevoir les cuirs, 55 palains pour les passer
à la chaux et 23 timbres pour les ramollira Teau claire. Or,
à 40 cuirs par fosse, on arrivait à 4,240 qui, à 40 fr. Tun,
représentaient 169,600 livres.
En 1813, huit tanneries comptaient encore 28 fosses de
40 cuirs chacune et de 40 quintaux d'écorce. Une peau de
bœuf du poids de 30 à 40 livres et payée 1 fr. 10 à 1 fr. 20 la
livre valait, après 18 mois de séjour en fosse, 70 fr. et un
brigadin 30 fr.
Ajoutons que non loin de la station, une manufacture
royale d'acier fut établie à Perouset sur St-Clair, d'après
VAlmsinach du Dauphiné de 1789.
De la plaine, si nous gravissons la colline nord, nous en-
trons dans le bourg de Serre, autrefois ceint de murailles et
percé de quatre portes. Au XVIIP siècle, on agita la ques-
tion de savoir lesquels des seigneurs [de Bressieux ou des
religieux de St-Pierre de Vienne l'avaient fondé. Il est hors
de doute aujourd'hui que les religieux y parurent les pre-
miers et que les Bressieux, par achat ou par usurpation,
leur en disputèrent la suzeraineté.
De cette famille illustre et puissante (1025-1402), il passa
aux Grolée-Mévouillon (1402-1642), aux La Baume-Suze
(1642-1720), aux Valbelle, de 1720 à 1767, aux Châtelard, de
St-Germain d'Hauterives, en 1787.
Dans une brochure, publiée en 1883, nous avons donné des
renseignements suffisants sur la seigneurie, la paroisse,
352 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
l'église et la commune ; il n'est pas permis de répéter sans
cesse la même chanson et le même air, alors que tant d'au-
tres localités attendent un historien.
Si le touriste veut poursuivre sa route jusqu'à Roibon, il
rencontrera d'abord Montfalcon avec ses tours féodales, les
peintures des Loives, décrites, dans ce Bulletin en 1891, et
le plateau de Chambaran où se font chaque année les exer-
cices de Tartillerie de Valence et Grenoble.
D'après M. Florian Vallentin, savant archéologue décédé
trop tôt pour la science, on rencontre souvent, sur le ver-
sant nord de cette forêt, des cailloux coupés par le milieu
avec des entailles sur les bords qui permettent d'y placer les
cinq doigts de la main. M. Abel GueyfBer en a recueilli plu-
sieurs centaines et pareil chiffre exclut l'idée d'un caprice de
la nature. Mais à quoi servaient-ils? La question est encore
pendante.
Par sa position au sommet d'un coteau cultivé sur ses
deux versants de Galaveyson et de la Galaure, le Grand-
Serre mérite d'être visité. On jouit de là d'une vue splendide
sur la vallée de la Galaure et sur les montagnes de l'Ardèche
à l'ouest et sur la pointe de celles de l'Isère, à l'est, Mou-
cheroUe, Grand- Veymont, etc.
Décrite par M. Macé dans son Guide du chemin de fer de
St-Rambert à Voiron, Téglise est curieuse par son archi-
tecture.
Une halle, déjà existante au XIV® siècle, y rappelle aussi
les mœurs du passé.
Quant à son histoire des trois ordres, clergé, noblesse et
tiers état, elle est connue des lecteurs du Bulletin par une
étude publiée en 1868.
Nous terminerons donc ici notre course, en engageant les
archéologues, les artistes, les écrivains et même les simples
curieux à la contrôler, à la compléter et à la refaire, tant
la vallée de la Galaure offre de charmes, de souvenirs et de
curiosités.
A. Lacroix.
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 353
ESCALIN
VâtrCy Jlmbassadeur et Général des Galères de France
RECUEIL DE DOCUMENTS
CONCERNANT SA VIE
(Fin. — Voir les 115% 116% 117' et ii8« livr.).
D« stercore erigens pauperem
ut collocet eum cum principibus.
Voici le récit fait par de Thou du siège de La Rochelle :
« Il ne restait plus qu'à ramener les villes dont les protes-
tants étaient maîtres, et surtout La Rochelle qu'on avait déjà
envie de surprendre, car c'étoit dans cette vue qu'on avoit en-
voyé à Brouage une flotte commandée par Strozzi et par le
baron de La Garde, sous prétexte de faire voile vers les côtes
delà Floride Il y avait alors dans la ville quelques
capitaines des galères que le baron de La Garde fit revenir
sur le champ... Les Rochellois étaient sur le point d'accepter
les propositions de Biron, lorsqu'on apporta fort à contre-
temps les lettres du baron de La Garde qui renversèrent
toutes les dispositions où ils étaient pour la paix. (C'était en
septembre 1572, après la St-Barthélemy.) La Garde leur
marquait que Biron arriverait bientôt avec une armée et il les
menaçait que s'ils ne le recevaient avec tous les honneurs qui
lui étaient dus, ils devaient s'attendre aux plus grandes extré-
2« SÉRIE. XXX*' Volume. - 1896. 23
354 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
mités, et que c'était par ordre du roy qu'il leur donnait cet
avis. Le nom du baron de La Garde était très odieux aux
Rocheliois, par le souvenir des meurtres qu'il avait faits à
Mérindol, à Cabrières et en d'autres endroits de Provence...
Les Rocheliois demandèrent au roi de retirer sa flotte, dont
le voisinage était pour eux un sujet d'allarmes et de crainte.
Le baron de La Garde avait inutilement demandé une grande
quantité de biscuits et de chairs salées. Les Rocheliois ayant
eu avis des massacres commis à Bordeaux rompirent toutes
les négociations. Le baron de La Garde et Biron écrivirent
encore, mais sans réussir (1572). »
On voit trop évidemment que de Thou avait en haine le
baron de La Garde et qu'il l'accuse, sans preuve, d'avoir
brouillé les négociations. Ce que rapporte Pérussis prouve,
au contraire, que le baron avait l'adresse et l'habileté de
réussir, même auprès des calvinistes.
Le siège de La Rochelle fut levé au mois d'août, iSjS. De
Thou a encore un passage où il est question du baron de La
Garde à propos de fortifications faites par lui au bourg de
St-Martin, en l'île de Ré.
Pérussis rapporte que le baron passa, en septembre iSjS
(ou octobre), à Avignon pour se rendre à Marseille, et que
a le lendemain de la fête de St-André, fut sacré en Avi-
gnon, à la grande chapelle du Palais, Monsieur l'Evêque de
Grasse, qui est neveu de M. le baron de La Garde. Il fut
sacré par Messieurs les Evêques de Cavaillon, de Tholon et
d'Orenge, en présence du cardinal d'Armagnac, légat d'Avi-
gnon. » M. Jérôme Maurand, dans sa relation de l'ambassade
de Constantinople, énumérant les personnes à la suite du
capitaine Paulin, cite le protonotaire de La Garde, parent
du seigneur ambassadeur. Ces mots devaient se rapporter au
futur Evêque de Grasse. Il se nommait Etienne Deodel. Ses
noms et ses qualités, parmi lesquelles il ne faut pas omettre
celle d'abbé de Cruas, se trouvent portées dans le contrat du
mariage d'Esplandian Serre, de La Garde-Adhémar.avec Mar-
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 355
guérite Brohard, fille du châtelain de Pierrelatte, du 3o sep-
tembre 1 587, qui existe dans les minutes du notaire P. Aubert.
On y voit aussi un arrentement d'un pré, au lieu dit à Chas-
trossat, par Etienne Deodel, Evêque de Grasse. Et encore
une quittance du 8 octobre iSgo donnée par Jean-Baptiste
Escalin des Eymards, seigneur et baron de La Garde et
Pierrelatte, en qualité d'héritier bénéficiaire de messire Es-
tienne Deodel, en son vivant Evesque de Grasse, etc. Deodel
paraît être une autre forme de Daudel, nom très répandu aux
Granges-Gontardes, comme aux autres localités voisines de
La Garde-Adhémar.
Il est mentionné au tome III de la Gallia christiana : Eccle-
sia Grassensis, Johanni in episcopatu substituitur Stephanus
(Deodet) abbas Crudacensis, qui a Pio V, Romano Pontifice,
bullas obtïnuit, datas prius idus martii an 1569, ac non
nisi quadriennio post, sacro delibutus est oleo, Avenione
scilicet 1673 die 3o novemb. Intérim Johannes Escuyer pre-
positus, necnon ejus vicarius generalis diaecesim rexit, utï
pluribus instrumentis liquet. Per raro visus est in sua dio-
caesi ordinibus celebratis semel tantum an 1579: Mortuus
est Crudatii (Cruas) mense Augusto an i588.
Ecclesia Vivariensis : Vigesimus septimus abbatum Crudatii
fuit Stephanus Deodet, Grassensis episcopus, Commendata-
rius abbas erat Crudatii an i585. Crudatii vero quam Grassae
frequentius fuit.
Dans les lignes qu'elle consacre à ce personnage, la Gallia
ne fait l'éloge ni de Tabbé ni de l'évêque. Que devenaient
des diocèses ainsi abandonnés !
Parmi les nombreuses quittances manuscrites recueillies à
la Bibliothèque nationale et signées par Escalin, il y en a
une de 5,062 liv. 10 s. tournois pour Testât et solde de la
galère La Réalle, pour les quartiers d*avril, may et juin iSôg,
donnée lo i3 novembre 1570 au trésorier de la marine du
Levant. En 1673, il en donna une de 1,000 livres en qualité
de capitaine générai des galères, le 20 septembre 1575, de
356 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
6,000 liv., pour rentretenement extraordinaire de soixante
hommes sur la galère royale durant Tannée 1574. Une der-
nière, de 12,264 liv., est du ao décembre iSjS, datée de
Nantes, bien que le trésorier soit dit receveur pour la marine
du Levant. Elle est « pour Testât et solde de notre gallère
royale Quinquerame dont nous avons charge, assavoir 5,062 1.
10 s. t. pour le quartier d'avril, may et juing en suivant, et la
somme de 2,139 1. t. sur le quartier de juillet aussi en sui-
vant. Signé de notre propre main et icelle fait cacheter du
cachet de nos armes. »
a Le bon chevalier Monsieur le baron de La Garde, dit
Pérussis, vint de la cour en juin 1574 et arriva en Avignon
sur le Rhosne où il passa danger vers St-Estève de Cadollet,
où les ennemis estoient, qui usèrent arquebuzades contre son
batteau — on a vu ce fait se produire une première fois en
i568 — furent blessés aucuns mariniers bateliers. Il ne trouva
pas Monsieur l'Admirai aud. Avignon que fut cause queTalla
voir à Tarascon et vit aussi M. le Maréchal à Beaucaire. Le-
dit sr baron tacha le plus qu*il put de mitiguer les affaires,
mais encore ne prindrent meilleur chemin. » « Le baron
de La Garde passa en Avignon au commencement du mois
d'août 1576, venant de la cour pour aller à Marseille ». « Le
22 septembre, M. de La Garde qui, par son accoutumée bonté,
si officieux et traitable de paix et de réconciliation, feut à
Grignan parler à M. le Comte, et ensemble feurent voir le
maréchal de Retz à Villeneufve-les- Avignon, accompagné le
sieur de Grignan de 60 à 70 chevaux de suite. M. de La Garde
s'en retourna ledit jour vers Marseille ayant finie sa légation
pour avoir acheminé ledit sieur comte à M. le Maréchal qui,
n'ayant plus cher qu'à voir une générale réconciliation entre
les désunis de son gouvernement de Provence, ne cessait d y
vaquer cependant, traitant les affaires. » Quelle activité pour
un homme de 78 ans ! Comment pouvait-il supporter la fati-
gue des voyages multipliés qu'il faisait à la cour ou ailleurs?
Le roi Henri III, en considération, dit Pithon-Curt, des
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 357
services que le baron de La Garde avait rendus pendant plus
de quarante ans dans les guerres, dans le conseil, aux rois
François I^r, Henri II, Charles IX, érigea en sa faveur la sei-
gneurie de Brégànson, qui est une île de la Méditerranée
dans le golfe d'Hières, en titre de marquisat. Les lettres en
furent données à Avignon en décembre 1 574. Celles-ci n'ayant
pu être enregistrées dans Tannée, à cause des affaires où La
Garde fut employé pour le service de l'Etat, le roi lui en fit
expédier de nouvelles, étant à Aix, le 20 octobre 1576. En
confirmant les premières, Sa Majesté ordonne au Procureur
Général de faire procéder à leur vérification. Elle fut faite en
parlement le 3i du même mois. Cette érection se trouve rap-
pelée par Louis XIII dans ses lettres du mois de septembre
1646 portant érection en marquisat de la Baronnie de La
Garde.
« Mais enfin, dit Pérussis, Dieu appela à sa divinité Mon-
sieur Antoine d'Escalhan, baron de La Garde, chevalier de
Tordre du Roy, et le plus ancien à cette dignité en France,
âgé aussi d'ans, et certes rempli de fidélité et de bonté. Il a
été en son bas âge (Le copiste doit avoir omis un mot), puis
monté et entretenu aux biens et honneurs de fortune, tel qu'on
la peut connoitre, toujours homme de bien. Ses premiers
essais furent aux guerres de Piémont sous le beau seigneur
de Langey, où le poussait le sage seigneur de Grignan. Il
feut toujours libéral, officieux et non marié. Mort général des
galères de France et chevalier d'honneur de la Reine mère.
Mort chrétien et catholique, regretté de tous ceux qui l'ont
connu. Il décéda, étant revenu de France, à son château de
La Garde- Adhémar, baronnie en Dauphiné d'où il feut natif.
Il a été tant rempli en sa vie de magnificence et de libéralité,
que même les Turcs l'admiraient lorsqu'il était ambassadeur
auprès le Grand Seigneur Soliman. Sa libéralité feut plutôt
en faisant plaisir et en donnant à ses amis par pitié que par
vaine gloire. Il faisoit bien à ceux qui le suivoient, desquels
feut fort soigneux, parce qu'il s'étoit acquéri un nom plein de
358 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
bonne réputation et odeur. Il n'eut rien plus en haine que
ravarice. Toutefois la mort le print que personne ne veut dé-
laisser en ce monde passable et périssable. C'est elle qui est
la médecine des maux, nous l'espérons maintenant heureux
veu que sa vie a été bonne. Dieu luy en fasse la grâce. »
(1578).
Le P. Anselme, Pithon-Curt, le P. Justin fixent sa mort
au 3o mai, le lendemain de la Fête-Dieu, à 8 heures du matin.
Le premier ajoute que cela résulte d'une information faite à
la requête de son fils.
Il ne faut pas omettre les récits de Brantôme et de Castel-
nau. a Enfin il est mort, dit le premier, ayant laissé plus d'hon-
neur à ses héritiers que de biens en l'âge de plus de quatre-
vingts ans ; et si ne se monstroit trop vieux retenant encore
quelque belle et bonne grâce et apparence du passé qui le
faisoit très admirer à tout le monde, avec ses beaux comptes
(récits) du temps passé, de ses voyages, de ses combatz, qui
ont esté si fréquents et si assidus que les mers de France,
d'Espagne, d'Italie, de Barbarie, de Constantinople et de
Levant en ont longuement raisonné ! Encor croys-je que les
flotz en bruyent le nom ! » « Estant adverty, dit le second,
par les médecins qu'il n'avoit plus qu'une heure de vie, il se
fit lever et il s'assit dans une chaise, et tirant son espée, il dit
qu'il avoit toujours vescu dans le service de Dieu et du Roy,
et expira dans les généreux sentiments d'un bon Français,
d'un excellent capitaine et d'un parfait chrestien. »
Il y a quarante ans environ, le gouvernement fît exécuter,
sous la direction de M. Questel, la restauration de Téglise de
La Garde-Adhémar, classée comme monument historique.
Il est à regretter que personne n'ait, alors, eu la pensée de
rechercher le tombeau du célèbre baron. Il n'a pas dû être
inhumé ailleurs que dans l'église.
Le journal de Pérussis affirmant que le baron de La Garde
n'avait jamais été marié met hors de doute ce point sur lequel
on avait discute. Mais il avait un fils naturel, Jean-Baptiste
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. SSq
Escalin des Esmars dont il avait, en 1570, demandé et ob-
tenu la légitimation. Les lettres du roi furent enregistrées en
la Chambre des Comptes, à Paris ; elles ont été détruites lors
de Pincendie, qui, en 1737, fit périr les archives de cette
Chambre. Elles étaient du 1^^ mai, ainsi qu^l conste d'un
arrêt du parlement de Grenoble du 29 novembre 1378. Jean-
Baptiste Escalin avait demandé et obtenu du roi le don de la
finance relative à l'enregistrement de ces lettres. Les lettres
de ce don furent soumises au parlement de Grenoble. L'avo-
cat du demandeur y expose fort crûment « qu'ayant esté en
nature le feu sieur baron de La Garde, il auroyt heu d'une
damoyselle de Bretaigne (i) ung sien fils donné nommé Jehan
Baptiste de Scalin, lequel par lettres patentes du roy de Tan
M ve Lxx, il auroyt légitimé et voulu que lors il feust tenu
censé et réputé pour légitime, lesquelles lettres auroyent esté
enregistrées en la Chambre des Comptes à Paris, le consen-
tant le requérant ledit feu sieur baron de La Garde. A la
charge toutefois que si ledict demandeur aprehendoyt la suc-
cession en tout ou en partie fust par droict d'héritier de léga-
taire ou autrement, dud. feu sieur de La Garde, qu'il seroyt
tenu en advertir Sa Majesté et gens des Comptes à Paris. »
Pithon-Curt nous dit que Jean-Baptiste, peu satisfait de
n'avoir de son père que la seigneurie de Pierrelatte et un legs
de 2,000 écus, se porta pour héritier sous bénéfice d'inven-
taire et qu'il y fut maintenu, en considération de ses services
contre le comte de Grignan, Louis de Castellane, héritier de
Louis Adhémar. L'arrêt sus-relaté mentionne « les agréables
services que le demandeur auroyt faictz à Sa Majesté, en plu-
sieurs lieux et endroictz où il l'auroyt voulu employer et que
par ses lettres patentes du premier jour de may dernier luy
auroyt faict don de la somme a quoy pourroyt monter la taxe
de la finance. » Selon le P. Anselme et Pithon-Curt, cette
(i) Pithon-Curt la nomme Magdeleine et la fait dame d*honneur de
Catherine de Médicis.
Sbo SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
somme fut modérée à 25 écus d'or applicable en aumônes
dont Jean-Baptiste Ëscalin eut quittance le i3 août i583.
Les lettres de légitimation obtenues par le baron de La
Garde, en faveur de son fils, auraient-elles servi à celui-ci
pour faire réformer les testaments de son père? D'après le P.
Anselme et Pithon-Curt et après eux le P. Justin, il en aurait
fait un le 27 mars 1544 et un second le 28 février i554, tous
les deux en faveur de Louis Adhémar, comte de Grignan, ne
réservant qu'une somme de 2,000 écus pour son fils Jean-
Baptiste. M. Rochas cite une note de d'Hozier portant que ce
second testament aurait été publié à la poupe de la galère royale
à Marseille et reçu par un notaire de cette ville ; de plus, que
le testateur aurait substitué M°*® de St-Chaumont, et après
elle Louis d*Urre, seigneur du Puy-St-Martin , au comte de
Grignan.
D'après le premier de ces actes, Antoine Escalin aurait lé-
gué 200 écus d'or à chacune des filles d*Honorade Bouchière
et 3oo écus à Bernard Escalin dudit lieu de La Garde, sans
indiquer le degré de parenté.
Castelnau dît que Jean- Baptiste Escalin se livra au plaisir
de l'étude et des belles-lettres. Son père l'avait fait élever à
Rouen. Pithon-Curt cite les affaires militaires où il se distin-
gua. Le P. Justin assure qu'il s'acquit une grande réputation
en faisant, comme son père, la guerre aux huguenots. Il
épousa Polixenne d'Urre, fille du seigneur du Puy-St-Martin
et d'Antoinette de la Baume-Suze, De ce mariage, il y eut
une fille et un fils. Celui-ci, nommé Louis, fut tué en i636
au combat de Vigerano. Il avait eu de sa femme Jane de Cas-
tellane-Adhémar, fille de Louis-François, comte de Grignan,
trois fils, savoir: Louis, créé marquis de La Garde en 1646,
lequel ne laissa pas d'enfant de son union avec Françoise de
la Baume-Suze ; Antoine Escalin Adhémar, deuxième du
nom, qui devint marquis de La Garde par la mort de son
frère. Il mourut en 171 3, âgé de 90 ans, sans avoir été marié;
et enfin Jean-Antoine, reçu chevalier de Malte en 1634.
ESCALIN, RECUEIL DE DOCUMENTS. 36 C
Les biens d'Antoine, marquis de La Garde, passèrent par
testament à Pauline Castellane-Adhémar, sa nièce, à la mode
de Bretagne.
M. Lacroix fait remarquer que Jane de Castellane-Adhé-
mar accepta, — si elle ne les commanda pas, — les copies des
fausses chartes fabriquées par le curé Arnaud.
Le temps a mis en oubli le lieu de la sépulture d'Escalin,
il a mis des ruines sur son château. Celui-ci aurait été cons-
truit par le fameux capitaine, vers le milieu du XVI* siècle;
il était du style de la Renaissance, mais sur un emplacement
différent de l'ancien château féodal. On voit des restes de ce
dernier à une certaine distance du premier. M. Lacroix a fait
l'histoire des derniers possesseurs de cette grande et magni-
fique demeure, tombée sous le marteau des démolisseurs qui
en ont utilisé les matériaux. Une vue du château, prise à un
moment où il n'était déjà plus intact, se voit à Chartroussas,
chez le marquis de la Baume du Puy-Montbrun. Les subs-
tructions qui le supportaient s'élèvent toujours, au bord de
la route conduisant au village, dont l'église, monurnent re-
marquable du XIII' siècle, a été restaurée, comme nous
l'avons dit, vers i85o. Un autre édifice plus ancien attire l'at-
tention des archéologues. C'est une chapelle en ruine placée
au fond du vallon de Magne, appelée Notre-Dame des Nym-
phes. Elle était autrefois le siège d'un prieuré. Les eaux qui
coulent auprès, les beaux arbres qui font ceinture au vallon,
donnent à cette solitude un aspect charmant. On trouve dans
le livre de M. Lacroix des détails fort intéressants sur cet édi-
fice, comme sur tout ce qui concerne La Garde-Adhémar.
La spéculation, en vendant les matériaux du château de
La Garde, dispersa aussi les meubles. Feu M. Brisset,' ama-
teur d'antiquités, découvrit dans un galetas, à Pierrelatte,
un portrait fort maltraité ; il était confondu avec d'autres
portraits venant du château. C'est lui qui, plusieurs an-
nées avant son décès, eut la bonté de m'en faire présent. Le
guerrier a grand air ; ses cheveux sont bouclés comme ceux
i'
302 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
d'Henri IV ; ils sont blancs ainsi que sa barbe. De la main
droite couverte d'un gant à revers, il tient Tesponton, signe
du commandement. Sa main gauche repose sur une épée qui
devait, si on en juge par la garde, être de grande taille. Sur
son pourpoint, au milieu de la poitrine, se détache en blanc
une croix de Malte dont la branche supérieure disparaît sous
une sorte de hausse-col. La peinture n'est pas assez nette
pour distinguer les ornements qui sont dessinés ou qui accom-
pagnent ce hausse-col — si toutefois on peut donner ce nom
à l'ornement doré qui couvre le haut de la poitrine. — Le cou
est entouré d'une fraise tuyautée. M. Brisset croyait que ce
portrait était celui du grand homme, portrait qui faisait peur
aux enfants et aux jeunes filles.
Au pied de la colline sur laquelle s'élève le village de La
Garde-Adhémar, existent de vastes constructions désignées
sous le nom de la Grand'Grange. Dans une des pièces que
renferme cet édifice existe une belle salle qui était fermée au
moment où j'ai demandé à la visiter. Au-dessus du portail,
donnant accès à la vaste cour autour de laquelle sont groupés
tous les locaux de cette métairie, se voit un écusson, absolu-
ment truste, mais qui paraît être entouré d'un collier d'ordre.
La Grand'Grange, par son nom seul, indique qu'elle appar-
tenait au seigneur du lieu, et le collier d'ordre vient démon-
trer qu'elle a appartenu à Antoine Escalin. Elle devait être
comprise dans les objets faisant partie de la donation faite
par le baron de Grignan à Escalin en 1545.
Comte D'ALLARD.
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE 363
ESSAI
DE
BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE
(Suite. — Voiries io3% 103% 104", 105% io6', 107", io8', 109*,
iio«, 111% 113% 114% ii5«, ii6*, iiy* et ii8*livr.)
§ 3, Procès soutenus par le Chapitre
L'histoire du Chapitre de St-Barnard nous est surtout con-
nue par les innombrables mémoires publiés à l'occasion des
procès qu'il eut à soutenir pour maintenir ses droits et contre
la ville, et contre une foule de particuliers. La plupart de ces
factums se trouvent aux archives de la Drômc, où nous avons
pu les consulter (i) ; il en manque cependant un certain nom-
bre, surtout de ceux de la partie adverse ; de sorte que la no-
menclature que nous en donnons ici présente quelques lacu-
nes. Nous avons réparti ces différentes pièces en divers para-
graphes, suivant les sujets auxquels elles se rapportent, de
manière à ce que chaque procès ou chaque genre d'affaire
ait son dossier particulier, plus ou moins considérable et plus
ou moins complet.
(i) Le regretté docteur Chevalier avait recueilli un bon nombre de ces
Mémoires, comme aussi d'autres documents anciens devenus fort rares sur
l'histoire du vieux Romans. Ils font maintenant partie de la riche bibliothè-
que de M. le chanoine Ulysse Chevalier, qui les a mis obligeamment à
notre disposition. Nous en avons trouvé là quelques-uns que les archives
de la Drôme ne possèdent pas.
304 sociÉté d'archéologie et de statistique.
I. Contre le seigneur de Pisançon et consorts,
au sujet des rives de l'Isère.
Le Chapitre de St-Barnard était seigneur suzerain des deux
rives de l'Isère, à demi-lieue environ en amont et à pareille dis-
tance en aval de la ville, depuis le ruisseau de Rieusec au levant
jusqu'à l'ancien monastère de Vernaison au couchant, pour la
rive gauche. Le droit de pontonnage, c'est-à-dire de passage
par le pont ou par les ports, dans cette même étendue, lui ap-
partenait aussi, et il percevait une redevance sur le transit des
marchandises et sur les étrangers. Cette double possession lui
avait été reconnue par lettres patentes du dauphin Humbert II,
en date du 1 2 avril 1 348, confirmées par le dauphin Charles P""
(depuis Charles V) en 1398, et par le roi François I*"" en 13 15.
Par suite, aucun établissement ne pouvait être fait sur les deux
rives sans l'assentiment du Chapitre, dont le domaine s'éten-
dait aussi sur le lit de la rivière. Pierre-Félix de Lacroix, mar-
quis de Chevrières, comte de St-Vallier, engagiste de la terre
de Beaumont-Monteux, voulut se soustraire à cette servitude,
et il engagea avec le Chapitre un procès qui fut repris et con-
tinué par son cousin le seigneur de Pisançon. Les pièces sui-
vantes marquent les principaux jalons de cette longue chicane
qui fut ruineuse pour le Chapitre et finit par lui devenir fatale.
Comme la plupart de ces mémoires ne portent pas de date
précise, nous ne répondons pas qu'ils soient bien dans L'ordre
chronologique où nous avons voulu les établir.
232. — Précis des raisons emploïées dans les Ecritures
de Monsieur le Marquis de St- Vallier^ Engagiste de la
Terre Domaniale de Beaumont-Monteux — Contre — Le
Sindic du Chapitre de St-Barnard de Romans. — In-fol.
de i5 pp. s. 1. n. d., signé : de Colonnbe, Monsieur de
Polligny, Rapporteur. Chaumat, Procureur. (Dernière
date exprimée : 1699.)
M. de St-Vallier possédait la terre de Beaumont-
Monteux comme héritier du président de Chevrières,
lequel l'avait acquise de M. de Jornaron, succédant lui-
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 365
même au s^ d'Arbalestier. Il déclare que, faute d'autres
titres, il pourrait invoquer la prescription, et il soutient
que, comme engagiste du roi et eq vertu de son alberge-
ment, il peut établir des moulins ou changer de place ceux
qui existent sur tout le territoire de Beaumont-Monteux,
qui s'étend d'un côté jusqu'au Rhône, et de l'autre arrive
jusque sous les murs de Romans.
233. — Requeste resmontrative contenant Avertisse-
ment.
A Nosseigneurs de Parlement, suplie humblement le
sieur sindic du Chapitre de Tinsigne église coUégialle de
St-Barnard de la ville de Romans, conseigneur avec le
Roy de ladite ville, et seigneur dominant de la terre et sei-
gneurie de Pisançon, demandeur en requête tendante à
déboutement d'oposition et aux fins de ses écritures du
3® août 171 1. Demandeur en requête jointe au procès par
ordonnance de la Cour du 27 mars 1713. — Contre mes-
sire Jean-Bernard de la Croix, conseiller du Roy en tous
ses conseils, ancien président au Parlement, cour des
aydes et finances de Dauphiné, seigneur de Combovin,
Chaffal et autres places, deffendeur ausdites qualités.
Et encore ledit sieur sindic deffendeur en requête du
3o août 171 3, demandeur en requêtes des 3i août et i3
septembre suivant. — Contre ledit seigneur Président de
la Croix et M^ le Procureur Général au Parlement de Dau-
phiné, en ce que le chacun concerne, demandeurs et def-
fendeurs.
Et entre ledit sieur sindic dejEFendeur en prétendues
lettres royaux non scellées, demandeur suivant les fins
qui seront prises par la présente, en adjudication et réu-
nion par droit de commis de la terre de Pisançon à la sei-
gneurie suzeraine dudit Chapitre, avec restitution de fruits
du jour de la communication des écritures du 16 avril
366 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statisitque.
17 14, signées par ledit seigneur Président de la Croix
sous Tofifre d'homager au Roy ladite Terre après ladite
réunion, comme une portion de ladite seigneurie suze-
raine. — Contre ledit seigneur Président de la Croix, de-
mandeur et deffendeur.
Petit in-f® de io5 pp. s. I. n. d., signé i Piémont St-
Disdier. M. de Polligny, rapporteur^ Armand, procureur.
Le long titre de ce facium occupe toute la première
page et les deux tiers de la seconde. Tous les arguments
relatifs aux deux points en litige, la suzeraineté du Cha-
pitre sur la terre de Pizançon et la propriété des deux
rives de l'Isère depuis Riousset jusqu'à Vernaison, y
sont exposés et développés. C'est l'ouverture du procès
proprement dit. Les chanoines, qui avaient intérêt à mé-
nager leur puissant voisin , avec lequel ils avaient eu
jusque-là de bons rapports, ne l'engagèrent qu'avec peine.
C'est, du moins, ce qui paraît résulter des préambules de
leur factum, où ils s'expriment ainsi :
(( L'intérêt de la conservation des droits d'une Eglise
confiée aux chanoines qui composent le Chapitre de St-
Barnard de Romans aussi injustement attaqué, ne permet
pas de négliger plus longtemps la justice des conclusions
qui seront prises contre un de leurs vassaux, tendantes à
la réunion par félonie de la terre de Pisançon à la sei-
gneurie suzeraine qu'a ledit Chapitre de la même terre ;
jusques icy, les chanoines qui composent ledit Chapitre,
par le respect qu'ils ont toujours eu pour le seigneur Pré-
sident de la Croix, et qu'ils conserveront toujours en par-
ticulier, les a retenu ; mais enfin, la chose a été poussée
trop avant pour demeurer dans le silence; ils ne peuvent
pas en conscience négliger l'intérêt de l'Eglise comme ils
dissimuleroient les injures atroces dont on les calomnie,
si elles ne concernoient que l'intérêt particulier de chaque
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. SÔy
chanoine qui compose le corps de ladite Eglise. Dans cette
situation, on suplie M' le Président de la Croix de ne pas
révoquer à injure ce que ledit sieur sindic est obligé de
représenter à la Cour, pour l'intérêt de TEglise et le
maintien de ce patrimoine sacré. »
Cependant, à quelques lignes plus loin, les accusations
deviennent plus explicites et l'attaque plus formelle. Il y
a de Tamertume dans le cœur et de l'aigreur dans le ton :
« Monsieur le Président de la Croix a mis tout en usage
pour achever la ruine entière de cette Eglise, quoyqu'il
soit vassal d'icelle, par l'entreprise qu'il a fait sans beau-
coup d'attention d'attaquer leurs titres par la voye du
faux. »
234. — Extrait des actes qui prouvent que le Rivage de
Vun et Vautre bord de la rivière d*I\ère^ depuis le ruis--
seau appelle Riou-sec^ fusqu^au vieux Monastère de Ver-
naison. — Et que la mouvance de la terre et Seigneurie
de Pisançon^ tant de la Parerie Delphinale que de la Pa-
rerie Poitevine^ apartiennent au Chapitre de l'Eglise Ab*
batiale et Collégiale de S. Barnard de Romans,
Petit in-fol. de 42 pp. (s. 1. n. d.), signé: Piémont St-
Disdier. M. de PoUigny, rapporteur^ Armand, procureur.
Documents sur Pisançon. Nombreuses citations de
pièces originales. Se divise en deux paragraphes : le Ri-
vage (22 documents, de 1344 à 1708), et la Mouvance (six
documents du XI® et du XII® siècle, depuis 1072). — D'au-
tres titres confirment la mouvance de l'une et l'autre pare-
rie, delphinale et poitevine, du Chapitre de St-Bernard :
dix pour la première, de i323 à i655, et neuf pour la
seconde, de i357 à 1608. Suivent quatre autres docu-
ments relatifs aux deux pareries, puis le résumé, en neuf
articles, d'une transaction rédigée le 12 avril 171 1, par le
conseiller Guérin, sous les auspices du Chapitre, qui fai-
368 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
sait de nombreuses concessions à M. de la Croix. Celui-ci,
au lieu de les accepter, y répondit par un nouveau factura,
dans lequel il se répandait en invectives contre ses adver-
saires. De ce chef, le Chapitre Taccuse de félonie, pour
injures graves à son suzerain.
235. — Extrait des titres du Chapitre de Romans con-
tre le sieur Inspecteur général du Domaine. (De Timpr.
de Jean-François Kiiapen, rue de la Huchette, Paris.)
In-fol. de 14 pp. (s. d.), signé: M® Labalme le jeune,
avocat.
Au sujet du fief de Pisançon. On y trouve un intéres-
sant tableau des transactions survenues relativement au
château de Pisançon entre le Chapitre et les Dauphins,
par ordre chronologique.
Paraît être un résumé de l'article précédent.
236. — Extrait des titres qui prouvent que la pro-
priété du Port et du Pont de la Ville de Romans sur
Vipère en Dauphiné^ — le Droit de Passage^ — et le Ri-
vage de Vun et Vautre bord de la rivière^ appartiennent
au Chapitre de V Eglise Collégiale de S. Barnard de la
même Ville. — In-fol. de 1 1 pp. s. 1. n. d. et sans signât.
Contre les prétentions de l'administration du Domaine,
auxquelles le Chapitre oppose, pour le droit de ponton-
nage, quinze titres différents, de r2i4 (i)à 1548, et pour
(i) Le premier titre mentionné dans cet inventaire est une sentence
arbitrale rendue par les évêques de Viviers et de Genève et d'autres per-
sonnages ecclésiastiques pour régler le différent entre Humbert, archevêque
de Vienne, en qualité d'abbé de St-Barnard, et les chanoines de cette église
au sujet de certaines redevances, et notamment des droits de pontonnage..
Cet acte est sans date ; mais l'archevêque Humbert II ayant occupé le siège
de Vienne de 1 207 à 1 2 1 5, la date approximative indiquée dans le mémoire,
avant / Jjj, est fausse, ainsi que celle du second titre, qui est devancée d'un
siècle, peut-être pour le besoin de la cause. La plupart des exemplaires
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. SÔg
la suzeraineté du rivage, quatre titres, de i322 à 1659. Il
insiste surtout sur les letires patentes d'Humbert II, sou-
vent mentionnées dans ce procès. Les réclamants forment
opposition à Tarrêt du conseil du 22 décembre lôgS, avec
défense au fermier du Domaine de les troubler dans leur
possession, à peine de i,5oo livres d'amende.
On trouve dans ce mémoire une relation de la destruc-
truction des archives du Chapitre, par les protestants, qui
les brûlèrent le 2 r octobre » S67, ainsi qu'il résulte du
procès-verbal dressé le surlendemain de l'incendie par le
juge royal de Romans. Celui-ci, comme il le raconte lui-
même, s'était transporté, « accompagné de deux bour-
geois, en la chambre appelée la Chambre des Comptes
du Chapitre, ayant vue sur l'Isère, en celle nommée la
Trésorerie, et dans un lieu voûté appelé le Cabinet de la
Magdeleine ; qu'il avait trouvé partout les portes et les
serrures forcées et brisées, les armoires enfoncées, sans
titres et sans papiers ; qu'il restait encore une odeur du
feu, des morceaux de ces titres parmi les cendres dans la
cheminée et au milieu du cabinet, des feuilles de papiers
éparses le long de la muraille et sur le bord de l'eau, m
Ce sont les documents échappés à ce désastre qui sont
exposés et analysés dans le présent mémoire. Il y est fait
mention d'une concession ou bail à ferme des droits de
pontonnage aux sieurs de Lesseins qui dura trente ans.
237. — Manifeste pour le Chapitre de Saint Barnard
signifié le 25 Mai ijiSy et sur lequel furent rendus le
jugement du Bureau des Finances du 18 septembre sui-
vant et V Arrêt qui. le confirma^ du 8 Août iji6, (De
portent, en ces deux endroits, une correction à la plume : environ les an-
nées 12 10 ou 121 1, pour le i*^ titre, tt : le 8 des ides d^ octobre (8 oct.)
/3J3 pour le second.
2' Série. XXXe Volume. — 1896. 24
370 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
rimprimerie d'André Giroud, imprimeur-libraire du Par-
lement, à la salle du Palais.)
In-fol. de 1 1 pp. (s. d.), signé : Fontenelle {lise:{ Fonte-
nille), délégué du Chapitre, Piedmont St-Disdier, A/ow-
sieur de Marinière, rapporteur^ Armand, procureur.
Ce mémoire répond à un Imprimé distribué au public
par le Procureur du Roi, et particulièrement à ses écritu-
res signifiées le 8 août ryiS, et à d'autres en date du 5
avril 17 14, où il conteste les droits du Chapitre sur Tune
et l'autre rive de l'Isère, sous prétexte que les lettres pa-
tentes du 12 avril 1348, par lesquelles Humbert II en fit
cession au Chapitre, sont fausses. Ce jour-là, en effet, un
autre acte du Dauphin le montre au camp devant Miri-
bel et le journal tenu par Pilati, secrétaire de ce prince,
confirmerait cet alibi. Le procureur affirme dès lors que
« presque toutes les allégations de possession insérées
dans les lettres patentes de \ 348, étaient autant de men-
songes bazardés par le Chapitre pour tâcher de surpren-
dre dans la suite des droits dont ils se disoit en posses-
sion ; » et il en conclut « que les privilèges du Chapitre ne
lui avoient jamais été concédés, qu'il les avoit usurpés sur
le fondement d'un acte qu'il avoit faussement fabriqué. »
Ces accusations, observe le délégué du Chapitre, sont
d'autant plus atroces que la vérité du contraire était par-
faitement connue de M. le Procureur du Roi. — Le pré-
sent mémoire a pour objet de les réfuter et de démontrer
la parfaite authenticité des lettres patentes délivrées par
Humbert II et datées du château de Beauvoir, où il était
parfaitement présent le 1 2 avril 1348.
338. — Manifeste (sans plus). (Impr. d'A. Giroud.)
Petit in-fol. de 14 pp. (s. 1. n. d.) Mêmes signatures.
Ce factum fait suite au précédent, qui est rappelé à la
première page. Il débute ainsi : « Le sieur syndic du
ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. Sy 1
Chapitre de Tinsigne Eglise coUégialle St-Barnard de la
ville de Romans se croit obligé, pour Tédification du pu-
blic, d'établir sur les propres actes de Monsieur le Procu-
reur du Roy au Bureau des Finances et Chambre du
Domaine, l'évidente calomnie de faux qu'il a voulu former
contre les patentes d'Humbert, dauphin, du 12 avril 1348,
contenant pactes et conventions entre ce prince et le Cha-
pitre, sur le prétexte d'une lettre donnée au camp devant
Miribel le même jour, 12 avril (348, et sur le Mémoire
ou Journal tenu par Pilati, secrétaire de ce prince. »
Le requérant réclame des dommages-intérêts pour le
préjudice très essentiel causé au Chapitre par les écritures
et imprimé de M. le Procureur du Roi. « On a distribué
« au public, dit-il, lesdites diffamations, et les choses ont
« été portées à ce point, que la plupart des vassaux et
a débiteurs du Chapitre de St-Barnard menacent de se
« soustraire à l'exécution des actes querellés de faux
« par M. le Procureur du Roi. » Il demande encore que,
dans les dommages-intérêts, on comprenne » aussi ceux
qui doivent suivre la félonie d'un vassal, c'est-à-dire de M.
le Président de la Croix de Pisançon, que son titre de
Président ne saurait soustraire à la peine de sondit crime
de félonie ; » que les termes injurieux contre le Chapitre
contenus tant dans lesdites écritures qu'imprimés soient
rayés, tant sur les copies que sur les originaux ; et
qu'enfin, le jugement qui interviendra soit affiché et pu-
blié dans la ville de Romans, Bourg et lieu de Pisan-
çon, aux endroits accoutumés. »
Dernière date exprimée : 4 mai 17 r4 ; mais cette pièce,
faisant suite à la précédente, est au plus tôt de 1716.
(A continuer.) Cyprien PERROSSIER.
LA PIERRE SANGLANTE
^ g ■
A Monsieur le Secrétaire de la Société cf Archéologie
de la Drame,
De passage à Marsanne, j'appris en questionnant un
habitant du pays, qu'il existait dans la forêt donnée à la
commune par les Poitiers, une pierre curieuse appelée la
Pierre Sanglante. A ce nom, l'imagination aidant, j'entre-
vis aussitôt le sujet de quelque terrifiante légende. Dans
mon auberge on avait bien ouï parler de la pierre ; mais
nul ne l'avait vue, et des légendes nul n'en savait le pre-
mier mot. Je résolus d'éclaircir le mystère, ei accompagné
d'un guide, les cinq kilomètres de distance furent vite fran-
chis. Voici les motifs de ma curiosité, car un homme sensé
doit toujours en avoir pour justifier sa conduite.
On prétend qu'à une époque inconnue des étrangers
envahirent la Gaule, apportant avec eux le culte des gran-
des pierres, ou monuments mégalithiques. La Pierre San-
glante pouvait bien être un de ces monuments, et alors,
j'avais un article tout prêt pour votre Bulletin, Quel
archéologue n'a de pas ces idées-là ? Je comptais d'autant
plus sur ma découverte que la Pierre en question a été
signalée comme un reste des croyances de l'homme pri-
mitif.
Sur la limite des communes de Marsanne, Roynac,
Grane et Roche-sur-Grane, au sommet par conséquent
LA PIERRE SANGLANTE. SyS
du plateau qui sépare la vallée du Roubion de celle de la
Drôme, se dressent des rochers découpés par Tair et la
pluie, ressemblant à des ruines, de là leur nom. Il y a
plus, le fort des Coquilles, connu de tous les géologues,
placé sur le territoire de Roche-su r-Grane, indice évident
de grands cataclysmes anciens, se trouve dans le voisi-
nage. N'étant pas géologue, je m'occupai aussitôt de ma
pierre.
Figurez-vous un bloc triangulaire, étendu par terre, de
la forme d'un silex taillé des âges préhistoriques, large en
bas et se rétrécissant peu à peu jusqu'à son sommet, avec
quatre cavités peu profondes, celle de la base presque
ronde, la deuxième longue en forme de navette et les deux
du sommet ovales.
En voici les dimensions: longueur totale, i"4o; plus
grande largeur, o^gi ; largeur moyenne, o"46 ; épais-
seur, o"3i.
Il suit de là que je ne trouvais devant moi ni menhir,
ni dolmen, ni cromlech, mais une pierre commune, vul-
gaire et sans cachet. D'où lui vient alors la qualification
de Sanglante ? Tout simplement de sables rouges et vio-
lets agglutinés par la nature et durcis par le temps.
Âdieu« pierre celtique, article et renommée ;
Mon rêve d'un instant s'en allait en fumée.
Je ne dirai rien de la légende recueillie sur place, car
elle est trop invraisemblable. Un chevalier en s'agenouil-
lant aurait produit la première cavité et les autres avec ses
mains et sa tête.
Alors c'était dans le temps que la pierre encore tendre
sortait seulement de l'eau !
Tout à vous, X.
i^i^i^ij^i^i^i' ] |iij|ii^i' J ^«^ij|^ijbiijfe y
L'INSCRIPTION
EN
SAINT-ANDRÉ-EN-ROYANS
■*-
M. le chanoine Perrossier, non content de signaler
cette inscription, en a donné l'estampage, et bien que
plusieurs lettres soient effacées, M. AUmer est parvenu
à la reconstituer et à lui donner un sens.
Cette inscription se trouve encastrée dans un mur du
château ayant appartenu à la famille d'Artus Prunier St-
André, premier président aux parlements de Provence
et de Dauphiné (i 548-1616), transformé actuellement en
maison d'école.
Voici en quels termes le savant directeur de la Revue
épigraphique du midi de la France^ livr. d'avril-maî-juin
1896, la décrit et l'interprète :
ce St- André-en-Roy ans, canton de Pont-en-Royans,
arr. de Saint-Marcellin, dép. de l'Isère. — Cippe ré-
cemment trouvé à Saint-André ; l'inscription renfermée
dans un encadrement de moulures. — Hauteur i m, 30,
largeur o m. 45 ; hauteur de la partie encadrée 1 m. 10 ;
largeur o m. 35.
D M
s AM M I A E
/l'ag//sti
N A E
5 /v/ > ////
ET/////C
////IMAE
l'inscription de saint- andré-en-royans. 375
s AMM I VS
/)Ri/nifvvs
10 V I vvs
ET
s I B I
ET • s • A • D •
Lettres de bonne forme du deuxième siècle. Ligne 3,
la première lettre peut-être un P ; ligne 5 , les deux pre-
mières MV ou NV ; lignes 10 et 1 1, à gauche un niveau
triangulaire avec son fil à son plomb, à droite probable-
ment une ascia aujourd'hui disparue ; à la dernière, VE
et le T de ET liés en un monogramme.
Diis Manibus Sammiae, Publii (?) libertae, Agresti-
nae ( ?) , * . . et... carissimae , Sammius Primitivus
vivus et sibi fecit et sub ascia dedicavii.
« Aux dieux Mânes de Sammia Agrestina, affranchie
« de Publius (Sammius), sa très chère, Sammius
« Primitivus a élevé ce tombeau, et de son vivant pour
« lui-même, et Ta dédié sous Tascia. »
Le nom de Sammius, rare ou même inconnu sur l'éten-
due de la commune romaine de Vienne, fréquent au con-
traire sur celle de Nîmes, s'est déjà rencontré sur une
inscription du pays : Tépitaphe d'un Sammius Tertiolus,
fils d'un Sammius Connius, découverte à Saint- Laurent-
en-Royans, village voisin de Saint-André, mais apparte-
nant au département de la Drôme (i).
Situés à la gauche de l'Isère, les deux villages devaient
faire autrefois partie de la cité des Voconces. »
La Société remercie M. AUmer et M. le chanoine
Perrossier de leur bienveillant concours.
(i) Guy Allard, Dictionnaire historique^ en signale un à Grenoble.
^i > fW%rWMWv « M»wvwvwi»wvqtf aMi a» i(^ wa tf M iS(^vatfvW vW^
NÉCROLOGIE
^tt-
MONTAIGNE (Gabriel-Léon de) comte de Poncins
Le 30 août dernier, au château du Palais, près de Feurs
(Loire), s'éteignait subitement un homme de bien, qui réu-
nissait à un haut degré toutes les qualités de l'esprit et du
cœur. Président de la société historique et archéologique
de la Diana, à Montbrison, et membres de plusieurs autres
sociétés savantes, M. le comte de Poncins appartenait à une
famille considérable du Forez, dont il rehaussait encore l'il-
lustration par les charmes d'une exquise bienveillance envers
tous. Son dévouement et ses services gracieux, en le rendant
populaire, lui avaient concilié l'estime et l'affection géné-
rales, sans distinction de parti. Le caractère imposant de
ses funérailles a révélé les regrets unanimes causés par son
trépas si prématuré.
Son érudition et sa grande intelligence lui avaient créé
une place importante dans les belles-lettres, l'archéologie
et les sciences historiques et son travail sur les Cahiers de
1789 n'était certainement qu'une préface pour de nouvelles
études. Lorsque le temps aura un peu atténué une douleur
à laquelle s'associent tous les collègues du regretté défunt,
sa famille recherchera, sans nul doute, ses manuscrits pour
les publier et éterniser ainsi sa mémoire.
PALLIAS (Honoré)
Nous signalerons simplement aujourd'hui une nouvelle
perte pour la Société, celle de M. Pallias, ancien négociant
à Lyon. Comme ce bienfaiteur mérite à tous égards une no-
tice biographique complète, nous attendons des renseigne-
ments précis pour la publier dans la prochaine livraison.
A. Lacroi](.
SÉANCE DU 16 JUILLET 1896
PRESIDENCE DE M. DE GALLIER
Lecture est donnée d'une circulaire de M. le Ministre de
l'Instruction publique relative au 35® congrès des sociétés
savantes qui s'ouvrira le 20 avril 1897, à Paris, et du pro-
gramme des questions à y traiter.
M. Brun-Durand s'excuse de ne pouvoir assister à la
séance.
M. le Président fait connaître une proposition de M. Thiol-
lier, archéologue distingué, au sujet de l'étude qu'il prépare
sur le clocher de la cathédrale de Valence et pour la publi-
cation de laquelle il désirerait le concours de la Société.
Les membres présents proclament hautement l'importance
d'un semblable travail, émanant d'un écrivain et d'un artiste
qui a fait ses preuves, et s'il suffisait de leurs suffrages et
d'un concours moral, l'auteur les obtiendrait sans retard et
sans restriction ; mais il s'agit d'un volume grand in-4* avec
dessin dans le texte, huit planches hors texte et photogra-
phie des chapiteaux de la région, dont la dépense pour la
société s'élèverait, au maximum, à 400 fr., le surplus de-
meurant à la charge de M. ThioUier.
Cette proposition fort avantageuse serait accueillie avec
reconnaissance, si les ressources financières de la Société
lui permettaient de disposer de la somme nécessaire ; mal-
heureusement elles sont très limitées, et M. ThioUier sera
prié d'agréer l'expression de nos regrets.
Une lecture sur l'histoire de Romans, suivie d'observations
intéressantes de M. Nugues, termine la séance.
A, Lacro[x.
CHRONIQUE
OUVRAGES REÇUS
DONS DU MINISTÈRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE
bulletin du Comité des travaux historiques et scienti-
fiques. — Section des sciences économiques et sociales, —
Congrès des Sociétés savantes de i8g6. Imprimerie na-
tionale, 1896. I vol. in-8®, 297 p. On y trouve une brève
analyse de la notice sur l'association ouvrière de Grenoble
des Frères cordonniers et tailleurs^ lue par M. de Beylié,
président de la Société de Statistique de V Isère, Elle avait
été fondée à Paris, au temps de la Fronde, obligeait ses
membres au célibat, à la vie commune selon des statuts
à la fois religieux et disciplinaires. Un costume laïque
uniforme leur était imposé, et avec les produits, les dé-
penses une fois payées, on secourait les parents des asso-
ciés, les ouvriers pauvres, les maîtres nécessiteux et les
pauvres en général. Aucune reprise ne revenait au mem-
bre sortant, mais il recevait un secours.
— Journal des Savants^ livraisons de juillet et août.
— Romania. Recueil trimestriel consacré à V études des
langues et des littératures romanes^ publié par Paul
Meyer et Gaston Paris. — Juillet, 1896.
DONS DES AUTEURS
Beauvoir et St-Antoine. — Course archéologique de
V Académie delphinale. Grenoble, i8g6. F. Allier. Broch.
in-8®, 48 p. Compte rendu d'un charmant voyage aux
CHRONIQUE. 379
ruines d'un château delphinal et à la belle église des An-
tonins. M. Marcel Reymond a retracé fort habilement les
détails artistiques du monument visité et rappelé à grands
traits l'histoire d'un ordre célèbre par sa charité et son
dévouement.
-— Louis XI et les Vaudois du Dauphiné (document
inédit de 1479), P^^M. Arnaud. Paris, Imprimerie natio-
nale, 1896. In-8% 6 p. Utile à consulter et curieux.
— Essai historique sur l'église et la ville de Die^ par
le chanoine Jules Chevalier, professeur d'histoire au
Grand-Séminaire de Romans. Valence, J. Céas, 1896.
I vol. in-8% 6tD p. — Tome second, de 1277 a i5o8.
Ce travail important, consciencieux et remarquable,
fera l'objet d'un article dans la prochaine livraison.
— Robespierre^ ses principes^ son système politique^
par Anatole de Gallier. Extrait de la Revue des questions
historiques. L'auteur connaît dans tous ses détails l'his-
toire de la Révolution et sait photographier en quelques
mots chacun des personnages de l'époque. S'il les étudie
de près, sa plume devient un pinceau d'artiste et Ton a un
tableau ressemblant et complet.
— Une équipée de Rican Corvi, coseigneur d^Aubignan^
contre V abbaye de Silvacane^ en i358, par Lucien Gap,
instituteur. Avignon, 1896, Seguin. Br. in-8% 12 p. C'est
là une étude sérieuse sur les violences commises à Silva-
cane et sur l'un des auteurs, Rican Corvi, seigneur d'Au-
bignan, gros bourg du canton-nord de Carpentras.
— F. Gauduel : Les châteaux et maisons-fortes du
Viennois et de la terre de La Tour pendant la féodalité.
La Bâtie de Jallieu. Bourgoin, 1896, Rabilloud. Broch.
in- 12, 60 p. — ChaudenoUy même imprimeur. Br. in- 12,
59 p.
Des ruines couronnent la plupart des coteaux en Dau-
38o SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
phiné et nul ne peut les expliquer, ni même donner les
noms des personnages plus ou moins illustres qui les ha-
bitaient. M. Gauduel a eu le bon esprit de combler ces
lacunes de notre histoire et ses recherches minutieuses
nous ont déjà révélé le passé d'Antouillet, Ghaudenou et
La Bâtie-Jallieu. De pareilles études méritent les encou-
ragements et les félicitations de tous les amis de la pro-
vince.
— Rapport de M. V Archiviste du département des
Hautes-Alpes, par M. P. Guillaume. Br. in-8% 8 p. On
y trouve la preuve du zèle de ce laborieux et savant
collègue.
— Recherches historiques à propos des entrées des
évêques de Die dans leur ville épiscopale^ par Gustave
Latune. Valence, 1896, Ducros. i vol. in-8*', 104 p.
Dans les siècles passés, la ville de Die s'ouvrait par trois
portes: St-Marcel, au levant, monument historique, St-
Vincent, au midi et St- Pierre, au couchant. Cette der-
nière, avec ses blocs de pierre à peine dégrossis, encas-
trés dans un mur d'enceinte du moyen âge, n'offrait
certainement aucun détail d'architecture digne d'être re-
marqué ; mais elle symbolisait les droits de la commune
vis-à-vis de l'évêque, seigneur temporel, et rappelait aux
habitants les souvenirs les plus chers. Elle a été démolie
en 1892, comme trop gênante pour la circulation ; elle
méritait donc de vivre dans l'histoire. Tel est le but du tra-
vail de M. G. Latune. Pour le rendre intelligible, l'auteur
a recherché avec soin tous les détails des entrées épisco-
pales et surtout reproduit les libertés municipales dont
l'observation devait être jurée à ce moment-là. A ce point
de vue, son livre touche à l'histoire de la ville et du dio-
cèse de Die et présente un intérêt soutenu, à l'aide d'une
CHRONIQUE. 38 1
exposition claire et savante et d'un style agréable et très
littéraire. On y voit rattachement de nos pères à leurs
franchises municipales et les efforts de la population pour
arriver à l'émancipation nationale, à force de courage et
d'énergie.
— Notice sur V astronome Flaugergues de Viviers^ par
Mazon. Privas, Imprimerie Centrale de TArdèche, 1896.
Br. in-8% 70 p. A la biographie documentée du savant
s'ajoutent de nombreux détails sur la météorologie et l'his-
toire locales. L'auteur a donc rendu un important service
en nous révélant cette illustration vivaroise. Pierre-Jules-
Antoine- Honoré Flaugergues, baptisé à Viviers le 16 mai
1755 et décédé en i83o, n'a pas seulement une pierre tu-
mulaire au cimetière de Viviers, alors qu'il mériterait au
moins un buste sur la place de THôtel-de-Ville, en face
de sa maison. En attendant, M. Mazon éternise sa mé-
moire.
— Etienne Mellier : Le comte Jean-Pierre ^achasson
de Montalivet^ maire de Valence^ minisire de V Intérieur^
pair de France {i'j66-\82?>). Valence, Granger et Legrand,
1896, un vol. in-8°, /34 p. Avec beaucoup d'érudition et
d'esprit, l'auteur a parfaitement su mettre en relief la
grande figure d'un administrateur remarquable et par ses
talents et par ses services. On trouve aussi dans son livre
de curieux détails sur le sculpteur de la statue, et sur les
retards apportés à son inauguration qui a eu lieu enfin
le 12 septembre (895.
— Notice littéraire sur Mgr Vigne^ archevêque d'* Avi-
gnon^ par M. l'abbé Perrossier, chanoine honoraire de
Valence, archiviste diocésain. Valence, J. Céas, 1896.
Br. in.8% 28 p.
Les lecteurs du Bulletin ont déjà pu apprécier ce tra-
vail aussi agréable à lire que documenté.
382 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique.
— Le président Bonjean. Discours prononcé à la dis-
tribution des prix du Petit-Séminaire Notre-Dame de
Valence^ le 2 S juillet i8g6^ par Tabbé D. Reboulet, pro-
fesseur de rhétorique. Valence, Imprimerie Valenti noise,
1896. Br. in-8°, ii5 p. M. Bonjean, enfant de Valence,
arrivé par son travail et son mérite à la représentation de
la Drôme en 1848, sénateur en i855, premier président à
Riom en i863 et aussi président à la Gourde cassation
demeura toujours fidèle à sa devise : « Là où est le danger,
là est la place du magistrat. » Sa mort courageuse, le 24
mai 1871, a prouvé qu'il savait tenir parole. M. Reboulet
a parfaitement dessiné cette grande figure.
- Emile Augier, Sa famille, son temps et son oeuvre^
par un Valeniinois, avec une bibliographie par M. A. G.
Ouvrage orné d'un portrait et de deux simili-gravures
hors texte. Valence, i8q6, Villard et Brise. VoL in- 16,
143 p. Gette œuvre d'un débutant ne manque ni de ca-
chet ni d'indépendance ; elle est surtout complète au
point de vue de la carrière littéraire du fécond acadé-
micien dont la statue orne une des plus belles places de
Valence.
— Généalogie de la famille Saurel de Malaucène. Mar-
seille, i883. Broch. in-8% 16 p.
Deux écrivains de talent l'ont illustrée de nos jours.
L'un, Alfred, a publié de nombreux et intéressants tra-
vaux sur Marseille et sur le département des Bouches-du-
Rhône; l'autre, Ferdinand, chanoine honoraire de Mont-
pellier, officier d'académie, correspondant du Ministère
de rinstruction publique, secrétaire de l'Académie des
sciences et lettres de Montpellier, a tout récemment enri-
chi la bibliothèque de notre Société des brochures et vo-
lumes dont voici les titres :
CHRONIQUE. 383
— A/. Vabbé Guiméty^ chanoine honoraire de Nîmes
et d'Avignon^ curé de St-Charles (Nîmes), Notice nécro-
logique. NÎQies, 1888, Lafare. Br. in-8**, 11 p.
— Eloge funèh^e du même, prononcé dans Véglise pa-
roissiale le 20 décembre iSi^S^ par l'abbé Edmond Cha-
pot, missionnaire apostolique. Nîmes, 1889, Lafare. Br.,
23 p.
— Un Savant historien de Provence : Alfred Saurel.
Etude biographique^ par Laurent de Gavoty, 2® tirage.
Marseille, 1889. Br. in-8% 63 p.
— Vie de Mgr de Villeneuve, évêque de Viviers et de
Montpellier^ par Tabbé Ferdinand Saurel. Montpellier,
1889. Br. in-8% 67 p.
— Un Sanglant Episode sous la Terreur à Montpel-
lier, ^affaire dite des galettes, par M. le chanoine Sau-
rel. Montpellier, i885, Firmin et Montane. Broch. in-8%
12 p.
— Episode de chouanerie. Les brigands royaux dans
V Hérault et autres départements du Midi sous la Répu-
blique et le Consulat^ d'^après les documents originaux et
inédits^ par le chanoine F. Saurel. Montpellier, 1893,
Boehm. Vol. in-8% 126 p.
— Histoire religieuse du département de V Hérault
pendant la Révolution^ par le chanoine F. Saurel. Paris,
Champion, 1884-85-86. 4 vol. in-8° ; le i*"'de 334 P--. le
2® de 345, le 3® de 366, le 4® de 3ro. Le 4* volume con--
tient l'histoire religieuse de l'Hérault pendant le Consulat
et les premières années de l'Empire.
Cette liste rend témoignage du zèle et des travaux de
notre bienveillant collègue, aussi intrépide chercheur que
brillant écrivain. Qu'il veuille bien agréer nos félicitations
et nos remercîments.
rs:::
s.
:*-^^
u^
^J:
384 SOCIÉTÉ d'archéologie ET DE STATISTIQUE.
Nous signalerons dans les publications reçues pendant
ce trimestre :
Dans les Annales du Midi^ Revue archéologique histo-
rique et philologique de la France méridionale^ un arti-
cle de M. Tamisey de La Roque, sur le cardinal d'Arma-
gnac et François de Seguins , d'après des documents
inédits.
Dans les Mémoires et procès-verbaux de la Société
agricole et scientifique de la Haute-Loire^ de 1894 et
1895, un premier article sur la Bibliographie du Velay et
de la Haute-Loire, par M. Louis Pascal, qui sera un
guide précieux pour tous les chercheurs.
Dans le Bulletin d'^histoire ecclésiastique et d'archéolo-
gie religieuse des diocèses de Valence^ Gap^ Grenoble et
Viviers^ une histoire de la baronnie de Bressieux, par
M. Tabbé Lagier, avec la collaboration de M. Gueyffier,
juge de paix à Bressieux, et la Bibliographie historique
de Grenoble au moyen âge, par M. le chanoine Ulysse
Chevalier, correspondant de l'Institut.
Dans le Sylphe^ organe des littéf^ateurs du Dauphiné^
n** de juillet 1896, un sonnet de M. Louis Gallet, et un
Adieu aux Saisons, par M. J. Jullian.
Dans la Semaine religieuse du diocèse de Valence^ une
biographie de M. le chanoine Saint-Donat, écrivain né
à Roche-sur-Buis, récemment décédé.
Dans la Semaine religieuse du diocèse de Viviers^ une
étude sur le chanoine de Bannes, chroniqueur de mérite,
dont les œuvres sont restées manuscrites, malgré les ren-
seignements précieux qu'elles renferment, et une lettre de
M. Ch. Didelot, relative à l'architecte Pierre Bossan.
A. Lacroix.
■\-
J*J Wti
M
TABLE ALPHABÉTIQUE OU TOI XXX
(ANNÉE 189 6)
Bouvières, par M. A. Lacroix 275, 335
Chronique, par le même 89, 187, 285, 389
Claude Frère est-il né a Valence ? par M. Roger
Vallentin 226
Claude Frère, par M. Brun-Durand 289
ESCALIN, PATRE, AMBASSADEUR ET GÉNÉRAL DES GaLÈRES
de France. Recueil de documents sur sa vie, par
M. le comte d'Allard 49, 137, 256, 353
Essai de bibliographie romanaise, par M. le chanoine
Cyprien Perrossier 66, 163, 244, 366
La pierre sanglante a Marsanne 372
Les artistes valentinois a l'époque de la Renais-
sance, par M. Roger Vallentin 97
Les Guerin de Tencin, par M. A. Lacroix 89
L'inscription de St-André-en-Royans, par M. Allmer. 374
Liste des Sociétés savantes qui échangent leurs pu-
blications AVEC CELLE DE LA DrÔME 198
Mémoires pour servir a l'histoire des comtés de Va-
lentinois ET DE Diois, par M. le chanoine Jules
Chevalier 28, 115, 200, 295
/
{ I M. BOREL-SOUHEYRAX 185
M. le comte d*Allard ....... 185
Nécrologies : { M. le chanoine Rouchier 185
M. Bergerox 281
M. le comte de Poncins 376
Notice historique sur le vignoble de St-Péray, par
M. Roger Vallentin 5
Notice littéraire sur Mgr Vigne, archevêque d'Avi-
gnon, par M. le chanoine Perrossier. . . . 171, 210
Remarques sur Ursoli (St-Vallier) entre Tegna (Tain)
et Figlinis (Andancette), par M. Albert Caise . . 85
Idu 21 octobre 1895 88
du 13 avril 1896 282
du 16 juillet 1896 373
Tableau des membres de la Société 193
Tramway de la Galaure (le), par M. A. Lacroix, 75, 153
[232, 348
Trésor de Die (le), découvert le 2 mars 1883, par
M. Caprais-Favier 316
Une lettre du citoyen Fayolle au sujet de l'insur-
rection DU 31 MAI 1793, par M. Albert Caise . . . 110
L'arrondissement de Nyons (pagination à part). 233, 249
[265, 281
yNiyiRSITY OF MICHIQAN
3 9015068616379